Au sommaire :
– Panorama des baux commerciaux –
– Section 1 – Application ou non du statut – p 2
Requalification en bail – Départ de la prescription biennale
Bail dérogatoire – Non application de l’article 1738 du code civil
Convention d’occupation précaire
– Section 2 – Loyer et valeur locative – p 3
Loyer du bail révisé – Fixation à la valeur locative
Clause d’échelle mobile – Loyer à prendre en considération
Renonciation conventionnelle à la révision judiciaire – Fixation à la valeur locative
– Section 3 – Obligation de délivrance – Cession – p 5
Obligation de délivrance du bailleur – Locaux amiantés
Cession du bail commercial – Inopposabilité
– Section 4 – Congés – p 6
Congé : computation des délais
Congé avec refus de renouvellement – Nouveau commandement
– Section 5 – Prescription – p 7
Indemnité d’occupation – Point de départ du délai de prescription
Renouvellement tacite du bail – Prescription de l’action
Action en dénégation du statut – Prescription
Action en rétractation de congé – Point de départ de la prescription
– Section 6 – Droit de préemption du locataire – p 10
Exclusion des ventes aux enchères publiques – Cession globale
Conditions de la vente – Exclusion de la commission d’agent immobilier
Saisie immobilière
– Section 7 – Expiration du bail – p 11
Clause de résiliation de plein droit – Nécessité d’un acte extrajudiciaire
Clause résolutoire – Bonne foi du bailleur
Refus du droit au maintien dans les lieux – Préjudice – Expert judiciaire
Non renouvellement du bail – Contrat de location-gérance
Destruction de la chose louée
– Rencontres – p 16
Herbert Smith Freehills : le big data au service de la recherche de constructibilité / La FFB et LCA FFB alertent sur la baisse de la construction
E ntre précarité et bénéfice du statut exis- tent en droit positif deux mécanismes juri- diques distincts. Le bail dérogatoire, que certains praticiens dénomment à tort bail précaire, et la convention d’occupation précaire. Dans quelles conditions peut-il y avoir requalification en bail? Certaines dis- positions du code civil sont-elles appli- cables? 1°) Requalification en bail – Départ de la prescription biennale Les faits : Une société Hôtel Pension Floride exploite un fonds de commerce d'hôtel dans les locaux que la SCI Casaflore lui a donnés à bail en 1946. Le 1 er janvier 1989, les consorts B lui ont donné à bail un ter- rain contigu à celui de l'hôtel à usage de parking pour une durée d'un an renouve- lable par tacite reconduction. Le 25sep- tembre2012, les bailleurs ont donné congé à la locataire pour le 31décembre suivant; le 12décembre2012, celle-ci les a assignés en nullité du congé au motif que ce congé n'était pas conforme aux disposi- tions du statut des baux commerciaux. Les bailleurs ont alors soulevé la prescription biennale de l'action. Pour déclarer recevable l'action, l'arrêt (cour d’appel d’Aix-en-Provence, 5juillet2016) retient que, le bail consenti à la société Hôtel Pension Floride, immatricu- lée au registre du commerce et exploitant un hôtel sur une parcelle contiguë, étant susceptible de relever du statut des baux commerciaux sous réserve de répondre aux conditions de l'article L. 145-1 du code de commerce. La location s’est poursuivie pendant plus de vingt-trois ans à usage de parking réservé aux clients de l'hôtel, au vu et au su du bailleur, l'action en nullité du congé ne pouvait être engagée par la société locataire qu'à partir de la date à laquelle lui avait été dénié le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux. La décision : La Cour de cassation, au visa de l’article L.145-60 du code de commerce, casse l’arrêt au motif que le point de départ de la prescription biennale appli- cable à la demande tendant à la requalifi- cation d'une convention en bail commer- cial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants suc- cessifs. Commentaire: I l est difficile de dire si l’ac- tion en requalification en bail commercial, abstraction faite du problème de la pres- cription, avait des chances d’aboutir pour ce terrain à usage de parkings. Il ne s’agis- sait pas de locaux accessoires les proprié- taires étant différents et, au demeurant, le statut est souvent refusé pour des garages et emplacements de stationnement (Cassa- tion, Com, 26avril 1964, BC III n°441). Quant à la location de terrain nu, elle ne peut bénéficier du statut que si des construc- tions y sont érigées avec l’accord du bailleur (article L.14561 du code de commerce). Reste alors l’aspect du litige relatif à la prescription. Il s’agit ici de la prescription biennale et la décision est cassée au visa de l’article L.145-60. La jurisprudence a admis celle-ci pour la requalification d’un contrat de location-gérance « ayant exactement retenu que la demande reconventionnelle de requalification du contrat de location- gérance en contrat de bail commercial était soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce dès lors qu'elle tendait à voir reconnaître à M mes Y… le bénéficie du statut des baux commerciaux » (Cassation, 3 e civ., 29octobre 2008, n°07-16185). Ce point acquis, reste alors le point de savoir quel est le point de départ de la prescription biennale. Pour un contrat de location- gérance modifié par avenants, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé que le délai de prescription courait à compter de la conclusion du contrat modifié par avenant (Cassation, 3 e civ., 3décembre2015, n°14 19146). La Cour de cassation dans l’arrêt susvisé main- tient sa jurisprudence pour le point de départ. Dans cette espèce, le bail était conclu pour un an avec tacite reconduc- tion. Selon l’article 1738 du code civil, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations. Le bail qui se forme comporte les mêmes clauses et conditions que le bail précédent (Cour de cassation, Com., 6mai 1953, BC III n°160). Fallait-il considérer que l’action en requalification était transmise à chaque renouvellement de bail? La Cour de cassa- tion rend une décision qui semble fondée sur le désir de ne pas laisser se perpétuer des relations conflictuelles ou pouvant donner lieu à conflit. (Cour de cassation, 3 e civ, 14septembre2017, n°16-23590, consorts B. c/ société Hôtel Pen- sion Floride). 2 °) Bail dérogatoire – Non applica- tion de l’article 1738 du code civil Les faits : Le 14juin 2010 un bail déroga- toire est conclu entre la société TD Montar- gis pour une durée de quatre mois et deux locataires, la société JB Galerie et M. Y… Ceux-ci se maintiennent dans les lieux à l’échéance du 14octobre 2010. Ces pre- neurs donnent congé pour le 15avril2012 et rendent les clés le 21mai2012. C’est alors que la bailleresse assigne les preneurs au paiement de diverses sommes posté- rieures au 14octobre 2010. Elle soutient que le bail dérogatoire s’est changé en bail commercial et réclame en conséquence le paiement des loyers et charges dus jus- qu’au 13octobre2013, date de l’expira- tion de la première échéance triennale. Les locataires refusent ce raisonnement. Un procès s’ensuit et les juges d’appel (cour d’appel de Paris, 24juin2016) déboutent les ex-locataires qui se tournent vers la Cour de cassation. La décision : La Cour rejette le pourvoi: « quelque soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les articles L. 145-1 et suivant du code de commerce; ayant relevé que les preneurs s’étaient mainte- nus dans les lieux à l’issue du bail déroga- toire fixée au 13octobre 2010, la cour d’appel en exactement déduit qu’en appli- cation de l’article L.145-3 du code de com- merce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18juin2014, un bail sou- mis au statut des baux commerciaux avait pris naissance le 14octobre 2010 ». Commentaire: La matière du bail déroga- toire a donné lieu à une abondante juris- prudence. Selon les deux premiers alinéas de l’article L.145-5 du code de commerces, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux disposi- tions du chapitre contenant statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. À l'expi- ration de cette durée, les parties ne peu- vent plus conclure un nouveau bail déro- geant aux dispositions du chapitre conte- nant statut des baux commerciaux pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. 1 6juillet 2018 2 A PPLICATIONOUNONDUSTATUT JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 1 Section 1: Application ou non du statut
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à comp- ter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau b ail dont l'effet est réglé par les disposi- tions du chapitre contenant statut des baux commerciaux. Si la possibilité de conclure des baux suc- cessifs est énoncée depuis 2008, en revanche la loi Pinel de 2014 a porté la durée maximale du bail à trois ans et expli- cité la date à laquelle prend fin le bail. S’agissant de la notion d’entrée dans les lieux du preneur, la jurisprudence énonce qu’il s’agit de la prise de possession des locaux en exécution du bail dérogatoire (Cassation, 3 e civ. 2mars2017, n°15- 26068). Pour l’expiration du bail, la juris- prudence est classique, du moins sous l’em- prise du droit antérieur à la loi Pinel. Ce qui est surtout intéressant dans cette juris- prudence, c’est qu’elle écarte l’application de l’article 1738 du code civil selon lequel si, à l’expiration des baux écrits (les baux à durée déterminée), le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit, c’est-à-dire un bail résiliable à tout moment. Or, le preneur soutenait qu’à l’échéance des quatre mois, il s’était opéré un nouveau bail résiliable à tout moment étant précisé qu’il convenait de l’inscrire dans la limite de deux ans (applicable à l’époque) date butoir pour la résiliation du bail. Ce raison- nement est condamné par la Cour de cas- sation et cette solution doit être approu- vée: la finalité du bail dérogatoire est de se référer à une période à durée détermi- née permettant à l’acquéreur de tester ses locaux et la fiabilité de son projet écono- mique ce qui a pour contrepartie une sécu- rité du bailleur quant à la durée ferme du bail. La solution de la Cour est conforme à l’esprit et à la lettre du bail dérogatoire. On peut d’ailleurs noter que les parties auraient pu conclure, comme le permettait la loi du 4août 2008, des baux successifs ce qui aurait évité un contentieux. (Cassation, 3 e civ, 8juin2017, n°16-24045, M.X c/société TD Montargis). 3°) Convention d’occupation précaire Les faits : Par acte authentique du 3 1décembre 2008, qualifié de bail précai- re, la SCI Thi donne à bail à M. et M me X… un local commercial à usage de restaura- tion rapide pour une durée de 23 mois. Par acte du 29octobre 2010, elle leur a signifié la fin du bail au 30novembre 2010; les preneurs s'étant maintenus dans les lieux, une ordonnance de référé a prononcé leur expulsion; cette ordonnance ayant été réformée, après avoir été mise à exécution, M.et M me X… ont assigné la SCI Thi en réintégration dans les lieux en réparation de leur préjudice. Les preneurs succombent en appel (cour d’appel de Besançon, 10février 2015). Ils estimaient notamment que la preuve n'était pas rapportée de cir- constances particulières objectives, rendant nécessaire la conclusion d'une convention d'occupation précaire. La décision : « Attendu qu'ayant constaté que la convention indiquait que les parties renonçaient expressément à l'application du statut des baux commerciaux et relevé que les preneurs avaient l'intention d'es- sayer, pendant une durée limitée, une nouvelle activité de restauration rapide accessoire à celle de bar qu'ils exerçaient déjà dans un local contigu, la cour d'appel, qui a pu retenir que cette circonstance par- ticulière justifiait la conclusion d'une convention d'occupation précaire, a exac- tement déduit, de ces seuls motifs, sans fai- re produire effet à une renonciation pré- maturée au bénéfice du statut, que les preneurs ne pouvaient se prévaloir d'un bail commercial et devaient restituer les lieux à l'expiration de la convention ». Commentaire: Depuis longtemps, le droit positif reconnaît l’existence des conven- tions précaires excluant l’application du statut des baux commerciaux et parfois confondues avec le bail dérogatoire. Au demeurant, son prix n’est pas un loyer mais une redevance. Dans le système juri- dique antérieur à la loi Pinel de 2014, la définition était jurisprudentielle. Dans un arrêt de 2004, affinant sa jurisprudence, la Cour de cassation décidait que pour qu’il y ait convention précaire, il fallait l’existence d e circonstances particulières autres que la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité (Cassation, 3 e civ., 9novembre 2004, n°03-15084). De telles conventions étaient souvent prati- quées dans des immeubles promis à la démolition. À titre d’exemple pratique, on peut citer le cas de la situation exception- nelle d’un terrain dans la proche périphé- rie de la ville de Decazeville où, dans le meilleur intérêt de la population de la commune, il était envisagé de créer une zone industrielle destinée aux petites et moyennes entreprises et industries. Le prix était constitué d'une très modeste rede- vance pour un terrain d'une surface de près d'un hectare urbanistiquement et économiquement stratégique. La durée de la location portée à cinq ans n’ôtait nulle- ment à celle-ci sa précarité et manifestait seulement le souci de la commune de per- mettre à la société Unibéton de rentabili- ser ses investissements (Cassation, 3 e civ. 16février 2000, n°97-13572). Depuis la loi Pinel de 2014, la convention d’occupation est définie par la loi comme étant une convention qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'oc- cupation des lieux n'est autorisée qu'à rai- son de circonstances particulières indépen- dantes de la seule volonté des parties (code de commerce, article L.145-5-1). Une telle convention échappe au statut des baux commerciaux. Or, l’arrêt que nous commen- tons est des plus critiquables. La condition de précarité ne semble pas remplie. L’occu- pant était désireux d’exercer une nouvelle activité de restauration rapide à côté du local qu’il louait, mais le seul aléa résultait des incertitudes du commerce et de la vie économique comme en rencontrent tous ceux qui bénéficient de baux commerciaux. Dans cette espèce, il nous semble évident que le bail dérogatoire s’imposait. (Cassation, 3 e civ., 9février 2017, n°15-18251, M.et M me X… c/ SCI Thi). 1 6juillet 2018 3 A PPLICATIONOUNONDUSTATUT JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 1 Section 2: Loyer et valeur locative Le prix du bail, le loyer, est en principe fixé à la valeur locative. Mais l’institution du plafonnement vient perturber quelque peu ce droit à la valeur locative. Les bailleurs font tout pour écarter le plafon- nement et bénéficier de la valeur locative supposée plus intéressante. Cette notion suscite des questions. Quand y a-t-il lieu d’appliquer cette valeur lors du renouvelle- ment du bail? Quelles sont les incidences en cas de clause d’échelle mobile? La volonté des parties peut-elle écarter la révision judiciaire et appliquer la valeur locative?
