lundi 23 juin 2025

JURIShebdo Immobilier numéro spécial 71 du 16 juillet 2018

AccueilAnciens numérosJURIShebdo Immobilier numéro spécial 71 du 16 juillet 2018
Au sommaire :


– Panorama des baux commerciaux –
– Section 1 – Application ou non du statut – p 2
Requalification en bail – Départ de la prescription biennale
Bail dérogatoire – Non application de l’article 1738 du code civil
Convention d’occupation précaire
– Section 2 – Loyer et valeur locative – p 3
Loyer du bail révisé – Fixation à la valeur locative
Clause d’échelle mobile – Loyer à prendre en considération
Renonciation conventionnelle à la révision judiciaire – Fixation à la valeur locative
– Section 3 – Obligation de délivrance – Cession – p 5
Obligation de délivrance du bailleur – Locaux amiantés
Cession du bail commercial – Inopposabilité
– Section 4 – Congés – p 6
Congé : computation des délais
Congé avec refus de renouvellement – Nouveau commandement
– Section 5 – Prescription – p 7
Indemnité d’occupation – Point de départ du délai de prescription
Renouvellement tacite du bail – Prescription de l’action
Action en dénégation du statut – Prescription
Action en rétractation de congé – Point de départ de la prescription
– Section 6 – Droit de préemption du locataire – p 10
Exclusion des ventes aux enchères publiques – Cession globale
Conditions de la vente – Exclusion de la commission d’agent immobilier
Saisie immobilière
– Section 7 – Expiration du bail – p 11
Clause de résiliation de plein droit – Nécessité d’un acte extrajudiciaire
Clause résolutoire – Bonne foi du bailleur
Refus du droit au maintien dans les lieux – Préjudice – Expert judiciaire
Non renouvellement du bail – Contrat de location-gérance
Destruction de la chose louée
– Rencontres – p 16
Herbert Smith Freehills : le big data au service de la recherche de constructibilité / La FFB et LCA FFB alertent sur la baisse de la construction

analysé>Notre dossier de recueil de jurisprudenceen matière de baux commerciaux: du droitau statut en passant par le congé, la fixationdu loyer, l’obligation de délivrance dubailleur ou le droit de préemption du loca-taire. Une sélection d’arrêts analysés parDenis Michel-Dansac (p.2 à14).publié>Un arrêté du 2juillet 2018 fixe les nou-velles exigences des diagnostiqueurs immo-biliers. Il distingue deux niveaux de certifica-tion : avec mention et sans mention (p.15).>Le barème indicatif de la valeur moyennedes terres agricoles en 2017 a été publié(p.15).analysé>Une analyse conjointe du cabinet d’avo-cats Herbert Smith Freehills et de la sociétéHBS Research montre comment rechercherde la constructibilité à partir de la big data(p.16).approuvé>Le règlement général de l’ANRU a étéapprouvé par arrêté du 4juillet 2018(p.15).alerté>La FFB et LCA FFB alertent les pouvoirspublics sur le retournement du marché de laconstruction de logements neufs, directe-ment causé par les modifications réglemen-taires (p.16).nommé>Thomas Courbe est nommé directeurgénéral des entreprises (p.15).Baux commerciaux: panorama dejurisprudence 2016-201865ans déjà ! 65 ans: c’est l’âge qu’aura au 30septembreprochain le décret régissant les relations entre bailleurs etlocataires, désormais intégré dans le code de commercedepuis l’ordonnance du 18septembre 2000. Décrié dès 1959dans le rapport Rueff-Armand, il n’a jamais cessé de grossir pouraboutir à un texte dont l’interprétation pose très souvent pro-blème. Et c’est où, plus que jamais, s’impose la nécessité de lajurisprudence qui contribue à forger une source de droit positif.Même si les arrêts de la Cour de cassation se comptent par cen-taines, selon certains, des questions restent posées (cet alertesexagénaire aurait-il ses petits secrets?). Le juge procure alorsune aide indispensable, quitte à être parfois contré par le législa-teur comme ce fut le cas après l’arrêt Privilèges.Mais dans cette abondante et parfois inquiétante production(la règle de droit se doit d’être courte, claire et synthétique pourêtre connue de tous), les arrêts se répartissent entre ceux qui ontla gloire d’être publiés au Bulletin et ceux, inédits, qui sont sansintérêt ou ne font que rappeler une jurisprudence bien établie. Ilest cependant étrange de constater que ces arrêts publiés sontsouvent des arrêts de cassation, comme si le statut allait jusqu’àposer aux juges d’appels des difficultés de compréhension. Maison peut aussi prendre en compte le fait que la Cour de cassationveille à une évolution du droit quand celle-ci est nécessaire. L’intégration toujours plus abondante des décisions dans lerecueil électronique de Légifrance change aussi la donne. L’accèsdu justiciable à la jurisprudence est opportunément facilité parl’ouverture à toute personne de cette base de données. Maisl’abondance de la source rend plus que jamais nécessaire le tra-vail d’analyse et de synthèse. Il faut veiller par exemple à ne pasconférer trop d’importance à un simple arrêt d’espèce. Notonsaussi que la Cour de cassation veille à qualifier l’importance deses décisions en ajoutant un “I” aux décisions qui ont l’honneurd’être publiées sur le site de la Cour de cassation.Dans le travail qui va suivre, ce sont surtout des arrêts de la Courde cassation qui vont être relatés. Puisse alors le lecteur y trouvermatière à réflexion. Denis Michel-DansacJURIShebdoLa lettre du droit immobilierpour les professionnelswww.jurishebdo.frNUMÉRO spécial 7116JUILLET 2018ISSN1622-141918EANNEEL’ESSENTIEL..immobilier-Panorama des baux commerciaux-- Section 1 -Application ou non du statut - p 2Requalification en bail - Départ de la prescription biennaleBail dérogatoire - Non application de l’article 1738 du code civilConvention d’occupation précaire- Section 2 -Loyer et valeur locative- p 3Loyer du bail révisé - Fixation à la valeur locativeClause d’échelle mobile - Loyer à prendre en considérationRenonciation conventionnelle à la révision judiciaire - Fixation à lavaleur locative- Section 3 -Obligation de délivrance - Cession- p 5Obligation de délivrance du bailleur - Locaux amiantésCession du bail commercial - Inopposabilité- Section 4 -Congés- p 6Congé: computation des délaisCongé avec refus de renouvellement - Nouveau commandement- Section 5 -Prescription - p 7Indemnité d’occupation - Point de départ du délai de prescriptionRenouvellement tacite du bail - Prescription de l’actionAction en dénégation du statut - PrescriptionAction en rétractation de congé - Point de départ de la prescription- Section 6 -Droit de préemption du locataire - p 10Exclusion des ventes aux enchères publiques - Cession globaleConditions de la vente - Exclusion de la commission d’agent immobilierSaisie immobilière- Section 7 -Expiration du bail- p 11Clause de résiliation de plein droit - Nécessité d’un acte extrajudiciaireClause résolutoire - Bonne foi du bailleurRefus du droit au maintien dans les lieux - Préjudice - Expert judiciaireNon renouvellement du bail - Contrat de location-géranceDestruction de la chose louée-Rencontres - p 16Herbert Smith Freehills: le big data au service de la recherche de construc-tibilité / La FFB et LCA FFB alertent sur la baisse de la constructionSOMMAIREEDITORIALNuméro spécial:Baux commerciaux
Entre précarité et bénéfice du statut exis-tent en droit positif deux mécanismes juri-diques distincts. Le bail dérogatoire, quecertains praticiens dénomment à tort bailprécaire, et la convention d’occupationprécaire. Dans quelles conditions peut-il yavoir requalification en bail? Certaines dis-positions du code civil sont-elles appli-cables?1°) Requalification en bail Départde la prescription biennaleLes faits:Une société Hôtel Pension Florideexploite un fonds de commerce d'hôteldans les locaux que la SCI Casaflore lui adonnés à bail en 1946. Le 1erjanvier 1989,les consorts B lui ont donné à bail un ter-rain contigu à celui de l'hôtel à usage deparking pour une durée d'un an renouve-lable par tacite reconduction. Le 25sep-tembre2012, les bailleurs ont donnécongé à la locataire pour le 31décembresuivant; le 12décembre2012, celle-ci les aassignés en nullité du congé au motif quece congé n'était pas conforme aux disposi-tions du statut des baux commerciaux. Lesbailleurs ont alors soulevé la prescriptionbiennale de l'action.Pour déclarer recevable l'action, l'arrêt(cour d’appel d’Aix-en-Provence,5juillet2016) retient que, le bail consenti àla société Hôtel Pension Floride, immatricu-lée au registre du commerce et exploitantun hôtel sur une parcelle contiguë, étantsusceptible de relever du statut des bauxcommerciaux sous réserve de répondre auxconditions de l'article L. 145-1 du code decommerce. La location s’est poursuiviependant plus de vingt-trois ans à usage deparking réservé aux clients de l'hôtel, auvu et au su du bailleur, l'action en nullitédu congé ne pouvait être engagée par lasociété locataire qu'à partir de la date àlaquelle lui avait été dénié le droit aubénéfice du statut des baux commerciaux.La décision:La Cour de cassation, au visade l’article L.145-60 du code de commerce,casse l’arrêt au motif que le point dedépart de la prescription biennale appli-cable à la demande tendant à la requalifi-cation d'une convention en bail commer-cial court à compter de la date de laconclusion du contrat, peu important quecelui-ci ait été renouvelé par avenants suc-cessifs.Commentaire:Il est difficile de dire si l’ac-tion en requalification en bail commercial,abstraction faite du problème de la pres-cription, avait des chances d’aboutir pource terrain à usage de parkings. Il ne s’agis-sait pas de locaux accessoires les proprié-taires étant différents et, au demeurant, lestatut est souvent refusé pour des garageset emplacements de stationnement (Cassa-tion, Com, 26avril 1964, BC III n°441).Quant à la location de terrain nu, elle nepeut bénéficier du statut que si des construc-tions y sont érigées avec l’accord du bailleur(article L.14561 du code de commerce).Reste alors l’aspect du litige relatif à laprescription. Il s’agit ici de la prescriptionbiennale et la décision est cassée au visa del’article L.145-60. La jurisprudence a admiscelle-ci pour la requalification d’un contratde location-gérance « ayant exactementretenu que la demande reconventionnellede requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercialétait soumise à la prescription biennale del'article L. 145-60 du code de commercedès lors qu'elle tendait à voir reconnaître àMmesY… le bénéficie du statut des bauxcommerciaux » (Cassation, 3eciv.,29octobre 2008, n°07-16185). Ce pointacquis, reste alors le point de savoir quelest le point de départ de la prescriptionbiennale. Pour un contrat de location-gérance modifié par avenants, la Cour decassation a approuvé une cour d’appeld’avoir décidé que le délai de prescriptioncourait à compter de la conclusion ducontrat modifié par avenant (Cassation, 3eciv., 3décembre2015, n°14 19146). LaCour de cassation dans l’arrêt susvisé main-tient sa jurisprudence pour le point dedépart. Dans cette espèce, le bail étaitconclu pour un an avec tacite reconduc-tion. Selon l’article 1738 du code civil, ils’opère un nouveau bail dont l’effet estréglé par l’article relatif aux locations. Lebail qui se forme comporte les mêmesclauses et conditions que le bail précédent(Cour de cassation, Com., 6mai 1953, BC IIIn°160). Fallait-il considérer que l’action enrequalification était transmise à chaquerenouvellement de bail? La Cour de cassa-tion rend une décision qui semble fondéesur le désir de ne pas laisser se perpétuerdes relations conflictuelles ou pouvantdonner lieu à conflit.