Au Sommaire :
Les analyses de Bernard Vorms, Guillaume Daudré, Lionel Carli, Philippe Pelletier, Claire Castela et Régis Hallard, Brigitte Bariol, Didier Ridoret,Patrick Doutreligne, Arnaud Dewachter,Charles-Henri de Marignan, Christian Louis-Victor, Olivier Mesmin et Christine Daric, Etienne Ginot et Jean-François Buet, l’ARC et Marie-Laure Decobert.
¦ Les grandes réformes de la politique du logement depuis 2000
Bernard Vorms, Directeur général de l’ANIL – Agence nationale pour l’information sur le logement page 2
¦ Dix ans d’application de la réglementation des changements d’usage : bilan et perspectives
Guillaume Daudré, Notaire assistant, Allez & Associés page 4
¦ Mettre l’humain et les usages au cœur du bâtiment
Lionel Carli, Président du CNOA – Conseil national de l’ordre des architectes page 6
¦ Favorisons le développement durable de la loi !
Philippe Pelletier, Avocat associé, Lefèvre, Pelletier et Associés page 8
¦ Chronique d’un loyer indexé
Claire Castela et Régis Hallard, Avocats associés du cabinet FIDAL page 10
¦ Du territoire administratif à l’intercommunalité démocratisée ?
Brigitte Bariol, Déléguée générale de la FNAU – Fédération nationale des agences d’urbanisme page 12
¦ Trop, c’est trop !
Didier Ridoret, Président de la FFB – Fédération française du bâtiment page 14
¦ Face aux addicts des aides fiscales, il faut revenir à l’intérêt général
Patrick Doutreligne, Délégué général de La Fondation Abbé Pierre page 16
¦ L’épargne immobilière au secours du logement
Arnaud Dewachter, Délégué général de l’ASPIM – Association française des sociétés de placement immobilier page 18
¦ Retour sur les incitations en faveur de l’investissement résidentiel
Charles-Henri de Marignan, Analyste senior, IEIF – Institut de l’épargne immobilière et foncière page 20
¦ Les gens modestes ne pourront plus s’offrir un logement
Christian Louis-Victor, Président de l’UMF – Union des maisons françaises page 22
¦ SIIC: 10 ans déjà !
Olivier Mesmin et Christine Daric, Avocats associés chez Baker & McKenzie page 24
¦ Pour une nouvelle loi Hoguet !
Etienne Ginot, président de l’UNIS et Jean-François Buet, président de la Fnaim
Union des syndicats de l’immobilier – Fédération nationale de l’immobilier page 26
¦ Vive la crise !
ARC, Association des Responsables de Copropriété page 28
¦ Le démembrement de l’immobilier d’entreprise
Marie-Laure Decobert, Ingénieur Patrimonial, Swiss Life Banque Privée page 30
Qu’y a-t-il eu en France de comparable à la financiarisation du logement dans les pays anglo-saxons ou à la transfor- mation du rôle du parc social, qu’il s’agisse du right-to-buy britannique ou du brutering des Pays-Bas? A-t-on connu des bouleversements identiques à la dérégulation de la constructibilité des sols qui a eu lieu en Espagne ou encore à la réduction de la durée des baux à six mois dans le parc privé en Angleterre? En 2000, la loi SRU est venue inscrire l’objectif de mixité sociale dans les textes. L’obligation de disposer de 20% de logements sociaux dans les com- munes d’une certaine importance devait permettre de dépasser les égoïsmes locaux, en écartant l’argument selon lequel il serait dérai- sonnable de construire des logements HLM dans les villes riches car le foncier y est très cher. Initialement objet d’une opposition très forte au sein du Parle- ment, ce texte n’est plus aujourd’hui remis en cause par personne ou presque, et le débat porte sur la façon de lui donner plus d’efficacité, en rele- vant le pourcentage de loge- ments sociaux de 20 à 25% et en augmentant la pénalité pour les communes récalci- trantes. La place prise par la question des plus démunis dans la politique du logement constitue également une évolution pro- fonde. Cette évolution est symbolisée par le magistère conquis avec talent par la Fondation Abbé Pierre. Le Droit au Logement Opposable en constitue le texte phare: réclamé depuis des années par les associations, le DALO a été voté par surprise en période électorale, par un gouvernement de droite, avec le soutien unanime de députés majoritai- rement sceptiques. Le fait que sa mise en œuvre se heurte à l'insuffisance de l’offre dans les zones tendues, et d’abord en région parisienne, là où le problème se pose avec le plus d’acuité, met en lumière les limites du pouvoir de la loi et le caractère artificiel d’un débat national focalisé sur le déficit global de logements, alors que les conditions d’accès au logement reflè- tent une différen- ciation géogra- phique de plus en plus accusée. Mais c’est encore le poids des facteurs extérieurs qui aura eu l’influence la plus déterminante sur la situation du logement: la surliquidité du système financier mondial a provo- qué une baisse rapide des taux d’intérêt (supérieurs à 12% dans les années 1980, inférieurs à 7% en 2000 et à 4% aujourd’hui). Associée à l’allongement de la durée des prêts, elle a contribué pour une forte part à la croissance rapi- de du prix des logements et débouché aux États-Unis sur la crise des subprime. Ce n’est pas un hasard si dans la plupart des pays développés, les préoccupations liées au logement, voire le thème de la crise du logement, ont pris simultané- ment une place croissante dans les pro- grammes politiques. En France, la part des dépenses de logement dans la consommation des ménages a progressé de façon particulièrement rapide, mais surtout cette progression a été beau- coup plus forte pour les ménages modestes que pour les catégories sociales aisées. Les loyers n’ont pas évo- lué au même rythme que les prix, leur inertie dépend de fait très largement du cadre réglementaire, mais le déficit d’offres dans les zones tendues et la hausse des prix contribuent à dresser des obstacles considérables à l’installation des outsiders et d’abord des jeunes. La tension se reflète dans l’écart entre les loyers HLM et les loyers de marché: faible dans les zones déten- dues, il va de 1 à 3 à Paris. En revanche, la crise, si elle s’est tradui- te par un effondrement du nombre de transactions et de constructions nou- velles en2008 et2009, n’a pas eu les conséquences dramatiques pour les accédants que l’on a observées dans d’autres pays: le taux des défaillances d’emprunteurs ne s’est pas accru et le nombre de saisies est resté anecdo- tique. Ceci s’explique par l’équilibre des statuts d’occupation (58% de proprié- taires occupants en 2009, 24% de loca- taires dans le parc privé et 18 % de locataires dans le parc social) - qui fait 9avril 2013 2 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L AVIGUEURDUDÉBATPOLITIQUEAUTOURDUTHÈMEDE LA “F RANCEDEPROPRIÉTAIRES ” RESTESTRICTEMENT RHÉTORIQUE “Les grandes réformes de la politique du logement depuis 2000” par Bernard Vorms , Directeur général de l’ANIL ▲
qu’il n’est pas nécessaire d’être proprié- taire pour se loger -, le faible endette- ment des ménages, les caractéristiques de la filière de crédit, et l’accent mis sur la protection et l’information des emprunteurs. Et de fait, le plan de relance a pris appui à la fois sur la construction locative sociale, l’aide à l’accession sociale et une fiscalité favo- rable à l’investissement locatif, ce qui correspond à une constante de la poli- tique française. La vigueur du débat politique autour du thème de la « Fran- ce de propriétaires » reste strictement rhétorique: elle n’a pas d’incidence concrète sur les dispositifs techniques de la politique du logement: discours de rupture et politique de continuité. Et de fait, ceci se reflète dans les réformes successives du prêt à taux zéro: après avoir accompagné le plan de relance, il se plie maintenant au nouvel environ- nement budgétaire de la politique du logement et à la montée des préoccu- pations en matière de maîtrise de l’énergie. Reste que l’efficacité du prêt à taux zéro était inversement proportionnelle à la tension du marché et que ce ne seront probable- ment pas les métropoles qui souffriront le plus de ces res- trictions. Dans les zones denses qui concentrent l’activité, la richesse et aussi la grande pauvreté, les politiques de soutien de la demande trouvent leurs limites lorsque leur effet est en partie annulé par la hausse du prix du foncier. Comment peser sur l’offre? Cette ques- tion n’est pas non plus spécifique à la France: malgré un environnement réglementaire très différent, les Londo- niens éprouvent pour se loger des diffi- cultés proches de celles rencontrées dans la région parisienne. Dès 2004, le rapport Barker pointait le malthusianis- me des maires anglais pour expliquer la faiblesse de la construction britannique. C’est pourquoi, une importante réforme à venir pourrait avoir pour objet de déplacer le droit de refuser les permis de construire, qu’il s’agisse de loge- ments sociaux ou de logements privés, pour l’éloigner de la proximité immé- diate de l’électeur. Cela ne signifierait pas que ce pouvoir serait confié à une instance non élue, mais il serait situé à un niveau propre à dépasser le goût de l’entre soi des habitants et leur volonté de préserver leur cadre de vie, préfé- rences dont les élus sont les interprètes fidèles. Il s’agirait de changements importants dans la gouvernance de la politique du logement, mais ce ne serait pas les premiers: déjà l’État a transféré aux collectivités locales nombre d’attributions qu’il n’était plus en mesu- re d’exercer ou pour lesquelles le cadre national n’était pas pertinent. Mais la politique du logement ne pourra pas faire qu’il soit aussi facile et aussi peu coûteux de se loger à Paris qu’à Berlin, ville surdimensionnée où l’offre excède largement la demande. Si toutes les mesures qui relèvent de la politique du logement n’ont pas la même efficacité, encore faut-il qu’elles soient connues de l’ensemble des acteurs et que l’on puisse évaluer leurs effets. C’est à quoi se sont attachées l’ANIL et les ADIL, en dotant l’ensemble du territoire français d’un service indé- pendant d’information, qui permet au particulier de tirer parti des opportuni- tés, de sécuriser ses projets et qui offre en retour aux élus et aux professionnels des observations objectives sur le fonc- tionnement du secteur. ■ B. V. 9avril 2013 3 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L APOLITIQUEDULOGEMENTNEPOURRAPASFAIREQU ’ IL SOITAUSSIFACILEDESELOGERÀ P ARISQU ’ À B ERLIN ▲
Ces dix dernières années auront été particulièrement riches en nouveautés pour le contrôle de l’usage des locaux d’habitation: nouveaux textes, nouveaux acteurs, nouvelles pratiques. Il y a dix ans: un dispositif obsolète Le contrôle de l'affectation des locaux n'avait pas évolué depuis son instaura- tion en 1945. Désuet, et pour le moins folklorique aux yeux des investisseurs étrangers, ce dispositif a bien failli dis- paraître lors du vote de la loi SRU du 13décembre 2000. Sa survie n'a tenu qu'à son objectif, toujours d'actualité: maintenir, voire accroître, le parc des logements existants dans les centres urbains où s'exerce une forte pression pour transformer ceux-ci en bureaux, commerces ou cabinets de professions libérales. Les praticiens, notamment du notariat, appelaient de leurs vœux une refonte totale des textes. La grande réforme de 2005 Le 8juin 2005, après quinze ans d'efforts, a été signée l'ordonnance réformant les articles L631-7 et suivants du Code de la construction et de l'habitation. Élaborée sur une base consensuelle, la réforme apporte une réelle simplification. Elle a eu prin- cipalement pour objet: - de réduire le champ d'application aux villes de plus de 200000 habitants et aux départements de la première cou- ronne parisienne, - de lister les locaux d'habitation dont le changement d'usage est soumis à autorisation, - d'abandonner la référence à 1945 pour déterminer l'usage du local, et retenir l'année 1970 qui correspondait à la dernière révision générale des valeurs locatives, - d'accorder un caractère réel aux auto- risations accompagnées d'une compen- sation en nature (transformation en logement d'un autre local), les autres autorisations n’ayant qu’un caractère personnel, - d'habiliter les préfets à fixer les condi- tions de délivrance des autorisations de changement d'usage et détermi- ner les compensa- tions. Mieux informés de la situation des locaux, bailleurs et locataires ont gagné en sécurité juridique. A toutefois été écartée la prescription acquisitive de l'usage à l'issue d'une période d'occupation trentenaire. En 2009, la décentralisation La LME du 4août 2008 franchit une nouvelle étape. Pour agir au plus près du terrain, le contrôle de l'usage est transféré aux communes le 1eravril 2009. La Ville de Paris a évidemment été la première à définir dans un règle- ment sa propre politique d'affectation des locaux. De grandes villes de provin- ce (Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg, Lil- le…) et certaines communes de la petite couronne lui ont emboîté le pas. Le sys- tème mis en place à Paris repose sur un "secteur de compensation renforcée" (couvrant seize arrondissements en totalité ou en partie), dans lequel tout mètre carré d'habitation transformé doit, sauf exception, être doublement compensé (création de 2 m² d'habitation en compensation de la transformation de 1 m² d'habitation). En dehors de ce secteur, les compensa- tions s'effectuent à surfaces égales. Depuis 2009 on constate une baisse des superficies de changements d’usage autorisés (v. tableau). L'essor des compensations "sociales" Le règlement de Paris innove en réser- vant un traitement favorable aux com- pensations sous forme de surfaces de logement social: - ces compensations peuvent, par excep- tion, être de surfaces équivalentes à celles transformées dans le secteur de compensation renforcée, - et, depuis la modification du règle- ment municipal en février2011, les locaux des bailleurs sociaux proposés en compensation peuvent être situés dans 9avril 2013 4 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 A VECLARÉFORMEDE 2005, BAILLEURSETLOCATAIRESONT GAGNÉENSÉCURITÉJURIDIQUE “Dix ans d’application de la réglementation des changements d’usage: bilan et perspectives” par Guillaume Daudré, Notaire assistant, Allez & Associés ▲