1°) Loyer du bail révisé – Fixation à la valeur locative Les faits : Un bail conclu entre la société D omegest (bailleresse) et la société Alain Domin (preneur) contient une clause d’in- dexation stipulant que le loyer fixé sera révisable à l’expiration de chaque période triennale d’après les variations de l’indice Insee du coût de la construction ou d’après les dispositions légales et réglementaires s’imposant aux parties. La société Dome- gest demande que le loyer soit fixé à la valeur locative. Un litige s’ensuit et la cour d‘appel (Reims, 24mars 2015) voit dans cette stipulation contractuelle une clause d’échelle mobile et non un simple rappel de la révision légale. Depuis le 6janvier 2012, le loyer entre le dernier renouvelle- ment et l’application par le juge de la clau- se d’échelle mobile au troisième trimestre 2001 montre une augmentation de 27,07%. La bailleresse invoque la modifi- cation des facteurs locaux de commerciali- té et sollicite à titre subsidiaire une experti- se aux fins de déterminer la valeur locative du local donné à bail. Le juge rejette la demande au motif qu'aucune pièce n'est produite visant à établir la modification notable des facteurs locaux de commercia- lité, ainsi que de la valeur locative du local alléguées et que l'expertise sollicitée à titre subsidiaire n'a lieu d'être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclai- rer le juge et qu'elle n'est pas destinée à suppléer la carence des parties dans l'admi- nistration de la preuve. Il n’y a donc pas de fixation à la valeur locative. La décision : La Cour de cassation au visa des articles4 et16 du code procédure civi- le ainsi que de l’article L.145-39 et R.145-22 du code de commerce, casse l’arrêt au motif qu'en statuant ainsi, alors que la société Domegest demandait la fixation du loyer à la valeur locative par application de l'article L. 145-39 du code de commerce et alors qu'elle avait constaté qu'à la date de la demande, le loyer avait augmenté de 27,7% par rapport au prix précédemment fixé contractuellement la cour d'appel, qui devait adapter le loyer à la valeur locative au jour de la demande, a violé les textes susvisés. Commentaire: En présence d’une clause de révision d’ordre public, l’article L.145-39 du code de commerce constitue l’un des deux modes de révision judiciaire du loyer. En application de cet article, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un q uart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Quant à l’article R.145-22 du code de commerce, il dispose que le juge adapte le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande. La jurisprudence précise que le juge doit en l’absence de critères applicables à la loca- tion concernée, recourir aux dispositions de l’article L.145-33 du code de commerce qui fixe les éléments de la valeur locative. Ainsi, en présence d’une clause d’échelle mobile il peut y avoir lieu à révision et fixa- tion à la valeur locative des éléments de celle-ci. Dans ces conditions, l’arrêt de la cour d’appel ne pouvait qu’être censuré. (Cour de cassation, 3 e civ., 3novembre2016, n°15-17905, société Domegest c/ société Domin). 2°) Clause d’échelle mobile – Loyer à prendre en considération. Les faits : La SCI rue de La Pompe conclut un bail commercial selon acte du 20octobre 1999. Le 29décembre 2009, la locataire forme une demande de renouvel- lement restée sans réponse. Elle demande en application des dispositions de l’article L.145-39, la révision du loyer faisant valoir qu’au 1 er juillet 2010, la valeur locative par le jeu de la clause d’échelle mobile figu- rant au bail venu à expiration, il en était résulté que le loyer avait augmenté de plus d’un quart par rapport à la valeur ini- tiale. Un litige s’ensuit et le juge d’appel rejette la demande du locataire. La décision : La Cour de cassation approuve le juge d’appel (cour d’appel de Paris, 20mai 2015): «ayant relevé que la deman- de de renouvellement notifiée par la loca- taire, le 24décembre 2009, avait mis fin au bail du 20octobre 1999 et qu'un nouveau bail avait pris effet le 1 er janvier 2010, défi- nissant un nouveau loyer, fût-il égal au montant du loyer qui était en cours sous le précédent bail, et retenu à bon droit que le loyer à prendre en considération pour apprécier la variation d'un quart permet- tant d'exercer l'action en révision de l'ar- ticle L. 145-39 du code de commerce était le loyer initial du bail en cours à la date de la demande de révision, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à défaut de varia- tion d'un quart du loyer entre le 1 er janvier 2010 et le 1 er juillet 2010, la demande de révision était irrecevable ». Commentaire: On a vu dans le commentai- r e de la décision précédente le contenu de l’article L.145-39 du code de commerce. Que faut-il entendre du prix précédem- ment fixé contractuellement ou par déci- sion judiciaire? Quelques décisions de juris- prudence permettent de répondre à cette question. À défaut d‘un loyer fixé par une décision judiciaire rendue sur une précé- dente demande en révision ou d’une modification intervenue au cours du bail par une convention des parties, la base de comparaison est le loyer initial stipulé au contrat (Cassation com. 20avril 1962, BC III n°468). En ce qui concerne d’éventuels avenants, lorsque les parties à un bail com- mercial décident d’étendre l’assiette du bail et concluent un avenant portant le loyer à un montant supérieur au loyer ini- tial en considération notamment de cette modification du loyer opérée par cet ave- nant doit être considérée comme le prix fixé conventionnellement au sens de l’ar- ticle L.145-39 (Cassation, 3 e civ., 17mars2016, n°14-26009). Dans l’espèce commentée, un nouveau bail avait pris effet le 1 er janvier 2010. La Cour de cassa- tion condamne la position de la locataire qui soutenait que le loyer de référence devait être le loyer du bail renouvelé et non celui du bail initial. (Cour de cassation, 3 e civ., 15décembre 2016, n°15-23069, société Latin franchise c)/ SCI rue de la Pompe). 3°) Renonciation conventionnelle à la révision judiciaire – Fixation à la valeur locative Les faits : Le 3juin 2003 sont conclus avec la société Galerie Lelong deux baux com- merciaux portant sur des locaux contigus. Le 17janvier 2012, la bailleresse engage une procédure en fixation des loyers révi- sés. La locataire initie le 21février 2013 une procédure en renouvellement des deux baux à compter du 1 er avril 2013 aux conditions antérieures. Par deux avenants du 7mars 2014, les parties mettent fin aux procédures de révision et réajustent les loyers à compter du 1 er janvier 2012 jus- qu’en 31mars 2013. C’est alors que la bailleresse demande la fixation à la valeur locative des loyers des baux renouvelés à compter du 1 er avril 2013. Un litige s’ensuit. Pour le juge d’appel (cour d’appel de Paris, 1 6juillet 2018 4 L OYERETVALEURLOCATIVE JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 2 reproduction interdite sans autorisation
2décembre 2016), il est, entre autres motifs, constant que la modification conventionnelle du loyer en cours de bail dans des conditions étrangères tant à la loi q u'au bail initial s'analyse en une modifica- tion notable des obligations des parties justifiant à elle seule le déplafonnement du loyer. Aussi le loyer doit-il être fixé à la valeur locative. Le raisonnement de la loca- taire, pour qui les avenants peuvent s‘ana- lyser en une fixation du loyer à la valeur locative en cours de bail dans le cadre d’une action en révision fondée sur l’article L.145-39 du code qui relevait de disposi- tion légale ne constituant donc pas une modification conventionnelle des obliga- tions des parties et ouvrant droit au dépla- fonnement, n’est pas admis. Dans son pourvoi devant la Cour de cassa- tion, la locataire fait grief à l'arrêt d'ac- cueillir la demande de la bailleresse, alors, selon le moyen, qu'à moins d'une modifi- cation notable des obligations respectives des parties, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, des indices légaux (Code de commerce article L.145-34); que ne constitue pas une modification notable des obligations des parties justifiant le déplafonnement du loyer la fixation consensuelle du loyer, différente de la valeur locative, en raison de la conclusion d'un «avenant de révision du loyer» desti- né à mettre fin à une procédure de révi- sion judiciaire du loyer, et dans lequel le déplafonnement a été accepté par les deux parties; qu'en décidant le contraire, l a cour d'appel a violé les articles L. 145-34, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et R. 145-8 du code de commerce. La décision : La Cour de cassation rejette le pourvoi de la locataire. La fixation conven- tionnelle du loyer librement intervenue entre les parties emporte la renonciation à la procédure de révision judiciaire du loyer et constitue une modification notable des obligations des parties en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi jus- tifiant à elle seule le déplafonnement. Commentaire: L’arrêt rendu est important et il convient d’en apprécier la portée exac- te. Il faut préalablement noter que les articles L.145-33 (éléments de la valeur loca- tive) et L.145-34 (plafonnement) ne sont pas d’ordre public (article L.145-15). Il y a donc place à la négociation des parties. Mais il est à noter que tout accord sur le loyer n’entraîne pas nécessairement le déplafonnement. C’est ainsi que la fixation consensuelle du loyer différente de la valeur locative en raison d’une « transac- tion » dans laquelle un déplafonnement a été accepté par les deux parties ne consti- tue pas une modalité particulière de fixa- tion du prix. En conséquence il n’y a pas lieu à déplafonnement de ce chef; il est vrai que cette espèce (Cassation, 3 e civ., 29septembre 2010 n°09-67584), avait eu lieu dans le cadre d’un renouvellement anticipé en 1994 et alors que n’était invo- quée aucune minoration notable de la valeur locative lors de la fixation du prix d ’origine. Il est aussi vrai qu’il s’agissait d’un nouveau loyer convenu à l’occasion d’un renouvellement anticipé. Il ne s’agit donc pas d’un loyer révisé conventionnellement. En 2001, la Cour de cassation arrête que la modification conventionnelle du loyer dans des conditions étrangères tant à la loi qu’au bail initial peut s’analyser en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule le déplafonne- ment du loyer lors du renouvellement du bail commercial; dans cette espèce, le loyer à l’occasion d’une cession de bail avait été modifié lors du bail initial. (Cassation 3 e civ. 4avril 2001, n°18-899). La jurisprudence des cours d’appel a évo- lué vers la solution arrêtée par la Cour de cassation. Dans une espèce une variation conventionnelle du loyer de 14,7% avait été consentie en échange d’une augmen- tation des droits du preneur. Il y avait alors modification notable des obligations des parties au cours du bail expiré justifiant le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative (CA Paris Pôle 5, 3 e chambre, 22mai 2013, n°11/12440, Juris- Data 2013-01529). L’arrêt commenté s’ins- crit dans ce cadre. (Cour de cassation, 3 e civ., 15février 2018, n°17-1866 et 17-11867, société Galerie Lelong c/SCI Gruasses Investissements). 