(Cour de cassation, 3eciv, 14septembre2017,n°16-23590, consorts B. c/ société Hôtel Pen-sion Floride).2°) Bail dérogatoire Non applica-tion de l’article 1738 du code civilLes faits:Le 14juin 2010 un bail déroga-toire est conclu entre la société TD Montar-gis pour une durée de quatre mois et deuxlocataires, la société JB Galerie et M. Y…Ceux-ci se maintiennent dans les lieux àl’échéance du 14octobre 2010. Ces pre-neurs donnent congé pour le 15avril2012et rendent les clés le 21mai2012. C’estalors que la bailleresse assigne les preneursau paiement de diverses sommes posté-rieures au 14octobre 2010. Elle soutientque le bail dérogatoire s’est changé en bailcommercial et réclame en conséquence lepaiement des loyers et charges dus jus-qu’au 13octobre2013, date de l’expira-tion de la première échéance triennale. Leslocataires refusent ce raisonnement. Unprocès s’ensuit et les juges d’appel (courd’appel de Paris, 24juin2016) déboutentles ex-locataires qui se tournent vers laCour de cassation. La décision:La Cour rejette le pourvoi:« quelque soit la durée du bail dérogatoireou du maintien dans les lieux, si le preneurest laissé en possession au-delà du termecontractuel, il s’opère un nouveau baildont l’effet est régi par les articles L. 145-1et suivant du code de commerce; ayantrelevé que les preneurs s’étaient mainte-nus dans les lieux à l’issue du bail déroga-toire fixée au 13octobre 2010, la courd’appel en exactement déduit qu’en appli-cation de l’article L.145-3 du code de com-merce, dans sa rédaction antérieure à celleissue de la loi du 18juin2014, un bail sou-mis au statut des baux commerciaux avaitpris naissance le 14octobre 2010 ».Commentaire:La matière du bail déroga-toire a donné lieu à une abondante juris-prudence. Selon les deux premiers alinéasde l’article L.145-5 du code de commerces,les parties peuvent, lors de l'entrée dansles lieux du preneur, déroger aux disposi-tions du chapitre contenant statut desbaux commerciaux à la condition que ladurée totale du bail ou des baux successifsne soit pas supérieure à trois ans. À l'expi-ration de cette durée, les parties ne peu-vent plus conclure un nouveau bail déro-geant aux dispositions du chapitre conte-nant statut des baux commerciaux pourexploiter le même fonds dans les mêmeslocaux. 16juillet 20182APPLICATIONOUNONDUSTATUTJURIShebdoimmobilierllSECTION1Section 1: Application ou non du statut
Si, à l'expiration de cette durée, et au plustard à l'issue d'un délai d'un mois à comp-ter de l'échéance le preneur reste et estlaissé en possession, il s'opère un nouveaubail dont l'effet est réglé par les disposi-tions du chapitre contenant statut desbaux commerciaux. Si la possibilité de conclure des baux suc-cessifs est énoncée depuis 2008, enrevanche la loi Pinel de 2014 a porté ladurée maximale du bail à trois ans et expli-cité la date à laquelle prend fin le bail.S’agissant de la notion d’entrée dans leslieux du preneur, la jurisprudence énoncequ’il s’agit de la prise de possession deslocaux en exécution du bail dérogatoire(Cassation, 3eciv. 2mars2017, n°15-26068). Pour l’expiration du bail, la juris-prudence est classique, du moins sous l’em-prise du droit antérieur à la loi Pinel. Cequi est surtout intéressant dans cette juris-prudence, c’est qu’elle écarte l’applicationde l’article 1738 du code civil selon lequelsi, à l’expiration des baux écrits (les baux àdurée déterminée), le preneur reste et estlaissé en possession, il s’opère un nouveaubail dont l’effet est réglé par l’article relatifaux locations faites sans écrit, c’est-à-direun bail résiliable à tout moment. Or, lepreneur soutenait qu’à l’échéance desquatre mois, il s’était opéré un nouveaubail résiliable à tout moment étant préciséqu’il convenait de l’inscrire dans la limitede deux ans (applicable à l’époque) datebutoir pour la résiliation du bail. Ce raison-nement est condamné par la Cour de cas-sation et cette solution doit être approu-vée: la finalité du bail dérogatoire est dese référer à une période à durée détermi-née permettant à l’acquéreur de tester seslocaux et la fiabilité de son projet écono-mique ce qui a pour contrepartie une sécu-rité du bailleur quant à la durée ferme dubail. La solution de la Cour est conforme àl’esprit et à la lettre du bail dérogatoire.On peut d’ailleurs noter que les partiesauraient pu conclure, comme le permettaitla loi du 4août 2008, des baux successifs cequi aurait évité un contentieux.(Cassation, 3eciv, 8juin2017, n°16-24045,M.X c/société TD Montargis).3°) Convention d’occupationprécaireLes faits:Par acte authentique du31décembre 2008, qualifié de bail précai-re, la SCI Thi donne à bail à M. et MmeX…un local commercial à usage de restaura-tion rapide pour une durée de 23 mois. Paracte du 29octobre 2010, elle leur a signifiéla fin du bail au 30novembre 2010; lespreneurs s'étant maintenus dans les lieux,une ordonnance de référé a prononcé leurexpulsion; cette ordonnance ayant étéréformée, après avoir été mise à exécution,M.et MmeX… ont assigné la SCI Thi enréintégration dans les lieux en réparationde leur préjudice. Les preneurs succombenten appel (cour d’appel de Besançon,10février 2015). Ils estimaient notammentque la preuve n'était pas rapportée de cir-constances particulières objectives, rendantnécessaire la conclusion d'une conventiond'occupation précaire.La décision:« Attendu qu'ayant constatéque la convention indiquait que les partiesrenonçaient expressément à l'applicationdu statut des baux commerciaux et relevéque les preneurs avaient l'intention d'es-sayer, pendant une durée limitée, unenouvelle activité de restauration rapideaccessoire à celle de bar qu'ils exerçaientdéjà dans un local contigu, la cour d'appel,qui a pu retenir que cette circonstance par-ticulière justifiait la conclusion d'uneconvention d'occupation précaire, a exac-tement déduit, de ces seuls motifs, sans fai-re produire effet à une renonciation pré-maturée au bénéfice du statut, que lespreneurs ne pouvaient se prévaloir d'unbail commercial et devaient restituer leslieux à l'expiration de la convention ».Commentaire:Depuis longtemps, le droitpositif reconnaît l’existence des conven-tions précaires excluant l’application dustatut des baux commerciaux et parfoisconfondues avec le bail dérogatoire. Audemeurant, son prix n’est pas un loyermais une redevance. Dans le système juri-dique antérieur à la loi Pinel de 2014, ladéfinition était jurisprudentielle. Dans unarrêt de 2004, affinant sa jurisprudence, laCour de cassation décidait que pour qu’il yait convention précaire, il fallait l’existencede circonstances particulières autres que laseule volonté des parties constituant unmotif légitime de précarité (Cassation, 3eciv., 9novembre 2004, n°03-15084). Detelles conventions étaient souvent prati-quées dans des immeubles promis à ladémolition. À titre d’exemple pratique, onpeut citer le cas de la situation exception-nelle d’un terrain dans la proche périphé-rie de la ville de Decazeville où, dans lemeilleur intérêt de la population de lacommune, il était envisagé de créer unezone industrielle destinée aux petites etmoyennes entreprises et industries. Le prixétait constitué d'une très modeste rede-vance pour un terrain d'une surface deprès d'un hectare urbanistiquement etéconomiquement stratégique. La durée dela location portée à cinq ans n’ôtait nulle-ment à celle-ci sa précarité et manifestaitseulement le souci de la commune de per-mettre à la société Unibéton de rentabili-ser ses investissements (Cassation, 3eciv.16février 2000, n°97-13572).Depuis la loi Pinel de 2014, la conventiond’occupation est définie par la loi commeétant une convention qui se caractérise,quelle que soit sa durée, par le fait que l'oc-cupation des lieux n'est autorisée qu'à rai-son de circonstances particulières indépen-dantes de la seule volonté des parties (codede commerce, article L.145-5-1). Une telleconvention échappe au statut des bauxcommerciaux. Or, l’arrêt que nous commen-tons est des plus critiquables. La conditionde précarité ne semble pas remplie. L’occu-pant était désireux d’exercer une nouvelleactivité de restauration rapide à côté dulocal qu’il louait, mais le seul aléa résultaitdes incertitudes du commerce et de la vieéconomique comme en rencontrent tousceux qui bénéficient de baux commerciaux.Dans cette espèce, il nous semble évidentque le bail dérogatoire s’imposait.(Cassation, 3eciv., 9février 2017, n°15-18251,M.et MmeX… c/ SCI Thi).16juillet 20183APPLICATIONOUNONDUSTATUTJURIShebdoimmobilierllSECTION1Section 2: Loyer et valeur locativeLe prix du bail, le loyer, est en principe fixéà la valeur locative. Mais l’institution duplafonnement vient perturber quelquepeu ce droit à la valeur locative. Lesbailleurs font tout pour écarter le plafon-nement et bénéficier de la valeur locativesupposée plus intéressante. Cette notionsuscite des questions. Quand y a-t-il lieud’appliquer cette valeur lors du renouvelle-ment du bail? Quelles sont les incidencesen cas de clause d’échelle mobile? Lavolonté des parties peut-elle écarter larévision judiciaire et appliquer la valeurlocative?
