Au sommaire :
– 2 – Jurisprudence –
Baux d’habitation : Résiliation du bail pour sous-location proscrite
Marchand de sommeil / Charges locatives : sanction du défaut de régularisation ? / Protection des locataires âgés : seuil de ressources ?
Baux conventionnés : Entrée en vigueur de la convention
Crédit-bail : Pas de suspension de la clause résolutoire
Baux commerciaux : Requalification d’un contrat de location-gérance en bail commercial. Quel délai pour agir ?
Droit de propriété – droit au logement : Équilibre
Voisinage : un cèdre aux branches surplombantes
Vente : Condition suspensive : à exécuter de bonne foi
Urbanisme : Permis de construire. Condition du refus
– 8 – Rencontre –
Robin Rivaton “Lutter contre la rente”
– 9 – Projets –
Projet de loi énergie : vers une exigence de performance minimale des logements vendus
– 11 – Rencontre –
“Une vente sans vendeur ? La chambre des notaires du Grand Paris renouvelle son modèle de promesse unilatérale de vente
– 12 – Étude –
Procos propose de changer d’échelle pour moderniser le commerce
1 er juillet 2019 2 JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE B AUXD ’ HABITATION Baux d'habitation ■ Résiliation du bail pour sous- l ocation proscrite. Marchand de sommeil (CA Paris, Pôle 2, ch. 2, 20juin 2019, n°17/08656) Pour un logement situé dans le XX e arron- dissement de Paris en rez-de-chaussée et sous-sol, un bailleur était en litige avec son locataire au motif que celui-ci exerçait sans autorisation une activité de sous-location à de nombreuses personnes. Considérant qu'il s'agissait d'une activité de marchand de sommeil, le bailleur avait intenté une action pour obtenir la résiliation du bail pour avoir non seulement exercé une activi- té illégale mais pour avoir contrevenu à son obligation de jouissance paisible et de res- pect de la destination d'habitation person- nelle. La cour prononce la résiliation du bail: « En application de l'article 8 de la loi du 6juillet 1989, d'ordre public, le locataire ne peut sous-louer le logement sans l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du "sous-loyer" ne peut excé- der le prix du loyer. […] À l'appui de leur demande de résiliation, les appelants [bailleurs] ont produit les condi- tions générales du contrat de bail (article7) interdisant expressément toute sous-loca- tion et un constat d'huissier du 17mars 2015 établissant formellement que l'appar- tement était occupé depuis plus de deux mois par six personnes dans la pièce princi- pale et par trois personnes au sous-sol, dont l'une a déclaré y vivre depuis quatre mois. Il résulte que ces manquements constituent des faits répétés, suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de bail liant M. S. et M. M. ». Observations : Le locataire ne peut sous- louer sans autorisation du bailleur. Cette règle ne souffre pas de contestation, elle est prévue par l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989. Il est de jurisprudence constante que la violation par le preneur d'une clause prohibitive du droit de sous- louer est sanctionnée par la résiliation du bail (Civ. 3 e , 4avril 2001). Le présent arrêt le confirme. Mais la difficulté est parfois de prouver les faits. En l'espèce, le bailleur avait obtenu un constat d'huissier attestant la sous-loca- tion et de surcroît la sur-occupation des locaux. Il a été jugé par ailleurs que le bailleur peut, par ordonnance sur requête, obtenir l'intervention d'un huissier afin qu'il constate les conditions d'occupation sans que le locataire ne puisse valablement opposer le droit au respect du domicile (Civ. 2 e , 6mai 2010). Rappelons également que l'utilisation des sous-sols à usage d'habitation est proscrite tant par le règlement sanitaire départe- mental (pour Paris, art. RT 27) que par le code de la santé publique (art. L 1331-22). A retenir: Une activité de sous-location, proscrite par le bail, justifie la résiliation du contrat. ■ Charges locatives. Sanction du défaut de régularisation? (Même arrêt) La cour d'appel se prononce également sur les charges locatives et l'appel de provisions. L'arrêt rappelle les règles de l'article 23 de la loi du 6juillet 1988 prévoyant le versement de provisions mensuelles et de régularisa- tion au moins annuelle. « Aucune sanction spécifique n'est édictée par le législateur qui ne procède pas à ces formalités, ce qui a pour conséquence que le fait de ne