1 6juillet 2018 5 L OYERETVALEURLOCATIVE JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 2 Section 3: Obligation de délivrance / Cession du bail Comme tout contrat, le bail contient des manifestations de volonté qui constituent la loi des parties. Le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance et celle-ci est fon- damentale. Un bail, comme beaucoup de droits, peut faire l’objet d’une cession. Quelle est alors la sanction de la cession irrégulière? 1°) Obligation de délivrance du bailleur - Locaux amiantés Les faits : Un bail à usage de crèche est conclu avec une association laquelle avait préalablement conclu un contrat de pro- motion immobilière, annexé au bail, avec la société Solefin à fins de conception et réhabilitation de l’immeuble loué. Mais la découverte d’amiante dans la toiture conduit le promoteur à réaliser ces travaux qui n’étaient pas prévus au bail. L’associa- tion qui a dû payer ce surcoût se retourne vers le bailleur pour obtenir le rembourse- ment au titre de son obligation de déli- vrance. La cour d’appel (Versailles, 20sep- tembre 2016) rejette cette demande. La décision : Au visa de l’article 1719 du code civil relatif à l’obligation de délivran- ce du bailleur la Cour casse l’arrêt de la cour d’appel: « les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d'un immeuble loué, n'exonèrent pas le bailleur, tenu d'une obligation de délivran- ce, de la prise en charge des travaux néces- saires à l'activité stipulée au bail, sauf clau- se expresse contraire, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une exonération du bailleur, a privé sa décision de base légale. » Commentaire: Voila un arrêt très intéres- sant au regard de l’obligation de délivran- ce du bailleur énoncée à l’article 1719 du code civil. Cette obligation est rigoureuse et la jurisprudence la fait respecter. C’est ainsi que la clause par laquelle le preneur prend les lieux dans l’état où ils se trou- vent ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance. Aussi doit-il rem- bourser les dépenses engagées par le pre- neur afin de rendre l’immeuble conforme à sa destination d’hôtel (cassation, 3 e civ., 5juin 2002, n°00-19037). L’arrêt susvisé s’inscrit dans ce cadre jurisprudentiel mais
avec des éléments enrichissants. C’est ainsi que la présence d’un tiers cocontractant n’est pas source d’exonération. Alors que le contrat de promotion immobilière c onclu avec l’association entre l’association et le promoteur immobilier contenait une obligation de résultat envers l’association, le bailleur ne peut se décharger sur le pro- moteur. L’état d’ignorance dans lequel était supposé être le bailleur ne l’exonère pas. En matière d’amiante, l’obligation de rechercher la présence d’amiante dans les toitures en fibrociment fut instituée par le décret 2011-629 du 3juin 2011 alors que le bail était du 10juin 2010. Pourtant, cela n’exonère pas le bailleur. De plus, le fait que le contrat de promotion immobilière comprenne une note technique et l’offre financière annexées au bail ne prouvait pas la connaissance qu’aurait eue l’associa- tion de cette présence d’amiante. Là enco- re, ces documents, à la portée contestée par le bailleur, ne l’exonèrent pas. Est donc une fois de plus démontrée l’importance de cette obligation. On notera aussi que la relation promoteur/preneur peut faire l’objet d’une clause exprès contraire. (Cour de cassation, 3 e civ., 18janvier 2018, n°16-26011, Association la nouvelle étoile des enfants de France c/SCI 5 rue Blondel). 2°) Cession de bail commercial - Inopposabilité Les faits : En 2008, une SCI consent à deux personnes un bail commercial sur un hôtel situé à Marseille. En mars2010, les droits sur le bail commercial appartiennent à trois personnes, les consorts Z… Aux termes d’un acte sous signatures privées, deux membres de l’indivision conviennent d e céder leur droit au bail à M.et M me X … Un chèque d’acompte est versé et il est sti- pulé que la perfection de la vente et le paiement du prix interviendraient avant le 30mars 2010. Les consorts Z… estiment que la vente porte sur un fonds de com- merce. Les membres de l’indivision cédante assignent les époux cessionnaires de la SCI bailleresse en perfection de la vente du droit au bail. La décision : La cour d’appel d’Aix-en-Pro- vence (25février2014), décide que la ces- sion est sans cause et ne peut avoir aucun effet. L’analyse des faits démontre la volonté des acquéreurs de devenir loca- taires de la SCI; mais par défaut d’accord du bailleur cette cession se trouve sans cause et sans aucun effet. Un pourvoi est formé devant la Cour de cassation et celle- ci aux visas des articles des articles1343 et1717 du code civil, casse l’arrêt aux motifs « qu’une cession de bail commercial consentie entre le cédant et le cessionnaire sans l’accord préalable du bailleur requis dans le contrat de bail, n’est pas nulle mais inopposable aux tiers. Commentaire: Dans cette espèce, les consorts Z… estimaient que la vente portait en réalité sur un fonds de commerce. Le bail contenait une clause selon laquelle: « le preneur qui entend céder son droit au présent bail ne pourra réaliser cette opéra- tion que pour la totalité des locaux loués et à la condition expresse d'avoir recueilli l'ac- cord préalable et écrit du bailleur, qui devra, dans tous les cas, être appelé à l'acte d e cession. Enfin, en cas de cession de son droit au présent bail à un successeur dans son fonds de commerce, le preneur s'enga- gera dans l'acte de cession à rester garant à titre solidaire des preneurs successifs pen- dant toute la durée du bail pour le paie- ment des loyers et l'exécution des condi- tions du bail ». Cette position permettait de se placer sous le régime de l’article L.145-16 du code de commerce réputant non écrites les clauses interdisant la cession du droit au bail à l’acquéreur du fonds de commerce. Pour les juges du fond, la ces- sion ne pouvait avoir aucun effet. Mais la Cour de cassation estime que l’acte est inopposable. Cette solution est classique et le bailleur peut considérer le cessionnaire comme un occupant sans droit ni titre que l’on peut expulser (Cassation, com, 13mars 1962, BC III n°157). Cela peut aussi être un motif de refus de renouvellement. Quant à exercer la clause résolutoire, la Cour de cas- sation a arrêté que pour constater une rési- liation « l’arrêt retient qu’une mise en demeure n’était pas obligatoire, la cession de bail ne pouvant être régularisée dès lors que le bail avait été cédé et que les époux X. n’exploitaient plus le fonds » (Cassation, 3 e civ. 30mai 1996, n°93-17201, BC III n°127). Sur le plan pratique, cela oblige les consorts Z… à rembourser à la bailleresse l’acompte de 5000 € ainsi qu’un solde locatif. (Cour de cassation, 3 e civ., 9février 2017, n°15-15128, Consorts Z. c/ SCI Dikran). 1 6juillet 2018 6 D ÉLIVRANCE / C ESSION JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 3 Section 4: Congés Le congé, manifestation unilatérale de volonté, est un élément important de la vie du bail. En absence de congé à son échéance, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Quels sont alors les délais à respecter? 1°) Congé: computation des délais Les faits : Par acte du 29juin 1998, M.Denis X… donne à bail des locaux à la société SDS. Le bail est renouvelé à comp- ter du 1 er octobre 2010 pour s’achever le 30septembre 2019. Par exploit d’huissier du 2avril 2013, le locataire exerce son droit de résiliation triennale au 30sep- tembre 2013. M.X… conteste la date, esti- me que le congé est non valable et que le bail se poursuit jusqu’au 30septembre 2016. Sa position est que pour la date d’ex- piration triennale du 30septembre 2013, le congé devait être notifié au plus tard le 30mars 2013. La décision : Le Tribunal de grande instance donne raison au locataire. Mais la décision est réformée en appel (cour d’appel de Rennes, 30novembre2016). Dans cette affaire, le congé ne pouvait valablement être délivré au plus tard que le 30mars2016. Mais ce congé n’avait été délivré que le 2avril 2013, les jours précé- dents étaient un samedi, un dimanche et un jour férié. La société locataire entendait se prévaloir des dispositions des articles641 et642 du code de procédure civile. La cour d’appel réforme le jugement et cette déci- sion est approuvée par la Cour de cassa- tion: « Attendu, d'autre part, que la proro- gation prévue à l'article 642 du code de procédure civile ne s'applique que lors- qu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, la cour d'appel qui, ayant retenu que le congé, qui devait être donné six mois avant l'échéance triennale et prendre effet le 30septembre d'une année, dernier jour de ce mois, devait être signifié par le preneur au bailleur avant le dernier jour du mois de mars précédent, soit au plus tard le 31mars de la même année, en a exactement déduit que le congé signifié le 2avril 2013 ne pou- vait produire effet au 30septembre 2013 ».
