Au sommaire :
– 2 – Jurisprudence –
Baux d’habitation : Hausse de loyer sous-évalué
Baux commerciaux : Impayés de loyer. Pas de référé pour un loyer contesté / Déplafonnement des baux de plus de 9 ans. Pas de renonciation par avance à un renouvellement pour 9 ans / Sous-location : charges comprises ou non ? / Obligation de délivrance
QPC : Le texte de la question du demandeur doit être respecté par le juge
Droit de préemption : 2 SAFER préemptent sur 2 départements
Urbanisme : Règles de construction; hauteur de niveau pour des combles / IGH. Des duplex en niveau haut / Accélération des recours par un seul degré de juridiction / Reconstruction d’un bâtiment détruit
Fiscalité : Taxe foncière : pas d’exonération pour des immeubles affectés à un syndicat professionnel / Dégrèvement pour des travaux d’économie d’énergie dans les logements sociaux / Plus-values. Interposition de société luxembourgeoise. Abus de droit / SCI. Revenus fonciers. Charges déductibles pour un associé détenant l’usufruit des parts
– 5-7 – Analyse –
– Le meublé touristique dans le viseur de l’administration, par Alexandra
Plain et Céline Quintin (avocates, Gowling WLG France)
– Rénovation d’immeubles : spécificités des garanties et assurance par Claire
Jouffrey (avocate, Fidal)
– 10 – Projets –
L’avant-projet de loi logement
– 12 – Rencontre –
Le congrès de la FNAIM
1 8décembre 2017 2 JURIS hebdo immobilier ll B AUXD ’ HABITATION - B AUXCOMMERCIAUX Baux d'habitation ■ Hausse de loyer sous-évalué ( CA Paris, Pole 4, ch. 3, 7décembre2017, n°15-09078) Un bailleur avait adressé une proposition de renouvellement de bail à son locataire le 15mai2012, le contrat expirant le 31décembre2012. Il invoquait une sous- évaluation manifeste du loyer, le locataire étant dans les lieux, situés à Aubervilliers (93) depuis 1980. La cour d'appel admet l'application de l'ar- ticle 17-c de la loi du 6juillet 1989: « Attendu en l'espèce que le loyer mensuel en mai2012 est de 196,04 € soit un prix de 4,90 € /m 2 ; Qu'au soutien de sa demande d'augmenta- tion du loyer le bailleur produit la copie de six baux d'habitation concernant les loyers de logement de 2 pièces, situés dans la même zone géographique que le logement concerné, ayant comme lui une surface habitable de 40m 2 ; Que ces loyers mensuels s'établissent entre 322,50 € et 364,74 € soit une valeur locati- ve mensuelle de 344,40 € ; Que ces références répondent aux condi- tions prévues par l'article 19 de la loi du 6juillet 1989 précitée, s'agissant de loge- ments comparables quant à la surface habi- table et au nombre de pièces et qui concer- nent en particulier quatre locations pour lesquelles […] il n'y a pas eu de changement de locataire depuis 3 ans; Attendu qu'a u vu de ce qui précède le loyer réglé par les intimés est manifestement sous-évalué au sens de l'article 17 c de la loi du 6juillet 1989 ». La cour fait ensuite l'application du décret du 26août 2011 limitant la hausse de loyer applicable à la moitié de la différence entre le loyer ainsi fixé et le loyer à la date de renouvellement. Elle retient donc une hausse de 74,18 € /m 2 , fixant le loyer à 270,22 € par mois. La haus- se est étalée sur 6 ans par sixièmes successifs soit 12,36 € par mois pendant 6 ans». Observations : Dans ce litige rendu sous l'empire de l'article 17 c avant la loi Alur, le bailleur a ainsi pu faire la preuve de la sous- évaluation manifeste du loyer. Cette preuve lui incombe (Civ. 3 e , 12octobre2011). L'écart entre le loyer pratiqué et le loyer du voisinage était donc de 75,7%. Confor- mément au décret annuel de blocage des loyers applicable en région parisienne (en vigueur en 2012), seule la moitié de l'écart devait être retenue (soit 37,8%), écart lui- même applicable par sixièmes annuels puisque la hausse de loyer dépassait 10%. Baux commerciaux ■ Impayés de loyer. Pas de référé pour un loyer contesté (CA Paris, Pôle 1, ch. 2, 7décembre2017, n°16/20921) Un bailleur de locaux commerciaux avait consenti un renouvellement de bail en 2009 pour un loyer de 31500euros par an. Le 1 er avril 2015, il avait informé son locataire, par LR AR, « à l'occasion de la révision trien- nale que le loyer serait augmenté et fixé à 52000euros ». En juin2015, le bailleur avait adressé un commandement visant la clause résolutoire pour obtenir notamment l'écart de loyer entre l'ancien loyer et le loyer révisé. La cour d'appel dit n'y avoir lieu à référé: « Ainsi que le premier juge l'a exactement retenu […], il existe des contestations sérieuses aux demandes découlant du constat de l'acquisition de la clause résolu- toire du bail fondé sur le commandement de payer des 15 et 26juin2015 délivré […] pour avoir paiement, pour la période d'avril à juin2015, des écarts entre le loyer contrac- tuel et le loyer révisé outre un "écart prime d'assurance 2014", le dépôt de garantie, la prime d'assurance 2015 ainsi que diverses pénalités de retard. En effet, d'une part, le gérant de la société ERJ a comparu en personne devant le juge des référés pour indiquer avoir refusé cette augmentation de près de 80%, être à jour de ses loyers et ne pas s'opposer à son départ moyennant une indemnité d'évic- tion et Madame L., qui a décliné la proposi- tion de renvoi de ce juge pour lui permettre de consulter un avocat spécialisé dans le contentieux des baux commerciaux, ne dis- cute pas utilement le caractère sérieuse- ment contesté de cette proposition de loyer révisé effectuée au vu d'un rapport d'ex- pertise immobilière qui n'a pas été dressé contradictoirement. D'autre part, elle ne conteste pas que le juge des loyers commerciaux n'a pas été saisi. […] Les demandes fondées sur ce commande- ment de payer ne relèvent donc pas du juge des référés ». La cour rejette donc la demande du bailleur. Observations : L'article 809 alinéa2 du code de procédure civile permet au prési- dent du tribunal de grande instance d'ac- corder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieu- sement contestable. En l'espèce, la créance de loyer du bailleur faisait l'objet d'une contestation car celui-ci réclamait le paie- m ent d'une hausse de loyer résultant d'une révision mais la procédure qu'il avait suivie pour fixer le loyer révisé était très probablement