pas avoir procédé à une régu- larisation annuelle des charges ne prive pas le bailleur d'en réclamer le paiement , dès lors qu'elles sont justifiées, et n'octroie pas au locataire un droit à restitution automa- tique des provisions versées ». La cour rejette donc la demande du locatai- re sur les charges. Observations : La loi de 1989 (art. 23) impose au bailleur de justifier des charges. (cf. aussi Civ. 3 e , 22mai 2013). En consé- quence, la Cour de cassation a jugé que les charges ne sont dues que pour autant que le bailleur communique au locataire leur mode de répartition et tient à sa disposi- tion les pièces justificatives (Civ. 3 e , 8 déc. 2010). À défaut de fourniture des justifica- tifs et de régularisation, le locataire peut demander la réduction de la provision (Civ. 3 e , 18juin 2002) ou même la restitution des provisions (Nancy, 7février 2013). Une régularisation tardive peut être fautive pour le bailleur si elle représente le triple de la somme provisionnée et justifier des dommages-intérêts à l'égard du locataire (Civ. 3 e , 21mars 2012). L'arrêt rapporté est plus souple pour le bailleur puisqu'il ne prononce pas de sanc- tion envers le bailleur en dépit de l'absen- ce de régularisation. Il est toutefois un peu elliptique sur le sujet, il ne faut donc sans doute pas en généraliser son application eu égard à la jurisprudence de la Cour de cassation, plus stricte envers le bailleur. ■ Protection des locataires âgés: quel seuil de ressources? Une QPC rejetée (Civ. 3 e , 20 juin 2189, n° 678, FS-B+I, non-lieu à renvoi, n°19-40009) En 2016, n'ayant pu obtenir validation du congé pour vendre à leurs locataires en rai- son de leur âge et de la modicité de leurs ressources, des bailleurs avaient posé une question prioritaire de constitutionnalité sur l'article 15 III de la loi du 6juillet 1989 "et la jurisprudence du juge judiciaire qui fait corps avec cette disposition" en raison de la nécessité prendre en compte les reve- nus de chacun des époux séparément pour calculer le seuil de ressources du locataire âgé. La Cour de cassation refuse de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel: « Mais attendu que, la jurisprudence invo- quée n'ayant pas été rendue sur le fonde- ment de la disposition contestée dans sa rédaction issue de la loi du 24mars 2014 qui a modifié les conditions de ressources du locataire, la question n'est pas sérieuse ». Observations : Le locataire bénéficie de protection particulière en raison de son âge. La loi de 1989 dans sa version anté- rieure à la loi Alur avait fixé le seuil à 70 ans. La protection était écartée si le bailleur était lui-même âgé de plus de 60 ans. En 2014, la loi Alur a modifié les cri- tères d'âge en les fixant à 65 ans, tant pour le preneur que le bailleur. La loi Alur a aussi modifié les seuils de res- sources, en faisant désormais référence au plafond de ressources pour l'attribution des logements locatifs conventionnés et non plus à une fois et demie le montant JURISPRUDENCE ➚ Indices de loyer : ➚ L’indice du coût de la construc- tion, l’indice des loyers commer- ciaux et l’indice des activités ter- tiaires du 1 er trimestre 2019 ont été publiés le 21 juin 2019. Il en résulte les variations suivantes: Chiffres Indices et variations en… ICC ILC ILAT 1 er trimestre 2019 1728 114,64 113,88 1 an + 3,41 % + 2,48 % + 2,18 % 3 ans +7,00 % +5,76 % +5,25 % 9 ans +14,59 % +13,10 % +13,88 %
du SMIC. En présence de deux locataires, comment apprécier le seuil? La jurisprudence a été diverse; exigeant une appréciation séparée d e chacun des locataires, ce qui est favo- rable au locataire (Civ. 3 e , 19juillet 2000) ou prévoyant une appréciation du cumul des ressources (Civ. 3 e , 18février 1998), voi- re faisant une moyenne des ressources (CA Paris, 17février 1998). La Cour de cassation écarte la question au motif que la loi a changé le seuil de res- sources, ce qui n'apporte donc pas d'éclai- rage nouveau sur ce thème. Dans l'attente d'une nouvelle confirmation par la Cour de cassation, retenons le plus récent des arrêts de cassation mentionné ci-dessus et optant pour l'appréciation séparée des res- sources. Baux conventionnés ■ Condition d'entrée en vigueur de la convention: signature et non communication aux locataires (Civ. 3 e , 20juin 2019, n°552, FS-P+B+I, cassa- tion, pourvoi n°18-17028) Une société d'HLM avait signé une conven- tion avec