l'ensemble du secteur de compensation renforcée, et non uniquement dans l'arrondissement de la transformation comme l'exige le règlement pour les compensations offertes sous forme de logements privés. Les bailleurs sociaux convertissent en logements d’anciens locaux d’activités (qui leur sont donnés à bail emphytéo- tique par la Ville) et tirent des cessions de commercialité une source complé- mentaire de financement de leurs tra- vaux, à côté des prêts et autres subven- tions. Le logement locatif social repré- sente une part croissante des compen- sations et la tendance devrait encore s’amplifier. Les faits marquants de l'année 2012 De l'année 2012 on retiendra: - Le contrôle renforcé à Paris des loca- tions meublées de courte durée. Des bailleurs ont été condamnés par le Tri- bunal de grande instance et la Cour d’appel de Paris à des amendes toujours plus élevées, au motif que la location meublée saisonnière fait perdre au logement son usage d'habitation et nécessite à ce titre une autorisation préa- lable de la Ville. Ces locations concerneraient environ 20000 loge- ments selon un rapport de l'APUR de novembre2011. - La jurisprudence n'est pas en reste. Du côté des juridictions civiles, la Cour de cassation a rejoint la position restrictive du Conseil d'Etat sur les effets des déro- gations-compensations antérieures à la réforme de 2005 (Civ. 3 e , 9mai 2012) tandis que la Cour d’appel de Paris se montre plus rassurante lorsqu’elle applique la prescription quinquennale à l’action en nullité d’un bail conclu en violation des dispo- sitions de l’article L. 631-7 (CA Paris, 16mai 2012). De son côté le Tribunal administratif de Paris a rejeté une exception d'illégalité du règlement municipal soulevée à l’encontre d'un refus d'autorisation dans le 8 e arrondissement (TA Paris, 29 nov. 2012). En outre, des questions prio- ritaires de constitutionnalité dirigées contre le contrôle de l’usage au motif d’une violation du droit de propriété, du principe d'égalité et de la liberté d'entreprendre ont été rejetées par les deux ordres de juridictions (CE, 8juin 2012; TGI Paris, ord. 25 oct. 2012). Pistes d’évolution Quelques possibilités d’évolution à venir pour 2013: - La maîtrise des meublés de tourisme pose la question de leur encadrement législatif. Le rapport sur la modernisa- tion des rapports entre les bailleurs et les locataires remis en février2013 au Ministre de l'égalité des territoires et du logement propose "d'exclure de l'autorisation de changement d'usage tout bien meublé constituant la rési- dence principale ou secondaire du bailleur". Sur ce point on suivra avec intérêt le projet de loi Urbanisme et Logement. - Le règlement municipal parisien pour- rait être précisé, notamment pour clari- fier les étapes de la procédure, encore complexe, qui conduit à l'obtention d'une autorisation soumise à compensa- tion (accord de principe, décision provi- soire, autorisation définitive). Il serait utile de formaliser dans le règlement ce qui existe déjà dans les faits, c’est-à-dire un contrôle de la conformité des com- pensations réalisées. La jurisprudence aura très certainement à résoudre de nouvelles difficultés. L’année 2013 débute avec l’annulation, pour « erreur de fait », d’un refus d’autorisation motivé sur un défaut de concomitance entre la compensation et le changement d’usage sollicité (TA Paris, 4 févr. 2013). ■ G. D. 9avril 2013 5 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L AMAÎTRISEDESMEUBLÉSDETOURISMEPOSELAQUESTION DELEURENCADREMENTLÉGISLATIF ▲ 2009 2010 2011 2012 Total des changements d'usage de locaux d'habitation en un autre usage (m²) Avec ou sans compensation 37142 27803 27590 25652 Total des compensations (m²) Dont surfaces de logement social (m²) 13743 2974 (21%) 12176 3694 (30%) 13142 4296 (33%) 10094 4032 (40%) Solde entre les transformations de locaux d'habitation et les compensations sous forme de logement (m²) - 23399 - 15627 - 14448 - 15558 Bilan 2009-2012 établi à partir des décisions personnelles et des autorisations définitives en cas de compensation Bibliographie - Changements d’usage des locaux d’habitation. De l’affectation à l’usage, la réfor- me de l’article L631-7 du CCH G. Daudré et P. Wallut Ed. Lexis Nexis, coll. Litec Profes- sionnels 2010. 390 pages - Cession de commercialité: une opportunité à saisir? P. Morel Réflexions Immobilières 2012, n°60, p.54
Pour évoquer les évolutions marquantes des dix dernières années dans la profes- sion d’architecte, il est évident que, dans la pratique quotidienne de notre métier, le surgissement des questions liées au développement durable et à la performance énergétique a eu un impact considérable. Les architectes n’ont pas découvert ces thématiques hier, puisque déjà dans les années 70, beaucoup d’entre nous pra- tiquaient l’architecture bioclimatique. Mais les années 2000 ont fait réappa- raître cette thématique à l’occasion de la prise de conscience du réchauffement climatique par nos sociétés. Les architectes ont voulu, très tôt au début des années 2000, se positionner au cœur de ces questions. L’Ordre a rédigé une charte, fondatrice, d’engagement des architectes en faveur du développement durable et a produit un ensemble de publications sur des retours d’expériences intéressantes, ou portant des préconisations tant auprès des architectes que de leurs maîtres d’ouvrage. Nous avons favorisé et observé un engouement mas- sif des architectes pour les formations professionnelles liées à ces questions. On peut donc dire que collectivement comme individuellement, les architectes ont voulu anticiper et accompagner au mieux la transition vers une architectu- re durable et responsable. Toutefois cette évolution s’est aussi tra- duite par la création d’un ensemble très divers de labels, normes et nouvelles réglementations thermiques, dont la dernière, la RT 2012 s’applique à tous les bâtiments neufs depuis le début de l’année. Tout cela a contribué forte- ment à l’inflation normative que connaît notre pays et dont le sommet de l’État semble commencer aujour- d’hui à se préoccuper sérieusement. Si aucune règle en tant que telle, et en premier lieu la RT, ne pose de pro- blèmes aux architectes, en revanche, l’empilement des normes (pas seule- ment environnementales) complexifie fortement l’exercice. Nous demandons à ce que les normes et les labels soient restreints et/ou har- monisés. Les normes fixent des planchers, des exigences souvent minimales. Nous demandons de modi- fier les habitudes en raisonnant sur les objectifs et non sur les moyens. Une tel- le « philosophie » permet en outre de favoriser innovations et expérimenta- tions, dont la société a besoin et que les architectes peuvent apporter. En outre, nous pouvons tous constater une dérive « techniciste » de la ques- tion environnementale, trop souvent réduite à des questions techniques, à tel ou tel équipement du bâti ou à tel ou tel de ses composants. Les architectes défendent une vision différente, globa- le et, disons-le, plus exigeante de ce que nous appelons l’architecture res- ponsable. Fondamentalement, l'architecte n'est pas un technicien mais d’abord un pro- fessionnel « généraliste », capable d'intégrer dans ses projets des approches culturelles, économiques, environnementales et sociologiques, et capable de coordonner les compétences diverses de la maîtrise d'œuvre et de la construction. Nous insistons sur le fait qu’il ne faut pas se limiter aux ques- tions d’économie d’énergie et d’isolation thermique. L’architecture responsable, c’est avant tout mettre l’humain et les usages au cœur du dis- positif. L’architecte travaille sur les besoins des usagers et prévoit l’évolution de ces besoins. Nous incitons à penser globalement le bâti. L’architecte donnera par exemple la priorité à la qualité de l’enveloppe du bâtiment et à la réduction des besoins en consommation d’énergie, sur la per- formance des systèmes techniques embarqués. Ces systèmes doivent être réduits au minimum et considérés com- me les palliatifs qu’ils sont. Pour les bâtiments existants, nous mili- tons pour que les réhabilitations soient l’objet d’un diagnostic architectural glo- bal. Il serait catastrophique de limiter 9avril 2013 6 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 N OUSDEMANDONSDEMODIFIERLESHABITUDESEN RAISONNANTSURLESOBJECTIFSETNONSURLESMOYENS “Mettre l’humain et les usages au cœur du bâtiment” par Lionel Carli , Président du conseil national de l’ordre des architectes ▲
un plan de réhabilitation énergétique à la seule question du remplacement des fenêtres ou de la chaudière. Il faut prendre en compte les impacts environ- nementaux globaux, les impacts sani- taires (de l’air intérieur par exemple), les impacts urbains et les impacts éco- nomiques. Une réhabilitation réussie doit ajouter de la valeur au bâti, l’architecte est là aussi pour faire de la rénovation une opération économique réussie. Il faut en outre penser l’échelle urbaine, ou au moins l’échelle du quartier, pour avoir une action pertinente du point de vue de la construction durable. Un bâti- ment, et ses usages associés par les per- sonnes qui l’occupent, n’aura pas le même impact écologique selon qu’il est plus ou moins bien inséré dans son environnement, dans le territoire éco- nomique, dans un réseau d’infrastructures urbaines (transports, déchets, réseaux de chaleurs, d’eau, etc.). Il n’aura pas le même impact, non plus, selon qu’il favorise ou non un bien vivre-ensemble, les mixités d’usages et de population, l’envie communiquée aux habitants de s’approprier et d’entretenir au mieux leurs lieux de vie. En conclusion, nous pouvons nous réjouir que les préoccupations environnementales se soient générali- sées. Les architectes travaillent à faire que l’architecture durable devienne la norme. Le secteur de la construction doit collectivement chercher à innover pour que cette transition se fasse à des coûts acceptables pour tous. L’Ordre, lui, travaille à améliorer la formation des architectes, à leur donner les outils nécessaires sur ces sujets. Nous sommes donc encore dans ce mouvement et notre espoir est que nous irons bien au bout de ce phéno- mène de généralisation: pour passer de la « bonne performance thermique » à la « vraie qualité architecturale »; du seul « écoquartier labélisé » à la « ville durable » en entier; de la « réduction de la facture énergétique du loge- ment » au « confort d’usage » et au « bien vivre» pour tous. ■ L. C. 9avril 2013 7 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ESARCHITECTESDÉFENDENTUNEVISIONQUENOUS APPELONSL ’ ARCHITECTURERESPONSABLE ▲