insuffisante. La révision du loyer peut être demandée par le bailleur ou le locataire (art. L 145-37 du code de commerce). En l'espèce, c'est le bailleur qui avait pris l'initiative, pour aug- menter fortement le loyer. La demande peut être formée par acte d'huissier ou par lettre recommandée avec AR (art. R 145- 20). Mais encore faut-il que la demande soit suivie d'un accord. La Cour de cassa- tion a déjà jugé que commet un abus de droit le bailleur qui fait procéder à une sai- sie sur le compte bancaire du locataire pour avoir paiement d'un arriéré de loyer, calculé sur la base d'une révision triennale qu'il avait unilatéralement proposée à celui-ci, alors qu'en l'absence d’accord des parties, il lui incombait de saisir le juge des loyers commerciaux pour fixer le prix du loyer révisé (Civ. 3 e , 12avril 1995). L'arrêt rapporté est dans la même ligne. Le bailleur ne peut se fonder sur sa seule demande de loyer révisé pour en obtenir paiement, sans accord du locataire. En cas de désaccord, il doit saisir le juge des loyers commerciaux. Faute de l'avoir fait, le mon- tant du loyer à payer par le locataire était incertain et ne pouvait justifier la condam- nation en référé au paiement du loyer révisé. A retenir: En cas de désaccord sur le mon- tant du loyer révisé, le bailleur doit saisir le juge des loyers commerciaux mais non le juge des référés pour obtenir le paiement de la hausse de loyer. ■ Déplafonnement des baux de plus de 9 ans. Pas de renonciation par avance à un renouvellement pour 9 ans (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 6 déc. 2017, n°15/19801) Un acte sous seing privé du 29juillet 2003 prévoyait, en renouvellement, un bail du 1 er janvier 2003 au 31décembre2012 pour une boutique de bar restaurant brasserie à Paris, rue Montmartre. Le locataire avait demandé le renouvellement par acte du 20juillet 2012 à un loyer de 37800 € mais le bailleur demandait un loyer déplafonné à 100000 € . La cour d'appel admet le déplafonnement JURISPRUDENCE
en raison de la durée du bail à renouveler: « En application de l'article L 145-34 du code de commerce, la règle du plafonne- ment du loyer du bail renouvelé est écartée s i le bail expiré avait une durée contractuel- le supérieure à 9 ans. En l'espèce, le bail expiré n'indique pas expressément la durée pour laquelle il a été conclu, mais précise qu'il est renouvelé du 1 e r janvier 2003 au 31décembre2012, « puis ainsi de suite pour des périodes similaires ». […] Il n'est pas contesté que les baux commer- ciaux se renouvellent pour une période de 9 ans conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L 145-12 du code de com- merce. Lors de chaque renouvellement il appartient aux parties d'exprimer expressé- ment leur volonté de contracter pour une durée plus longue, faute de quoi le bail renouvelé pour la durée légale de 9 années. Dès lors, les parties ne pouvaient renoncer pour l'avenir à la durée de neuf années pour les baux se renouvelant . En revanche, elles ont pu le faire valablement pour le renouvellement intervenu le 29juillet 2003 à effet rétroactif du 1 er janvier 2003. […] Dans l'acte signé le 29juillet 2003, les dates de début et de fin de bail sont écrites en chiffres et en lettres ainsi qu'en carac- tères gras, attirant ainsi l'attention des signataires. […] La commune intention des parties a bien été de conclure un renouvellement de bail pour une durée de 10 ans. […] Dans ces conditions, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative ». La cour retient une valeur locative par rap- port aux prix du voisinage et aux valeurs locatives résultant des décisions judiciaires. Elle fixe le loyer à 55600euros. Observations : Les baux de plus de 9 ans échappent au plafonnement en applica- tion de l'article L 145-34 du code de com- merce (Civ. 3 e , 13novembre 1997). Les par- ties ayant conclu un accord de renouvelle- ment en 2003 pour dix ans, le bail devait échapper au plafonnement et c'est ce qu'admet la cour d'appel. Mais elle analyse également la faculté pour les parties de conclure en renouvelle- ment un bail d'une durée excédant 9 ans. Elle juge que les baux se renouvellent pour 9 ans, en application de l'article L 145-12, et que cette règle est d'ordre public. Cette décision est dans la ligne d'un arrêt de 2013: un locataire n'avait pas répondu à une offre de renouvellement pour 12 ans d'un bail initialement conclu pour 12 ans et il demandait la constatation du renou- vellement pour 9 ans. La cour d'appel n'avait relevé aucun accord des parties sur la durée de 12 ans postérieurement à la date d'effet du congé. La Cour de cassa- tion avait jugé que la cour d'appel en avait d éduit à bon droit que le bail s'était renouvelé pour 9 ans (Civ. 3 e , 18juin2013). Dans l'arrêt rapporté, la cour d'appel de Paris admet que les parties ne pouvaient pas renoncer pour l'avenir à la durée de 9 ans, mais qu'elles pouvaient valablement le faire rétroactivement, en signant un accord en juillet2003 pour une prise d'ef- fet en janvier2003. A retenir: - Les parties ne peuvent pas renoncer pour l'avenir à un renouvelle- ment de bail de 9 ans; - mais elles peuvent convenir rétroactive- ment d'un renouvellement de bail pour une durée de plus de 9 ans. ■ Sous-location. Charges com- prises ou non? (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 6décembre2017, n°16/04271) Un sous-locataire titulaire d'un contrat de 9 ans avait lui-même sous-loué pour un an. Le sous-sous-locataire, M.B., étant resté dans les lieux à l'échéance, il avait obtenu judi- ciairement la requalification de son contrat, bail dérogatoire de courte durée, en sous- bail de 9 ans régi par le statut. Le litige restait pendant sur l'indexation du loyer. M.B. demandait que le loyer, défini charges comprises, soit ventilé par le juge en une fraction correspondant au loyer, à indexer, et une fraction correspondant à des provisions de charges. La cour d'appel statue d'abord sur la pres- cription puis rejette la demande: « L'action en contestation relative à l'appli- cation de l'indexation au montant du loyer du sous-bail est soumise à la prescription de cinq années prévues par l'article 2224 du code civil, et non pas à celle de l'article L 145-60 