1°) Loyer du bail révisé Fixation àla valeur locativeLes faits:Un bail conclu entre la sociétéDomegest (bailleresse) et la société AlainDomin (preneur) contient une clause d’in-dexation stipulant que le loyer fixé serarévisable à l’expiration de chaque périodetriennale d’après les variations de l’indiceInsee du coût de la construction ou d’aprèsles dispositions légales et réglementairess’imposant aux parties. La société Dome-gest demande que le loyer soit fixé à lavaleur locative. Un litige s’ensuit et la courd‘appel (Reims, 24mars 2015) voit danscette stipulation contractuelle une claused’échelle mobile et non un simple rappelde la révision légale. Depuis le 6janvier2012, le loyer entre le dernier renouvelle-ment et l’application par le juge de la clau-se d’échelle mobile au troisième trimestre2001 montre une augmentation de27,07%. La bailleresse invoque la modifi-cation des facteurs locaux de commerciali- et sollicite à titre subsidiaire une experti-se aux fins de déterminer la valeur locativedu local donné à bail. Le juge rejette lademande au motif qu'aucune pièce n'estproduite visant à établir la modificationnotable des facteurs locaux de commercia-lité, ainsi que de la valeur locative du localalléguées et que l'expertise sollicitée à titresubsidiaire n'a lieu d'être ordonnée quedans le cas des constatations ou uneconsultation ne pourraient suffire à éclai-rer le juge et qu'elle n'est pas destinée àsuppléer la carence des parties dans l'admi-nistration de la preuve. Il n’y a donc pas defixation à la valeur locative. La décision:La Cour de cassation au visades articles4 et16 du code procédure civi-le ainsi que de l’article L.145-39 et R.145-22du code de commerce, casse l’arrêt aumotif qu'en statuant ainsi, alors que lasociété Domegest demandait la fixation duloyer à la valeur locative par application del'article L. 145-39 du code de commerce etalors qu'elle avait constaté qu'à la date dela demande, le loyer avait augmenté de27,7% par rapport au prix précédemmentfixé contractuellement la cour d'appel, quidevait adapter le loyer à la valeur locativeau jour de la demande, a violé les textessusvisés.Commentaire:En présence d’une clause derévision d’ordre public, l’article L.145-39 ducode de commerce constitue l’un des deuxmodes de révision judiciaire du loyer. Enapplication de cet article, si le bail estassorti d’une clause d’échelle mobile, larévision peut être demandée chaque foisque, par le jeu de cette clause, le loyer setrouve augmenté ou diminué de plus d'unquart par rapport au prix précédemmentfixé contractuellement ou par décisionjudiciaire. Quant à l’article R.145-22 ducode de commerce, il dispose que le jugeadapte le jeu de l’échelle mobile à lavaleur locative au jour de la demande. Lajurisprudence précise que le juge doit enl’absence de critères applicables à la loca-tion concernée, recourir aux dispositionsde l’article L.145-33 du code de commercequi fixe les éléments de la valeur locative.Ainsi, en présence d’une clause d’échellemobile il peut y avoir lieu à révision et fixa-tion à la valeur locative des éléments decelle-ci. Dans ces conditions, l’arrêt de lacour d’appel ne pouvait qu’être censuré.(Cour de cassation, 3eciv., 3novembre2016,n°15-17905, société Domegest c/ sociétéDomin).2°) Clause d’échelle mobile Loyerà prendre en considération.Les faits:La SCI rue de La Pompe conclutun bail commercial selon acte du20octobre 1999. Le 29décembre 2009, lalocataire forme une demande de renouvel-lement restée sans réponse. Elle demandeen application des dispositions de l’articleL.145-39, la révision du loyer faisant valoirqu’au 1erjuillet 2010, la valeur locative parle jeu de la clause d’échelle mobile figu-rant au bail venu à expiration, il en étaitrésulté que le loyer avait augmenté deplus d’un quart par rapport à la valeur ini-tiale. Un litige s’ensuit et le juge d’appelrejette la demande du locataire.La décision:La Cour de cassation approuvele juge d’appel (cour d’appel de Paris,20mai 2015): «ayant relevé que la deman-de de renouvellement notifiée par la loca-taire, le 24décembre 2009, avait mis fin aubail du 20octobre 1999 et qu'un nouveaubail avait pris effet le 1erjanvier 2010, défi-nissant un nouveau loyer, fût-il égal aumontant du loyer qui était en cours sous leprécédent bail, et retenu à bon droit quele loyer à prendre en considération pourapprécier la variation d'un quart permet-tant d'exercer l'action en révision de l'ar-ticle L. 145-39 du code de commerce étaitle loyer initial du bail en cours à la date dela demande de révision, la cour d'appel ena exactement déduit qu'à défaut de varia-tion d'un quart du loyer entre le 1erjanvier2010 et le 1erjuillet 2010, la demande derévision était irrecevable ».Commentaire:On a vu dans le commentai-re de la décision précédente le contenu del’article L.145-39 du code de commerce.Que faut-il entendre du prix précédem-ment fixé contractuellement ou par déci-sion judiciaire? Quelques décisions de juris-prudence permettent de répondre à cettequestion. À défaut d‘un loyer fixé par unedécision judiciaire rendue sur une précé-dente demande en révision ou d’unemodification intervenue au cours du bailpar une convention des parties, la base decomparaison est le loyer initial stipulé aucontrat (Cassation com. 20avril 1962, BC IIIn°468). En ce qui concerne d’éventuelsavenants, lorsque les parties à un bail com-mercial décident d’étendre l’assiette dubail et concluent un avenant portant leloyer à un montant supérieur au loyer ini-tial en considération notamment de cettemodification du loyer opérée par cet ave-nant doit être considérée comme le prixfixé conventionnellement au sens de l’ar-ticle L.145-39 (Cassation, 3eciv.,17mars2016, n°14-26009). Dans l’espècecommentée, un nouveau bail avait priseffet le 1erjanvier 2010. La Cour de cassa-tion condamne la position de la locatairequi soutenait que le loyer de référencedevait être le loyer du bail renouvelé etnon celui du bail initial.(Cour de cassation, 3eciv., 15décembre 2016,n°15-23069, société Latin franchise c)/ SCI ruede la Pompe).3°) Renonciation conventionnelle àla révision judiciaire Fixation à lavaleur locativeLes faits:Le 3juin 2003 sont conclus avecla société Galerie Lelong deux baux com-merciaux portant sur des locaux contigus.Le 17janvier 2012, la bailleresse engageune procédure en fixation des loyers révi-sés. La locataire initie le 21février 2013une procédure en renouvellement desdeux baux à compter du 1eravril 2013 auxconditions antérieures. Par deux avenantsdu 7mars 2014, les parties mettent fin auxprocédures de révision et réajustent lesloyers à compter du 1erjanvier 2012 jus-qu’en 31mars 2013. C’est alors que labailleresse demande la fixation à la valeurlocative des loyers des baux renouvelés àcompter du 1eravril 2013. Un litige s’ensuit. Pour le juge d’appel (cour d’appel de Paris,16juillet 20184LOYERETVALEURLOCATIVEJURIShebdoimmobilierllSECTION2reproduction interdite sans autorisation
2décembre 2016), il est, entre autresmotifs, constant que la modificationconventionnelle du loyer en cours de baildans des conditions étrangères tant à la loiqu'au bail initial s'analyse en une modifica-tion notable des obligations des partiesjustifiant à elle seule le déplafonnementdu loyer. Aussi le loyer doit-il être fixé à lavaleur locative. Le raisonnement de la loca-taire, pour qui les avenants peuvent s‘ana-lyser en une fixation du loyer à la valeurlocative en cours de bail dans le cadred’une action en révision fondée sur l’articleL.145-39 du code qui relevait de disposi-tion légale ne constituant donc pas unemodification conventionnelle des obliga-tions des parties et ouvrant droit au dépla-fonnement, n’est pas admis.Dans son pourvoi devant la Cour de cassa-tion, la locataire fait grief à l'arrêt d'ac-cueillir la demande de la bailleresse, alors,selon le moyen, qu'à moins d'une modifi-cation notable des obligations respectivesdes parties, le taux de variation du loyerapplicable lors de la prise d'effet du bail àrenouveler, si sa durée n'est pas supérieureà neuf ans, ne peut excéder la variation,intervenue depuis la fixation initiale duloyer du bail expiré, des indices légaux(Code de commerce article L.145-34); quene constitue pas une modification notabledes obligations des parties justifiant ledéplafonnement du loyer la fixationconsensuelle du loyer, différente de lavaleur locative, en raison de la conclusiond'un «avenant de révision du loyer» desti- à mettre fin à une procédure de révi-sion judiciaire du loyer, et dans lequel ledéplafonnement a été accepté par lesdeux parties; qu'en décidant le contraire,la cour d'appel a violé les articles L. 145-34,dans sa rédaction applicable à l'espèce, etR. 145-8 du code de commerce.La décision:La Cour de cassation rejette