Commentaire: La matière des congés a fait l’objet ces dernières années de réformes. La référence aux usages locaux a disparu. Dans cette espèce, la société SDS entendait s e prévaloir de dispositions du code de procédure civile. Selon son article642, tout délai expire le dernier jour à 24heures et le délai qui expire un samedi, dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jus- qu’au 1 e r jour ouvrable suivant. Mais la Cour de cassation fait une applica- tion stricte de ce dispositif, rend à l’article 642 son véritable sens et décide que le congé devait être donné au plus tard le 31mars2017. Déjà en matière de baux d’habitation, la Cour avait cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait énoncé qu’en l’espèce un congé devait être validé pour la date du 23juin. La Cour de cassation avait cassé l’arrêt, le délai expirant le 24juin 2001 à 24heures (Cassation 3 e civ. 16décembre 2003, n°02-16577). (Cour de cassation, 3 e civ., 8mars 2018, n°17- 11312, M.X… c/ société SDS). 2°) Congé avec refus de renouvel- lement - Nouveau commandement Les faits : M.X.. consent à la société La Pla- c e exploitant un fonds de commerce de restaurant un bail du 27octobre 1993 renouvelé, le premier paiement interve- nant le 1 er novembre 1993. Le bail est renouvelé pour 9 ans à compter du 1 er jan- vier 2011. Un congé avec refus de renou- vellement du bail sans indemnité d’évic- tion est notifié à la société locataire le 18octobre 2011 au motif de réitération de l’infraction de non-paiement de deux termes de loyer. Elles semblent provenir de la négligence de l’expert-comptable gérant les comptes de la société et sont payées avec retard. Un nouveau commandement de payer est délivré le 20février 2015 pour le paiement de loyers et de charges. Ils sont payés avec retard. Le juge approuvé par la cour d’appel estime que l’absence de motif grave avec refus de renouvelle- ment ouvre par conséquent droit à l’in- demnité d’éviction au bénéfice du preneur. La décision : La Cour de cassation casse l’ar- rêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (6août 2015). Cette dernière aurait dû rechercher, comme il lui était demandé, si M . X… avait délivré un nouveau comman- dement de payer les loyers et les charges restant dus à cette date lui permettant d’invoquer les retards de paiement posté- rieurs. Commentaire: En ce qui concerne les congés, une règle importante est celle de l’immutabilité des motifs. Toutefois, ce principe connaît des exceptions. C’est ainsi que ne donne pas de base légale à sa déci- sion la cour d’appel qui ne cherche pas si les manquements allégués étaient connus du bailleur à la date de délivrance du congé (Cassation, 3 e civ, 17novembre 1981, n°12-242). Il en est de plus forte raison avec le com- mandement de payer. (Cour de cassation, 3 e civ., 26janvier2017, n°15-26371, M.X. c/ société La place). 1 6juillet 2018 7 C ONGÉS JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 4 Section 5: Prescription La prescription est un mode d’extinction des obligations. Dans son désir d’apurer rapidement le contentieux des baux com- merciaux, le législateur a instauré la pres- cription biennale exprimée à l’article L. 145-60 du code de commerce. Quand peut-elle jouer et à partir de quel point de départ? Quatre arrêts intéressants renfor- cent le droit positif à cet égard. 1°) Indemnité d’occupation – Point du départ du délai de prescription Les faits : Le 15décembre 1997, la SCI Paca a donné à bail des locaux commerciaux à la société CP aménagement, aux droits de laquelle est venue la société Parcs enchères. Le 19mars 2008, la société Parcs enchères a sollicité le renouvellement du bail au 29septembre 2008. Le 19juin 2008, la SCI Paca lui a signifié un refus de renouvellement sans offre de paiement d'une indemnité d'éviction. Le 12novembre 2008, la société Parcs enchères l'a assignée en contestation des motifs du congé et en fixation de l'indem- nité d'éviction. Par conclusions d'incident du 19février 2009, la SCI Paca a demandé la désignation d'un expert aux fins d'éva- luer l'indemnité d'éviction qu'un jugement du 16juin 2015 a fixée à un certain mon- tant. Le 2novembre 2015, la SCI Paca a exercé son droit de repentir. Pour déclarer prescrite l'action en paie- ment de l'indemnité d'occupation, l'arrêt (cour d’appel d’Aix-en-Provence 18octobre 2016) retient que, la SCI Paca ayant exercé son droit de repentir, le délai de prescrip- tion biennale de son action en paiement de l'indemnité d'occupation a couru à compter du lendemain de la date d'expira- tion du bail, soit le 30septembre 2008. La décision : La Cour de cassation au visa des articles L.145-28 et L. 145-60 casse l’ar- rêt de la cour d’appel. Le délai de prescrip- tion de l'action en paiement de l'indemni- té d'occupation fondée sur l'article L. 145- 28 du code de commerce ne peut com- mencer à courir avant le jour où est défini- tivement consacré dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d'une indem- nité d'éviction. Commentaire: L’obligation pour le pre- neur, tout en bénéficiant du droit au main- tien dans les lieux, de verser une indemni- té d’occupation des locaux au bailleur découle d’abord d’un refus de renouvelle- ment du bailleur avec refus de verser une indemnité d’éviction. Il y a aussi l’hypothè- se où le bailleur refuse de renouveler le bail mais offre le paiement d’une indemni- té d’éviction. Là encore le paiement de l’in- demnité d’occupation est à la charge du preneur, avec, sauf exception le droit au maintien dans les lieux (art. L. 145-28 du code de commerce). Dans les deux cas, le bailleur peut exercer son droit de repentir. Quel est alors le point de départ du délai de prescription de l’action en indemnité d’occupation, sachant que la prescription de deux ans peut jouer (article L.145-60 du code de commerce). Il faut alors distinguer deux hypothèses. 1ère hypothèse: le bailleur a offert une indemnité d’éviction et n’a à aucun moment par la suite contesté le droit du preneur à bénéficier de cette indemnité. Dans ce cas, le point de départ de la pres- cription est la date d’effet du congé avec offre de renouvellement, ceci jugé dans une affaire où il y avait prescription. (Cas- sation 10décembre 1997, n°96-13373). Cette solution est reprise dans un arrêt de 2001: « le point de départ de la prescrip- tion de cette action (en paiement d’une indemnité d’occupation) est celle de la date d’effet du congé (Cassation 3 e civ.,
12juin 2001, n°99-21821). Elle avait été déjà été arrêtée en 1977: « le délai de prescription de l’action en paiement d’une indemnité d’occupation dont le point de d épart est fixé au lendemain de la date d’expiration du bail ne peut être suspendu que si le bailleur se trouve dans l’impossibi- lité d’agir en fixation de cette indemnité) » (Cassation, 3 e civ., 23mars 1977, n°75- 15533). 2ème hypothèse: celle où le droit à indem- nisation est reconnu après la contestation. Dans ce cas, le point de départ « ne peut jouer à courir avant le jour où est définiti- vement consacré dans son principe le droit du locataire au bénéfice de l’indemnité d’éviction » (Cassation 3 e civ. 17octobre 2012, n°11-22920). Cette solution est reprise dans l’arrêt que nous commentons et qui doit être approuvé. Les praticiens quant à eux auront garde de ne pas confondre les points de départ de la pres- cription. (Cour de cassation 3 e civ., 18janvier 2018, n°16-27678, SCI Paca c/Société Paris enchères). 2°) Renouvellement tacite du bail - Prescription de l’action Les faits : Le 27juin 1997, la Société Noga hôtel Cannes (la société Noga) consent, par acte notarié un bail au profit de la société Claubon. Le 8avril 2002, est délivré à la société Noga un commandement aux fins de saisie-vente. Le 19mai 2005, la société Claubon demande le renouvellement de son contrat auprès de la société Noga à effet du 1 er avril 2006. À défaut de réponse dans les trois mois, le bail est renouvelé à dater du 1 er avril 2006. Puis les locaux sont saisis après 2006. L’adjudicataire, la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), délivre à la société Claubon un congé à la date à l’effet du 30septembre 2010 avec offre de renouvellement au 1 er octobre 2010, moyennant un loyer déplafonné. Puis le 9novembre 2010, la société Jesta assigne la société Claubon, locataire, en nullité tant du bail que de la demande de renouvellement adressée le 19octobre 2005 à l'ancien bailleur et subsidiairement, demande la fixation du loyer du bail renouvelé au 1 er avril 2006. Ce même jour la société Claubon soulève la prescription de l'action en fixation du loyer. La décision : Pour la cour d’appel, qui rejet- te le moyen tiré de la prescription bienna- le, son arrêt retient qu'il n'est pas établi que la demande de renouvellement du bail formée par la société Claubon ait été portée à la connaissance de la société Jes- ta, laquelle n'était pas tenue, en qualité de n ouveau propriétaire, de s'informer sur l'état du bail en cours de sorte que le délai biennal de prescription n'a pas couru à compter du 1 er avril 2006. La Cour de cassation au visa des articles L.145-10 et L.145-60 du code de commerce, casse cette décision au motif qu’en sta- tuant ainsi, après avoir constaté que la société Claubon avait, le 19octobre 2005, demandé le renouvellement du bail au 1 er avril 2006 et qu'à défaut d'avoir répon- du à cette demande dans le délai de trois mois, la société Noga était réputée l'avoir acceptée tacitement de sorte que le bail s'était renouvelé le 1 er avril 2006, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. La Cour arrête aussi, sur pourvoi incident, que la demande de renouvellement du bail commercial n’entre pas dans les prévisions de l’article 684 de l’ancien code de procédure civile. Commentaire: En ce qui concerne le pro- blème de la validité du bail d‘origine, il ne se pose pas puisque le bail notarié avait date certaine. Pour le bail renouvelé, la société Jesta demandait son annulation sur la base de l’article 684 de l’ancien code de procédure civile. Cet article est relatif aux effets du commandement avant une saisie immobilière, certains de ses effets concer- nent les baux de l’immeuble saisi. C’est ain- si que si le bail n’a pas acquis date certaine avant la signification du congé, le créancier peut demander au tribunal d’en pronon- cer l’annulation. Le législateur a pris ces dispositions spéciales pour empêcher le débiteur de conclure des baux de nature à diminuer la valeur de l’immeuble et en rendre la vente plus difficile. La société Jes- ta se prévalait de cet article pour deman- der la nullité du bail renouvelé et de la demande de renouvellement puisque tous deux étaient postérieurs au commande- ment. Pour la cour d’appel, la demande de renouvellement est un droit pour le loca- taire résultant de dispositions d’ordre public ce qui privait la société Jesta de la faculté de solliciter la nullité du bail à la suite. La Cour de cassation arrête quant à elle que la demande de renouvellement du bail commercial n’entre pas dans les prévisions de l’article 684. Cette position doit être approuvée puisqu’à aucun moment cet article ne vise une telle demande. Quant au nouveau bail renou- velé, il a acquis date certaine par le seul effet de la loi. En ce qui concerne le point de départ de la prescription biennale, il faut préalable- m ent rappeler qu’à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvelle- ment de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expi- ration du bail ou encore le cas échéant à tout moment au cours de la prolongation. Le bailleur a un délai de trois mois pour répondre et à défaut il est censé avoir taci- tement accepté le principe du renouvelle- ment du bail (art. 145-10 du code de com- merce). On a vu dans les faits l’argument de la cour d’appel décidant que la pres- cription biennale ne courait pas. Mais la Cour de cassation remet les pendules à l’heure. Le point de départ du délai de prescription biennale de l’action engagée par l’adjudicataire en fixation du bail renouvelé avant l’adjudication se situe à la date de prise d’effet du renouvellement lorsque l’acceptation du bailleur est inter- venue avant cette date. (Cour de cassation, 3 e civ., 7septembre2017, n°16-17174, société Claubon c/ Société Noga hôtel Cannes). 3°) Action en dénégation du statut - Prescription Les faits : Le 28septembre 2009, la société Clichy, propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail en renouvellement pour neuf ans à compter du 1 er janvier 1996 à M. Z…, lui a donné congé pour le 31mars 2010 avec offre de renouvellement. Le 6mars 2012, elle lui a signifié un nouveau congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction puis, le 20juillet 2012, l'a assigné en expulsion en lui déniant l'application du statut des baux commerciaux pour défaut d'immatricula- tion à la date du congé et à sa date d'ef- fet. Pour déclarer prescrite l'action en dénégation du droit au statut des baux commerciaux, l'arrêt (cour d’appel de Paris, 30mars2016) retient que le bailleur doit agir dans le délai de prescription de l'ar- ticle L. 145-60 du code de commerce, de deux ans à compter de la date d'effet du congé, la condition d'immatriculation s'ap- préciant à cette date. La cour d’appel rejet- te les arguments de la bailleresse. La décision : Au visa des articles L.145-1 et L.145-60, la Cour casse l’arrêt de la cour d’appel; « le bailleur qui a offert le paie- ment d'une indemnité d'éviction après 1 6juillet 2018 8 P RESCRIPTION JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 5