du code de commerce, qui ne s'ap- plique qu'aux actions nées spécifiquement du statut des baux commerciaux ». Le dernier rappel d'indexation remontant à 2010, l'action en contestation résultant d'une assignation de 2013 est jugée non prescrite. Sur le fond, la cour d'appel juge que les par- ties pouvaient librement, en application de l'article 1134 du code civil fixer les modalités de fixation du prix, dans le cadre d'un sous- bail commercial. « En l'espèce les parties ont prévu que le loyer devait être fixé toutes charges com- prises et sa variation déterminée par l'exis- tence d'une clause d'échelle mobile. Ainsi, le loyer librement convenu toutes charges comprises, et indexé sur la variation de l'indice INSEE du coût de la construction par le jeu d'une clause d'échelle mobile, fait l a loi entre les parties et M. B. n'est pas autorisé à modifier unilatéralement, en scindant la part de charges de celle qui constituerait le louer "nu", ni à demander au juge de procéder ainsi, ce qui amènerait le juge à se substituer à la volonté des par- ties […] Les demandes de M. B. en fixation du loyer et des charges, et en remboursement de 1 8décembre 2017 3 JURIS hebdo immobilier ll B AUXCOMMERCIAUX ▲ JURISPRUDENCE ■ QPC: le texte de la question posée par le demandeur doit être respectée par le juge Une QPC portait sur le remboursement de sommes indûment versées par un preneur lors de la cession d'une exploitation. La Cour de cassation juge à ce propos que la question ne doit pas être modifiée par le juge: « Attendu qu' il n'appartient pas au juge de modifier la teneur de la question prio- ritaire de constitutionnalité que pose une partie , de sorte que c'est au regard de la formulation arrêtée par celle-ci qu'il convient de se prononcer ». Sur le fond, la Cour de cassation rejette la demande de transmission de la QPC rela- tive à l'article L 411-74 du code rural: « Attendu que la question ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la majoration instituée, qui a pour finalité la compensation du préjudice subi par le preneur à bail du fait de la privation des sommes indûment versées, ne constitue pas une sanction à caractère de punition et ne ressortit pas, en conséquence, au champ d'application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26août 1789 ». L'article L 411-74 du code rural interdit au bailleur et au preneur sortant de perce- voir des sommes non justifiées à l'occasion d'un changement d'exploitant. La loi pré- voit des sanctions pénales et une obliga- tion de restituer les sommes indûment payées. L'article litigieux prévoit aussi une majoration des sommes à reverser, calcu- lée sur le taux de l'intérêt légal majoré de trois points. Selon la Cour de cassation, cette disposition ne justifie pas de critique constitutionnelle. L'article 8 de la Déclara- tion des droits de l'homme fixe le principe de la légalité des délits et des peines et celui de la nécessité des peines. (Civ. 3 e , 7décembre 2017, n°1359, FS-P+B, non-lieu à renvoi, pourvoi n°17-40055).
sommes au titre d'un trop versé de loyers et de charges seront rejetées ». Observations : Deux points. 1 . Sur la prescription . Le délai de prescrip- tion de deux ans de l'article L 145-60 du code de commerce a un domaine limité aux actions exercées en vertu du chapitre du code de commerce concernant les baux commerciaux. Mais les actions relevant du droit commun ne sont pas régies par ce texte dérogatoire. Relèvent ainsi du droit commun une action en paiement des loyers (Civ. 3 e , 5octobre 1994), ou une action en répétition de charges indues (CA Paris, 5octobre 1995). Le présent arrêt confirme l'application du délai de droit commun pour une action contestant la répartition de la somme due entre le montant du loyer et celui des charges. 2. Sur le fond . La cour d'appel admet la faculté pour les parties de convenir d'un sous-bail comportant un loyer, charges comprises, par application du principe de liberté contractuelle (art. 1134 du code civil). Rappelons que la loi Pinel de 2014 a inséré un article L 145-40-2 dans le code de com- merce selon lequel "Tout contrat de loca- tion comporte un inventaire précis et limi- tatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, compor- tant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire". Mais la décision ne fait pas état de la loi nouvelle, les faits étant antérieurs à la loi. ■ Obligation de délivrance et d’en- tretien (CA Paris, Pôle 5, ch. 3. 6décembre2017, n°16/05100) Un bail commercial de 1966 concernant un local de restaurant avec cuisine, cave et logement au 1 er étage, imposait au locatai- re « de prendre les lieux dans l’état où ils se trouveront lors de l’entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucun changement ni réparation ». Or l’expert avait relevé dans son rapport l’état de vétusté et de dégradations des locaux (cave inutilisable car très humide, arrière-salle vétuste et détériorée) mais ajoutant que les détériorations n’étaient pas de nature à entraver durablement et de façon permanente l’exploitation du restau- r ant. La cour d’appel rappelle cependant les obligations du bailleur: « Les dispositions contractuelles mettant à la charge du locataire tous les travaux de réparations ne dispensent pas le bailleur de respecter son obligation de délivrer à son locataire et d’entretenir des locaux en état de servir à l’usage pour lequel ils sont des- tinés, et d’en assurer la jouissance paisible . Or les travaux liés à la vétusté incombent au bailleur, de même que la réparation des désordres affectant les parties communes, tels que les infiltrations provenant des cana- lisations, des murs de soutènement des gouttières, et des cheminées ». La cour invitele bailleur à saisir le syndic pour mettre un terme aux désordres et juge que le bailleur « ne justifie pas avoir fait les diligences pour procéder aux réparations desdits désordres ». Elle accorde une indem- nité au preneur pour préjudice de jouissan- ce de 9000 € . Observations : La cour fait ici application des règles du droit commun. Une disposi- tion contractuelle n’écarte pas l’obligation de délivrance du bailleur. (Dans le même sens, voir Civ. 3 e , 5juin 2002). Droit de préemption ■ Quand