lepourvoi de la locataire. La fixation conven-tionnelle du loyer librement intervenueentre les parties emporte la renonciation àla procédure de révision judiciaire du loyeret constitue une modification notable desobligations des parties en cours de baildans des conditions étrangères à la loi jus-tifiant à elle seule le déplafonnement.Commentaire:L’arrêt rendu est importantet il convient d’en apprécier la portée exac-te. Il faut préalablement noter que lesarticles L.145-33 (éléments de la valeur loca-tive) et L.145-34 (plafonnement) ne sontpas d’ordre public (article L.145-15). Il y adonc place à la négociation des parties.Mais il est à noter que tout accord sur leloyer n’entraîne pas nécessairement ledéplafonnement. C’est ainsi que la fixationconsensuelle du loyer différente de lavaleur locative en raison d’une « transac-tion » dans laquelle un déplafonnement aété accepté par les deux parties ne consti-tue pas une modalité particulière de fixa-tion du prix. En conséquence il n’y a paslieu à déplafonnement de ce chef; il estvrai que cette espèce (Cassation, 3eciv.,29septembre 2010 n°09-67584), avait eulieu dans le cadre d’un renouvellementanticipé en 1994 et alors que n’était invo-quée aucune minoration notable de lavaleur locative lors de la fixation du prixd’origine. Il est aussi vrai qu’il s’agissait d’unnouveau loyer convenu à l’occasion d’unrenouvellement anticipé. Il ne s’agit doncpas d’un loyer révisé conventionnellement. En 2001, la Cour de cassation arrête que lamodification conventionnelle du loyerdans des conditions étrangères tant à la loiqu’au bail initial peut s’analyser en unemodification notable des obligations desparties justifiant à elle seule le déplafonne-ment du loyer lors du renouvellement dubail commercial; dans cette espèce, le loyerà l’occasion d’une cession de bail avait étémodifié lors du bail initial. (Cassation 3eciv.4avril 2001, n°18-899).La jurisprudence des cours d’appel a évo-lué vers la solution arrêtée par la Cour decassation. Dans une espèce une variationconventionnelle du loyer de 14,7% avaitété consentie en échange d’une augmen-tation des droits du preneur. Il y avait alorsmodification notable des obligations desparties au cours du bail expiré justifiant ledéplafonnement du loyer et sa fixation àla valeur locative (CA Paris Pôle 5, 3echambre, 22mai 2013, n°11/12440, Juris-Data 2013-01529). L’arrêt commenté s’ins-crit dans ce cadre.(Cour de cassation, 3eciv., 15février 2018,n°17-1866 et 17-11867, société GalerieLelong c/SCI Gruasses Investissements).16juillet 20185LOYERETVALEURLOCATIVEJURIShebdoimmobilierllSECTION2Section 3: Obligation de délivrance / Cession du bailComme tout contrat, le bail contient desmanifestations de volonté qui constituentla loi des parties. Le bailleur est tenu d’uneobligation de délivrance et celle-ci est fon-damentale. Un bail, comme beaucoup dedroits, peut faire l’objet d’une cession.Quelle est alors la sanction de la cessionirrégulière? 1°) Obligation de délivrance dubailleur - Locaux amiantésLes faits:Un bail à usage de crèche estconclu avec une association laquelle avaitpréalablement conclu un contrat de pro-motion immobilière, annexé au bail, avecla société Solefin à fins de conception etréhabilitation de l’immeuble loué. Mais ladécouverte d’amiante dans la toitureconduit le promoteur à réaliser ces travauxqui n’étaient pas prévus au bail. L’associa-tion qui a payer ce surcoût se retournevers le bailleur pour obtenir le rembourse-ment au titre de son obligation de déli-vrance. La cour d’appel (Versailles, 20sep-tembre 2016) rejette cette demande. La décision:Au visa de l’article 1719 ducode civil relatif à l’obligation de délivran-ce du bailleur la Cour casse l’arrêt de lacour d’appel: « les obligations pesant surle promoteur immobilier envers le preneur,au titre des travaux de réhabilitation d'unimmeuble loué, n'exonèrent pas lebailleur, tenu d'une obligation de délivran-ce, de la prise en charge des travaux néces-saires à l'activité stipulée au bail, sauf clau-se expresse contraire, la cour d'appel, quis'est déterminée par des motifs impropresà caractériser une exonération du bailleur,a privé sa décision de base légale. »Commentaire:Voila un arrêt très intéres-sant au regard de l’obligation de délivran-ce du bailleur énoncée à l’article 1719 ducode civil. Cette obligation est rigoureuseet la jurisprudence la fait respecter. C’estainsi que la clause par laquelle le preneurprend les lieux dans l’état ils se trou-vent ne décharge pas le bailleur de sonobligation de délivrance. Aussi doit-il rem-bourser les dépenses engagées par le pre-neur afin de rendre l’immeuble conformeà sa destination d’hôtel (cassation, 3eciv.,5juin 2002, n°00-19037). L’arrêt susvisés’inscrit dans ce cadre jurisprudentiel mais
avec des éléments enrichissants. C’est ainsique la présence d’un tiers cocontractantn’est pas source d’exonération. Alors quele contrat de promotion immobilièreconclu avec l’association entre l’associationet le promoteur immobilier contenait uneobligation de résultat envers l’association,le bailleur ne peut se décharger sur le pro-moteur. L’état d’ignorance dans lequelétait supposé être le bailleur ne l’exonèrepas. En matière d’amiante, l’obligation derechercher la présence d’amiante dans lestoitures en fibrociment fut instituée par ledécret 2011-629 du 3juin 2011 alors que lebail était du 10juin 2010. Pourtant, celan’exonère pas le bailleur. De plus, le faitque le contrat de promotion immobilièrecomprenne une note technique et l’offrefinancière annexées au bail ne prouvaitpas la connaissance qu’aurait eue l’associa-tion de cette présence d’amiante. enco-re, ces documents, à la portée contestéepar le bailleur, ne l’exonèrent pas. Est doncune fois de plus démontrée l’importancede cette obligation. On notera aussi que larelation promoteur/preneur peut fairel’objet d’une clause exprès contraire. (Cour de cassation, 3eciv., 18janvier 2018,n°16-26011, Association la nouvelle étoiledes enfants de France c/SCI 5 rue Blondel).2°) Cession de bail commercial -InopposabilitéLes faits:En 2008, une SCI consent à deuxpersonnes un bail commercial sur un hôtelsitué à Marseille. En mars2010, les droitssur le bail commercial appartiennent àtrois personnes, les consorts Z… Auxtermes d’un acte sous signatures privées,deux membres de l’indivision conviennentde céder leur droit au bail à M.et MmeXUn chèque d’acompte est versé et il est sti-pulé que la perfection de la vente et lepaiement du prix interviendraient avant le30mars 2010. Les consorts Z… estimentque la vente porte sur un fonds de com-merce. Les membres de l’indivision cédanteassignent les époux cessionnaires de la SCIbailleresse en perfection de la vente dudroit au bail. La décision:La cour d’appel d’Aix-en-Pro-vence (25février2014), décide que la ces-sion est sans cause et ne peut avoir aucuneffet. L’analyse des faits démontre lavolonté des acquéreurs de devenir loca-taires de la SCI; mais par défaut d’accorddu bailleur cette cession se trouve sanscause et sans aucun effet. Un pourvoi estformé devant la Cour de cassation et celle-ci aux visas des articles des articles1343et1717 du code civil, casse l’arrêt auxmotifs « qu’une cession de bail commercialconsentie entre le cédant et le cessionnairesans l’accord préalable du bailleur requisdans le contrat de bail, n’est pas nulle maisinopposable aux tiers.Commentaire:Dans cette espèce, lesconsorts Z… estimaient que la vente portaiten réalité sur un fonds de commerce. Lebail contenait une clause selon laquelle:« le preneur qui entend céder son droit auprésent bail ne pourra réaliser cette opéra-tion que pour la totalité des locaux loués età la condition expresse d'avoir recueilli l'ac-cord préalable et écrit du bailleur, quidevra, dans tous les cas, être appelé à l'actede cession. Enfin, en cas de cession de sondroit au présent bail à un successeur dansson fonds de commerce, le preneur s'enga-gera dans l'acte de cession à rester garant àtitre solidaire des preneurs successifs pen-dant toute la durée du bail pour le paie-ment des loyers et l'exécution des condi-tions du bail ». Cette position permettaitde se placer sous le régime de l’articleL.145-16 du code de commerce réputantnon écrites les clauses interdisant la cessiondu droit au bail à l’acquéreur du fonds decommerce. Pour les juges du fond, la ces-sion ne pouvait avoir aucun effet. Mais laCour de cassation estime que l’acte estinopposable. Cette solution est classique etle bailleur peut considérer le cessionnairecomme un occupant sans droit ni titre quel’on peut expulser (Cassation, com, 13mars1962, BC III n°157). Cela peut aussi être unmotif de refus de renouvellement. Quant àexercer la clause résolutoire, la Cour de cas-sation a arrêté que pour constater une rési-liation « l’arrêt retient qu’une mise endemeure n’était pas obligatoire, la cessionde bail ne pouvant être régularisée dès lorsque le bail avait été cédé et que les épouxX. n’exploitaient plus le fonds » (Cassation, 3eciv. 30mai 1996, n°93-17201, BC III n°127).Sur le plan pratique, cela oblige les consortsZ… à rembourser à la bailleresse l’acomptede 5000 ainsi qu’un solde locatif. (Cour de cassation, 3eciv., 9février 2017,n°15-15128, Consorts Z. c/ SCI Dikran).16juillet 20186DÉLIVRANCE/ CESSIONJURIShebdoimmobilierllSECTION3Section 4: Congés Le congé, manifestation unilatérale devolonté, est un élément important de lavie du bail. En absence de congé à sonéchéance, le bail se prolonge tacitementau-delà du terme fixé par le contrat. Quelssont alors les délais à respecter? 