avoir exercé son droit d'option peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu'une décision définiti- ve n'a pas été rendue sur la fixation de l'in- d emnité d'éviction». Commentaire: En application de l’article L.145-1 du code de commerce, le bénéfice du statut des baux commerciaux est accor- dé à condition que l’exploitant du fonds exploité dans les lieux soit immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou encore, pour les artisans, au répertoire des métiers. Des dispositions particulières exis- tent quand le bail est exploité en location- gérance ou par plusieurs preneurs ou indi- visaires. En ce qui concerne le droit au renouvellement du bail, il nécessite que le preneur (qui doit exploiter le fonds exploi- té dans les lieux loués) soit immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou encore au répertoire des métiers à la date de signification d’un congé ou de la demande de renouvellement ainsi qu’à la date d’expiration du bail. Le bailleur peut à tout moment de la procédure soutenir que ce statut n'est pas applicable en l'ab- sence de l'une des conditions essentielles de l'existence du droit au renouvellement, (Cassation, 3 e civ., 18janvier 2011, n°09- 71910). Si ces conditions ne sont pas respectées, le bailleur peut délivrer à l’occupant un congé en dénégation de statut. Dans cette espèce, le second congé délivré par le bailleur était l’exercice de son droit d’op- tion régi par l’article L.145-57 du code de commerce (et qui appartient aussi au pre- neur). Et, faute d’immatriculation, il vaut dénégation du droit au statut. Quelle est alors la prescription applicable? Le débat existe chez les juristes sur le point de savoir s’il s’agit de la prescription quin- quennale de l’article 2224 du code civil ou de la prescription biennale de l’article L.145-60 du code de commerce. Nous aurions tendance à nous ranger parmi les tenants de cette seconde thèse. Certes, il peut paraître logique d’écarter l’article L.145-60 puisqu’il y a dénégation de statut et que l’article L.145-60 est une disposition essentielle du statut. Mais la Cour de cassa- tion a rendu son arrêt au visa notamment de l’article L.145-60 ce qui selon nous vaut acceptation de la prescription biennale. L’autre question est de savoir quel est le point de départ de la prescription de l’ac- tion en dénégation de statut? Pour le pre- neur, il s’agissait de la prescription bienna- le courant à compter de la date d’effet du renouvellement du bail soit dans cette espèce, le 31mars 2012. Cette thèse est condamnée par la Cour de cassation. Puis- s e alors celle-ci dans un prochain arrêt opter franchement pour la prescription biennale. (Cour de cassation, 3 e civ., 7septembre2017, n°16-15012, société Clichy c/ M.Z…). 4°) Action en rétractation de congé – Point de départ de la prescrip- tion Les faits : La société Compagnie foncière Alpha consent le 1 er février 1999 à la socié- té Chouchou un bail commercial. Le 14février 2008, elle lui délivre un congé avec offre de renouvellement et indemnité d'éviction. Mais après l'avoir mise en demeure, le 4janvier 2013, d'avoir à exploiter les lieux conformément à la desti- nation du bail, elle a, le 18mars 2013, rétracté son offre en raison d'un motif gra- ve et légitime tenant à la violation de la destination des lieux prévue au contrat. Le 19avril 2013, elle assigne la locataire en validité du refus de renouvellement. La décision : La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société locataire au motif que le délai de prescription de l'action en rétractation de l'offre de renouvellement du bail pour motif grave et légitime court à compter du jour où le bailleur a eu connaissance de l'infraction qui fonde son refus et relevé, souverainement, que la bailleresse avait découvert l'exercice d'acti- vités non autorisées par le bail le 7mars 2012, la cour d'appel (Toulouse, 17mai 2016) en a exactement déduit que l'action n'était pas prescrite. Commentaire: En ce qui concerne le congé délivré le 14février 2008 valant offre de renouvellement et indemnité d’éviction, on ne peut qu’être surpris, l’offre de renouvellement ne pouvant fonder une indemnité d’éviction. Au sujet de la rétrac- tation de cette curieuse offre, elle est exer- cée pour un motif grave et sérieux tenant à la violation de la clause relative à l’activi- té permise dans les lieux loués. Dans cette espèce où plusieurs actes juridiques se manifestent, quelle est la nature de l’assi- gnation en validité du refus de renouvelle- ment pour motif grave et légitime ? Faut-il y voir une action en dénégation du statut? Ou encore de l’exercice du droit d’option de l’article L.145-57? Cette assignation se basant sur la rétractation de l’offre de renouvellement pour motif grave et légiti- me est validée par les juges. En application d e l’article L.145-17 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucu- ne indemnité s’il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sor- tant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécu- tion d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploi- tation du fonds, compte tenu des disposi- tions de l'article L. 145-8, l'infraction com- mise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa. Cette façon de voir est validée par la Cour de cassation et il est de jurisprudence constante que le bailleur peut invoquer des motifs qu’il avait ignorés au moment de la délivrance du congé (Cour de cassa- tion, 3 e civ., 17novembre 1981, BC III n° 187). Et c’est la connaissance de l’infraction qui constitue le point de départ de l’action en rétractation. Reste alors le problème de savoir de quelle prescription relève cette action? L’arrêt vaut confirmation de la décision des juges du fond. Dans son pour- voi, la locataire se prononçait pour un point de départ à compter de la date de délivrance du congé. Elle estimait de plus que cette prescription peut courir le jour où cette partie avait eu effectivement connaissance de cet événement. Un bailleur prudent et diligent qui refuse le renouvellement aurait dû découvrir le motif grave et légitime qui fonde son refus. Et dans les deux cas, il se prévalait de la violation de l’article L.145-60. On peut penser que la locataire avait rai- son et que c’est bien la prescription bien- nale qui aurait dû être retenue pour le point de départ de l’action susvisée. Au demeurant, toute cette affaire se rapporte à l’application du statut et donc à la pres- cription biennale de l’article L.145-60 du code. Sans doute là encore faudrait-il que la Cour de cassation prenne position sur cette question. (Cour de cassation, 3 e civ., 9novembre2017, n°16-23120, compagnie foncière Alpha c/ société Chouchou). 1 6juillet 2018 9 P RESCRIPTION JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 5
Depuis les années soixante-dix, le droit positif s’est enrichi de droits de préemp- tion au bénéfice de particuliers. Ainsi en est-il pour le locataire d’habitation à l’occa- sion de la première vente consécutive à la division de l’immeuble par lots (loi du 31 décembre 1975), du droit de préemption du locataire dans le cadre de la loi de 1989 sur les baux d’habitation en cas de congé- vente du bailleur, ou encore du droit de préemption dans la « vente à la décou- pe ». S’agissant des baux commerciaux, le droit de préemption du locataire a été ins- tauré par la loi 2014-626 du 18août 2014 (loi Pinel) qui a introduit dans le code de commerce un article L.145-46-1. Ce droit du preneur s’applique « lorsque le proprié- taire d’un local à usage commercial envisa- ge de vendre celui-ci ». Le reste de l’article expose le mécanisme du droit. On notera qu’il existe cinq cas où il y a exclusion du droit. 1°) Droit de préemption – Exclu- sion des ventes aux enchères publiques – Cession globale Les faits : La société civile immobilière Casanton (la SCI), constituée entre MM. A… et C… et M. et M me X…, est propriétai- re d'un immeuble et d'un terrain donnés à bail, le premier à la société Jordane, à usa- ge de restaurant, et le second aux sociétés Eurofaçades et Hidi Loc CD. Le 20avril 2017, après dissolution anticipée de la SCI due la mésentente entre associés, M me Z…, en qualité de liquidateur amiable, a assi- gné les associés en autorisation de vente de l'ensemble immobilier aux enchères publiques. A titre reconventionnel, M.et M me X… ont soutenu que la société Jorda- ne, dont M. X… était le gérant, était fon- dée à revendiquer le bénéfice du droit de préemption. La décision : La cour d’appel (Aix-en-Pro- vence, 14février 2017) déboute la société Jordane. Cette décision est approuvée par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi. « ayant retenu que la vente aux enchères publiques de l'immeuble, constituant l'actif de la SCI en liquidation, était une vente judiciaire et relevé que la société Jordane n'était locataire que pour partie de l'en- semble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d'autres sociétés, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a à bon droit déduit que les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce n'étaient pas applicables et que la cession globale de l'immeuble ne pouvait donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par la société Jordan ». Commentaire: On notera tour d’abord que la Cour de cassation écarte du champ d’ap- plication du droit de préemption les ventes aux enchères publiques. La solution est logique. La cour d’appel estimant qu’en matière de licitation la vente ne peut pas être proposée au locataire avant la mise en vente aux enchères publiques. Le bailleur dans sa notification au preneur doit préci- ser le prix et les conditions de la vente pro- jetés ce qui est inapplicable à une vente aux enchères. Dans cette espèce, un deuxième motif poussait le juge à rejeter les prétentions des plaignants. La société Jordane n’était locataire que d‘une partie des locaux vendus, l’autre partie étant louée à deux preneurs. La décision est donc claire, le locataire d’une partie des actifs vendus ne peut bénéficier du droit de préemption sur la globalité du bien. La décision de la Cour de cassation allait de soi sans que soit applicable le principe d’in- terprétation restrictive en présence d’un texte restreignant le droit de propriété. Pour finir, le droit de préemption ne joue pas notamment en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux. La plaignante prétendait que cette exception ne concernait pas sa situation et que le droit de préemption était applicable. Cette prétention avait été rejetée en appel, la Cour de cassation pré- cisant que « la cour d’appel (…) n’avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ». Certes, en ce qui concerne le droit de pré- emption urbain, les ventes par adjudica- tion y donnent lieu quand cette procédure est rendue obligatoire de par la loi ou le règlement. La procédure est contenue aux articles R.213-14 et R.213-15 du code de l’urbanisme en établissant un mécanisme de substitution du bénéficiaire du droit sur l’adjudicataire. Or, aucune procédure de ce style n’est prévue à l’article L.145-46-1. Cette décision est, semble-t-il, la première rendue par la Cour au sujet du droit de préemption. Les choses sont claires: le droit de préemption du locataire dans le cadre d’un bail commercial ne joue pas dans les ventes aux enchères publiques et la cession globale du terrain ne peut don- ner lieu à l’exercice d’un droit de préemp- tion par le locataire d’une partie seule- ment de l’immeuble vendu globalement. (Cour de cassation, 3 e civ., 17mai 2018, n°17- 16133). 2°) Droit de préemption – Condi- tions de la vente – Exclusion de la commission d’agent immobilier Les faits : La SARL Librairie B exploite un fonds de commerce de librairie et de pape- terie dans le cadre d’un bail commercial renouvelé en 2010 pour 9 ans. La proprié- taire des murs, la SARL BA, dont la société Financière Pierre C est actionnaire à 100%, désireuse de vendre mandate le 7mai 2015 la société Kehl, agent immobi- lier, pour la recherche d’un acquéreur. Par courrier du 12mai 2015, la société Gregin- vest Belgium, société de droit Belge, fait connaître son intention de se porter acquéreur du bien. Le 20mai, la société Kehl informe la société Librairie B de l’in- tention du bailleur de vendre l’immeuble. Les conditions de la vente sont le prix net vendeur de 1200000euros, 144000euros TTC pour honoraires d’agence à la charge de l’acquéreur, frais de formalités et d’en- registrement en sus. Le 19juin, la société Librairie B dit accepter l’offre en recourant à un prêt mais en excluant les honoraires de l’agent immobilier. De son côté, la société Greginvest Belgium, désire acquérir le bien. Un litige s’ensuit: la société BA et la société Financière Pierre C assignent la société Kehl, la librairie B ainsi que Gregin- vest Belgium pour que cette dernière société soit autorisée à acquérir l’ensemble immobilier litigieux dans les conditions de vente fixées à l’offre du 12mai. Le tribunal de grande instance d’Arras autorise la SARL BA à vendre le bien immobilier à la Greginvest Belgium. La décision : Par un arrêt en date du 12jan- vier2017, la cour d’appel de Douai infirme le jugement. « L’existence de cette double proposition corrobore le fait que dans un premier temps, le bailleur ne doit pas attendre une offre d’achat pour informer le preneur de la possibilité qu’il a de se por- ter acquéreur du local commercial. L’article L.145-46-1 du code de commerce ne fait 1 6juillet 2018 10 D ROITDEPRÉEMPTION JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 6 Section 6: Droit de préemption du locataire