deux SAFER préemptent conjointement sur deux départe- ments (Civ. 3 e , 7décembre2017, n°1255, F-P+B, rejet, pourvoi n°16-24190) Une propriété agricole était située pour partie dans le Cantal et pour partie dans l'Aveyron. Les propriétaires avaient vendu l'ensemble et avaient notifié la vente aux deux SAFER concernées. Celles-ci avaient exercé leur droit de préemption « de façon solidaire et conjointe », chacune « pour la partie située dans son périmètre d'interven- tion ». L'acquéreur évincé contestait la validité de la préemption, mais la Cour de cassation rejette son recours: « Mais attendu qu'ayant relevé […], que la SAFER et la SAFALT avaient adressé à cha- cun des commissaires du Gouvernement les conditions de vente telles que notifiées (sur- face totale et prix global) en précisant la surface située dans chaque département, en procédant à une ventilation du prix et en s'engageant ensemble, mais chacune sur son propre territoire d'action, pour remé- dier la difficulté résultant de ce qu'aucune dissociation du prix n'était faite dans l'acte de vente initial, que les décisions de pré- e mption avaient été exercées en conformi- té avec les avis de leurs commissaires du Gouvernement respectifs et exactement retenu, faisant usage de son pouvoir de requalification des actes litigieux, que les obligations de la SAFER et de la SAFALT étaient indivisibles, en ce qu'elles portaient sur l'exercice du droit de préemption dans sa globalité et pour un prix déterminé, et interdépendantes dans la façon d'y parve- nir, et que les SAFER avaient pu choisir la solution de cet achat indivisible plutôt que celle de la délégation de compétence, la cour d'appel a légalement justifié sa déci- sion ». Le pourvoi est rejeté. Observations : L'auteur du pourvoi souli- gnait que la SAFER ayant une zone d'ac- tion définie par l'arrêté d'agrément, il fal- lait au moins qu'une délégation de pou- voir soit adressée par une SAFER à l'autre afin que cette dernière préempte la totali- té du bien. Mais cet argument est repous- sé. La Cour de cassation valide donc ce pro- cédé de préemption conjointe permettant d'embrasser l'acquisition d'une propriété sur deux départements. Urbanisme ■ Règles de construction. Hauteur des niveaux pour des combles (CE, 6décembre2017, 1 e et 6 e chambres, n°399524) Le PLU de Saint-Pierre (la Réunion) compor- tait, pour la parcelle concernée par un per- mis de construire des logements dépendant d'une école, une limitation des hauteurs de construction. D'une part, elles devaient comporter au plus deux niveaux de construction au-dessus du rez-de-chaussée et un comble, d'autre part leur hauteur ne devait pas excéder 11 mètres lorsqu'elle est mesurée à l'égout des toits et 16 mètres mesurée au faîtage. Le permis contesté autorisait un immeuble « comportant deux niveaux d'habitation au-dessus du rez-de-chaussée et un espace compris entre ce dernier niveau et les ver- sants du toit. Cet espace, d'une hauteur de 1,70 mètre au droit des façades, par rapport au dernier niveau d'habitation, avec des ouvertures ménagées en bas de cette partie du bâtiment prolongeant les façades, se poursuit selon une pente de 50 degrés jus- ❘◗ Le réseau d’avocats Kalliopé ouvre un bureau secondaire en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il sera animé par Jocelyn Duval . 1 8décembre 2017 4 D ROITDEPRÉEMPTION - U RBANISME JURIS hebdo immobilier ll Acteurs JURISPRUDENCE suite p. 6 ▲
1 8décembre 2017 5 JURIS hebdo immobilier ll Spéculation immobilière, pénurie de loge- ment, concurrence déloyale envers les hôte- liers, nuisances subies par les coproprié- taires, autant de problématiques aujour- d’hui soulevées par les locations meublées de courtes durées touristiques via des plate- formes collaboratives de type Airbnb! Dans ce contexte, l’article 51 de la loi pour une République Numérique du 7octobre2016 et son décret d’application n°2017-678 du 28avril2017 modifient le code de tourisme en instituant une procé- dure d’enregistrement des loueurs. Paris est la première ville à avoir adopté cette procédure d’enregistrement. Depuis le 1 e r décembre 2017, les loueurs parisiens doivent faire figurer sur leur offre de loca- tion le numéro d’enregistrement obtenu auprès du télé-service de déclaration mis en place. Plusieurs autres grandes villes, telles que Bordeaux, Nice ou encore Toulouse, ont également opté pour cette procédure, qui devrait s’appliquer courant 2018. Champ d’application de la procé- dure d’enregistrement L’article 51 (1) susvisé donne la faculté au conseil municipal de soumettre à déclara- tion préalable, toute offre de location meu- blée de courte durée destinée à une clien- tèle de passage qui n’y élit pas domicile. Seules les communes où s’applique la pro- cédure de changement d’usage, à savoir les communes de plus de 200000 habitants, celles des départements des Hauts-de-Sei- ne, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de- Marne ainsi que, lorsqu’elles en ont fait le choix, les communes de plus de 50000 habitants situées dans des zones dites « tendues » disposent de cette prérogative. Le nouveau dispositif s’applique indistincte- ment que la location soit occasionnelle ou non, que le local constitue ou non la rési- dence principale du loueur, et quelle que soit sa qualité, personne morale ou phy- sique. Fonctionnement de la procédure d’enregistrement La procédure est simple et rapide. Pour effectuer sa déclaration (2) , il suffit d’utiliser le télé-service (ou tout autre moyen qui aura été prévu par la commune) et d’y ren- seigner un nombre limité d’informations. Si ces informations sont modifiées ultérieure- ment, le loueur doit effectuer une nouvelle déclaration. Une fois la déclaration complétée, la com- mune délivre immédiatement et automati- quement un accusé de réception contenant le numéro d’enregistrement. Ce numéro doit impérativement être mentionné par le loueur dans son offre de location. Le défaut d’enregistrement (3) constitue une contravention de 3ème classe pouvant entraîner le paiement d’une amende allant jusqu’à 450euros. En fonction des modali- tés de contrôle qui seront appliquées, ces sanctions seront plus ou moins dissuasives compte tenu du rendement locatif