1°) Congé: computation des délaisLes faits:Par acte du 29juin 1998,M.Denis X… donne à bail des locaux à lasociété SDS. Le bail est renouvelé à comp-ter du 1eroctobre 2010 pour s’achever le30septembre 2019. Par exploit d’huissierdu 2avril 2013, le locataire exerce sondroit de résiliation triennale au 30sep-tembre 2013. M.X… conteste la date, esti-me que le congé est non valable et que lebail se poursuit jusqu’au 30septembre2016. Sa position est que pour la date d’ex-piration triennale du 30septembre 2013,le congé devait être notifié au plus tard le30mars 2013.La décision:Le Tribunal de grande instancedonne raison au locataire. Mais la décisionest réformée en appel (cour d’appel deRennes, 30novembre2016). Dans cetteaffaire, le congé ne pouvait valablementêtre délivré au plus tard que le30mars2016. Mais ce congé n’avait étédélivré que le 2avril 2013, les jours précé-dents étaient un samedi, un dimanche etun jour férié. La société locataire entendaitse prévaloir des dispositions des articles641et642 du code de procédure civile. La courd’appel réforme le jugement et cette déci-sion est approuvée par la Cour de cassa-tion: « Attendu, d'autre part, que la proro-gation prévue à l'article 642 du code deprocédure civile ne s'applique que lors-qu'un acte ou une formalité doit êtreaccompli avant l'expiration d'un délai, lacour d'appel qui, ayant retenu que lecongé, qui devait être donné six mois avantl'échéance triennale et prendre effet le30septembre d'une année, dernier jour dece mois, devait être signifié par le preneurau bailleur avant le dernier jour du mois demars précédent, soit au plus tard le 31marsde la même année, en a exactement déduitque le congé signifié le 2avril 2013 ne pou-vait produire effet au 30septembre 2013 ».
Commentaire:La matière des congés a faitl’objet ces dernières années de réformes.La référence aux usages locaux a disparu.Dans cette espèce, la société SDS entendaitse prévaloir de dispositions du code deprocédure civile. Selon son article642, toutdélai expire le dernier jour à 24heures etle délai qui expire un samedi, dimanche ouun jour férié ou chômé est prorogé jus-qu’au 1erjour ouvrable suivant.Mais la Cour de cassation fait une applica-tion stricte de ce dispositif, rend à l’article642 son véritable sens et décide que lecongé devait être donné au plus tard le31mars2017. Déjà en matière de bauxd’habitation, la Cour avait cassé l’arrêtd’une cour d’appel qui avait énoncé qu’enl’espèce un congé devait être validé pourla date du 23juin. La Cour de cassationavait cassé l’arrêt, le délai expirant le24juin 2001 à 24heures (Cassation 3eciv.16décembre 2003, n°02-16577).(Cour de cassation, 3eciv., 8mars 2018, n°17-11312, M.X… c/ société SDS).2°) Congé avec refus de renouvel-lement - Nouveau commandementLes faits:M.X.. consent à la société La Pla-ce exploitant un fonds de commerce derestaurant un bail du 27octobre 1993renouvelé, le premier paiement interve-nant le 1ernovembre 1993. Le bail estrenouvelé pour 9 ans à compter du 1erjan-vier 2011. Un congé avec refus de renou-vellement du bail sans indemnité d’évic-tion est notifié à la société locataire le18octobre 2011 au motif de réitération del’infraction de non-paiement de deuxtermes de loyer. Elles semblent provenir dela négligence de l’expert-comptable gérantles comptes de la société et sont payéesavec retard. Un nouveau commandementde payer est délivré le 20février 2015 pourle paiement de loyers et de charges. Ilssont payés avec retard. Le juge approuvépar la cour d’appel estime que l’absencede motif grave avec refus de renouvelle-ment ouvre par conséquent droit à l’in-demnité d’éviction au bénéfice du preneur.La décision:La Cour de cassation casse l’ar-rêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence(6août 2015). Cette dernière aurait rechercher, comme il lui était demandé, siM. X… avait délivré un nouveau comman-dement de payer les loyers et les chargesrestant dus à cette date lui permettantd’invoquer les retards de paiement posté-rieurs.Commentaire:En ce qui concerne lescongés, une règle importante est celle del’immutabilité des motifs. Toutefois, ceprincipe connaît des exceptions. C’est ainsique ne donne pas de base légale à sa déci-sion la cour d’appel qui ne cherche pas siles manquements allégués étaient connusdu bailleur à la date de délivrance ducongé (Cassation, 3eciv, 17novembre 1981,n°12-242).Il en est de plus forte raison avec le com-mandement de payer.(Cour de cassation, 3eciv., 26janvier2017,n°15-26371, M.X. c/ société La place).16juillet 20187CONGÉSJURIShebdoimmobilierllSECTION4Section 5: PrescriptionLa prescription est un mode d’extinctiondes obligations. Dans son désir d’apurerrapidement le contentieux des baux com-merciaux, le législateur a instauré la pres-cription biennale exprimée à l’article L.145-60 du code de commerce. Quandpeut-elle jouer et à partir de quel point dedépart? Quatre arrêts intéressants renfor-cent le droit positif à cet égard. 1°) Indemnité d’occupation Pointdu départ du délai de prescriptionLes faits:Le 15décembre 1997, la SCI Pacaa donné à bail des locaux commerciaux àla société CP aménagement, aux droits delaquelle est venue la société Parcsenchères. Le 19mars 2008, la société Parcsenchères a sollicité le renouvellement dubail au 29septembre 2008. Le 19juin2008, la SCI Paca lui a signifié un refus derenouvellement sans offre de paiementd'une indemnité d'éviction. Le12novembre 2008, la société Parcsenchères l'a assignée en contestation desmotifs du congé et en fixation de l'indem-nité d'éviction. Par conclusions d'incidentdu 19février 2009, la SCI Paca a demandéla désignation d'un expert aux fins d'éva-luer l'indemnité d'éviction qu'un jugementdu 16juin 2015 a fixée à un certain mon-tant. Le 2novembre 2015, la SCI Paca aexercé son droit de repentir.Pour déclarer prescrite l'action en paie-ment de l'indemnité d'occupation, l'arrêt(cour d’appel d’Aix-en-Provence 18octobre2016) retient que, la SCI Paca ayant exercéson droit de repentir, le délai de prescrip-tion biennale de son action en paiementde l'indemnité d'occupation a couru àcompter du lendemain de la date d'expira-tion du bail, soit le 30septembre 2008.La décision:La Cour de cassation au visades articles L.145-28 et L. 145-60 casse l’ar-rêt de la cour d’appel. Le délai de prescrip-tion de l'action en paiement de l'indemni- d'occupation fondée sur l'article L. 145-28 du code de commerce ne peut com-mencer à courir avant le jour est défini-tivement consacré dans son principe, ledroit du preneur au bénéfice d'une indem-nité d'éviction.Commentaire:L’obligation pour le pre-neur, tout en bénéficiant du droit au main-tien dans les lieux, de verser une indemni- d’occupation des locaux au bailleurdécoule d’abord d’un refus de renouvelle-ment du bailleur avec refus de verser uneindemnité d’éviction. Il y a aussi l’hypothè-se le bailleur refuse de renouveler lebail mais offre le paiement d’une indemni- d’éviction. encore le paiement de l’in-demnité d’occupation est à la charge dupreneur, avec, sauf exception le droit aumaintien dans les lieux (art. L. 145-28 ducode de commerce). Dans les deux cas, lebailleur peut exercer son droit de repentir.Quel est alors le point de départ du délaide prescription de l’action en indemnitéd’occupation, sachant que la prescriptionde deux ans peut jouer (article L.145-60 ducode de commerce). Il faut alors distinguerdeux hypothèses.1ère hypothèse: le bailleur a offert uneindemnité d’éviction et n’a à aucunmoment par la suite contesté le droit dupreneur à bénéficier de cette indemnité.Dans ce cas, le point de départ de la pres-cription est la date d’effet du congé avecoffre de renouvellement, ceci jugé dansune affaire il y avait prescription. (Cas-sation 10décembre 1997, n°96-13373).Cette solution est reprise dans un arrêt de2001: « le point de départ de la prescrip-tion de cette action (en paiement d’uneindemnité d’occupation) est celle de ladate d’effet du congé (Cassation 3eciv.,