pas mention de l’existence d’un droit de préemption mais d’une offre de vente au locataire qui bénéficie d’un droit de préfé- rence sur tout autre acquéreur ce qui exclut l ’existence de frais de recherche d’un ache- teur ». En conséquence, les frais de la vente ne doivent pas comprendre une commis- sion ou des honoraires d’agence. Commentaire: La décision ci-dessus est clai- re et nette et la solution semble évidente. Certes, la cour n’évoque pas un droit de préemption mais un pacte de préférence. C’est jouer sur les mots ; un droit de pré- emption conférant une préférence. La cour d’appel s’appuie sur la notion d’offre. Il y en a deux dans l’article L.145-46-1. La pre- mière est celle lors de la décision de vendre. Cette notification qui doit à peine de nullité indiquer le prix et les conditions de la vente projetée vaut offre de vente. La deuxième offre est celle du droit de préemption subsidiaire. Ces deux offres sont exclusives de toute intervention d’un agent immobilier. Le preneur au bail com- mercial doit être préféré et dès lors que la ou les offres sont valablement accomplies, il n’y a pas lieu à intervention d’un agent immobilier. On rappellera aussi que pour toucher une commission, l’intervention de l’agent doit être déterminante ce qui n’était absolument pas le cas ici. (Cour d’appel de Douai, 12janvier2017, n de RG: 15/073841). N.B. La Cour de cassation vient tout récem- m ent de se prononcer en ce sens (Cassa- tion, 3 e civ., 28juin 2018, arrêt n°17-14- 605)"; lire Jurishebdo du 9juillet 2018). 3°) Droit de préemption – Saisie immobilière Les faits : Une procédure de saisie immobi- lière est initiée contre une débitrice dont les prétentions sont rejetées par le juge de l’exécution du tribunal d’Ajaccio. Cette débitrice fait notamment valoir la violation de l’article L.145-46-1 imposant la notifica- tion préalable de la vente au locataire exploitant un fonds de commerce dans les lieux loués. Elle demande en conséquence de dire nul et de nul effet le commande- ment de saisie immobilière en date du 4juillet 2014 publié le 8juillet et tous les actes subséquents, les droits des occupants commerçants n’ayant pas été respectés. La décision : Pour la cour d’appel de Bastia (20janvier 2016), le droit de préemption n’est pas applicable aux ventes forcées sur saisie immobilière puisqu’il envisage une vente volontaire par le propriétaire alors qu’en saisie immobilière, il s’agit d’une vente forcée. Commentaire: La cour d’appel de Bastia a boutit en matière de saisie immobilière au même résultat que la Cour de cassation pour les ventes sur licitation. Elle ne reprend pas l’argumentation de la cour suprême mais les choses sont évidentes. En ce qui concerne les ventes sur saisie, on peut citer l’article L.616 du code de la construction et de l‘habitation qui prévoit un droit de préemption en faveur de la commune en cas de vente sur saisie immo- bilière d’un immeuble constituant la rési- dence principale des personnes ayant les conditions de ressources fixées pour les HLM et là encore il y a un mécanisme de substitution. Or aucune procédure de ce style n’existe en matière de droit de pré- emption du locataire commerçant. Enfin, en ce concerne la date d’entrée en vigueur de la loi Pinel, elle retient la date du 18décembre 2014. Il ne s’agit donc pas de la date du 19décembre ou encore moins celle du 1 er décembre 2014. Dans cette espèce la loi était inapplicable, le comman- dement de saisie était du 4juillet 2014 et l’acte du 23octobre de cette année. (Cour d’appel de Bastia, 20janvier 2016, n° de RG: 15/00833, M me Marie-Paule X… épou- se Y… c/Caisse de crédit mutuel d’Ajaccio). 1 6juillet 2018 11 D ROITDEPRÉEMPTION JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 6 Section 7: Expiration du bail Comme toute structure contractuelle, le bail a une fin. Elle peut survenir par le biais d’une clause de résiliation dont l’exercice est strictement encadré par la loi et où la bonne foi est plus que jamais requise. Le bail peut être suivi d’un bail renouvelé, mais il peut aussi disparaître définitive- ment en cas de grief, comme l’existence d’un contrat de location-gérance illégal, ou encore par l’effet d’une offre de payer une indemnité d’éviction. Quelles sont alors les conséquences d’un refus de droit au maintien dans les lieux? 1°) Clause de résiliation de plein droit – Nécessité d’un acte extraju- diciaire Les faits : Le 9juin 2000, la société SIGC a donné à bail commercial un local à la société Fitt qui, le 17juillet 2000, l'a sous- loué à la société Unitours. Par lettre recom- mandée avec demande d'avis de réception du 4octobre 2007, visant la clause résolu- toire, la société SIGC a mis en demeure la société Fitt de payer dans le mois des arrié- rés de charges et d'indexation de loyers. Le 2juillet 2010, la société Unitours a assigné la société Fitt en indemnisation de troubles de jouissance. Contestant la résiliation du bail, la société Fitt a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Unitours au paiement de loyers; la société SIGC, appelée à l'instance, a demandé la constatation de la résiliation de plein droit du bail consenti à la société Fitt. La cour d’appel (Nouméa, 15octobre2015) estime notamment que le bail stipule sa résiliation de plein droit après une mise en demeure d'exécution ou un commandement de payer. Elle retient qu'une lettre recommandée valant som- mation remplit les conditions légales lors- qu'il en résulte une interpellation suffisan- te du débiteur. Or, la sommation de payer du 4octobre 2007 rappelle à la société locataire le délai légal d'un mois et com- porte un décompte détaillé de la dette et qu'à défaut de contestation dans le délai légal, le bail principal a été résilié de plein droit, entraînant la résiliation du sous-bail. La décision : Au visa des articles L.145-41 et L. 145-15 du code de commerce, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que la mise en œuvre d’une clause de résiliation de plein droit d’un bail com- mercial ne peut résulter que d’un acte extrajudiciaire. Commentaire: En application de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infruc- tueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues l’ar- ticle 1343-5 (report ou échelonnement des sommes dues) du code civil peuvent, en a ccordant des délais, suspendre la réalisa- tion et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le loca- taire se libère dans les conditions fixées par le juge. En application de l’article L.145-15, cet article est d’ordre public. Le recours à la lettre recommandée avec avis de réception concerne les délais ou l’échelonnement de la dette prévus à l’ar- ticle 1343-5 de l’actuel code civil. S’agissant de la mise en demeure, l’actuel article1344 énonce que « le débiteur est mis en demeure de payer (…) par une sommation ou un acte portant interpella- tion suffisante ». L’ancien article1139 pré- voyait le recours à une lettre missive lors- qu’il ressort de ses termes une interpella- tion suffisante. Dans un arrêt du 13mars 2002, la Cour de cassation avait estimé qu’une sommation de payer par lettre recommandée avec avis de réception dès lors qu'il résultait des dis- positions de l'article 1139 du code civil qu'une lettre recommandée valait somma- tion de payer lorsqu'il en résultait, comme en l'espèce, une interpellation suffisante de la débitrice (Cassation, 3 e civ., 13mars 2002, n°00-17391). Cette jurisprudence est inversée. Le commandement de payer nécessite un acte extrajudiciaire délivré par huissier. Et si l’article 1139 peut être analy- sé comme une règle de portée générale, l’article L.145-41 s’impose en application du principe de spécialité. Le législateur a admis que le locataire demandant le renouvellement de son bail avait le choix entre l’acte extrajudiciaire et la lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article L.145-14 du code de com- merce). Or, rien d’équivalent n’est énoncé à l’article L.145-41 qui ne vise que le com- mandement ce qui sous-entend l’acte extrajudiciaire. (Cour de Cassation, 3 e civ. 21décembre 2017, n°16-10583, société SIGC c/société Fitt). 2°) Clause résolutoire - Bonne foi du bailleur Les faits : Dans le cadre d’un bail commer- cial conclu en 2010 entre M. X et la société CDL, il s’avère nécessaire de procéder à la remise en état des lieux loués. L’immeuble est à usage de restaurant et le litige s’arti- cule autour de travaux effectués par le preneur (construction par celui-ci d’une f osse recueillant les graisses du restaurant avec pompe de relevage), sans autorisation du bailleur. Ces travaux concernent aussi des réparations locatives pour des pro- blèmes d’huisserie. Le bailleur se prévaut alors d’une clause du bail, stipulant au titre des « obligations du preneur visées au bail commercial qui lui interdit de faire dans les locaux loués aucun changement de distri- bution, d'installation, aucune démolition et construction, aucun percement de mur, de cloison ou de voûte, aucune construc- tion sans l'autorisation expresse et par écrit du bailleur ». Les travaux s’imposaient au titre des normes d’hygiène et visaient à mettre en sécurité le bâtiment et répondaient aux normes imposées par la compagnie d’assu- rances du preneur. Le bailleur estime qu’il devait autoriser ces travaux. Il fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire. Ceci est validé par la cour d’appel de Bordeaux (2novembre2016). Le preneur forme alors un pourvoi en cassation. La décision : Au visa de l’ancien article1134 du code civil, la Cour casse l’arrêt au motif: « Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire avait été mise en œuvre de bonne foi par le bailleur et non dans le but de se soustraire aux travaux lui incom- bant et réclamés par le preneur avant la délivrance de la mise en demeure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Commentaire: Les conventions doivent être exécutées de bonne foi disposait l’ancien article1134 du code civil. Dans l’espèce ci- dessus, il est incontestable que les désordres affectant la structure des locaux loués nécessitaient des travaux incombant exclusivement au bailleur. Il est assez curieux de constater que l’obligation de régularisation dans le mois si elle avait été retenue aurait eu pour effet la destruction de ces travaux utiles. À défaut, le bailleur en cas de résolution du bail aurait bénéficié de locaux parfaitement rénovés. C’est peut- être ces considérations qui ont motivé la décision de la Cour de cassation. Il est de jurisprudence constante que la mise en œuvre de la clause résolutoire doit être fai- te de bonne foi. Et en matière de travaux, la Cour a jugé qu’est de mauvaise foi la bailleresse qui invoque la clause résolutoire alors que par sa carence dans l’entretien de l’immeuble, elle n’avait pas été étrangère aux infiltrations d’eau qui avait motivé une s ommation du 13mars 1980 et que l’état de délabrement constaté par l’expert serait dû également à la vétusté (Cassation, 3 e civ. 27mai 1987, n°85-18076, BC III n°108). L’espèce commentée ci-dessus s’inscrit par- faitement dans le cadre de la jurispruden- ce sur la bonne foi. Elle est aussi intéres- sante sur le plan pratique par l’énuméra- tion des travaux réalisés. (Cassation, 3 e civ., 1 er février 2018, n°16- 28684, société CDL c/ M.X…) 3°) Refus du droit au maintien dans les lieux – Préjudice – Expert judiciaire Les faits : Par contrat du 24mai 2000, la société VR services a concédé à une socié- té, aux droits de laquelle se trouve la socié- té Dukan de Nitya, la jouissance, pour une durée indéterminée, d'un emplacement dans le centre commercial La Vallée Villa- ge. Le 4mars2011, elle a notifié un congé à la société Dukan de Nitya. Après annula- tion d'une sentence arbitrale du 10août2012, complétée le 24sep- tembre2012, un arrêt irrévocable du 14janvier2014 a requalifié le contrat liant les parties en bail commercial, annulé le congé et, au constat de l'impossibilité de réintégrer la société Dukan de Nitya dans les lieux, ordonné une expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction. Après dépôt du rapport de l'expert, la société Dukan de Nitya a sollicité sa réintégration dans les lieux et, subsidiairement, l'annula- tion de l'expertise et la désignation d'un autre expert, en contestant le montant de l'indemnisation proposé par l'expert. La décision : L’affaire est importante et ce n’est pas moins de six moyens qui étaient invoqués. L’un de ceux-ci est retenu et emporte cassation: « Le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'évic- tion est distinct de celui réparé par cette indemnité. » Commentaire: En application de l’article L.145-28 du code de commerce, le locataire pouvant obtenir l’indemnité d’éviction a droit au maintien dans les lieux aux condi- tions et clauses du contrat de bail expiré. Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions 1 6juillet 2018 12 E XPIRATIONDUBAIL JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 7