éven- tuel, escompté par le loueur. Lorsqu’il est adopté, ce dispositif remplace l’obligation de déclaration s’appliquant dans toutes communes et à tous meublés touristiques ne constituant pas la résidence principale du loueur (4) . Une procédure permettant un contrôle a posteriori par la com- mune Ce dispositif n’a pas vocation à per- mettre un contrôle a priori mais donne à la commune les moyens d’effectuer un contrôle a posteriori. En cela, il constitue un outil d’infor- mation précieux pour s’assurer du respect des différentes réglementa- tions applicables. Il permettra notamment aux com- munes de vérifier le respect de la réglementation de changement d’usage (5) puisque le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation, de manière répétée et pour une courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, constitue un changement d’usage dès lors que le local principal ne constitue pas la résidence principale du loueur, ou, s’il s’agit de sa rési- dence principale, lorsque la somme annuel- le des locations dépasse 120 jours. Le non-respect du changement d’usage peut entraîner l’application de sanctions non négligeables et notamment une amen- de civile dont le montant peut atteindre 50.000 € par local irrégulièrement transfor- mé. Ce risque n’est pas théorique et cer- taines communes telles que Paris ont accru leur contrôle augmentant ainsi considéra- Alexandra Plain, avocate associée en droit immobilier, et Céline Quintin, avocate en droit immobilier chez Gowling WLG France proposent une analyse des pro- blématiques posées par les plateformes de location type Airbnb, alors que vient de se mettre en place l’obligation déclarative des locations saisonnières à Paris. ANALYSE L’analyse d’ Alexandra Plain ( Avocate associée) et de Céline Quintin (Avocate), chez Gowling WLG France Le meublé touristique dans le viseur de l’administration Alexandra PlainCéline Quintin blement le nombre de condamnations pour non-respect du changement d’usage. Les obligations incombant aux plateformes Les plateformes collaboratives doivent désormais (6) informer les loueurs des diffé- rentes réglementations applicables notam- ment en matière de changement d’usage ou de déclaration. Elles doivent obtenir du loueur, préalablement à la mise en location du bien, une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations et indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale. Les plateformes doivent également veiller à ce que le local ne soit pas loué plus de 120 jours par an par leur intermédiaire si le local constitue la résidence principale du loueur. Elles doivent décompter, « lorsqu’elles en ont connaissance », le nombre de nuits et en informer annuellement la commune. Au- delà de 120 jours, la plateforme a l’obliga- tion de retirer l’offre de location. S’agissant de l’obligation de décompte, on peut s’interroger sur les raisons de l’utilisa- tion des termes « lorsqu’elles en ont connaissance ». Le décret d’application devant préci- ser les modalités de contrôle et les sanctions relatives à certaines de ces obligations tarde à être publié. On peut regretter qu’aucune sanction n’existe à ce jour en cas de non-res- pect de ces obligations alors même que des sanctions sont prévues à l’égard des loueurs par les différentes réglementations; les pla- teformes tirant également profit des loca- tions de courtes durées touristiques et ne pouvant s’exonérer du respect de la loi. Face à la résistance des plateformes à res- pecter ces obligations et ayant constaté que seulement 1/5ème des offres publiées sur Airbnb respectaient la procédure d’enregis- trement, la Mairie de Paris a indiqué mettre en demeure les plateformes, et vouloir sai- sir, sans attendre la publication du décret, les juridictions afin de les contraindre les récalcitrants à respecter la réglementation. A notre sens, une collaboration active entre mairies et plateformes est primordiale pour encadrer efficacement et judicieusement les locations meublées touristiques tout en pré- servant l’ensemble des intérêts en présence. A.P. et C.Q. ■ (1) Article L324-1-1 du code de tourisme (2) Article D324-1 et suivants du code de tourisme (3) Article R324-1-2 du code de tourisme (4) I de l’article L324-1-1 du code de tourisme (5) Art. L631-7 du code de la constr. et de l’habitation (6) Article L324-2-1 du code de tourisme Une collabora- tion active mairies - plateformes est primordiale
qu'au sommet de l'édifice, situé plus de 2,50 mètres au-dessus de la rupture de pente. L'égout du toit est positionné à la rupture de pente, à 1,70 mètre du plancher de cet e space, au-dessus des ouvertures ». Le Conseil d’État, se fonde sur l'article R 111-2 du CCH fixant la surface minimale des logements qui précise « qu'il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés […] et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre » et en déduit : « En jugeant, après avoir décrit ses caractéristiques, que cet espace constituait, non un troisième niveau au-dessus de rez- de-chaussée, mais un comble autorisé par les dispositions précitées de l'article U1 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme, la cour administrative d'appel de Bordeaux a porté sur les faits de l'espèce une apprécia- tion exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ». Observations : Le Conseil d’État valide donc le permis de construire litigieux en admettant que la hauteur du comble étant limitée à 1,70 m au droit des façades, elle ne correspondait pas à une surface habi- table mais à un comble autorisé. Le PLU qui limitait la construction à deux étages sur rez-de-chaussée plus comble était donc respecté. ■ Hauteur de construction. IGH. Le cas des duplex en niveau haut (CE, 1 e et 6 e chambres réunies, 6décembre2017, n°405839, société Nacarat Saint Jean) Une société avait obtenu un permis de construire un immeuble de 19 étages pour une résidence étudiante, d'une hauteur de 61 mètres, comportant 90 logements dont deux appartements en duplex occupant les 18 e et 19 e étages. Mais le permis avait été annulé en première instance et en appel. Le Conseil d’État rejette le recours du bénéfi- ciaire du permis. L'arrêt commence par admettre la recevabi - lité du recours