12juin 2001, n°99-21821). Elle avait étédéjà été arrêtée en 1977: « le délai deprescription de l’action en paiement d’uneindemnité d’occupation dont le point dedépart est fixé au lendemain de la dated’expiration du bail ne peut être suspenduque si le bailleur se trouve dans l’impossibi-lité d’agir en fixation de cette indemnité) »(Cassation, 3eciv., 23mars 1977, n°75-15533).2ème hypothèse: celle le droit à indem-nisation est reconnu après la contestation.Dans ce cas, le point de départ « ne peutjouer à courir avant le jour est définiti-vement consacré dans son principe le droitdu locataire au bénéfice de l’indemnitéd’éviction » (Cassation 3eciv. 17octobre2012, n°11-22920). Cette solution estreprise dans l’arrêt que nous commentonset qui doit être approuvé. Les praticiensquant à eux auront garde de ne pasconfondre les points de départ de la pres-cription.(Cour de cassation 3eciv., 18janvier 2018,n°16-27678, SCI Paca c/Société Parisenchères).2°) Renouvellement tacite du bail -Prescription de l’actionLes faits:Le 27juin 1997, la Société Nogahôtel Cannes (la société Noga) consent, paracte notarié un bail au profit de la sociétéClaubon. Le 8avril 2002, est délivré à lasociété Noga un commandement aux finsde saisie-vente. Le 19mai 2005, la sociétéClaubon demande le renouvellement deson contrat auprès de la société Noga àeffet du 1eravril 2006. À défaut de réponsedans les trois mois, le bail est renouvelé àdater du 1eravril 2006. Puis les locaux sontsaisis après 2006. L’adjudicataire, la sociétéJesta Fontainebleau (la société Jesta),délivre à la société Claubon un congé à ladate à l’effet du 30septembre 2010 avecoffre de renouvellement au 1eroctobre2010, moyennant un loyer déplafonné.Puis le 9novembre 2010, la société Jestaassigne la société Claubon, locataire, ennullité tant du bail que de la demande derenouvellement adressée le 19octobre2005 à l'ancien bailleur et subsidiairement,demande la fixation du loyer du bailrenouvelé au 1eravril 2006. Ce même jourla société Claubon soulève la prescriptionde l'action en fixation du loyer. La décision:Pour la cour d’appel, qui rejet-te le moyen tiré de la prescription bienna-le, son arrêt retient qu'il n'est pas établique la demande de renouvellement dubail formée par la société Claubon ait étéportée à la connaissance de la société Jes-ta, laquelle n'était pas tenue, en qualité denouveau propriétaire, de s'informer surl'état du bail en cours de sorte que le délaibiennal de prescription n'a pas couru àcompter du 1eravril 2006. La Cour de cassation au visa des articlesL.145-10 et L.145-60 du code de commerce,casse cette décision au motif qu’en sta-tuant ainsi, après avoir constaté que lasociété Claubon avait, le 19octobre 2005,demandé le renouvellement du bail au1eravril 2006 et qu'à défaut d'avoir répon-du à cette demande dans le délai de troismois, la société Noga était réputée l'avoiracceptée tacitement de sorte que le bails'était renouvelé le 1eravril 2006, la courd'appel, qui n'a pas tiré les conséquenceslégales de ses propres constatations, a violéles textes susvisés. La Cour arrête aussi, surpourvoi incident, que la demande derenouvellement du bail commercialn’entre pas dans les prévisions de l’article684 de l’ancien code de procédure civile.Commentaire:En ce qui concerne le pro-blème de la validité du bail d‘origine, il nese pose pas puisque le bail notarié avaitdate certaine. Pour le bail renouvelé, lasociété Jesta demandait son annulation surla base de l’article 684 de l’ancien code deprocédure civile. Cet article est relatif auxeffets du commandement avant une saisieimmobilière, certains de ses effets concer-nent les baux de l’immeuble saisi. C’est ain-si que si le bail n’a pas acquis date certaineavant la signification du congé, le créancierpeut demander au tribunal d’en pronon-cer l’annulation. Le législateur a pris cesdispositions spéciales pour empêcher ledébiteur de conclure des baux de nature àdiminuer la valeur de l’immeuble et enrendre la vente plus difficile. La société Jes-ta se prévalait de cet article pour deman-der la nullité du bail renouvelé et de lademande de renouvellement puisque tousdeux étaient postérieurs au commande-ment. Pour la cour d’appel, la demande derenouvellement est un droit pour le loca-taire résultant de dispositions d’ordrepublic ce qui privait la société Jesta de lafaculté de solliciter la nullité du bail à lasuite. La Cour de cassation arrête quant àelle que la demande de renouvellementdu bail commercial n’entre pas dans lesprévisions de l’article 684. Cette positiondoit être approuvée puisqu’à aucunmoment cet article ne vise une telledemande. Quant au nouveau bail renou-velé, il a acquis date certaine par le seuleffet de la loi.En ce qui concerne le point de départ de laprescription biennale, il faut préalable-ment rappeler qu’à défaut de congé, lelocataire qui veut obtenir le renouvelle-ment de son bail doit en faire la demandesoit dans les six mois qui précèdent l’expi-ration du bail ou encore le cas échéant àtout moment au cours de la prolongation.Le bailleur a un délai de trois mois pourrépondre et à défaut il est censé avoir taci-tement accepté le principe du renouvelle-ment du bail (art. 145-10 du code de com-merce). On a vu dans les faits l’argumentde la cour d’appel décidant que la pres-cription biennale ne courait pas. Mais laCour de cassation remet les pendules àl’heure. Le point de départ du délai deprescription biennale de l’action engagéepar l’adjudicataire en fixation du bailrenouvelé avant l’adjudication se situe à ladate de prise d’effet du renouvellementlorsque l’acceptation du bailleur est inter-venue avant cette date. (Cour de cassation, 3eciv., 7septembre2017,n°16-17174, société Claubon c/ Société Nogahôtel Cannes).3°) Action en dénégation du statut- PrescriptionLes faits:Le 28septembre 2009, la sociétéClichy, propriétaire de locaux commerciauxdonnés à bail en renouvellement pourneuf ans à compter du 1erjanvier 1996 àM. Z…, lui a donné congé pour le 31mars2010 avec offre de renouvellement. Le6mars 2012, elle lui a signifié un nouveaucongé avec refus de renouvellement etoffre d'indemnité d'éviction puis, le20juillet 2012, l'a assigné en expulsion enlui déniant l'application du statut des bauxcommerciaux pour défaut d'immatricula-tion à la date du congé et à sa date d'ef-fet. Pour déclarer prescrite l'action endénégation du droit au statut des bauxcommerciaux, l'arrêt (cour d’appel de Paris,30mars2016) retient que le bailleur doitagir dans le délai de prescription de l'ar-ticle L. 145-60 du code de commerce, dedeux ans à compter de la date d'effet ducongé, la condition d'immatriculation s'ap-préciant à cette date. La cour d’appel rejet-te les arguments de la bailleresse. La décision:Au visa des articles L.145-1 etL.145-60, la Cour casse l’arrêt de la courd’appel; « le bailleur qui a offert le paie-ment d'une indemnité d'éviction après16juillet 20188PRESCRIPTIONJURIShebdoimmobilierllSECTION5
avoir exercé son droit d'option peut dénierau locataire le droit au statut des bauxcommerciaux tant qu'une décision définiti-ve n'a pas été rendue sur la fixation de l'in-demnité d'éviction».Commentaire:En application de l’articleL.145-1 du code de commerce, le bénéficedu statut des baux commerciaux est accor- à condition que l’exploitant du fondsexploité dans les lieux soit immatriculé auregistre du commerce et des sociétés ouencore, pour les artisans, au répertoire desmétiers. Des dispositions particulières exis-tent quand le bail est exploité en location-gérance ou par plusieurs preneurs ou indi-visaires. En ce qui concerne le droit aurenouvellement du bail, il nécessite que lepreneur (qui doit exploiter le fonds exploi- dans les lieux loués) soit immatriculé auregistre du commerce et des sociétés ouencore au répertoire des métiers à la datede signification d’un congé ou de lademande de renouvellement ainsi qu’à ladate d’expiration du bail. Le bailleur peutà tout moment de la procédure soutenirque ce statut n'est pas applicable en l'ab-sence de l'une des conditions essentiellesde l'existence du droit au renouvellement,(Cassation, 3eciv., 18janvier 2011, n°09-71910).Si ces conditions ne sont pas respectées, lebailleur peut délivrer à l’occupant uncongé en dénégation de statut. Dans cetteespèce, le second congé délivré par lebailleur était l’exercice de son droit d’op-tion régi par l’article L.145-57 du code decommerce (et qui appartient aussi au pre-neur). Et, faute d’immatriculation, il vautdénégation du droit au statut.Quelle est alors la prescription applicable?Le débat existe chez les juristes sur le pointde savoir s’il s’agit de la prescription quin-quennale de l’article 2224 du code civil oude la prescription biennale de l’articleL.145-60 du code de commerce. Nousaurions tendance