Quelques mutations significatives des modes de confection de la règle de droit marquent cette dernière décennie. J’en retiens trois: au premier chef, un souci renforcé de concertation préa- lable, ensuite le développement de normes à contrainte allégée, enfin et davantage qu’hier, la volonté inachevée de simplification du droit. I – La concertation préalable La prise de conscience est là: il faut rechercher l’adhésion de la société civile au projet de réforme chaque fois que cela est possible. En somme, l’appareil d’Etat a désormais compris que l’effectivité de la loi suppose son adé- quation à l’état de la société et son appropriation par celle-ci. Cette recherche d’un consensus sociétal autour d’un projet de loi revêt diverses formes qui se complètent utilement: la mission de proposition de la réforme constitue une démarche qui, à l’expérience, s’avère féconde. Je l’ai expérimentée depuis 2003 en propo- sant, sur commande publique, diverses réformes du droit immobilier: les charges loca- tives (2003), les baux profes- sionnels et commerciaux (2004), les autorisations d’urbanisme (2005), la sécurité de l’habitat (2005), le permis de louer (2006), la rénovation énergétique des bâtiments existants (2008), etc. De ce travail, découlent deux principaux enseignements: les intérêts les plus divergents peuvent se rassembler sur un projet commun de réforme, et l’administration et le parlement finis- sent toujours, parfois avec un retard de quelques années, par tirer le fruit des propositions ainsi faites. Ces missions, si elles sont conduites en privilégiant l’écoute des forces en présence, ont ain- si une utilité sociale indéniable. les consultations parlementaires, lors- qu’elles ne restent pas académiques, présentent aussi un grand intérêt pour enrichir le projet et vérifier sa pertinen- ce, dès lors qu’ici encore, la volonté d’écouter et de comprendre est mani- feste. Que l’audition soit faite par le rapporteur du pro- jet, par un groupe parlementaire ou en commission, peu importe: l’essentiel est qu’un échange s’installe, qui permet d’enrichir le pro- jet. la méthode de la table ronde est la for- me la plus achevée de la concertation, mais sans doute la plus aventureuse. Deux manifestations récentes retien- nent l’attention en matière énergétique: la conférence environne- mentale qui s’est tenue les 14 et 15sep- tembre 2012 a fixé des orientations et un programme de travail, secondée par des conférences annuelles, qui doit conduire à des évolutions normatives. Le débat national sur la transition éner- gétique, lancé en novembre2012, susci- te à profusion une mobilisation de la société autour du sujet, du comité d’experts au forum citoyen, organisée selon une architecture complexe. La conférence était clairement maîtrisée par le gouvernement; le débat national est confié aux acteurs de la société. Mais le mode exemplaire de la concer- tation efficace me semble être les tables rondes du Grenelle de l’environnement (septembre-octobre 2007); les partici- pants avaient une feuille de route claire: aboutir à des engagements com- muns. Cette obligation partagée de résultat a sûrement assuré le succès de la démarche, qui a guidé le processus normatif engagé depuis 2009. Quelle que soit la méthode retenue, le bilan est d’évidence positif chaque fois que le corps social, associé étroitement à la préparation des textes, peut s’approprier à l’avance le nouveau dis- positif normatif. II – La norme sans contrainte Si l’on peut déplorer l’abondance de nos lois souvent trop bavardes, comme la profusion de décrets d’application à l’utilité souvent incertaine, on peut saluer cette forme nouvelle de normes inspirées de la soft law anglo-saxonne. La loi se contente de montrer le che- min, d’édicter la règle, mais elle se gar- 9avril 2013 8 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ESLOISDOUCESSONTAIMABLES “Favorisons le développement durable de la loi!” par Philippe Pelletier , Avocat associé, Lefèvre, Pelletier et Associés ▲
de de fixer la sanction de son défaut d’application. Le législateur postule en somme que la norme assure, par elle- même, son effectivité. Ainsi en va-t-il de ces nombreuses obligations édictées dans la foulée du Grenelle de l’environnement, qui déterminent des actions à mener dans un calendrier pré- cis, sans que le manquement à l’obligation ne soit envisagé: afficher, dès la mise en vente ou en location, le diagnostic de performance énergétique du bien, annexer au bail commercial une annexe environnementale, inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée généra- le des copropriétaires la réalisation d’un audit énergétique de l’immeuble, réali- ser une rénovation énergétique des bâtiments tertiaires publics et privés, etc. Toutes ces obligations, fruit d’une concertation approfondie, n’ont pas besoin d’une sanction légale pour être mises en œuvre: elles s’inscrivent dans une évolution générale de la société et, si leur mise en œuvre devait être défaillante, la sanction économique du marché serait réputée suffisante. Ces lois douces sont aimables: elles caractérisent une société mature où l’effectivité natu- relle des normes est juste- ment privilégiée. III – La simplification du droit Qu’on y voit un serpent de mer, un marronnier (au sens journalistique du terme) ou une illustration du mythe de Sisyphe, le thème de la simplification du droit traduit une nécessité: la limite est en effet largement dépassée, au-delà de laquelle il est illusoire de penser que nul n’est censé ignorer la loi… Il a été maintes fois montré la proliféra- tion de lois inutiles et trop souvent abs- conses pour que le chantier de la simpli- fication, au-delà des déclarations habi- tuelles de principe, devienne une ardente obligation. Un louable effort en ce sens a marqué la période récente, caractérisé par les lois successives dites Warsmann de sim- plification du droit. Le résultat reste cependant mesuré car, si les textes nor- matifs sont amélio- rés, peu sont suppri- més et d’autres sont hélas créés. Si la démarche est fécon- de, elle est insuffi- sante. Ne faudrait-il pas ouvrir en grand le chantier en édictant, par exemple le temps d’un semestre, un moratoire législatif et réglementaire? Ne convient-il pas de convenir pour l’avenir d’une règle simple: pas une ligne de loi nouvelle sans suppression simultanée d’une ligne de loi ancienne? C’est sans doute à ce prix que l’on parviendra à réconcilier le pays avec ses lois et, au- delà, à faire que celles-ci accompagnent croissance économique, progrès social et vigilance écologique, c’est-à-dire par- ticipent du développement durable. ■ Ph. P. 9avril 2013 9 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 E DICTERUNMORATOIRELÉGISLATIFETRÉGLEMENTAIRE ? ▲
Dans un contexte de crise qui accentue les enjeux financiers de l’immobilier locatif, l’indexation du loyer est deve- nue l’une des préoccupations majeures des acteurs de l’immobilier. Cette situa- tion a pour principale origine une aug- mentation exponentielle de l’Indice du Coût de la Construction (ICC) qui a atteint 36% en 9 ans (comparaison de l’indice du 2 e trimestre 2012 avec celui du 2 e trimestre 2003) et déjà plus de 11% sur les trois dernières années si l’on compare l’indice du 2 e trimestre 2009 et celui du 2 e trimestre 2012. Cette évolution, qui a fortement impacté le montant des loyers usuellement indexés sur l’ICC, a conduit le législateur, sous l’impulsion des acteurs du marché loca- tif, à créer successivement deux nou- veaux indices: l’Indice des Loyers Com- merciaux (ILC), issu de la loi dite « LME » n°2008-776 du 4août 2008, pour les activités commerciales et artisa- nales, et l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT), résultant de la loi n°2011-525 du 17mars 2011, pour les activités dites « tertiaires » qui recou- vrent notamment les activités des pro- fessions libérales et celles exploitées dans des entrepôts logis- tiques. Ces deux nouveaux indices sont censés évoluer de manière moins irrégulière et moins importante que l’ICC dès lors qu’ils sont des indices com- posites constitués pour partie de l’indice des prix à la consommation (pour le 2 e trimestre 2012, la variation annuelle de l’ICC s’établit à 4,58% alors que celle de l’ILC et de l’ILAT ressort res- pectivement à 3,07% et 3,17 %). Bailleur et locataire peuvent désormais opter pour l’ILC ou l’ILAT, pour autant que l’activité du preneur y soit éligible, ce qui n’est pas toujours simple à déter- miner compte tenu des lacunes rédac- tionnelles des décrets définissant le champ d’application de ces nouveaux indices (décret n°2008-1139 du 4novembre 2008 et décret n°2011- 2028 du 29décembre 2011). Les locataires n’ont pas attendu l’intervention du législateur pour réagir à l’évolution de l’ICC. D’aucuns ont redécouvert les vertus du mécanisme de la révision légale du loyer prévue à l’article L145-39 du Code de commerce, qui permet de faire fixer le loyer en cours de bail à la valeur locative, dès lors qu’il a évolué de plus 25% par le jeu de la clause d’indexation, et d’obtenir ainsi une réduction du loyer, notamment sur des sites à la commer- cialité déclinante ou pour des marchés directement impactés par la crise éco- nomique (bureaux). D’autres ont remis au goût du jour les dispositions du Code monétaire et financier et en parti- culier son article L112-1, qui répute non écrite toute clause d’indexation pré- voyant la prise en compte d’une pério- de de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque indexation. La sanction est lourde de conséquences pour le bailleur qui peut se retrouver privé de la possibilité d’indexer le loyer et devoir rembourser au preneur un trop versé de loyer sur les cinq dernières années. Sur la base de ces dispositions qui sont d’ordre public, des locataires n’ont pas hésité à s’attaquer à la validité des clauses d’indexation comportant un indice de base immuable que l’ont trouve dans de nombreux baux de bailleurs institu- tionnels. Cette clause qui consiste à cal- culer l’indexation chaque année en pre- nant toujours comme indice de base celui en vigueur au jour de la prise d’effet du bail a en effet pour consé- quence de retenir, dès la deuxième année d’indexation, une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque indexa- tion. La question de la validité de cette clause a donné lieu à un abondant contentieux et à un vif débat doctrinal. Un premier courant jurisprudentiel s’est fait l’écho des contestations des loca- taires en jugeant non écrit ce type de clause (TGI Paris, 18 e ch. sect.1, 5janvier 2010, RG n°08/13645; TGI Paris, 18 e ch. sect. 2, 27mai 2010, RG n°09/9345). Un second courant plus récent tend à pré- server la validité d’une telle clause (CA Paris, Pôle 5, 3 e ch. 4avril 2012, RG n°10/23391; CA Paris, Pôle 5, 3 e ch., 12septembre 2012, RG n°10/19195), pour autant qu’elle ne crée pas effecti- vement une distorsion que la loi prohi- 9avril 2013 10 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 D ESLOCATAIRESN ’ ONTPASHÉSITÉÀS ’ ATTAQUERÀ LAVALIDITÉDESCLAUSESD ’ INDEXATIONCOMPORTANT UNINDICEDEBASEIMMUABLE “Chronique d’un loyer indexé” par Claire Castela et Régis Hallard Avocats associés du cabinet FIDAL ▲
be, notamment dans l’hypothèse où le loyer aurait été modifié en cours de bail par avenant sans que l’indice de base ait été adapté (CA Paris, Pôle 5, 3 e ch., 4avril 2012, RG n°11/01173). Dans l’attente d’un arrêt de principe de la Cour de cassation, le sujet n’est pas clos, mais le serait-il que l’on voit déjà appa- raître les prémisses d’un nouveau contentieux susceptible d’invalider les clauses d’indexation limitant les effets de la variation de l’indice à la hausse (TGI Grasse, 1 e ch. sect. A, 5avril 2011, RG n°09/01658), tant au regard de l’article L112-1 du Code monétaire et financier que de l’article L145-39 du Code de commerce. L’ingéniosité des plaideurs n’a d’égal que l’imagination des rédacteurs d’actes. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’en cette période d’agitation judiciaire, des tribunaux viennent sanctionner les clauses de pla- fonnement de la variation du loyer (ou de « capage » du loyer) auxquelles les acteurs du marché locatif ont eu recours pour atténuer l’évolution indi- ciaire. Certains se plaindront sans doute de la sévérité de telles décisions au nom des sacro-saints principes de l’autonomie de la volonté des parties et de la sécurité juridique. D’autres y verront au contraire la manifestation de la richesse créative du droit. Plus concrètement, les aléas consécutifs aux risques d’une sanction judiciaire doivent conduire les bailleurs à la plus grande vigilance pour la rédac- tion des clauses d’indexation. Les loca- taires, quant à eux, continueront de scruter avec attention leurs baux dans la perspective d’y trouver de nouveaux motifs de contestation leur permettant d’aboutir à un réaménagement du loyer. Le sujet est encore loin d’être totalement épuisé… ■ C.C et R.H. 9avril 2013 11 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 I LN ’ ESTPASEXCLUQUEDESTRIBUNAUXVIENNENTSANC - TIONNERLESCLAUSESDEPLAFONNEMENTDELAVARIATION DULOYER (“ CAPAGE ” DULOYER ) ▲