d'un voisin, appréciant plus souplement que pour d'autres requérants son intérêt à agir: En se fondant sur l'article L 600-1-2 du code de l'urbanisme, l'arrêt indique: « Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lors- qu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importan- ce ou à la localisation du projet de construc- tion. En jugeant que M. et M me A., qui avaient jus- tifié être voisins immédiats de la construc- tion projetée par la production de l'acte de propriété du logement qu'ils occupent et q ui s'étaient prévalus d'une obstruction, par la construction future, de la vue depuis ce logement , avaient un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ». Sur le fond , le litige portait sur la mesure de la hauteurimpliquant des règles spéci- fiques de protection contre l'incendie. Le Conseil d’État cite l'article R 122-2 du CCH définissant les immeubles de grande hau- teur comme ceux dont « le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie: / - à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d'habi- tation ». Il mentionne ensuite l'arrêté du 31janvier 1986 relatif à la protection des bâtiments contre l'incendie. Ce texte a été modifié par l'arrêté du 19juin2015 pour préciser le cas des duplex et triplex. Il en résulte que « seul le niveau bas des duplex ou des triplex des logements situés à l'étage le plus élevé est pris en compte si ces logements disposent d'une pièce principale et d'une porte paliè- re en partie basse… ». Mais le Conseil d’État écarte cette précision: « Il résulte des dispositions de l'article R. 122-2 du CCH que la hauteur d'un immeuble se mesure, pour l'application de la réglementation relative aux immeubles de grande hauteur, entre le niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des ser- vices publics de secours et de lutte contre l'incendie et le plancher bas du dernier niveau, qui désigne le plancher qui sépare celui-ci du niveau immédiatement inférieur. Ces dispositions doivent être comprises comme visant le dernier niveau de l'im- meuble quand bien même celui-ci corres- pond à la partie supérieure d'un duplex ou d'un triplex, sans qu'y fasse obstacle le par- ti que les auteurs de l'arrêté du 31janvier 1986 précité ont cru pouvoir retenir en se référant, à son article 1 er , au " plancher bas du logement le plus haut ", et en précisant, au 5° de son article3, le régime des duplex et triplex, au demeurant par des disposi- tions postérieures au permis de construire en litige ». L'arrêt évoque enfin l'hypothèse d'une régularisation (art. L600-5 du code de l'ur- banisme) mais constate que le juge n'a pas été saisi d'une telle demande. Le recours est donc rejeté. Observations : Le Conseil d’État fait donc une appréciation stricte des règles de hau- teur des bâtiments, au sens de la régle- mentation incendie, pour le cas du duplex. L a hauteur du bâtiment doit être calculée à partir du plancher de l'étage supérieur du duplex (ou du triplex) et non à partir de l'étage bas, contrairement à ce que pré- voit l'arrêté du 19juin2015. ■ Accélération des recours par un seul degré de juridiction. Champ d'application (CE, 1 e chambre, 8novembre 2017, n°409654, SAS Ranchère) Un maire avait opposé un sursis à statuer à une demande de permis de construire deux immeubles de 24 logements à Mérignac. Le pétitionnaire avait demandé au tribunal administratif d'annuler cette décision. Le tribunal administratif ayant rejeté cette demande, il se posait la question de savoir si le litige était susceptible d'appel ou si, en application de l'article R 811-1-1 du code de justice administrative, il ne pouvait faire l'objet que d'un recours devant le Conseil d’État. Le Conseil d’État interprète strictement la dérogation admise à titre temporaire, du 1 er décembre 2013 au 1 er décembre 2018, et la juge ici inapplicable: « Ces dispositions [art. R 811-1-1], qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements bénéficiant d’un droit à construire, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l’article R. 811-1 du code de justice administrative selon lesquelles: «Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif… peut interjeter appel contre toute décision juri- dictionnelle rendue dans cette instance». Elles ne s’appliquent ni aux jugements sta- tuant sur des recours formés contre des refus d’autorisation, ni aux jugements sta- tuant sur des recours formés contre des décisions de sursis à statuer ». Observations : Parmi les mesures visant à accélérer le traitement des contentieux de l'urbanisme figure celle qui supprime un degré de juridiction. Le tribunal administra- tif statue en dernier ressort et l'appel n'est pas ouvert. La règle déroge donc au princi- pe de l'article R 811-1 du code de justice administrative. Cette dérogation est admise 1 8décembre 2017 6 U RBANISME JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE ▲ suite de la p.4 suite p.8 ▲
1 8décembre 2017 7 JURIS hebdo immobilier ll Travaux de rénovation, travaux sur existants 1. Ces dernières années, la rénovation d’immeubles dans leur ensemble est deve- nue un enjeu majeur pour les villes, per- mettant à la fois de lutter contre l’étale- ment urbain et d’améliorer la performance énergétique des bâtiments. Or, en droit, qui dit travaux de rénovation, dit travaux sur « existants ». La spécificité des travaux de rénovation, par rapport à la réalisation d’ouvrages neufs, réside, en effet, dans la coexistence, au sein de l’immeuble rénové, de parties neuves et de parties anciennes dénom- mées « existants » Dans le silence du législateur sur le régime applicable à ces travaux, la jurisprudence est venue adapter les règles édictées pour la réalisation d’ouvrages neufs, afin de déterminer ceux des travaux sur existants qui relèvent des garan- ties légales et des assurances obli- gatoires, et ceux qui relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun et des assurances facultatives. L’article L.243-1-1 II du code des assurances a également apporté des réponses, en énonçant les obligations en matière d’assurance. Le droit positif 2. Ainsi, l’état du droit positif est le suivant. La jurisprudence applique le régime de la responsabilité contractuelle de droit