à nous ranger parmi lestenants de cette seconde thèse. Certes, ilpeut paraître logique d’écarter l’articleL.145-60 puisqu’il y a dénégation de statutet que l’article L.145-60 est une dispositionessentielle du statut. Mais la Cour de cassa-tion a rendu son arrêt au visa notammentde l’article L.145-60 ce qui selon nous vautacceptation de la prescription biennale.L’autre question est de savoir quel est lepoint de départ de la prescription de l’ac-tion en dénégation de statut? Pour le pre-neur, il s’agissait de la prescription bienna-le courant à compter de la date d’effet durenouvellement du bail soit dans cetteespèce, le 31mars 2012. Cette thèse estcondamnée par la Cour de cassation. Puis-se alors celle-ci dans un prochain arrêtopter franchement pour la prescriptionbiennale. (Cour de cassation, 3eciv., 7septembre2017,n°16-15012, société Clichy c/ M.Z…).4°) Action en rétractation de congé Point de départ de la prescrip-tionLes faits:La société Compagnie foncièreAlpha consent le 1erfévrier 1999 à la socié- Chouchou un bail commercial. Le14février 2008, elle lui délivre un congéavec offre de renouvellement et indemnitéd'éviction. Mais après l'avoir mise endemeure, le 4janvier 2013, d'avoir àexploiter les lieux conformément à la desti-nation du bail, elle a, le 18mars 2013,rétracté son offre en raison d'un motif gra-ve et légitime tenant à la violation de ladestination des lieux prévue au contrat. Le19avril 2013, elle assigne la locataire envalidité du refus de renouvellement.La décision:La Cour de cassation rejette lepourvoi de la société locataire au motifque le délai de prescription de l'action enrétractation de l'offre de renouvellementdu bail pour motif grave et légitime courtà compter du jour le bailleur a euconnaissance de l'infraction qui fonde sonrefus et relevé, souverainement, que labailleresse avait découvert l'exercice d'acti-vités non autorisées par le bail le 7mars2012, la cour d'appel (Toulouse, 17mai2016) en a exactement déduit que l'actionn'était pas prescrite. Commentaire:En ce qui concerne le congédélivré le 14février 2008 valant offre derenouvellement et indemnité d’éviction,on ne peut qu’être surpris, l’offre derenouvellement ne pouvant fonder uneindemnité d’éviction. Au sujet de la rétrac-tation de cette curieuse offre, elle est exer-cée pour un motif grave et sérieux tenantà la violation de la clause relative à l’activi- permise dans les lieux loués. Dans cetteespèce plusieurs actes juridiques semanifestent, quelle est la nature de l’assi-gnation en validité du refus de renouvelle-ment pour motif grave et légitime ? Faut-ily voir une action en dénégation du statut?Ou encore de l’exercice du droit d’optionde l’article L.145-57? Cette assignation sebasant sur la rétractation de l’offre derenouvellement pour motif grave et légiti-me est validée par les juges. En applicationde l’article L.145-17 du code de commerce,le bailleur peut refuser le renouvellementdu bail sans être tenu au paiement d'aucu-ne indemnité s’il justifie d'un motif graveet légitime à l'encontre du locataire sor-tant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécu-tion d'une obligation, soit de la cessationsans raison sérieuse et légitime de l'exploi-tation du fonds, compte tenu des disposi-tions de l'article L. 145-8, l'infraction com-mise par le preneur ne peut être invoquéeque si elle s'est poursuivie ou renouveléeplus d'un mois après mise en demeure dubailleur d'avoir à la faire cesser. Cette miseen demeure doit, à peine de nullité, êtreeffectuée par acte extrajudiciaire, préciserle motif invoqué et reproduire les termesdu présent alinéa.Cette façon de voir est validée par la Courde cassation et il est de jurisprudenceconstante que le bailleur peut invoquerdes motifs qu’il avait ignorés au momentde la délivrance du congé (Cour de cassa-tion, 3eciv., 17novembre 1981, BC III 187). Et c’est la connaissance de l’infractionqui constitue le point de départ de l’actionen rétractation. Reste alors le problème desavoir de quelle prescription relève cetteaction? L’arrêt vaut confirmation de ladécision des juges du fond. Dans son pour-voi, la locataire se prononçait pour unpoint de départ à compter de la date dedélivrance du congé. Elle estimait de plusque cette prescription peut courir le jour cette partie avait eu effectivementconnaissance de cet événement. Unbailleur prudent et diligent qui refuse lerenouvellement aurait découvrir lemotif grave et légitime qui fonde sonrefus. Et dans les deux cas, il se prévalait dela violation de l’article L.145-60.On peut penser que la locataire avait rai-son et que c’est bien la prescription bien-nale qui aurait être retenue pour lepoint de départ de l’action susvisée. Audemeurant, toute cette affaire se rapporteà l’application du statut et donc à la pres-cription biennale de l’article L.145-60 ducode. Sans doute encore faudrait-il quela Cour de cassation prenne position surcette question.(Cour de cassation, 3eciv., 9novembre2017,n°16-23120, compagnie foncière Alpha c/société Chouchou).16juillet 20189PRESCRIPTIONJURIShebdoimmobilierllSECTION5
Depuis les années soixante-dix, le droitpositif s’est enrichi de droits de préemp-tion au bénéfice de particuliers. Ainsi enest-il pour le locataire d’habitation à l’occa-sion de la première vente consécutive à ladivision de l’immeuble par lots (loi du 31décembre 1975), du droit de préemptiondu locataire dans le cadre de la loi de 1989sur les baux d’habitation en cas de congé-vente du bailleur, ou encore du droit depréemption dans la « vente à la décou-pe ». S’agissant des baux commerciaux, ledroit de préemption du locataire a été ins-tauré par la loi 2014-626 du 18août 2014(loi Pinel) qui a introduit dans le code decommerce un article L.145-46-1. Ce droitdu preneur s’applique « lorsque le proprié-taire d’un local à usage commercial envisa-ge de vendre celui-ci ». Le reste de l’articleexpose le mécanisme du droit. On noteraqu’il existe cinq cas il y a exclusion dudroit.1°) Droit de préemption Exclu-sion des ventes aux enchèrespubliques Cession globaleLes faits:La société civile immobilièreCasanton (la SCI), constituée entre MM.A… et C… et M. et MmeX…, est propriétai-re d'un immeuble et d'un terrain donnés àbail, le premier à la société Jordane, à usa-ge de restaurant, et le second aux sociétésEurofaçades et Hidi Loc CD. Le 20avril2017, après dissolution anticipée de la SCIdue la mésentente entre associés, MmeZ…,en qualité de liquidateur amiable, a assi-gné les associés en autorisation de ventede l'ensemble immobilier aux enchèrespubliques. A titre reconventionnel, M.etMmeX… ont soutenu que la société Jorda-ne, dont M. X… était le gérant, était fon-dée à revendiquer le bénéfice du droit depréemption.La décision:La cour d’appel (Aix-en-Pro-vence, 14février 2017) déboute la sociétéJordane. Cette décision est approuvée parla Cour de cassation qui rejette le pourvoi.« ayant retenu que la vente aux enchèrespubliques de l'immeuble, constituant l'actifde la SCI en liquidation, était une ventejudiciaire et relevé que la société Jordanen'était locataire que pour partie de l'en-semble immobilier mis en vente, le terrainayant été donné à bail à d'autres sociétés,la cour d'appel, qui n'avait pas à répondreà des conclusions que ses constatationsrendaient inopérantes, en a à bon droitdéduit que les dispositions de l'article L.145-46-1 du code de commerce n'étaientpas applicables et que la cession globalede l'immeuble ne pouvait donner lieu àl'exercice d'un droit de préemption par lasociété Jordan ».Commentaire:On notera tour d’abord quela Cour de cassation écarte du champ d’ap-plication du droit de préemption les ventesaux enchères publiques. La solution estlogique. La cour d’appel estimant qu’enmatière de licitation la vente ne peut pasêtre proposée au locataire avant la mise envente aux enchères publiques. Le bailleurdans sa notification au preneur doit préci-ser le prix et les conditions de la vente pro-jetés ce qui est inapplicable à une venteaux enchères. Dans cette espèce, undeuxième motif poussait le juge à rejeterles prétentions des plaignants. La sociétéJordane n’était locataire que d‘une partiedes locaux vendus, l’autre partie étantlouée à deux preneurs. La décision estdonc claire, le locataire d’une partie desactifs vendus ne peut bénéficier du droitde préemption sur la globalité du bien. Ladécision de la Cour de cassation allait desoi sans que soit applicable le principe d’in-terprétation restrictive en présence d’untexte restreignant le droit de propriété.Pour finir, le droit de préemption ne jouepas notamment en cas de cession globaled’un immeuble comprenant des locauxcommerciaux. La plaignante prétendaitque cette exception ne concernait pas sasituation et que le droit de préemptionétait applicable. Cette prétention avait étérejetée en appel, la Cour de cassation pré-cisant que « la cour d’appel (…) n’avait pasà répondre à des conclusions que sesconstatations rendaient inopérantes ».Certes, en ce qui concerne le droit de pré-emption urbain, les ventes par adjudica-tion y donnent lieu quand cette procédureest rendue obligatoire de par la loi ou lerèglement. La procédure est contenue auxarticles R.213-14 et R.213-15 du code del’urbanisme en établissant un mécanismede substitution du bénéficiaire du droit surl’adjudicataire. Or, aucune procédure de cestyle n’est prévue à l’article L.145-46-1.Cette décision est, semble-t-il, la premièrerendue par la Cour au sujet du droit depréemption. Les choses sont claires: ledroit de préemption du locataire dans lecadre d’un bail commercial ne joue pasdans les ventes aux enchères publiques etla cession globale du terrain ne peut don-ner lieu à l’exercice d’un droit de préemp-tion par le locataire d’une partie seule-ment de l’immeuble vendu globalement.