prévues aux articles L.145-17 et suivants du code de commerce, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renou- v ellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profes- sion, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstal- lation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fond de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. (article L. 145-14). L’indemnité d’éviction et le droit au main- tien dans les lieux sont deux aspects impor- tants du statut des baux commerciaux. Mais le locataire doit de se comporter en bon père de famille et doit strictement res- pecter cette période de droit au maintien dans les lieux. C’est ainsi que lorsque l’une des chambres meublées d’un hôtel exploi- té dans les lieux loués ayant fait l’objet d’une fermeture administrative du 9novembre 1994 au 5février 1996 pour avoir été mise à la disposition d’une per- sonne mineure s’y livrant à la prostitution, la cour d’appel qui en a déduit que la gra- vité de cette infraction à l’obligation d’oc- cupation paisible du locataire entraînait déchéance de son droit au maintien dans les lieux et au bénéfice d’une indemnité d’éviction (Cassation, 3 e civ., 4avril 2001, n°99-17515). Le bailleur doit assurer une jouissance paisible au locataire; c’est ainsi que lorsque le locataire n’avait pu exploi- ter un fonds de commerce, qui faisait l’ob- jet d’un arrêté de fermeture en raison de l’état de péril de l’immeuble, le bailleur ne peut exiger de ce locataire le paiement de l’obligation de payer son loyer et ses charges (Cassation, 3 e civ., 26juin 1991, n°89-21034). Mais on notera aussi que le preneur peut quitter les lieux avant la fixa- tion de l’indemnité (Cassation, 3 e civ., 13juillet 1994, n°92-10536). Mais quelle est la situation juridique lorsque, par le fait du bailleur, le locataire est contraint de quitter les lieux, voyant ainsi nier son droit au maintien dans les lieux? Par un arrêt du 18février2014, la Cour de cassation a déci- dé que le preneur qui n’a pu continuer son activité jusqu’à la date de paiement de l’in- demnité d’éviction du fait du manque- ment du bailleur à ses obligations est fon- dé à solliciter la réparation du préjudice qui en découle. La cassation motive sa décision au visa des articles L.145-14 du code de commerce et 1147 du code civil. Dans l’affaire susvisée, la société locataire ayant été évincée du local qu’elle louait, (le « contrat de services » ayant été requa- lifié de bail commercial) les juges du fond avaient refusé la réintégration, celle-ci n ’étant plus possible et indiqué qu’elle donnerait lieu à l’indemnité d’éviction. Pour sa fixation, le juge d’appel avait rete- nu la valeur du droit au bail théorique, des frais de remploi, du trouble commercial, des pertes sur stock et des indemnités légales de licenciement. Par contre, n’étaient pas suffisamment justifiés des frais divers, le tout aboutissant à une indemnité de 195472,31euros. La locataire demandait une indemnisation de la perte de son maintien dans les lieux. Il faisait valoir la diminution sensible de son chiffre d’affaires ou encore le fait d’écouler son stock sur Internet déduction faite des frais d‘exploitation. Le juge d’appel avait estimé que la perte du droit au maintien dans les lieux avait déjà été prise en compte par la fixation de l’indemnité d’éviction qui indemnise le préjudice subi par le défaut de renouvellement du bail. Cet arrêt de la Cour de cassation instaure une autonomie pour le préjudice né du refus de droit au maintien dans les lieux et ce lors même que certaines pertes qu’il invoquait pou- vant pourtant figurer dans les indemnités fixées par la loi ou la jurisprudence. L’in- demnité d’éviction n’est pas exclusive de la réparation du préjudice du refus du droit au maintien dans les lieux. À titre d’éven- tuels préjudices, le locataire faisait valoir des manœuvres frauduleuses de la baille- resse, des brimades, des intimidations ayant pour objet de ternir son image. Ce sera à l’avenir le rôle de la jurisprudence de construire le droit en la matière. Affaire à suivre. Pour finir, on notera aussi que, dans cette espèce, la Cour de cassation arrête que, « Ayant constaté que, lors de la désigna- tion d'un expert judiciaire, président d'une fondation, un avocat, trésorier de cette fondation, n'était plus le conseil d'une par- tie depuis près d'un an, une cour d'appel a pu en déduire qu'il n'existait aucun man- quement de l'expert au principe d'impar- tialité ». (Cour de Cassation, 3 e civ., 30novembre2017, n°16-17686, société Dukar de Notya c/ société VR services). 4°) Non renouvellement du bail - Contrat de location-gérance Les faits : Selon contrat notarié du 6avril 2005 avec entrée en vigueur le 1 er avril, la SCI Vengeance consent à M.et M me Y… un bail portant sur un local commercial. Le fonds de commerce est vendu le 12avril 2 005 à M me A … et quelques mois après, par acte en date du 20mars 2006 (sans res- pecter le délai de deux ans), la locataire apporte en gérance le fonds de commerce exploité dans les lieux loués à la SARL Bisca Group dont elle est associée. Mais la loca- tion-gérance est illégale faute pour M me A… de respecter le délai de deux ans nécessaire pour la mise en location-géran- ce du fonds. La bailleresse délivre les 7 et 22mai2012 deux congés avec refus de renouvellement du bail et refus versement d’une indemnité d’éviction au motif que M me A… n’avait pas exploité pendant au moins deux ans le fonds mis en gérance. Il est vrai qu’une autorisation de mise en location-gérance avait été accordée le 23mai 2006 par le Président du Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan. La bailleresse considère que l’autorisation du juge ne peut régulariser la location-géran- ce. Selon elle, celle-ci est nulle et entraîne la déchéance du droit à renouvellement. La cour d’appel de Pau le 10janvier2017 considère que si une faute existe entre les parties au contrat de location-gérance et pouvait entraîner la nullité de celui-ci, la SCI Vengeance ne rapporte pas la preuve d’un préjudice fondé sur l’article 1382 du code civil et cela ne peut constituer un motif grave et légitime privatif d’une indemnité d’éviction. La décision : La Cour de cassation casse l’ar- rêt de la cour d’appel. La location-gérance conclue en violation des conditions exigées du loueur, qui n’ont pas pour finalité la protection des parties, est atteinte d’une nullité absolue. La déchéance du droit à renouvellement du bail commercial prévue par l’article L.144-10 du code de commerce est encourue dès lors que le preneur consent un contrat de location-gérance atteint par la nullité prévue à l’alinéa 1er de l’article L.144-10 du code de commerce. Commentaire: Le contrat de location- gérance régi par les articles L.144-1 et sui- vants du code de commerce est un mode courant d’exploitation des fonds de com- merce. Mais selon l’article L.144-3 du code, le fonds doit avoir été exploité pendant au moins deux ans par le bailleur à la loca- tion-gérance. Ce délai peut être réduit ou supprimé à certaines conditions par une autorisation du Président du tribunal de grande instance. L’article L.144-10 du code 1 6juillet 2018 13 E XPIRATIONDUBAIL JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 7
dispose quant à lui: «Tout contrat de loca- tion-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consen- ti par le propriétaire ou l'exploitant d'un f onds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois, les contractants ne peu- vent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers. La nullité prévue à l'alinéa précédent entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pourraient éventuellement tenir des dispositions du chapitreV du présent titre réglant les rap- ports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ». L’affaire allait ensuite de soi. Il est à noter qu’il ne fait pas de doute que pour la Cour de cassation, l’ordre public relatif au contrat de location-gérance est un ordre public de direction. On rappellera aussi que le bail commercial peut valablement interdire au locataire de donner le fonds exploité dans les lieux loués en location-gérance (Cassa- tion 3 e civ., 29mars 1973, BC III n°237). (Cour de cassation, 3 e civ., 22mars 2018, n°17-15830, M m e A… c/ société Vengeance). 5°) Destruction de la chose louée Les faits : Dans le cadre d’un bail commer- cial intervenu entre la SCI Toulouse Immob et la SARL La Boulangerie toulousaine, un incendie ravage le 1 er avril 2014 des locaux à usage de boulangerie ainsi qu’un appar- tement situé au-dessus. Le sinistre affecte a ussi un local voisin. Les dégâts sont consi- dérables avec les planchers du 1 er étage soutenus par des étais, dégradation des linteaux des portes au-dessus des deux vitrines, des fissures de 5 millimètres au milieu des poutres du linteau. Mais la des- truction n’est que partielle. Le preneur entend qu’il soit procédé à la remise en état des locaux. La bailleresse pour sa part entend se prévaloir de la résiliation du bail suite à la destruction totale de la chose louée par cas fortuit. Le juge saisi faisait aussi valoir que le coût des travaux excé- dait la valeur vénale de la chose louée. La décision : La cour d’appel (Toulouse, 30novembre2016) accueille la demande de la société locataire en raison du défaut de perte totale, refuse la résiliation du bail et condamne la bailleresse au paiement d’une astreinte. Mais la Cour de cassation censure cette décision: en statuant ainsi, après avoir relevé que l’immeuble était devenu impropre à l’exploitation prévue au bail, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé l’article 1722 du code civil. Commentaire: En application de l’article 1722 du code civil, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit le bail est résilié de plein droit; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut suivant les circonstances d emander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédomma- gement. Mais pour la jurisprudence, il ne s’agit pas seulement de la destruction phy- sique mais c’est aussi le cas où la chose est devenue impropre à sa destination (Cassa- tion, com., 12février 1962) dans le cas d’une toiture détruite à 80% ou encore d’un immeuble incendié devenu impropre à l’utilisation d’hôtel (Cassation 3 e civ., 20janvier 1981, BC III n°15). Et c’est aussi le cas quand les travaux excèdent la valeur de la chose louée (cassation 3 e civ., 12juin 1991 n°90-12140) BC III n°169). Or, dans cette espèce, le juge d’appel avait relevé que lorsque les locaux loués sont partiellement détruits, cette perte partielle peut être assimilée à une destruction tota- le au sens de l’article 1722 en cas d’impos- sibilité absolue et définitive d’user de la chose conformément à sa destination. Ain- si par là même l’arrêt d’appel encourrait la cassation. (Cour de cassation, 3 e civ., 8mars 2018, n°17- 11439, société La boulangerie Toulouse c/ société Toulouse immob). ● 1 6juillet 2018 14 E XPIRATIONDUBAIL JURIS hebdo immobilier ll S ECTION 7 NOM : PRÉNOM : FONCTION : SOCIÉTÉ : ADRESSE : TÉL : FAX : MÉL : N ° TVA INTRACOM .: SIGNATURE : O F F R E EX C EP T IO NNEL L E R é s e r v é e a u x n o uv e a u x a b o n n é s 20% de réduction sur l’abonnement JURIS hebdo immobilier B ULLETIND ’ ABONNEMENT « PRIVILÈGE » ❑ OUI , je souhaite bénéficier de l’offre de souscription à JURIShebdo qui m’est réservée soit un an d’abonnement (41 numéros de la lettre + 5 numéros spéciaux consacrés au droit immobilier) au prix de 599 € TTC (soit 586,68 € HT + 2,1% de TVA) au lieu de 779 € TTC, soit 20% de réduction . Ci-joint mon chèque de 599 € TTC à l’ordre de JURIShebdo Je recevrai une facture acquittée dès paiement de ma souscription À RETOURNER A JURISHEBDO 168, AVENUE MARGUERITE RENAUDIN, 92140 CLAMART ns71 UNE PUBLICATION DE LA SOCIETE DE PRESSE DU BREIL, SARL DE PRESSE AU CAPITAL DE 10000EUROS, RCS 443 034 624 00017 NANTERRE ✁