com- mun à la rénovation légère d’immeubles, sans modification structurelle (Civ. 3 e 20/01/2015, n°13-21122). En revanche, en cas de travaux de rénova- tion lourde, utilisant des techniques de construction, assimilables par suite à des travaux de construction d’un ouvrage, la jurisprudence admet l’application des garanties légales (art. 1792 et suivants du code civil) (Civ. 3 e , 24/01/2001, n° 99-10538 ; Civ. 3 e 19/02/2004, n°Jurisdata 234800). Il n’y a toutefois pas de superposition entre le domaine des garanties légales, et celui des assurances obligatoires (dommages- ouvrage et responsabilité décennale) conçu de manière plus restrictive. Ainsi, relèvent de la garantie décennale et des assurances obligatoires, les désordres survenant après réception, dans le cadre de travaux de rénovation lourde, dès lors que: - ces désordres touchent la partie neuve de l ’ouvrage et portent atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage, - ces désordres touchent les existants deve- nus techniquement indivisibles de la partie neuve par suite d’incorporation , et portent atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage (ex: effondrement, sous le poids du nouvel ouvrage de poutres anciennes intégrées, qui n’ont pas été traitées alors qu’elles auraient dues l’être (erreur de conception)) (Civ.3 e 30 mars1994, n°92- 11996 ; Civ. 3 e 14/09/2017, n°16-23020; art. L.243-1-1 II du code des assurances), - ces désordres résultent d’un vice propre à l’existant , et portent atteinte à la destina- tion de la partie neuve (ex: infiltration dues au mauvais état de la toiture préexis- tante et non traitée lors des travaux) (Civ. 3 e 31/10/2001, n°99-20046; Civ. 1 ere 27/05/2003, n°01-15854). Le risque lié aux travaux sur existants est donc désormais pris en compte par les polices d’assurances obliga- toires, notamment au niveau du montant du plafond de garantie (hors habitation où tout plafond est interdit). Le plafond de garantie est ainsi égal au coût de la construction déclarée par le maître de l’ouvrage, qui doit comprendre à la fois le coût de la réalisation des travaux et la valeur de reconstruction à neuf des existants incorporés, dans une limite maxi- male de 150millions d’euros. La valeur de reconstruction à neuf des exis- tants n’est affectée d’aucun coefficient de vétusté, ce qui est très intéressant pour le maître de l’ouvrage. Enfin, les désordres aux existants dissociés du fait des travaux neufs (ex: fissures d’un mur ancien suite à des travaux de reprise en sous-œuvre), et qui portent atteinte à la solidité ou à la destination de ces existants, relèvent également de la garantie décen- nale (Civ. 3 e 16/06/2009, n°08-12371; Civ. 3 e 13/12/2011; n°11-10014). En revanche, ces désordres ne sont pas couverts par les polices d’assurance obliga- toires (art. L.243-1-1 II du code des assu- rances). Par conséquent, le maître de l’ouvrage Claire Jouffrey, avocate en droit immobilier au Barreau de Lille, chez Fidal, analyse l’évolution de la jurisprudence en matière de garanties et d’assurances pour le cas spécifique des travaux sur existants. ANALYSE L’analyse de Claire Jouffrey (Avocate au Barreau de Lille, FIDAL) La rénovation d’immeubles: les spécificités en matière de garanties et assurances Espérons l’émergence d’un régime unifié n’est efficacement pro- tégé des désordres aux existants dissociés que s’il souscrit des assu- rances facultatives. Les limites des assu- r ances facultatives rési- dent toutefois dans le fait que, contrairement aux assurances obliga- toires: - les plafonds de garantie sont librement fixés, - la couverture assurantielle est souvent l imitée aux désordres portant atteinte à la solidité des existants, à l’exclusion de ceux portant atteinte à leur destination, - un coefficient de vétusté est souvent déduit des indemnités versées. Position récente de la Cour de cassation 3. Il est intéressant de comparer cet état du droit positif, en matière de travaux de rénovation d’immeubles, avec la position récemment dégagée par la Cour de cassa- tion en cas de simple adjonction d’un élé- ment d’équipement à un ouvrage existant. En effet, la Cour de cassation considère désormais que, lorsque les travaux neufs consistent en une installation d’un élément d’équipement sur un ouvrage existant (ex: installation d’une pompe à chaleur), les désordres à l’existant causés par ces travaux neufs relèvent de la garantie décennale s’ils rendent l’ouvrage existant impropre à sa destination (ex: installation d’un insert ayant provoqué un incendie endomma- geant l’immeuble existant) (Civ. 3 e 15/06/2017, n°16-19640; Civ. 3 e 14/09/2017, n°16-17232). Dans ce même cas les polices d’assurances obligatoires sont mobilisables (Civ. 3 e 26/10/2017, n°16-18120). Ainsi, désormais: - les assurances obligatoires couvrent la réparation de l’existant dissocié, qui se trouve endommagé par l’installation d’un élément d’équipement, qui le rend impropre à sa destination, - les assurances obligatoires sont exclues lorsque l’existant dissocié est atteint dans sa solidité ou sa destination par des travaux de rénovation d’ensemble. Cette position de la Cour de cassation pose un véritable problème de cohérence géné- rale du régime juridique applicable aux tra- vaux sur existant. Nous ne pouvons donc que regretter cette nouvelle jurisprudence, et espérer l’émer- gence d’un régime unifié, seul garant de la prévisibilité et de la sécurité juridique pour les intervenants à l’acte de construction et leurs assureurs. C. J. ■ Claire Jouffrey