Les agences d’urbanisme sont des outils d’ingénierie parapublique mutualisée. Travaillant au quotidien avec les collec- tivités locales sur leurs politiques terri- toriales et urbaines, elles offrent à tra- vers leur perception locale et leur réseau national, un thermomètre des évolutions du champ de l’urbanisme de la décennie écoulée. Le cadre législatif et réglementaire national est-il un vecteur déterminant pour orienter les évolutions territoriales et urbaines? Il n’est pas inutile d’ouvrir cette question alors qu’est en prépara- tion une série de nouvelles lois: acte 3 de la décentralisation, loi urbanisme et habitat… Il est surtout intéressant de voir de quelle manière les acteurs des territoires se saisissent des injonctions nationales (et européennes) pour les adapter à leurs stratégies. Au début des années 2000 le «LA» avait été donné par trois lois: loi sur l’intercommunalité (Chevènement), celle sur l’aménagement du territoire (Voynet) et la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). Après une dizaine d’années de recul on s’aperçoit que ce triptyque a fait évoluer forte- ment les pratiques territo- riales. Les deux lois sur l’aménagement du territoire et solidari- tés renouvellement urbain du début des années 2000 étaient toutes les deux basées sur le principe: «un territoire, un projet, un contrat». Les projets d’agglomération et les projets d’aménagement et de développement durable du SCOT (PADD) ont invité les acteurs locaux à se projeter dans une démarche prospective, négociée et indi- rectement à construire l’intercommunalité et les solidarités à travers le «projet de territoire» deve- nu un cadre d’interconnaissance et d’apprentissage du travail commun, un lieu de dialogue entre collectivités urbaines et collectivités périurbaines et rurales, catégories devenues plus floues dans un monde où les pratiques des individus ou des entreprises se dévelop- pent dans des territoires de plus en plus vastes qui se jouent des limites adminis- tratives. Les années 2000 ont été les années de la «reconquête des centres» pour les agglomérations: reconquête des quartiers centraux, patrimoines urbains et friches indus- trielles, mixité des opérations de loge- ments et activités, reconquêtes des berges des fleuves, développement des tramways comme vecteurs de requalifi- cation des espaces publics, développe- ment des modes doux et notamment des vélos en libre service… L’enjeu cli- matique et énergétique a très forte- ment infléchi les politiques territoriales avec le Grenelle de l’Environnement et, pour la décennie à venir, la transition énergétique et la révolution numérique seront les marqueurs de l’urbanisme et de la construction. La mutation énergé- tique du parc bâti existant tant de loge- ments, que de bureaux et d’équipements publics, sera le «chan- tier majeur» de construction de la décennie. L’équation difficile de maîtri- se de la consommation foncière, du renouvellement urbain et d’une produc- tion plus ambitieuse de logements, appelle également des approches pro- fondément renouvelées sur le foncier, basées sur l’anticipation et une chaîne maillée de l’action foncière depuis l’anticipation jusqu’à la refonte d’une fiscalité permettant de réduire les diffé- rentiels entre foncier de renouvelle- ment et foncier d’extension. Si la décennie écoulée a vu émerger et reconnaître le «fait urbain», la décen- nie à venir sera celle du «fait métropo- litain» et la construction des projets pour les grands territoires: des métro- poles intégrées, mais aussi des systèmes métropolitains plus vastes maillant des réseaux de villes grandes et moyennes avec des espaces de pleine nature et ruraux. Initié par loi Réforme des Col- lectivités Territoriale de 2010, un outil très simple: le pôle métropolitain, syn- dicat mixte réunissant plusieurs inter- communalités autour de coopérations souples à géométrie variable, connaît un succès certain pour élaborer en com- mun des projets de mise en réseau d’équipements structurants, de déplace- 9avril 2013 12 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ADÉCENNIEÉCOULÉEAVURECONNAÎTRELE “ FAIT URBAIN ”… “Du territoire administratif à l’intercommunalité démocratisée?” par Brigitte Bariol , Déléguée générale de la FNAU ▲
ments… Les années 2000 ont vu l’émergence de l’inter-territorialité, la négociation et coopération territoriale entre les différentes collectivités: com- munes, intercommunalités, départe- ments, régions, et ce dialogue territo- rial est un fondement du nouveau pro- jet de loi décentralisation (conférence territoriale, pacte territorial, etc.) soute- nue par une philosophie de «sur-mesu- re territorial» et d’adaptabilité de la règle aux différents contextes locaux. La construction intercommunale est devenue une réalité tangible: les com- munautés urbaines, plus anciennes, et les communautés d’agglomération et de communes issues des années 2000, sont devenues en une petite quinzaine d’années les véritables « briques institu- tionnelles » du territoire français. Elles détiennent aujourd’hui les clefs des politiques publiques qui organisent la vie des citoyens, mais aussi déterminent une part déterminante de l’investissement public: habitat, dépla- cements, développement économique, environnement. Toutefois cette respon- sabilité reste encore peu visible pour le citoyen du fait de l’élection au second degré de leurs représentants, avec un véri- table décalage entre pouvoir réel et mode électif. Le « flé- chage » des élus communautaires prévu pour les élections municipales de 2014 devrait être un premier pas pour que les campagnes municipales deviennent aussi des campagnes intercommunales, avant, à horizon de 2020, une possible élection au suffrage universel direct pour les intercommunalités. Pour la décennie à venir, un enjeu est de « démocratiser l’intercommunalité». ■ B. B. 9avril 2013 13 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 … L ADÉCENNIEÀVENIRSERACELLEDU “ FAITMÉTROPOLITAIN ” ▲
Le Bâtiment, après une crise grave dans les années 1992 à 1997, a connu une période de forte croissance, ininterrom- pue ou presque, de 1998 à 2012. Quin- ze ans, c’est long, très long pour une phase positive du cycle. Une telle pério- de de croissance s’explique par la conjonction de plusieurs phénomènes qui se sont succédé. Le crédit abondant et peu cher apparaît, néanmoins, incon- testablement comme le phénomène majeur. L’amélioration des conditions finan- cières, avec la baisse des taux qui a ren- du possible l’allongement de la durée des prêts, a, dans le même temps, géné- ré dans notre pays une envolée specta- culaire et durable des prix de l’immobilier, en général, et dans les métropoles, en particulier. Mais il faut tout de suite noter que ce fut aussi le cas, du moins jusqu’en 2007-2008, dans la plupart des pays de l’OCDE, à l’exception notable de l’Allemagne du fait principalement d’un cycle décalé lié à la réunification. Cette phase de croissance a surtout per- mis de développer l’offre dans de fortes proportions, tant en secteur résidentiel qu’en secteur non-résidentiel. Ce fut un important facteur de développement de la croissance, de l’emploi et de la richesse. Pourtant, contrairement à deux idées trop large- ment répandues, à des périodes diffé- rentes mais toujours avec constance, cette croissance fut largement saine. 1. L’accroissement de la production en bâtiments n’a pas été une sour- ce de gâchis, mais une réponse à des besoins , sauf situations marginales ici ou là, situations largement médiati- sées au demeurant. Mais aussi et sur- tout, du fait d’une sagesse commune et d’une attitude prudente des banques, cette croissance s’est faite sans sinistrali- té. Les exemples du Royaume-Uni, de l’Espagne, des États-Unis ou de Chypre suffisent à souligner le fossé qui nous sépare de ces pays en ce domaine. Pour- tant, les mêmes bons experts qui font aujourd’hui de l’immobilier la cause première de notre perte de compétitivi- té étaient les mêmes, en période de croissance, à stig- matiser la frilosité de nos banquiers et encenser l’hypothèque rechargeable! 2. Les aides au logementne sont que très marginalement respon- sables du mouvement haussier des prix . Un récent rapport du CAE (1) recon- naît d’ailleurs en partie cela, en indi- quant que les aides, d’une part, ne sont « responsables » que des hausses inter- venues depuis 2007. Il faut y voir, d’abord, la reconnaissance qu’elles n’y sont pour rien sur les années anté- rieures puis la tentative désespérée d’expliquer pourquoi, dans cette pério- de de crise économique, les prix de l’immobilier logement ne baissent pas, ou si peu, dans notre pays. Or, je crois que l’on peut tirer de ces éléments un enseignement essentiel. Notre pays souffre d’une insuffisance de l’offre, certes pas partout, et pas pour tous les biens. Mais ces insuffisances localisées et spécifiques perturbent le marché et génèrent des effets négatifs en cascade. Il faut donc produire plus. Cela est techniquement possible. L’appareil de production Bâtiment, il l’a prouvé, sait s’adapter à l’augmentation des capacités. Il lui faut, certes un peu de temps pour y parvenir, trouver des collaborateurs, les embaucher, les for- mer, etc. Mais son dynamisme, malgré les craintes largement évoquées jus- qu’en 2007, ne peut être contesté. Et c’est peut-être notre principale fierté, cette croissance a permis, depuis 1997, à 220000 personnes de trouver un emploi stable, dans un secteur où il fait bon travailler comme l’illustrent bien toutes les enquêtes réalisées en ce domaine. Cette croissance s’est faite également sans accroissement de la sinistralité comme l’attestent également les chiffres de l’assurance construction. Il reste, pour compléter ce tableau, à évoquer un sujet douloureux, celui de l’évolution des prix du Bâtiment. Sur la période, ces derniers auraient crû plus vite, en particulier à partir de 2004- 2005, que dans les autres pays sous les 9avril 2013 14 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 N OTREPAYSSOUFFRED ’ UNEINSUFFISANCEDEL ’ OFFRE “Trop, c’est trop!” par Didier Ridoret , Président de la FFB ▲
effets conjugués de l’inefficacité de l’appareil de production et de l’explosion des marges. Les chiffres sont têtus! Alors que nos marges (au sens de l’Excédent brut d’exploitation ou EBE) s’établissaient à 1% du chiffre d’affaires en 1998, elles se sont redressées aux alentours de 5% en 2007, avant de retomber à 3% en 2010 sous les effets de la crise et du ralentissement d’activité. Aucun chiffre récent n’est disponible pour les années 2011 à 2013, mais un niveau compris entre 1 et 3% au mieux apparaît com- me raisonnable. Avec de tels niveaux, difficile d’incriminer ce poste pour expliquer une progression des prix et des coûts de constructions de 60% sur les quinze dernières années. Ce point dépasse l’anecdote, car il sou- lève l’enjeu majeur des prochaines années. Notre appareil de production voit ses coûts croître en lien avec la revalorisation des salaires (qui s’en plaindra?), la hausse du prix des maté- riaux et la multiplication des normes. Ce dernier facteur, pour de moult bonnes raisons, joue de plus en plus et pèse sur nos prix. En pério- de de croissance, une telle donne paraît supportable. Mais au moment où les clients peinent, où les entreprises souf- frent et où les prix chutent jusqu’à déstabiliser tout l’appareil de produc- tion, il serait criminel de ne pas faire une pause en ce domaine et attendre des jours meilleurs. Ce n’est pas un simple vœu, c’est une exigence totale. ■ D. R. 9avril 2013 15 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 I LSERAITCRIMINELDENEPASFAIREUNEPAUSEDANSLA MULTIPLICATIONDESNORMES ▲ (1) Document de travail du Conseil d’Analyse Écono- mique, « Le prix de l’immobilier et les politiques inflationnistes » d’Alain Trannoy et Etienne Was- mer, février2013.