1 6juillet 2018 15 JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE N OMINATIONS A GENDA Administration centrale ✓ Ministère de l’économie et des finances : Thomas Courbe est nommé directeur général des entreprises. (Décret du 6juillet 2018, J.O. du 7juillet, n°85). Préfets Marie Lajus est nommée préfète de la Cha- rente et Chantal Mauchet, préfète de l'Ariège. (Décrets du 6juillet 2018, J.O. du 7juillet, n°35 et36). Conventions collectives ➠ Personnel des cabinets d'avocats : l'ac- cord du 15septembre 2017 relatif à la création de la commission paritaire perma- nente de négociation et d'interprétation est étendu par arrêté du 29juin 2018. (J.O. du 5juillet, n°81). ➠ Promotion immobilière : l'avenant n°39 du 17novembre 2017 relatif à la mise en place de la commission paritaire perma- nente de négociation et d'interprétation est étendu. (Arrêté du 29juin 2018, J.O. du 5juillet, n°82). ➠ P ersonnels des centres PACT et ARIM : l’arrêté du 29juin 2018 étend l'avenant du 21mars 2017 relatif à la modification de l'avenant n°2 du 14décembre 1990 insti- tuant le régime de prévoyance obligatoire . (J.O. du 5juillet, n°85). Au fil du J.O. ■ Marché des terres agricoles Le barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2017 a été publié par arrêté du 28juin 2018. (J.O. du 4juillet 2018, n°21). ■ Autorisation de défrichement Un décret du 3juillet prolonge la durée maximale de prorogation de la validité des autorisations de défrichement afin de la mettre en cohérence avec les délais de vali- dité des enquêtes publiques sur les projets ayant un impact sur l'environnement. La prorogation qui pouvait durer 3 ans, est portée à 5 ans (art. D 341-7-1 du code forestier). (Décret n°2018-575 du 3juillet 2018 relatif aux délais de prorogation de la durée de validité des autorisations de défrichement, J.O. du 5juillet, n°27). ■ Renouvellement urbain Le règlement général de l’ANRU est approuvé. Le préambule du texte indique que les programmes de renouvellement urbain doivent s'articuler sur un projet global liant la démolition d'immeubles, le déve- loppement d'une offre immobilière nou- velle, la restructuration du patrimoine, l'aménagement des espaces publics et l'amélioration du cadre de vie. Il s'y ajoute le désenclavement des territoires et la sécurité. La reconstitution de l'offre locative liée aux démolitions doit, par principe, être située hors du quartier d'intervention et plus largement hors QPV. Le règlement fixe notamment le montant maximum des subventions. Exemple : la zone grand pôle IDF: 8000 € de prêt bonifié en PLUS par logement neuf, ou 12000euros de subvention en PLAI. Pour la Couronne grand pôle IDF et métro- poles d'Aix-Marseille-Provence, Lyon, Nice et Toulon: 8000 € également de prêt bonifié en PLUS ou 8600 € de subvention en PLAI. (Arrêté du 4juillet 2018, J.O. du 7juillet, n°7). ■ Monuments historiques La loi de finances rectificative pour 2017 a supprimé l'agrément pour les monuments historiques détenus par des SCI non fami- liales ou détenus en copropriété. Un arrêté en tire les conséquences et abroge l'article 170 septies (annexeIV du CGI) qui déter- minait l'autorité chargée de délivrer l'agré- ment. (Arrêté du 15juin 2018, J.O. du 7juillet, n°27). ✦ 26 et 27 novembre 2018 (Paris, Carrousel du Louvre). Le congrès de la FNAIM change de lieu et de nom, et devient Congrès FNAIM & Salon. AU FIL DU J.O. Diagnostic Opérateur avec mention Opérateur sans mention Plomb - Diagnostic (art. L 1334-1-1 CSP) - Contrôle après travaux (art. L 1334-1-1 CSP) - Constat de risque d’exposition au plomb (CREP, art. R 1334-11 CSP). Amiante - Repérages (listes A et B) et évaluations périodiques dans les IGH, les ERP (1 e à 4 e catégories), les immeubles de travail de plus de 300 personnes et les bâtiments industriels - Repérages (liste C) - Examens visuels après retrait ou confine- ment des matériaux - Repérages (listes A et B) et évaluations périodiques dans les autres immeubles Énergie - DPE dans les immeubles ou bâtiments à usage principal autre que d’habitation - DPE dans les habitations individuelles et les lots dans les bâtiments à usage principal d’habitation - Attestation pour la réglementation thermique Répartition des tâches entre opérateurs avec ou sans mention ■ Compétences des diagnostiqueurs: deux niveaux de certification 1. Un arrêté du 2 juillet 2018 modifie les exigences de compétence des opérateurs de diagnostic immobilier. Il entre en vigueur sur ce point le 1 er avril 2019. 2. Le texte modifie aussi les conditions de certification des organismes de formation. Son entrée en vigueur est plus rapide: 1 er octobre 2018. L’arrêté vise les 6 diagnostics suivants: plomb, amiante, termites, gaz, énergie et électricité. Il distingue, pour les opérateurs , deux niveaux de certification: - avec mention, - sans mention, et réserve certaine missions aux opérateurs avec mention pour le plomb, pour l'amiante et pour l'énergie (voir tableau ci-dessous). Sont fixées en annexes de l'arrêté: - les exigences applicables aux organismes de certification procédant à la certification des opérateurs de diagnostic immobilier, - les exigences applicables à l'organisme de formation et à l'organisme de certification de l'organisme de formation, - les compétences des personnes physiques exigées dans le cadre de la certification. (Arrêté du 2 juillet 2018 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification, J.O. du 8 juillet, n° 15) ❘◗ Chloë Nessim devient associée du cabinet Simmons & Simmons et prend la tête de son département fiscal. Acteurs
1 6juillet 2018 16 JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE H ERBERT S MITH F REEHILLS FFB Qu’est-ce que le “big data”? questionne en préambule Alexandra Neri (Herbert Smith Freehills, partner). Réponse: un ensemble gigantesque de données, acces- sible en temps réel, qui peut être analysé par des algorithmes. L’une des difficultés qui freine leur utilisation est que cette source correspond pour partie à des don- nées publiques et pour partie à des don- nées personnelles. Pour faire usage des premières, il suffit de mentionner la source et sa date de mise à jour. Mais l’usage des données person- nelles suppose de recueillir l’accord de la personne concernée. A l’accord peut le cas échéant s’ajouter une redevance. Le professionnel, un promoteur par exemple, est aussi producteur de données. Il lui faut à ce titre structurer ses données, en vérifier la nature et soumettre leur accès à une licence. Identifier les dents creuses La société HBS propose d’exploiter les don- nées dans le domaine de la recherche de constructibilité, en partant des données publiques pour identifier les dents creuses. Benjamin Pautrot (directeur commercial) explique la méthode d’HBS pour recher- cher de la constructibilité. L’analyse part du COS et des 69841 parcelles répertoriées dans Paris et leur affecte des filtres succes- sifs: 33212 ont plus de 300m 2 , 4504 ont un usage professionnel, 3763 n’ont pas subi de travaux depuis2005 et1879 ont un COS compris entre 0 et 2,5. Sur ces 1879 parcelles, 1147 sont détenues en pleine propriété et 732 en copropriété. Pour celles en pleine propriété, elles sont, s’agissant des investisseurs privés, en multi- utilisateurs (318), mono-utilisateur (264) ou vides (96). Le filtrage suivant permet de déterminer leur arrondissement et leur nature (bureaux, commerce…). Enfin, sur une parcelle donnée, on peut voir la fraction qui est occupée, son usage et voir ainsi quelle construction complé- mentaire pourrait être édifiée. Quel potentiel ? Anne Petitjean (Herbert Smith Freehills, partner) prend le relais de l’analyse pour décrypter, sur le plan juridique, quel pour- rait être le potentiel de développement de la parcelle ainsi identifiée. Elle explique que la masse des informations ainsi dispo- nibles permet d’en faire une analyse juri- dique. La planification urbaine est une information publique; les PLU sont en ligne, les permis de construire sont affi- chés. Par ailleurs, la loi Alur a supprimé le COS ce qui permet de gagner en construc- tibilité. Le législateur a créé des bonus de constructibilité et il s’apprête à le faire à nouveau avec la loi Elan en faveur de la transformation des immeubles vacants. L’avocate présente la démarche d’analyse de l’immeuble qui suit plusieurs étapes: 1. Les données de l’Apur indiquent par exemple la hauteur maximale et la desti- nation de l’actif. 2 La fiche de renseignement d’urbanisme permet de voir qu’une zone et en déficit de logements sociaux, ce qui impose en cas de construction, d’y consacrer 30% de logements sociaux ou que le secteur est en zone de protection renforcée du commer- ce et de l’artisanat, ce qui interdit la sup- pression des commerces existants. 3. Les documents graphiques du PLU. 4. Détermination du gabarit enveloppe, en fonction de la largeur de la rue et du plan de hauteur. 5. Estimation du résiduel de constructibilité. (voir exemple en encadré). ● Le big data au service de la recherche de constructibilité L’exploitation du big data peut servir à rechercher efficacement du potentiel de constructibilité. Regards croisés d’un spécialiste des données, HBS Research, et d’un cabinet d’avocats, Herbert Smith Freehills, ce 5 juillet. JURIShebdo 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart Téléphone: 0146457769 contact@jurishebdo.fr ■ site internet: jurishebdo.fr ■ Directeur de la rédaction: Bertrand Desjuzeur ■ Mél: bertrand.desjuzeur@jurishebdo.fr ■ JURIShebdo est une publication de la Société de Presse du Breil (SPB), SARL de presse au capital de 10000euros constituée en août2002 pour 99 ans. Siège social: 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart ■ RCS Nanterre 443034624000 17 ■ APE 5813Z ■ Actionnaires: Bertrand Desjuzeur, Roseline Maisonnier ■ Numéro de commission paritaire: CPPAP n°0219 I 80129 ■ Dépôt légal: à parution ■ Prix de vente au numéro: 17 € TTC (16,65 € HT) ■ Abonnement pour 1 an (41 nos + 5 nos spéciaux): 779 € TTC (753,19 € HT) ■ Directeur de la publication: Bertrand Desjuzeur ■ Impression: par nos soins ■ Gestion des abonnements: logiciels Libre office - Xoops RENCONTRES La FFB s’inquiète du retournement de conjoncture Le ton était sombre lors du point presse de la FFB ce 11juillet. Le président Jacques Chanut reconnaît que l’activité reste dyna- mique et que la création de 30000 emplois pour l’année se confirme. La FFB lance une opération 15000 bâtisseurs pour embau- cher, notamment dans les quartiers Anru. Mais le renversement de tendance sur le logement neuf se confirme. Depuis le d ébut de l’année, les ventes des promo- teurs reculent. La baisse est de -5,1% au 1 er trimestre (par rapport au 1 er trimestre 2017). Patrick Vandromme, président de LCA-FFB confirme la tendance pour les maisons indi- viduelles, dont les ventes ont chuté de -14,3% sur 5 mois (janvier à mai2018 par rapport aux 5 mois de 2107). La distribution de PTZ pour le neuf a chuté de -46% au 1 er trimestre 2018 (par rapport au 1 er trimestre 2017). Selon une enquête LCA-FFB, la baisse des ventes sur le début 2018 s’explique, en accession, par la suppression de l’APL acces- sion (pour 40%) en zones A et B1. Pour les zones B II et C, la suppression de l’APL explique la baisse dans 42% des cas et, le rabotage du PTZ dans 45% des réponses. Pour l’investissement locatif, la baisse d’acti- vité est attribuée en zone B2 et C à 84% à la suppression du dispositif Pinel. Patrick Vandromme en conclut que la dégradation de l’environnement institutionnel explique l’essentiel de la baisse d’activité. Concrètement, le recentrage des aides conduit certains projets à ne plus être finançables: la hausse des mensualités qui en résulte pour un projet donné fait passer l’endettement au-delà de la barre des 30%, qui conduit la banque à refuser le prêt. Jacques Chanut ajoute que la baisse des autorisations en 5 mois est évaluée à - 1,8% et celle des ouvertures de chantiers à -4,3%. Le retournement du marché n’est pas dû à la conjoncture d’autant que le sec- teur non résidentiel est plus dynamique et que le secteur des bâtiments administratifs est en forte hausse. Quant au secteur de l’amélioration entretien, il progresse faible- ment (+0,9% au 1 er trimestre). La FFB sou- ligne par ailleurs que les prix du bâtiment ont augmenté au 1 er trimestre de +1,1% tandis que les coûts (salaires et matériaux) sont en progression de +2,3%. Il en résulte une dégradation de la trésorerie et des marges des entreprises. La FFB s’inquiète étalement des perspectives du plan de rénovation énergétique du bâtiment, dont les objectifs ne sont pas soutenus par des financements. Jacques Chanut déplore la décision qui a été prise d’exclure les fenêtres du crédit d’impôt de transition énergétique, car il s’agit du sujet central pour lancer une démarche de performance énergétique… ● 1. Données Apur 14,02 m de haut 75 logements - 2649 m 2 8 locaux d’activité - 963 m 2 2. Fiche de renseignement Secteur d’incitation à la mixité habitat emploi, zone de défi- cit en logement social. Protection renforcée du commerce de l’artisanat 3. PLU : documents graphiques 4 Gabarit enveloppe Hauteur imitée à 25m (ou 31 m avec le cou- ronnement) en raison de la largeur de la rue et selon le plan de hauteur à 25m en limite d’alignement (et 31 m en fond de parcelle) 5. Estimation du résiduel de constructibilité 25-14 m ; soit un potentiel de 11 m ou 3 étages. Sur une emprise de 375 m 2 , il reste une constructibilité de 1125m 2 . Si on construit plus de 800m 2 de logements, il faut prévoir 30% de logements sociaux. Il est donc plus intéressant de prévoir 700m 2 de logements et le solde en bureaux. Immeuble au 37 cours de Vincennes (Paris 20 e )
– Panorama des baux commerciaux –
– Section 1 – Application ou non du statut – p 2
Requalification en bail – Départ de la prescription biennale
Bail dérogatoire – Non application de l’article 1738 du code civil
Convention d’occupation précaire
– Section 2 – Loyer et valeur locative – p 3
Loyer du bail révisé – Fixation à la valeur locative
Clause d’échelle mobile – Loyer à prendre en considération
Renonciation conventionnelle à la révision judiciaire – Fixation à la valeur locative
– Section 3 – Obligation de délivrance – Cession – p 5
Obligation de délivrance du bailleur – Locaux amiantés
Cession du bail commercial – Inopposabilité
– Section 4 – Congés – p 6
Congé : computation des délais
Congé avec refus de renouvellement – Nouveau commandement
– Section 5 – Prescription – p 7
Indemnité d’occupation – Point de départ du délai de prescription
Renouvellement tacite du bail – Prescription de l’action
Action en dénégation du statut – Prescription
Action en rétractation de congé – Point de départ de la prescription
– Section 6 – Droit de préemption du locataire – p 10
Exclusion des ventes aux enchères publiques – Cession globale
Conditions de la vente – Exclusion de la commission d’agent immobilier
Saisie immobilière
– Section 7 – Expiration du bail – p 11
Clause de résiliation de plein droit – Nécessité d’un acte extrajudiciaire
Clause résolutoire – Bonne foi du bailleur
Refus du droit au maintien dans les lieux – Préjudice – Expert judiciaire
Non renouvellement du bail – Contrat de location-gérance
Destruction de la chose louée
– Rencontres – p 16
Herbert Smith Freehills : le big data au service de la recherche de constructibilité / La FFB et LCA FFB alertent sur la baisse de la construction