1 8décembre 2017 8 JURIS hebdo immobilier ll à titre temporaire, dans les seules com- munes relevant de la taxe sur les logements vacants et pour les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement. Les exceptions étant d'interprétation stricte, la règle de l'article R 811-1-1 ne s'étend pas un recours contre un refus d'autorisation ou contre une décision de sursis à statuer (sur ce thème voir aussi l’arrêt du 8novembre, Jurishebdo n°704, p.4). À retenir: La suppression temporaire d'un degré de juridiction dans les zones tendues ne s'applique pas au recours contre un refus de permis ou contre une décision de sursis à statuer. ■ Reconstruction d'un bâtiment détruit par sinistre (CE, 2 e et 7 e chambres réunies, 8novembre 2017, n°403599) Une société avait déposé une demande de permis de construire et une demande de permis de démolir pour la réhabilitation et l'agrandissement d'une maison. Le maire avait accordé le permis de démolir mais rejeté la demande de permis de construire. Le pétitionnaire avait démoli la maison, puis sollicité une nouvelle demande de per- m is pour la seule reconstruction. Nouveau refus du maire, confirmé en première ins- tance et en appel. Mais le Conseil d’État donne gain de cause au pétitionnaire, en se fondant sur l'article L 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable. Cet article autorise la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démo- li par sinistre. « Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédac- tion en vigueur à la date des arrêtés liti- gieux: « La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute dis- position d'urbanisme contraire, sauf si la car- te communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié.»; qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'un bâtiment a été régulièrement construit, seules des dispositions expresses de la réglementation locale d'urbanisme prévoyant l'interdiction de la reconstruction à l'identique de bâtiments détruits par sinistre ou démolis peuvent faire légalement obstacle à sa reconstruction ». En conséquence, en validant le refus d'au- toriser la reconstruction, et alors que, sur la zone concernée, étaient admises les recons- tructions à l'identique en cas de sinistre, la cour d’appel avait commis une erreur de droit. Observations : L'article L111-3 du code de l'urbanisme autorise donc la reconstruction sous trois conditions: - l'immeuble détruit doit avoir été réguliè- rement édifié, - le document d'urbanisme ne doit pas exclure la faculté de reconstruction, - la destruction doit être due à un sinistre, accidentel ou résulter d'une catastrophe naturelle (cela a par exemple été admis à la suite des tempêtes de 1999, CAA Nancy, 1 er juin 2006), ce qui n’est pas le cas si l'ef- fondrement est dû à des travaux de réha- bilitation (CAA Versailles, 15janvier 2009), ou si la démolition est la conséquence d'une absence d'entretien de l'immeuble ou d'un délabrement préexistant (CAA Paris, 12février 2010). Par ailleurs, les travaux de surélévation d'une maison de plain-pied ne constituent pas une reconstruction à l'identique (CAA Bordeaux, 3février 2012). Une réponse ministérielle a précisé que les auteurs d'un document d'urbanisme qui veulent interdi- re la reconstruction à l'identique doivent y p rocéder explicitement et le justifier pour des raisons d'urbanisme, de protection d'un lieu ou de sécurité, en fonction de la situation de la zone concernée (JOAN 5 nov. 2013, p.11616). Les dispositions de l'article L111-3 sont désormais transférées aux articles L 111-15 et L 111-23 du code de l'urbanisme. Fiscalité ■ Taxe foncière. Dégrèvement pour des travaux d'économie d'énergie dans des logements sociaux. Règles d'imputation (CE, 28 e et 3 e chambres réunies, 22novembre 2017, SA d'HLM Espace Domicile, n°392531) Une SA d'HLM demandait le dégrèvement de taxes foncières au titre de travaux d'éco- nomie d'énergie engagés sur des immeubles. Or le tribunal avait partielle- ment rejeté sa demande. L'article1391 E du CGI dans sa version appli- cable en 2011 prévoit la faculté de déduire le quart des dépenses d'économie d'énergie du montant de la taxe foncière. Le solde des dépenses déductibles est, le cas échéant, imputé sur les cotisations des immeubles imposés dans la même commune ou dans une commune relevant du même service des impôts au nom du même bailleur et au titre de la même année. L'arrêt statue d'abord sur la recevabilité de la demande. Le jugement qui avait rejeté la demande d'imputation est censuré au motif que la demande de la SA d'HLM: « tendait à obtenir que soit reconnue l’exis- tence de dépenses ouvrant droit à imputa- tion sur les impositions d’autres immeubles qu’elle possède dans des communes, men- tionnées dans sa réclamation et situées dans le périmètre géographique » men- tionné à l'article 1391 E. Sur le fond , le Conseil d’État censure la déci- sion du tribunal qui avait rejeté les demandes de dégrèvement au motif qu'elles n'étaient pas indissociables des dépenses exposées pour la réalisation des travaux d'économie d'énergie. Il s'agissait des travaux suivants: - frais de dépose et d’évacuation des déchets, - coût de la main-d’œuvre pour la dépose des ouvrants et dormants, - frais de dépose des rampants, de coffres des persiennes et des portes, - dépenses de fourniture et de pose des menuiseries extérieures, - postes relatifs au robinet manuel, au U RBANISME - F ISCALITÉ reproduction interdite sans autorisation JURISPRUDENCE ▲ ■ Taxe foncière: pas d'exonéra- tion pour des immeubles affectés à un syndicat
– 2 – Jurisprudence –
Baux d’habitation : Hausse de loyer sous-évalué
Baux commerciaux : Impayés de loyer. Pas de référé pour un loyer contesté / Déplafonnement des baux de plus de 9 ans. Pas de renonciation par avance à un renouvellement pour 9 ans / Sous-location : charges comprises ou non ? / Obligation de délivrance
QPC : Le texte de la question du demandeur doit être respecté par le juge
Droit de préemption : 2 SAFER préemptent sur 2 départements
Urbanisme : Règles de construction; hauteur de niveau pour des combles / IGH. Des duplex en niveau haut / Accélération des recours par un seul degré de juridiction / Reconstruction d’un bâtiment détruit
Fiscalité : Taxe foncière : pas d’exonération pour des immeubles affectés à un syndicat professionnel / Dégrèvement pour des travaux d’économie d’énergie dans les logements sociaux / Plus-values. Interposition de société luxembourgeoise. Abus de droit / SCI. Revenus fonciers. Charges déductibles pour un associé détenant l’usufruit des parts
– 5-7 – Analyse –
– Le meublé touristique dans le viseur de l’administration, par Alexandra
Plain et Céline Quintin (avocates, Gowling WLG France)
– Rénovation d’immeubles : spécificités des garanties et assurance par Claire
Jouffrey (avocate, Fidal)
– 10 – Projets –
L’avant-projet de loi logement
– 12 – Rencontre –
Le congrès de la FNAIM