>Quel regard portez-vous sur l’évolution législative relative au logement depuis 2000? Pour tirer un bilan de ces dix dernières années, je dirais que ce qui a été fait, va à l’encontre d’une vision sociétale. La politique générale du logement a été catastrophique. Particulièrement depuis 2002, quand toutes les mesures prises prônaient un laisser faire du marché, avec retrait de l’État. Et quand il est ré-intervenu, cela a contribué à accélérer la dérégulation et la déréglementation. Les lois Robien, Borloo et Scellier en sont une parfaite illustration. Des avantages financiers ou fiscaux énormes ont été accordés à des promoteurs ou à des investisseurs sans aucune contrepartie pour l’intérêt général. Il s’est simplement agi de mettre en œuvre le concept de l’aide à la construction de logement par des incitations qui sont devenues de plus en plus déraisonnables. Aucune vision de terrain n’a été développée. Le summum de la déraison économique et budgétai- re a été atteint avec le Scellier version 1, qui offrait un remboursement de 25% de l’investissement. L’immobilier s’est imprégné d’une vision extrêmement libérale, selon laquelle le marché devait réguler lui- même le secteur. Le résultat en est une dérégulation de plus en plus forte, un problème du logement de plus en plus prégnant. Cela nous a enfoncés dans la crise. >Vous attribueriez la crise du loge- ment à ces lois? Ces lois ont été désastreuses pour l’immobilier mais c’est surtout le posi- tionnement dogmatique de la politique du logement qui est la cause du problè- me actuel. Prenez l’exemple de l’accession à la propriété à tout prix. L’objectif était d’atteindre les taux de 68 / 70 % de propriétaires relevés dans d’autres pays européens, l’Espagne et la Grèce par exemple. Le score français de 57% paraissait ridicule... Le slogan d’une « France propriétaire » a plu mais les mesures prises pour y parvenir, com- me la déductibilité des intérêts d’emprunts, ont créé des effets d’aubaine sans entraîner la construction de logement supplé- mentaire. Le pourcentage de proprié- taires n’a pas bougé. Heureusement, la crise a stoppé net tout ceci. Grâce aux faillites de JP Morgan et de Lehman Brothers, les Français ont échappé à l’emprunt basé sur la valeur future de son bien immobilier pour acheter et non en proportion de ses ressources. >Ne voyez-vous rien de bon alors depuis 2000? Si. Un épisode important est la loi sur le droit au logement opposable. C’est une loi ambitieuse avec une réelle vision sociétale. Mais la difficulté, et c’est notre analyse depuis le début, c’est le manque de logements. Aujourd’hui, le DALO se résume à gérer une file d’attente. Même reconnues prioritaires, les personnes ne peuvent pas se loger. Le DALO ne peut être efficient que s’il s’accompagne de construction immobi- lière. Mais le phénomène est intéres- sant à regarder. Sous la pression de l’opinion publique, le président promet un 31décembre 2006 un droit au loge- ment opposable. Hormis un rapport du haut comité qui en avait parlé, le dos- sier était vide. Il a fallu sortir une loi en catastrophe. Un cadeau empoisonné laissé aux successeurs, un texte inappli- cable. Autre texte majeur, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains votée fin 2000 qui produit ses effets pleins à partir de 2004. Sur les 70000 logements sociaux construits il y a enco- re quatre ans, la moitié l’a été en raison de la SRU! Le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo a eu un impact bénéfique également. Il faut se souve- nir que, hors les mesures Besson de 1997, le tableau était catastrophique depuis 1992-1993. La conjonction de ces deux textes a été favorable et la reprise du logement social a donné un réel bol d’air au secteur entre2005 et2009. Il aurait fallu poursuivre l’effort cinq ans de plus. 9avril 2013 16 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ESUMMUMDELADÉRAISONÉCONOMIQUEETBUDGÉTAIRE AÉTÉATTEINTAVECLE S CELLIER “Face aux addicts des aides fiscales, il faut revenir à l’intérêt général” par Patrick Doutreligne , Délégué général de La Fondation Abbé Pierre ▲ ©Séb!Godefroy
>Vous pensez que le gouvernement doit reprendre le volet « loge- ment » du plan de cohésion sociale? Après s’être plaint des mesures prises jusqu’à présent, il lui faut proposer du concret pour le logement. Les nouvelles dispositions pour renforcer le dispositif SRU sont satisfaisantes. Il aurait fallu systématiser les sanctions plutôt que laisser le choix aux préfets, mais la volonté d’élargissement est un signe positif. Ensuite, nous attendons des mesures de relance à hauteur des ambi- tions de campagne. La catastrophe est annoncée mais le pays a les moyens de l’éviter. Par exemple, en inscrivant le logement comme une des trois grandes priorités nationales, comme l’éducation et la police. C’est exigeant en termes financiers mais le secteur représente un facteur économique de relance. Un atout pour s’en sortir. Le logement, c’est construire en France. Nous sommes n°1 dans le béton, n°1 dans le plâtre, n°1 dans le verre. Produire du loge- ment, c’est produire français, avec des matériaux français et une main-d’œuvre vivant en France. Aucune externalisation. Même Louis Gallois regrette d’avoir omis de parler du logement dans son rapport. >Quelles mesures concrètes atten- dez-vous pour l’avenir? L’enjeu fondamental est de produire du logement et de libérer du foncier. L’Etat doit réguler comme le fait l’Allemagne, rationnelle en la matière: elle régule les prix du loyer et son intervention publique. Nous attendons le respect de la promesse de construire 150000 loge- ments sociaux. Mais ce n’est pas suffi- sant. Il reste encore 350000 demandes à satisfaire. Le marché produit 200 / 250000 logements, il en faut 100 / 150000 de plus. Aider le premier achat et faciliter l’accession des personnes de condition modeste sont de bons outils. Les avantages fiscaux, s’il y en a, doi- vent servir l’intérêt général pour que tout le monde s’y retrouve. Prospecter et trouver des terrains, donner la possi- bilité aux collectivités locales d’acquérir du foncier dans de bonnes conditions est essentiel. Sur ce point, la fiscalité à l’envers est intéres- sante: plus vous gardez longtemps votre terrain, plus vous payez d’impôt. Une loi foncière qui change la vision sur le foncier s’avère indispensable. La bataille du logement va se gagner avec l’application de la SRU, un foncier dis- ponible et un engagement financier à la hauteur de l’enjeu. Propos recueillis par Nathalie Levray 9avril 2013 17 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 U NELOIFONCIÈREQUICHANGELAVISIONSURLEFONCIER S ’ AVÈREINDISPENSABLE ▲
On ne dénombre plus les rapports et études qui font état des coûts directs ou induits supportés par la population du fait de la crise du logement que connaît structurellement la France. Cet- te crise n’est pas « la faute de l’immobilier ». C’est essentiellement le fruit de déséquilibres persistants, tant aux plans politique, économique que social. Parmi les facteurs explicatifs d’un phénomène d’une telle ampleur et d’une telle complexité, on citera le défi- cit chronique d’offre de logements par rapport à une demande soutenue par notre dynamique démographique (les Français ont une natalité qui les place au 3e rang des Etats de l’Union euro- péenne), les facteurs sociologiques (décohabitation) et les réalités contras- tées dans l’attractivité économique des différents territoires. Ayant dressé ce même constat, les pou- voirs publics ont conçu différents outils destinés à soutenir la construction, notamment en drainant l’épargne des ménages pour la financer. La solution a consisté à offrir un avantage fiscal (amortissement des revenus ou réduc- tion d’impôt) à tout investis- seur s’engageant à faire construire un logement mis en location pendant une durée minimale. Presque trente ans après le lancement du pre- mier dispositif « Méhaignerie », le bilan des mesures qui se sont succédé fait l’objet de débats. Remarquons que la cherté du « résidentiel » persiste, notamment pour les candidats à la « primo-accession » et les locataires dans les « zones tendues ». Par ailleurs, il apparaît que les pouvoirs publics sont désormais réticents à persister dans le recours à l’outil budgétaire tant l’état des finances publiques complique désormais toute largesse supplémentai- re. En 2013, nous en sommes donc à la croisée des chemins. Dans l’attente de mesures de soutien au secteur, les pro- moteurs ont relâché leur activité de construction et le gouvernement et le Parlement cherchent des solutions, notamment en incitant au retour des investisseurs institutionnels au bénéfice de la construction de logements neufs. Ce contexte est dif- ficile. Il est donc intellectuellement stimulant et il incombe notamment aux professionnels de l’immobilier de for- muler des propositions imaginatives. Parmi ces derniers, l’ASPIM, qui regrou- pe les gestionnaires de SCPI et d’OPCI, peut se targuer du bilan élogieux des SCPI « Logement » qui ont accompagné leurs investisseurs dans le long terme et procédé à des constructions dans des zones aux besoins locatifs durablement soutenus. Le tout en faisant bénéficier les souscripteurs des vertus de l’épargne intermédiée. Dans le champ du « savoir faire » de nos gestionnaires de fonds immobiliers, nous avons engagé une réflexion sur la constitution d’un fonds d’épargne immobilière concentré sur les « zones tendues » et le logement inter- médiaire (sachant que le logement social est le domaine du mouvement HLM et que le secteur libre fonctionne de manière autonome). Tel est l’objet du Livre Blanc « 10 idées pour le loge- ment » récemment publié par l’ASPIM (téléchargeable sur www.aspim.fr). A l’heure où les Français, à commencer par les plus modestes, prennent conscience des limites du régime de répartition, en dépit des modifications qui lui sont de temps à autre apportées, nous pensons judicieux de concevoir un projet de fonds d’épargne, constitutif d’un complément de revenus sur le long terme, conformément à ce que les SCPI « Immobilier tertiaire » proposent aujourd’hui, constitué d’actifs tangibles et dont la valeur n’est pas corrélée aux marchés financiers. Comment parvenir au succès de ce pro- duit d’épargne en termes de collecte? Par le biais d’une rémunération suffi- sante, ce qui pose question quand on sait les taux que l’on peut tirer d’un logement neuf dans le secteur intermé- diaire où les loyers sont contraints. Ce rendement se détermine par les revenus locatifs divisés par les coûts de produc- tion des logements, ces derniers étant constitués par l’addition du prix du fon- 9avril 2013 18 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 N OUSAVONSENGAGÉLARÉFLEXIONSURLACONSTITUTION D ’ UNFONDSD ’ ÉPARGNEIMMOBILIÈRECONCENTRÉESURLES “ ZONESTENDUES ” ETLELOGEMENTINTERMÉDIAIRE “L’épargne immobilière au secours du logement” par Arnaud Dewachter , Délégué général de l’ASPIM ▲
cier, des coûts de construction, des frais financiers et de la rétribution du pro- moteur. Parmi les observations qu’appelle l’évolution de ces différents postes et que nous pourrions volontiers partager avec nombre de nos confrères de l’industrie immobilière (le surcoût dû aux normes, les recours abusifs etc.), notre réflexion porte essentiellement sur le sujet du foncier et son poids dans l’équation finale qui peut représenter jusqu’à 40% en Ile-de-France. Assurer un rendement attractif à ce fonds nécessite dès lors de « partager » la charge de l’acquisition de la propriété immobilière entre le foncier (détenu par une entité publique) et le bâti (pro- priété du fonds d’investissement qui financerait ces constructions avec l’épargne collectée auprès des ménages). Les solutions juridiques exis- tent déjà: on évoquera ici l’emphytéose ou le bail à construction et l’on pourra éventuellement viser l’appropriation progressive du terrain par le fonds d’investissement. Plus la durée de la convention est longue, plus elle rend cet effort d’acquisition foncière suppor- table. Sa contrepartie réside dans un fonds ouvert, offrant une liquidité satisfaisante à ses investisseurs. Des aménage- ments législatifs pourront être avancés si les pouvoirs publics retiennent nos orientations. Nous mesurons les nombreuses ques- tions qu’il nous reste à éclaircir avant de parvenir à une solution satisfaisante. Il nous faudra en particulier trouver des partenaires publics disposés à « jouer le jeu » du portage du foncier sur le long terme, à l’heure où les collectivités locales, elles aussi à la recherche immé- diate d’argent frais, seraient plus enclines à la réalisation d’une plus- value sur la cession de leurs terrains constructibles. La mobilisation de tous les acteurs, Etat, collectivités et établissements publics et professionnels paraît indispensable pour parvenir aux solutions qui permet- tront au pays de sortir de cette crise. Si cette dernière ne saurait être imputée au monde de l’immobilier, ses acteurs pourraient se porter au secours du loge- ment. Cette inter- vention ne peut fonctionner qu’au prix d’une concerta- tion étroitement menée avec les pou- voirs publics. ■ A. D. 9avril 2013 19 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 A SSURERUNRENDEMENTATTRACTIFNÉCESSITEDE “ PARTAGER ” LACHARGEDEL ’ ACQUISITIONDELAPROPRIÉTÉ ▲