(Cour de cassation, 3eciv., 17mai 2018, n°17-16133). 2°) Droit de préemption Condi-tions de la vente Exclusion de lacommission d’agent immobilier Les faits:La SARL Librairie B exploite unfonds de commerce de librairie et de pape-terie dans le cadre d’un bail commercialrenouvelé en 2010 pour 9 ans. La proprié-taire des murs, la SARL BA, dont la sociétéFinancière Pierre C est actionnaire à100%, désireuse de vendre mandate le7mai 2015 la société Kehl, agent immobi-lier, pour la recherche d’un acquéreur. Parcourrier du 12mai 2015, la société Gregin-vest Belgium, société de droit Belge, faitconnaître son intention de se porteracquéreur du bien. Le 20mai, la sociétéKehl informe la société Librairie B de l’in-tention du bailleur de vendre l’immeuble.Les conditions de la vente sont le prix netvendeur de 1200000euros, 144000eurosTTC pour honoraires d’agence à la chargede l’acquéreur, frais de formalités et d’en-registrement en sus. Le 19juin, la sociétéLibrairie B dit accepter l’offre en recourantà un prêt mais en excluant les honorairesde l’agent immobilier. De son côté, lasociété Greginvest Belgium, désire acquérirle bien. Un litige s’ensuit: la société BA etla société Financière Pierre C assignent lasociété Kehl, la librairie B ainsi que Gregin-vest Belgium pour que cette dernièresociété soit autorisée à acquérir l’ensembleimmobilier litigieux dans les conditions devente fixées à l’offre du 12mai. Le tribunalde grande instance d’Arras autorise laSARL BA à vendre le bien immobilier à laGreginvest Belgium.La décision:Par un arrêt en date du 12jan-vier2017, la cour d’appel de Douai infirmele jugement. « L’existence de cette doubleproposition corrobore le fait que dans unpremier temps, le bailleur ne doit pasattendre une offre d’achat pour informerle preneur de la possibilité qu’il a de se por-ter acquéreur du local commercial. L’articleL.145-46-1 du code de commerce ne fait16juillet 201810DROITDEPRÉEMPTIONJURIShebdoimmobilierllSECTION6Section 6: Droit de préemption du locataire
pas mention de l’existence d’un droit depréemption mais d’une offre de vente aulocataire qui bénéficie d’un droit de préfé-rence sur tout autre acquéreur ce qui exclutl’existence de frais de recherche d’un ache-teur ». En conséquence, les frais de la ventene doivent pas comprendre une commis-sion ou des honoraires d’agence.Commentaire:La décision ci-dessus est clai-re et nette et la solution semble évidente.Certes, la cour n’évoque pas un droit depréemption mais un pacte de préférence.C’est jouer sur les mots ; un droit de pré-emption conférant une préférence. La courd’appel s’appuie sur la notion d’offre. Il yen a deux dans l’article L.145-46-1. La pre-mière est celle lors de la décision devendre. Cette notification qui doit à peinede nullité indiquer le prix et les conditionsde la vente projetée vaut offre de vente.La deuxième offre est celle du droit depréemption subsidiaire. Ces deux offressont exclusives de toute intervention d’unagent immobilier. Le preneur au bail com-mercial doit être préféré et dès lors que laou les offres sont valablement accomplies,il n’y a pas lieu à intervention d’un agentimmobilier. On rappellera aussi que pourtoucher une commission, l’intervention del’agent doit être déterminante ce quin’était absolument pas le cas ici.(Cour d’appel de Douai, 12janvier2017, n deRG: 15/073841).N.B. La Cour de cassation vient tout récem-ment de se prononcer en ce sens (Cassa-tion, 3eciv., 28juin 2018, arrêt n°17-14-605)"; lire Jurishebdo du 9juillet 2018).3°) Droit de préemption SaisieimmobilièreLes faits:Une procédure de saisie immobi-lière est initiée contre une débitrice dontles prétentions sont rejetées par le juge del’exécution du tribunal d’Ajaccio. Cettedébitrice fait notamment valoir la violationde l’article L.145-46-1 imposant la notifica-tion préalable de la vente au locataireexploitant un fonds de commerce dans leslieux loués. Elle demande en conséquencede dire nul et de nul effet le commande-ment de saisie immobilière en date du4juillet 2014 publié le 8juillet et tous lesactes subséquents, les droits des occupantscommerçants n’ayant pas été respectés. La décision:Pour la cour d’appel de Bastia(20janvier 2016), le droit de préemptionn’est pas applicable aux ventes forcées sursaisie immobilière puisqu’il envisage unevente volontaire par le propriétaire alorsqu’en saisie immobilière, il s’agit d’unevente forcée.Commentaire:La cour d’appel de Bastiaaboutit en matière de saisie immobilièreau même résultat que la Cour de cassationpour les ventes sur licitation. Elle nereprend pas l’argumentation de la coursuprême mais les choses sont évidentes. Ence qui concerne les ventes sur saisie, onpeut citer l’article L.616 du code de laconstruction et de l‘habitation qui prévoitun droit de préemption en faveur de lacommune en cas de vente sur saisie immo-bilière d’un immeuble constituant la rési-dence principale des personnes ayant lesconditions de ressources fixées pour lesHLM et encore il y a un mécanisme desubstitution. Or aucune procédure de cestyle n’existe en matière de droit de pré-emption du locataire commerçant. Enfin,en ce concerne la date d’entrée en vigueurde la loi Pinel, elle retient la date du18décembre 2014. Il ne s’agit donc pas dela date du 19décembre ou encore moinscelle du 1erdécembre 2014. Dans cetteespèce la loi était inapplicable, le comman-dement de saisie était du 4juillet 2014 etl’acte du 23octobre de cette année.(Cour d’appel de Bastia, 20janvier 2016, de RG: 15/00833, MmeMarie-Paule X… épou-se Y… c/Caisse de crédit mutuel d’Ajaccio). 16juillet 201811DROITDEPRÉEMPTIONJURIShebdoimmobilierllSECTION6Section 7: Expiration du bailComme toute structure contractuelle, lebail a une fin. Elle peut survenir par le biaisd’une clause de résiliation dont l’exerciceest strictement encadré par la loi et labonne foi est plus que jamais requise. Lebail peut être suivi d’un bail renouvelé,mais il peut aussi disparaître définitive-ment en cas de grief, comme l’existenced’un contrat de location-gérance illégal,ou encore par l’effet d’une offre de payerune indemnité d’éviction. Quelles sontalors les conséquences d’un refus de droitau maintien dans les lieux? 1°) Clause de résiliation de pleindroit Nécessité d’un acte extraju-diciaireLes faits:Le 9juin 2000, la société SIGC adonné à bail commercial un local à lasociété Fitt qui, le 17juillet 2000, l'a sous-loué à la société Unitours. Par lettre recom-mandée avec demande d'avis de réceptiondu 4octobre 2007, visant la clause résolu-toire, la société SIGC a mis en demeure lasociété Fitt de payer dans le mois des arrié-rés de charges et d'indexation de loyers. Le2juillet 2010, la société Unitours a assignéla société Fitt en indemnisation de troublesde jouissance. Contestant la résiliation dubail, la société Fitt a demandé, à titrereconventionnel, la condamnation de lasociété Unitours au paiement de loyers; lasociété SIGC, appelée à l'instance, ademandé la constatation de la résiliationde plein droit du bail consenti à la sociétéFitt. La cour d’appel (Nouméa,15octobre2015) estime notamment quele bail stipule sa résiliation de plein droitaprès une mise en demeure d'exécution ouun commandement de payer. Elle retientqu'une lettre recommandée valant som-mation remplit les conditions légales lors-qu'il en résulte une interpellation suffisan-te du débiteur. Or, la sommation de payerdu 4octobre 2007 rappelle à la sociétélocataire le délai légal d'un mois et com-porte un décompte détaillé de la dette etqu'à défaut de contestation dans le délailégal, le bail principal a été résilié de pleindroit, entraînant la résiliation du sous-bail. La décision:Au visa des articles L.145-41 etL. 145-15 du code de commerce, la Cour decassation casse l’arrêt de la cour