Des bailleurs privés qui ont pris le relais des institutionnels Depuis 1984, les incitations fiscales à l’investissement locatif dans le loge- ment neuf sont utilisées par les pou- voirs publics comme instruments de relance de la construction de loge- ments. Des résultats contrastés. Les dispositifs les moins contraignants s’avèrent, sans surprise, les plus effi- caces: réduction d’impôt Méhaignerie (1984), amortissement Périssol (1996) et Robien (2003-2006) première généra- tion. Les dispositifs à caractère social, en revanche, ont été moins bien reçus, en raison des plafonds de loyers sensible- ment inférieurs et des contraintes por- tant sur les ressources du locataire qu’ils imposent: réduction d’impôt Quilès- Méhaignerie et Super-Quilès, amortisse- ments Besson (1999-2003). Les disposi- tifs Robien recentré et Borloo populai- re, qui ont pris la suite du premier dis- positif Robien en 2006 se sont soldés par un demi-succès. Le dispositif Scellier, introduit par la Loi de finances rectifi- cative pour 2008 et en vigueur depuis le 1 er janvier 2009, a rencontré un succès immédiat en raison de sa « relative » simplicité et de son attractivité. Avec, à l’origine, une réduction d’impôt étalée sur 9 ans et égale à 25 % du prix d’acquisition plafonné à 300000 euros, un contribuable peut réduire le mon- tant de son impôt de 8333 euros pen- dant neuf années de suite. De quoi rendre une majorité de contribuables non imposables pendant tout ce temps! Mais raboté en 2011 puis en 2012, il a progressivement perdu une partie de son attractivité. Le dispositif Scellier a définitivement disparu au 31mars 2013. A partir du 1 er janvier 2013, une nouvel- le incitation, le dispositif Duflot a pris le relais. Il ne concerne que les logements neufs à basse consommation et situés dans certains secteurs. Il permet des réductions d’impôt de 18 % sur 9 ans. Le succès des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif a été immédiat et s’est amplifié avec la mise en œuvre du Périssol. Selon la Fédération des pro- moteurs immobiliers, 48000 logements en ont bénéficié en moyenne chaque année depuis 1995. L’engouement a été particulièrement vif au cours des années récentes sous les régimes Robien et Scellier, avec plus de 60000 ventes par an depuis 2004, à l’exception de l’année 2008, marquée par la crise immobilière. 2012 apparaît comme une année noire. Selon la FPI, les ventes en 2012 devraient atteindre leur plus bas niveau depuis 15 ans (entre 68000et 72000 unités). La nécessité de recourir à de nouveaux acteurs apparaît comme nécessaire. 9avril 2013 20 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ESDISPOSITIFSLESMOINSCONTRAIGNANTSS ’ AVÈRENTLES PLUSEFFICACES “Retour sur les incitations en faveur de l’investissement résidentiel” par Charles-Henri de Marignan , Analyste senior, IEIF ▲ Mise en chantier de logements en France métropolitaine (en milliers de logements ordinaires)
De nouvelles incitations pour faire revenir les institutionnels sur le résidentiel Parallèlement, les institutionnels se sont désengagés du logement. En 20 ans, la part des institutionnels dans le parc pri- vé est tombée de 25 % dans les grandes villes à moins de 4 % aujourd’hui. La crise du logement est actuellement d’une gravité telle que les simples inci- tations fiscales ne suffisent pas à la résorber et amène l’État à relancer la dynamique des institutionnels. Le gou- vernement souhaite effectivement inverser la tendance et rendre le loge- ment à nouveau attractif pour ces der- niers. Pour ce faire, de nouvelles incitations sont mises en place: Ainsi, depuis le 1 er janvier 2012, un nou- veau régime (article210 F du Code Général des Impôts) a été voté. Il pré- voit la taxation à un taux réduit des plus-values de cession des biens immo- biliers à usage professionnel à destina- tion des sociétés foncières et de toutes sociétés soumises à l’IS dans le seul cas où l’acquéreur s’engage à transformer le bien en habitation au plus tard au 31décembre de la troisième année suivant son acquisition. En parallèle, à destination des seuls assureurs, le gouvernement envisage d’inclure un compartiment logement au sein des contrats d’assurance-vie classiques. L’assurance vie subit actuellement une forte décol- lecte, le rendement ayant baissé, au point de devenir inférieur à celui de la pierre. Le principe serait de retenir les épargnants en proposant, au sein des contrats d'assurance-vie classiques, un compartiment logement, dédié à l'immobilier résidentiel neuf qui offri- rait la sécurité de la pierre et un rende- ment garanti de 3 % à 3,5 % net. Reste à savoir si les principaux intéressés vont se laisser à nouveau séduire. La faiblesse des rendements dans le rési- dentiel et les réglementations peu favo- rables aux propriétaires (relèvement de la taxe annuelle sur les logements vacants, blocage des loyers, droit de préemption du locataire) ainsi que des coûts de gestion élevés risquent de peser lourd dans leurs décisions. Néanmoins, l’aspect contra cyclique par rapport aux autres classes d’actifs immobiliers, sa relative liquidité et les plus-values réalisées par le passé peu- vent inciter les institutionnels à réintro- duire du logement pour un meilleur équilibre de leur portefeuille d’actifs. ■ C.H. M. 9avril 2013 21 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L APARTDESINSTITUTIONNELSDANSLEPARCPRIVÉEST TOMBÉEDE 25% ÀMOINSDE 4% ▲
Comme j’ai eu l’occasion de le déclarer récemment, la crise du logement va continuer à s’aggraver en 2013 et j’ai annoncé une tendance de - 25% sur les ventes de maisons individuelles pour cette année. 126600 maisons ont été vendues en 2012 soit une baisse de – 16% des ventes par rapport au douze mois précédents (1) . Plus inquiétant encore est la forte bais- se de l’accession sociale à la propriété qui va entraîner un encombrement plus grand du marché locatif et gripper davantage le parcours résidentiel. En effet, pour la seule primo accession sociale, c'est-à-dire les accédants ayant entre 1700 et 2300euros de revenus nets mensuels, la chute des ventes est de 32% sur les 12 derniers mois, donc nettement supérieure à la moyenne de 16% tous segments confondus. Je m’inquiète aujourd’hui car il est à craindre que les accédants modestes ne puissent plus s’offrir un logement. La crise a en effet donné un coup de frein à la progression du niveau de vie des Français. Les derniers chiffres de l’Insee le confirment: en 2009 « le niveau de vie médian augmente modes- tement, de 0,4% en euros constants, contre +1,4% par an de 1996 à 2008 ». Le niveau de vie médian (parta- geant la population en deux parts égales) s'est établi en métropole à 19080euros par an, soit 1590euros par mois. Le niveau de vie moyen s'est, lui, stabilisé à 22140euros. Ces chiffres rappellent ceux de 2008- 2009 mais la crise actuelle a des racines plus structurelles . Les pertes de parts de marché sont fortes pour les accédants modestes, qui subissent des problèmes de financement de leur accession en raison de la crise. La sur- abondance des normes et le coût du foncier rendent impossibles un ajuste- ment et une resolvabilisation par une baisse des prix du logement neuf. Les projections conduisent à estimer que le nombre de mises en chantier atteindra moins de 320000 logements en 2013, point bas des vingt dernières années. Les constructeurs sont conscients que la situation écono- mique est tendue. La zone euro connaît une période de turbulence très forte et les banques rencontrent des problèmes de liquidité bancaire. Toutefois, la situation des finances publiques ne doit pas conduire à un retrait de la politique du loge- ment, sauf à aggraver les difficultés des Français, à mettre un frein brutal à l’activité économique et à détruire de nombreux emplois. Avec 200000à 235000maisons construites selon la conjoncture, les constructeurs de mai- sons sont les premiers acteurs du sec- teur du logement et ce rôle majeur se décline en trois points: - ils sont de bons élèves du développe- ment durable. Ils ont mis en place des normes NF et la profession s’est respon- sabilisée sur ce sujet. La certification des ouvrages, la qualité des hommes et des produits sont autant d’orientation en phase avec celles du Grenelle. - au plan économique, ils sont directe- ment créateurs d’emplois non délocali- sables et assurent une production sur l’ensemble du territoire. - les constructeurs sont par excellence un outil de relance de la croissance. Ils sont immédiatement réactifs aux aides à l’accession, le délai entre l’aide et la livraison étant d’un an. Dès la mise en place d’instruments puis- sants et adaptés (en 2008, le double- ment du PTZ), il y a une extrême réacti- vité du marché et les effets sont quasi immédiats dans les trois mois qui sui- vent en termes de production et d’emplois. Si la ministre veut tenir la promesse présidentielle des 500000 logements, le plus efficace est de jouer sur le levier accession en maison qui depuis 1975 représente plus de 50% des mises en chantier et des surfaces construites. Enfin, l’accession en maison est l’équation économique la plus perfor- mante: entre 160000et 200000 euros foncier compris soit environ de 1600 à 2000euros du m 2 foncier compris 9avril 2013 22 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ACRISEDULOGEMENTVACONTINUERÀS ’ AGGRAVER EN 2013 “Les gens modestes ne pourront plus s’offrir un logement” par Christian Louis-Victor , Président de l’Union des maisons françaises ▲
alors que le logement promoteur sort à 3000euros minimum. J’aime terminer sur une touche optimis- te, trouvée dans le baromètre IFOP de novembre2012. En effet, l’attrait pour les maisons se renforce encore, et concerne aujourd’hui 48% des per- sonnes ayant un projet immobilier (contre 40% l’an passé). Synonyme de sécurité, de valeurs familiales et de «cocooning», la maison constitue un lieu de vie privilégié. ■ C. L.-V. 9avril 2013 23 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 S ILAMINISTREVEUTTENIRLAPROMESSEDES 500000 LOGEMENTS , LEPLUSEFFICACEESTDEJOUERSURLELEVIER ACCESSIONENMAISON ▲ (1) source Markémétron, février2013
Les belles endormies…c'était le nom donné aux Unibail, Gecina, et autres foncières cotées avant la création du régime des Sociétés d'investissements immobiliers cotées ("SIIC"). Ces sociétés étaient propriétaires d'un portefeuille d'actifs immobiliers, souvent acquis au début du siècle dernier, qui recélait des plus-values latentes colossales entraî- nant un gel de leurs actifs et une déco- te sur leurs titres très importante. Leurs principaux concurrents, les fonds d'investissements étrangers, avaient quant à eux la possibilité de se structu- rer de manière à éviter l'imposition sur les plus-values de cession de leurs actifs ou, s'agissant des compagnies d'assurances, de réduire leur masse imposable via la dotation de provisions réglementées venant en représentation de leurs engagements face à leurs assu- rés. Les foncières avaient besoin d'être réveillées et la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) l'a fait! Parti de ce constat, et avec l'appui des pouvoirs publics qui ont compris l'enjeu vertueux de créer un outil de dyna- mique immobilière permettant de doper l'épargne dirigée vers ce secteur, le régime des SIIC est né par la loi de finances pour 2003 du 30décembre 2002. Transparence fiscale: l'idée a été de créer un outil permettant de prélever l'impôt sur les revenus non pas au niveau du véhicule d'investissement mais au niveau de l'investisseur, permet- tant ainsi à chacun d'être imposé en fonction de sa propre situation fiscale. Volontairement simple, le régime s'est inspiré de certains exemples étrangers, notamment les Real Estate Investment Trusts de droit américain créés dans les années 60 aux Etats Unis. En résumé, le régime s'applique sur option aux sociétés cotées et leurs filiales dont l'activité principale est de détenir ou construire des immeubles en vue de les louer. Le régime consiste en une exonération d'impôt sur les sociétés s'agissant principalement des revenus locatifs et plus values immobilières, les- quels revenus exonérés font l'objet d'une obligation de distribution de 85% et 50% de leur montant respecti- vement. Ces revenus sont imposés entre les mains des action- naires sans possibili- té d'exonération. Le principe consiste donc à déplacer la charge de l'impôt de la société vers ses actionnaires. De ce fait, la société peut librement arbitrer ses actifs sans que la perspective de payer un impôt sur une plus value his- torique et donc substantielle ne vienne contrarier sa stratégie. Libérées de l'impôt tout en étant soumises à une obligation de distribution, ces sociétés versent un dividende substantiel à leurs actionnaires ce qui les a rendues attrac- tives aux yeux du marché. Il faut toute- fois préciser que l'option pour le régime n'est pas sans conséquence financière pour les sociétés concernées. Elles doi- vent en effet s'affranchir à cette occa- sion de l'impôt sur les plus-values latentes afférentes à leurs actifs immo- biliers. Le taux de cet impôt, connu sous le nom d'"exit tax", avait été fixé à l'origine à 16,5% et augmenté à 19% depuis le 1erjanvier 2009. L'année 2003, première année d'application du régime, était une année où la valeur des immeubles était au plus haut, de sorte que l'instauration du régime n'a pas été une mauvaise affaire pour le Trésor qui a engrangé au titre de cette seule année 2003 plus de 1400millions d'euros de recettes fiscales. Près d'une cinquantaine de sociétés ont opté pour le régime depuis son entrée en vigueur, dont des sociétés paneuro- péennes. La capitalisation boursière des SIIC françaises est passée de 11milliards d'euros début 2003 à près de 51mil- liards d'euros à fin 2011. Pour la pre- mière fois, une société foncière, Unibail Rodamco, qui a opté pour le régime SIIC dès 2003, fait partie du CAC 40. Ce régime a donc permis la création en France de grandes sociétés foncières dynamiques et le compartiment immo- bilier de la bourse s'en est trouvé ren- forcé. Le succès du régime français a inspiré d'autres pays européens. Ainsi, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont adopté un régime similaire en 2007, 9avril 2013 24 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ACAPITALISATIONBOURSIÈREDES SIIC FRANÇAISESEST PASSÉEDE 11 MILLIARDSD ’ EUROSDÉBUT 2003 ÀPRÈSDE 51 MILLIARDSD ’ EUROSÀFIN 2011 “SIIC: 10 ans déjà!” par Olivier Mesmin et Christine Daric , Avocats associés chez Baker & McKenzie ▲
suivis par l'Espagne et la Finlande en 2009. Il est rare de voir qu'un régime fiscal français inspire nos partenaires européens et cet événement mérite d'être souligné. Par ailleurs, il faut rappeler que sous l'impulsion de la FSIF et des pouvoirs publics, le régime des SIIC a su évoluer depuis sa création. Ainsi chaque année ou presque depuis 2003, le législateur est venu compléter le régime. Un apport remarqué a été celui du disposi- tif provisoire dit "SIIC 3" qui a permis, du 1erjanvier 2005 au 31décembre 2011, aux grands utilisateurs d'externaliser leur patrimoine immobi- lier en le cédant à des SIIC, ou d'autres acteurs immobiliers faisant appel public à l'épargne ou encore soumis au contrôle des autorités de marché, dans des conditions fiscalement attractives. Durant ces 7 années, le dispositif SIIC 3 a animé le marché des grosses transac- tions immobilières contribuant à géné- rer des recettes fiscales en matière de droits d'enregistrement et d'impôt sur les sociétés. D'autres aménagements du régime ont eu pour objet d'en élargir le champ d'application mais aussi de lutter contre cer- taines dérives. Ainsi, la loi de finances pour 2008 a-t-elle instauré un prélèvement spé- cifique de 20% en cas de distribution de dividendes à des actionnaires per- sonnes morales non soumis à l'impôt où à un impôt comparable à l'impôt fran- çais afin de lutter contre la déperdition de masse imposable en cas de distribu- tion de dividendes à certains action- naires, notamment étrangers, non imposables. La même loi de finances a également introduit une condition de flottant minimum et une autre de pour- centage de détention maximum par un même actionnaire ou groupe d'actionnaires agissant de concert afin de limiter la création de SIIC captives. Notons enfin qu'en France, le régime des SIIC a inspiré celui des OPCI dont le régime fiscal est très proche, contri- buant ainsi à moderniser le secteur des fonds immobiliers et à rendre la France plus attractive pour les investisseurs. En conclusion, le régime des SIIC a sans conteste été un succès. Il a profon- dément modifié le paysage du secteur immobilier coté en France et a été sour- ce d'inspiration pour nos partenaires étrangers. L'Etat y a également trouvé son compte avec un montant d'"exit tax" de plus de 2,5milliards d'euros. Pour reprendre une expression souvent utilisée par Dorian Kelberg, le délégué général de la FSIF, faisant le bilan du régime dix ans après son introduction: "le régime SIIC aura été un régime gagnant gagnant". ■ O. M. et C. D. 9avril 2013 25 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ESUCCÈSDURÉGIMEFRANÇAISAINSPIRÉD ’ AUTRESPAYS EUROPÉENS ▲
Les dix années passées ont été révolutionnaires pour l’exercice des métiers de l’immobilier en général. Il est temps d’adapter la loi du 2janvier 1970. Le projet de loi en gestation au sein du minis- tère devrait se situer dans la lignée de nos propositions. L’intermédiation immobilière en France c’est, au quotidien, 48000 entreprises qui administrent 7millions de lots en copropriété, 2millions de biens en gérance et qui réalisent plus de 400000 transactions sur logements anciens. Avec 170000 emplois et un chiffre d’affaires de 18milliards d’euros pour les activités d’agent immobilier et d’administrateur de biens, elle contri- bue à hauteur de 13% de la valeur ajoutée de l’ensemble des activités éco- nomiques du pays. Cette réussite réside pour une grande part dans la capacité d’une profession, fidèle à ses valeurs d’origine, à innover au fil du temps en faveur d’une qualité de services toujours plus poussée. Les structures fami- liales et autres agences patri- moniales d’après-guerre ont progressivement cédé la pla- ce à de véritables entreprises, comme en témoignent l’explosion du nombre d’entrepreneurs indépendants, l’émergence des groupes et des fran- chises. La loi Hoguet de 1970 n’est pas étran- gère à cette réussite. Le développement de l’intermédiation immobilière a en effet été garanti par la moralisation de la profession et le respect de trois piliers fondamentaux plébiscités par les professionnels eux-mêmes: un cadre législatif strict des compétences d’accès à la profession, une obligation d’assurance de responsabilité civile pro- fessionnelle, et une garantie financière dès lors que le professionnel détient des fonds au nom et pour le compte de sa clientèle. Dans ce contexte, ceux qui viendraient s’opposer à la raison d’être de la profes- sion et à son aptitu- de à servir les inté- rêts des clients se heurteraient à la réalité des chiffres: les agents immobi- liers ont depuis gagné 40% de parts de marché du particulier à particulier, 60% des transactions sur logements anciens sont réalisées par les agents immobiliers contre 20% en 1970, et 90% des immeubles en copropriété sont gérés par des syndics profession- nels, les enquêtes d’opinions révélant que 85% des Français apprécient le ser- vice rendu par leur syndic de coproprié- té. Pour autant, si depuis 40 ans l’architecture de la loi Hoguet n’a pas évolué, on peut se poser la question de savoir si elle est en mesure de faire face aux évolutions qui ont marqué le début du XXI e siècle. Il va sans dire que les conditions d’exercice des métiers se sont complexi- fiées. De la loi de la jungle, on est passé à la jungle des lois: multiplicité des textes, renforcements des codes de la consommation, de la construction et de l’habitation, du commerce ou encore transposition de directives européennes conduisent chaque jour les profession- nels à acquérir toujours plus de compé- tences juridiques, techniques, comp- tables, commerciales… Les besoins de la clientèle ont évolué. Sur fond de pressions consuméristes et technologiques, « tout ou presque » est accessible en ligne: offre globale à la vente et à la location, argus des prix, visites virtuelles, conseils juridiques, dia- gnostics, simulateurs et comparateurs de financement, de devis… En quelques clics, la clientèle s’improviserait presque agent immobilier, juriste, comptable, voire même syndic! C’est irréaliste, mais une chose est sûre, le consommateur est devenu de plus en plus exigeant. Le rôle de l’agent immobilier a changé aussi puisqu’il doit, outre l’intermédiation habituelle, entre- prendre toutes les démarches utiles pour le compte de ses clients: recherche 9avril 2013 26 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 I LAPPARAÎTPRIMORDIALD ’ APPORTERDENOUVELLES GARANTIESAUXCONSOMMATEURS “Pour une nouvelle loi Hoguet!” par Etienne Ginot , président de l’UNIS et Jean-François Buet , président de la Fnaim ▲
de diagnostiqueurs, de plans de finan- cement, démarches administratives, ser- vices à la personne… L’administrateur de biens devient un véritable conseiller en gestion de patrimoine, et le syndic, au-delà de veiller à la réglementation en vigueur et à la gestion des parties communes, endosse un rôle social, d’animateur de la collectivité, voire d’arbitre, acteur incontournable au sein de la copropriété. Malheureusement des marchés « d’opportunité » se développent sous l’impulsion de certains acteurs cupides qui considèrent l’immobilier comme un job et non comme un métier. L’exercice des métiers, exacerbé par la concurren- ce, devient propice à la pratique du « low-cost » au détriment du devoir de conseil nécessaire à la sécurisation des transactions. La profession n’est-elle plus en mesure de préserver les intérêts de la clientèle? N’est-elle plus capable de répondre à ses attentes? La profes- sion mérite-t-elle de voir son image souillée dans les médias ou dans l’esprit du législateur? Certes non. Il apparaît seulement primordial d’apporter de nouvelles garanties aux consommateurs. Comment? Avec ambition, en s’appuyant sur la force du diagnostic et en se posant les bonnes questions. Les règles fixées par la loi Hoguet, qui rappelons-le régissent les conditions d’accès à la profession et d’exercice des métiers, fournissent-elle toujours un cadre adapté au développe- ment des entreprises et à la préserva- tion de l’emploi? Définissent-elles enco- re un standard de qualité de services adapté à la sécurisation des consomma- teurs et à la transparence? Constituent- elles toujours un remède pour protéger le consommateur des abus de certains professionnels? Les Etats Généraux des Professions Immobilières ont permis à la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et à l’Union des syndicats immobiliers (UNIS) de répondre à ces questions. À l’issue d’une large concertation, elles sont par- venues à l’émergence d’un consensus pour réviser les conditions d’accès aux professions immobi- lières et d’exercice des métiers adap- tées au développe- ment des entre- prises et à la préser- vation de l’emploi, garantir un standard de qualité de services adapté à la sécu- risation des projets de la clientèle et à la transparence et lutter contre les pra- tiques illicites et l’amateurisme afin de protéger le consommateur des abus. À la prochaine loi-cadre sur le logement d’entériner ce formidable consensus ! ■ E. G. et J.-F. B 9avril 2013 27 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 A L ’ ISSUED ’ UNELARGECONCERTATION , LA FNAIM ET L ’UNIS SONTPARVENUESÀL ’ ÉMERGENCED ’ UNCONSENSUS ▲
La crise est là et la copropriété est en crise. La crise c’est à la fois une expérience très dure pour tous, mais c’est aussi sans doute le seul moyen d’avancer et de traiter les problèmes en apparence inso- lubles qui empoisonnent la vie des copropriétés et des copropriétaires depuis des années. Il y a trois séries de problèmes plus pré- occupants que les autres, en particulier. Et nous voudrions les passer en revue en indiquant ensuite comment - selon nous - la crise est déjà en train de nous aider à les résoudre et nous permettre d’aller au-delà du miroir..... I. Les gros travaux et la rénova- tion énergétique Le premier problème, c’est le blocage formidable des copropriétés en terme de gros travaux et de travaux de réno- vation énergétique. Alors que le Grenelle 1 (ndlr: loi n° 2009-967 du 3août 2009 de program- mation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement) a fixé une baisse des consommations énergétiques dans le résidentiel à moins 38% pour 2020, nous attein- drons sans doute à peine moins 10%. Une catastrophe. Pendant le même temps, les gros tra- vaux d’entretien indispensables dans les trois à cinq millions de logements en copropriété concernant les immeubles vieillissants ne sont pas faits ou sont faits très partiellement. Comment faire pour éviter l’inévitable catastrophe? II. Les syndics de copropriété Le deuxième problème est le problème des syndics et leur formidable incapaci- té à « gérer » les copropriétés dans de bonnes conditions: transparence, effica- cité, proximité, maîtrise. Au lieu de cela, concertation et finan- ciarisation, deux mots qui expliquent les pathologies qui frappent le secteur. Et leurs conséquences, des gestionnaires surchargés, dépassés, justes capables d’assurer le minimum pendant que les financiers des groupes font de belles et dange- reuses affaires, URBANIA qui a failli voler en éclat, FON- CIA racheté par un fonds d’investissement, CITYA qui renoue avec la croissance externe mortifère pour les copropriétés... Là aussi, comment faire pour empêcher le désastre? III. Les copropriétés fragiles et en difficulté Le troisième problème est encore plus angoissant, c’est le défi des coproprié- tés dites fragiles et en difficulté, phéno- mène en accélération vertigineuse. Dérive des charges, impayés en aug- mentation, dévalorisation financière accélérée de certaines zones, précarisa- tion d’une partie croissante des copro- priétaires (retraités, primo-accédants, chômeurs), tout pousse au désastre. Mais comment faire? Crise des travaux et du gros entretien, dérapage des charges, crise des syndics, crise des copropriétés fragiles et en dif- ficulté. Tout ceci donne envie de refermer la porte et d’aller voir ailleurs. Et pourtant c’est peut-être de cette multi-crise que vont finir par émerger les solutions. Les oppositions s’apaisent, des partena- riats se nouent, des solutions combinées se mettent en place, les uns écoutent enfin les autres. Il y a peu le Président de l’ARC, Fernand Champavier, le Président de l’UNIS, Étienne Ginot et le Président de la FNAIM, Jean-François Buet pouvaient envisager ensemble des réunions de tra- vail sur des sujets pourtant complexes et, il y a peu encore, polémiques. Rare. Pour montrer que l’anti-crise est en marche, nous faisons le tour de ces actions communes de partenariales déjà engagées ou qui vont démarrer bientôt. 9avril 2013 28 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 T ROISPROBLÈMES … QUELACRISENOUSAIDEÀRÉSOUDRE “Vive la crise!” par L’ARC , Association des Respon- sables de Copropriété ▲
a) Premier chantier : pour contrer l’inertie en matière de gros travaux et de rénovation , il va FALLOIR mettre en place de façon généralisée des démarches et des méthodes nouvelles, des outils innovants. Nous les connaissons déjà, ils sont en cours de construction ou de mise en œuvre: - c’est le fonds travaux obligatoire déjà repris dans le projet de loi Duflot; - c’est le B.I.C. (Bilan Initial de Copro- priété) développé par Planète Copro- priété et déjà utilisé par de nombreux acteurs; c’est l’audit global partagé qui associe architecte et thermicien; - c’est le « Quatre-quarts » pour boucler des plans de financements im-po-ssi- bles et associant CEE, fonds travaux, prêts collectifs, aides individuelles ou collectives; - c’est les SEM régionales d’assistance; - c’est la mobilisation des PME; - c’est l’« étiquette charges »; - c’est l’épargne collective avec le P.E.C. (Plan d’Épargne Copropriété); etc. À l’ARC, nous voulons travailler ensemble avec tous ceux qui l’acceptent et ils sont nom- breux: les banquiers, les opé- rateurs, les syndics, les archi- tectes, les entreprises, les thermiciens, les associations diverses de tous horizons, les collectivités. Forcé- ment nous allons trouver. Forcément. b) Deuxième chantier : pour réguler la profession et les pratiques des syndics , il VA FALLOIR, comme chacun le sait, mettre en place des instances paritaires de contrôle, de discipline, d’encadrement, de formation, de déon- tologie. Ce dont les professionnels ne voulaient pas entendre parler il y a encore deux ans devient aujourd’hui audible pour eux: - des Hauts Conseils intégrant les repré- sentants des usagers; des instances paritaires de conciliation départementales; des commissions régionales discipli- naires; la mise en place de référentiels profes- sionnels définis avec les usagers; des comptes séparés sans dérogation; la rédaction de codes de déontolo- gie concertés; Nous faisons le pari qu’avant la parution des décrets de la loi DUFLOT des instances expérimen- tales seront déjà en place pour per- mettre de lancer le travail. c) Troisième chantier : enfin pour pré- venir les difficultés et guérir les copropriétés il faut - là aussi - des méthodes, des compétences, des parte- nariats nouveaux. Ceux-ci sont en train d’émerger. Des collectivités territoriales, des opéra- teurs, des associations, des réseaux sociaux, des syndics, des agences d’État comme l’ANAH mettent en place des propositions innovantes et partenariales: - un groupe de travail sur le syndic de redressement va se mettre en place ain- si que sur l’identification et le dévelop- pement des compétences des manda- taires ad hoc; - des outils nouveaux pour redresser les copropriétés en difficulté vont être expérimentés (contrat de requalifica- tion; coopérative de reconstruction...) ; - les Observatoires locaux des coproprié- tés poussent comme des champignons; des outils nouveaux d‘intervention y compris des Observatoires locaux des charges pour maîtriser les charges se mettent en place avec les collectivités; des dispositifs d’accompagnement - dès le début de la conception ou de la mise en route des immeubles - sont en gesta- tion. Là encore « nécessité fait loi », « néces- sité rend ingénieux » et force à trouver les voies d’un traitement partenarial efficace. La crise? Pas seulement, aussi un champ d’inventions et de développement de relations multi-partenariales inespéré. Un renouveau. Un espoir. Et, pour nous, surtout la fierté d’« en être ». Vive cette dynamique de crise. Et qu’on en sorte vite et renouvelé. 9avril 2013 29 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 I LVAFALLOIRMETTREENPLACEDESOUTILSINNOVANTS , NOUSLESCONNAISSONSDÉJÀ ▲
Le mode de détention de l’immobilier dans lequel est exploitée l’entreprise est une question fréquente pour le diri- geant d’entreprise. La problématique réside principalement autour d’une alternative: acquisition par la société d’exploitation soumise à l’impôt sur les sociétés ou acquisition à titre personnel, en direct ou via une société soumise à l’impôt sur le revenu. Chacune de ces solutions présente des avantages mais aussi des inconvénients. Revenons briè- vement sur chacune de ces options avant d’évoquer le démembrement de l’immobilier d’entreprise. Si le bien est détenu par la société d’exploitation, il constituera pour elle une immobilisation corporelle amortis- sable, réduisant ainsi son résultat fiscal global. En cas de cession du bien, la plus-value dépendra de sa valeur nette comptable et sera intégrée au résultat exceptionnel de l’année. Cette inscrip- tion au bilan de l’entreprise était conseillée à une certaine époque car elle était un gage de solvabilité pour les créanciers. En revanche, cette stratégie a un point faible conséquent lorsque le dirigeant souhaite céder sa société puisqu’il devra alors trouver un acquéreur intéres- sé non seulement par l’activité opérationnelle, mais également par les murs qui y sont atta- chés. L’autre stratégie consiste à détenir les murs à titre personnel, en direct ou par l’intermédiaire d’une structure soumise à l’impôt sur le revenu. Dans ces deux hypothèses, un bail est conclu entre le propriétaire de l’immeuble, personne physique ou société civile selon le cas, et la société d’exploitation. Pour cette dernière, le loyer constituera une char- ge déductible de son résultat et pour le bailleur, un revenu foncier. Le bien ne pourra pas être amorti mais sa cession bénéficiera du régime des plus-values immobilières des particuliers (applica- tion d’un abattement pour durée de détention au-delà de la 5e année, conduisant à une exonération après 30 ans). En cas de cession de l’exploitation, le bien pourra être conservé et consti- tuera une source de revenus complé- mentaires pour le dirigeant retraité. Le principal inconvé- nient réside dans la taxation importante des revenus fonciers. Pour limiter ces handicaps, une opéra- tion consiste à céder l’usufruit tempo- raire de l’immeuble à la société d’exploitation. Concrètement, cette der- nière acquiert un droit réel sur l’immeuble, juridiquement plus confor- table qu’un bail et peut, de par son régime fiscal, en amortir l’acquisition. Le dirigeant cédant, quant à lui, perçoit le prix de cession de l’usufruit temporai- re, calculé selon une valeur écono- mique, et peut le placer à sa guise. Au terme fixé de l’opération, il retrouve la pleine propriété de l’immeuble sans en avoir perdu l’antériorité fiscale. Ainsi, en cas de cession ultérieure de la pleine propriété, la durée de détention est cal- culée depuis l’acquisition d’origine. Cet- te opération est d’autant plus optimale lorsqu’elle porte sur les parts de la société civile, soumise à l’impôt sur le revenu, propriétaire du bien. Tout d’abord, cette dernière, pendant la durée de l’usufruit, peut pratiquer de ce fait un amortissement du bien. Ensui- te, la société acquéreuse amortira l’usufruit de ces parts. Cette stratégie était considérée comme très attractive pour les chefs d’entreprise qui la mettaient en place. Mais, depuis la 3e loi de finances rectifi- cative pour 2012, à effet rétroactif au 14novembre 2012, cela n’est plus le cas. En effet, jusqu’à cette date, la ces- sion de l’usufruit temporaire générait une imposition dans la catégorie des plus-values immobilières, généralement plus avantageuse que l’imposition des revenus fonciers. Dorénavant, le produit de cette cession est imposé dans la caté- gorie des revenus qui lui sont substi- tués, c’est-à-dire ici les revenus fonciers. L’opération de cession d’usufruit devient de facto moins attractive pour le dirigeant propriétaire en direct. Le démembrement de l’immobilier d’entreprise peut toujours être oppor- tun en fonction des objectifs recher- chés, par exemple, dès l’acquisition et 9avril 2013 30 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ACESSIONTEMPORAIRED ’ USUFRUITESTMOINSATTRACTIVE DEPUISLA 3 ELOIDEFINANCESRECTIFICATIVEPOUR 2012 “Le démembrement de l’immobilier d’entreprise” par Marie-Laure Decobert , Ingénieur Patrimonial Swiss Life Banque Privée ▲
peut également s’avérer une excellente solution pour sortir un bien du bilan d’une société d’exploitation. Revenons sur ces deux cas de figure. Dès l’acquisition du bien, la société d’exploitation peut se porter acquéreur de l’usufruit et le dirigeant de la nue- propriété. La question est de savoir comment sera traitée l’opération pour le cédant s’il cède isolément des droits démembrés ou globalement la pleine propriété à deux acquéreurs distincts. L’enjeu est ici important car il se verrait imposé différemment: dans la première solution, l’usufruit temporaire serait fis- calisé selon ce nouveau régime dans la catégorie des revenus fonciers et la nue-propriété dans celle des plus-values immobilières; dans la seconde hypothè- se, dans la catégorie des plus-values immobilières pour la globalité. Les avis sont différents sur cette question qui devrait être tranchée rapidement par l’administration fiscale. Enfin, le recours au démembrement peut être une excellente opportunité pour sortir à terme un bien inscrit au bilan de la société. Concrètement, la société conserve l’usufruit pour une durée déterminée et se « libère » de la nue-propriété au profit du dirigeant. L’impact fiscal de la plus- value de sortie de bilan est ainsi réduit car seule la nue-propriété est cédée. Une première solution consis- te en l’acquisition à titre onéreux par le dirigeant de la nue-propriété. Mais ce dernier devra toutefois en trouver les modalités de financement et, par consé- quent les ressources nécessaires au rem- boursement d’une dette non génératri- ce de revenus immédiats. Deux autres solutions plus originales peuvent être envisagées: une distribution de divi- dendes en nature pouvant s’étaler sur plusieurs années ou une réduction de capital en nature lorsqu’elle est pos- sible, c’est-à-dire si les actionnaires réunis en assemblée générale extraordi- naire l’autorisent à l’unanimité. ■ M.-L. D. 9avril 2013 31 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• 5 5 0 0 0 0 L ERECOURSAUDÉMEMBREMENTRESTEUNEEXCELLENTE OPPORTUNITÉDANSCERTAINSCAS ▲
9avril 2013 32 JURIS h h e e b b d d o o immobilier •• S S O O M M M M A A I I R R E E Quinze analyses JURIShebdo 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart Téléphone: 0146457769 Fax: 0146457786 ■ site internet: jurishebdo.fr ■ Directeur de la rédaction: Bertrand Desjuzeur ■ Mél: bertrand.desjuzeur@jurishebdo.fr ■ Secrétariat: Sabine Petit ■ A coordonné ce numéro: Nathalie Levray ■ JURIShebdo est une publication de la Société de Presse du Breil (SPB), SARL de presse au capital de 10000euros constituée en août2002 pour 99 ans. Siège social: 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart ■ RCS Nanterre 443034624000 17 ■ APE 5813Z ■ Actionnaires: Bertrand Desjuzeur, Roseline Maisonnier ■ Numéro de commission paritaire: CPPAP n°0214 I 80129 ■ Dépôt légal: à parution ■ Prix de vente au numéro: 17 € TTC (16,65 € HT) ■ Abonnement pour 1 an (41 nos +5 nos spéciaux): 769 € TTC (753,19 € HT) ■ Directeur de la publication: Bertrand Desjuzeur ■ Impression: Com-Copie Clamart ■ Gestion des abonnements: logiciel Loïc Lavoine 5 5 0 0 0 0 ■ Les grandes réformes de la politique du logement depuis 2000 Bernard Vorms , Directeur général de l’ANIL - Agence nationale pour l'information sur le logementpage2 ■ Dix ans d’application de la réglementation des changements d’usage: bilan et perspectives Guillaume Daudré , Notaire assistant, Allez & Associéspage4 ■ Mettre l’humain et les usages au cœur du bâtiment Lionel Carli , Président du CNOA - Conseil national de l’ordre des architectespage6 ■ Favorisons le développement durable de la loi! Philippe Pelletier , Avocat associé, Lefèvre, Pelletier et Associéspage8 ■ Chronique d’un loyer indexé Claire Castela et Régis Hallard , Avocats associés du cabinet FIDALpage10 ■ Du territoire administratif à l’intercommunalité démocratisée? Brigitte Bariol , Déléguée générale de la FNAU - Fédération nationale des agences d'urbanismepage12 ■ Trop, c’est trop! Didier Ridoret , Président de la FFB - Fédération française du bâtimentpage14 ■ Face aux addicts des aides fiscales, il faut revenir à l’intérêt général Patrick Doutreligne , Délégué général de La Fondation Abbé Pierrepage16 ■ L’épargne immobilière au secours du logement Arnaud Dewachter , Délégué général de l’ASPIM - Association française des sociétés de placement immobilierpage18 ■ Retour sur les incitations en faveur de l’investissement résidentiel Charles-Henri de Marignan , Analyste senior, IEIF - Institut de l'épargne immobilière et foncièrepage20 ■ Les gens modestes ne pourront plus s’offrir un logement Christian Louis-Victor , Président de l’UMF - Union des maisons françaisespage22 ■ SIIC: 10 ans déjà! Olivier Mesmin et Christine Daric , Avocats associés chez Baker & McKenziepage24 ■ Pour une nouvelle loi Hoguet! Etienne Ginot , président de l’UNIS et Jean-François Buet , président de la Fnaim Union des syndicats de l'immobilier - Fédération nationale de l'immobilierpage26 ■ Vive la crise! ARC , Association des Responsables de Copropriétépage28 ■ Le démembrement de l’immobilier d’entreprise Marie-Laure Decobert , Ingénieur Patrimonial, Swiss Life Banque Privéepage30
Les analyses de Bernard Vorms, Guillaume Daudré, Lionel Carli, Philippe Pelletier, Claire Castela et Régis Hallard, Brigitte Bariol, Didier Ridoret,Patrick Doutreligne, Arnaud Dewachter,Charles-Henri de Marignan, Christian Louis-Victor, Olivier Mesmin et Christine Daric, Etienne Ginot et Jean-François Buet, l’ARC et Marie-Laure Decobert.
¦ Les grandes réformes de la politique du logement depuis 2000
Bernard Vorms, Directeur général de l’ANIL – Agence nationale pour l’information sur le logement page 2
¦ Dix ans d’application de la réglementation des changements d’usage : bilan et perspectives
Guillaume Daudré, Notaire assistant, Allez & Associés page 4
¦ Mettre l’humain et les usages au cœur du bâtiment
Lionel Carli, Président du CNOA – Conseil national de l’ordre des architectes page 6
¦ Favorisons le développement durable de la loi !
Philippe Pelletier, Avocat associé, Lefèvre, Pelletier et Associés page 8
¦ Chronique d’un loyer indexé
Claire Castela et Régis Hallard, Avocats associés du cabinet FIDAL page 10
¦ Du territoire administratif à l’intercommunalité démocratisée ?
Brigitte Bariol, Déléguée générale de la FNAU – Fédération nationale des agences d’urbanisme page 12
¦ Trop, c’est trop !
Didier Ridoret, Président de la FFB – Fédération française du bâtiment page 14
¦ Face aux addicts des aides fiscales, il faut revenir à l’intérêt général
Patrick Doutreligne, Délégué général de La Fondation Abbé Pierre page 16
¦ L’épargne immobilière au secours du logement
Arnaud Dewachter, Délégué général de l’ASPIM – Association française des sociétés de placement immobilier page 18
¦ Retour sur les incitations en faveur de l’investissement résidentiel
Charles-Henri de Marignan, Analyste senior, IEIF – Institut de l’épargne immobilière et foncière page 20
¦ Les gens modestes ne pourront plus s’offrir un logement
Christian Louis-Victor, Président de l’UMF – Union des maisons françaises page 22
¦ SIIC: 10 ans déjà !
Olivier Mesmin et Christine Daric, Avocats associés chez Baker & McKenzie page 24
¦ Pour une nouvelle loi Hoguet !
Etienne Ginot, président de l’UNIS et Jean-François Buet, président de la Fnaim
Union des syndicats de l’immobilier – Fédération nationale de l’immobilier page 26
¦ Vive la crise !
ARC, Association des Responsables de Copropriété page 28
¦ Le démembrement de l’immobilier d’entreprise
Marie-Laure Decobert, Ingénieur Patrimonial, Swiss Life Banque Privée page 30