l’État, en application de l'article L 351-2 du CCH. Une locataire ayant refusé de communiquer ses ressources, la société lui avait appliqué le supplément de loyer de solidarité au taux le plus élevé. Le litige étant devenu judiciaire, la cour d'appel avait refusé de faire droit à la demande du bailleur au motif qu'il n'avait pas mis une copie de la convention à la disposition du locataire. Cette décision est cassée au visa des articles L 353-16et L 353-17 du CCH: « Attendu que, pour rejeter ces demandes [de la société bailleresse], l’arrêt retient que, la société V. ne démontrant pas qu’elle a mis à disposition de M me L. une copie de la convention, il y a lieu de constater que cet- te convention n’a pas commencé à recevoir application; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne com- porte pas, a violé les textes susvisés; Par ces motifs: casse ». Observations : En principe, l'entrée en vigueur de la convention suppose sa publi- cation au fichier immobilier (art. L 353-3), mais par dérogation, pour les logements conventionnés des organismes HLM, les conventions entrent en vigueur à leur date de signature (art. L 353-17). En conséquence, la cour d'appel ne pou- vait pas subordonner l'entrée en vigueur de la convention à sa communication au locataire. La convention doit être tenue à disposition des locataires (art. L 353-16), mais cette o bligation légale d'information n'en fait pas une condition de son entrée en vigueur. A retenir: L'entrée en vigueur de la convention pour un organisme HLM est liée à sa signature, non à sa communica- tion aux locataires. Crédit-bail ■ Pas de suspension de la clause résolutoire (CA Paris, Pôle 1, ch 2, 6juin 2019, n°18/28687) Bpifrance Financement et la SA CM-CIC Lea- se avaient accordé un crédit-bail immobilier à une société pour un immeuble à usage d'hôtel-restaurant à Lourdes. Le preneur n'ayant pas réglé une série de loyers, et après une procédure de redressement judi- ciaire et de mise en place d'un différé par- tiel d'amortissement, les crédits-bailleurs avaient assigné le preneur pour obtenir constat de l'application de la clause résolu- toire. En première instance, le TGI avait suspendu les effets de la clause résolutoire contrac- tuelle, sous condition que le preneur paie la somme due en un an par acomptes men- suels. Mais la cour d'appel réforme la décision: « Dans le cadre de son appel incident, la société America [crédit-preneur] critique la décision entreprise en faisant valoir que les délais de paiement tels que prévus par les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce ne sont pas applicables en matiè- re de crédit-bail. Comme le font valoir à juste titre les socié- tés Bpifrance Financement et la SA CM-CIC Lease, en l'absence de texte spécial comme il en existe pour les baux commerciaux et les baux d'habitation, la faculté de suspendre les effets de la clause résolutoire ne peut être mise en œuvre en matière de crédit- bail lorsque les causes du commandement n'ont pas été réglées dans le délai prévu pour ce règlement. Du reste, la société America ne remet pas véritablement en cause dans ses conclusions d'appelante le fait que le juge des référés n'avait pas le pouvoir d'accorder des délais de règlement de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire […] et se contentant de solliciter des délais de paie- ment au seul visa de l'article 1343-5 du code de commerce [lire code civil] pour pouvoir finaliser la cession du fonds de commerce. I l convient dès lors pour la cour, par réfor- mation de l'ordonnance entreprise, de constater l'acquisition des effets de la clau- se résolutoire à la date du 27juillet 2018 […] Le juge peut en application de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier reporter ou éche- lonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. En l'espèce, au regard de l'importance de la dette, il apparaît illusoire d'accorder des délais de paiement à la société America. » La cour juge donc que la clause résolutoire a produit effet et ordonne l'expulsion. Observations : L'article L 145-41 du code de commerce permet au juge d'accorder des délais de paiement et de suspendre les effets de la clause résolutoire pour un bail commercial. De même, le texte de l'article 24 de la loi du 6juillet 1989 autorise le juge à suspendre les effets de ce type de clause dans un bail d'habitation. Mais il s'agit de textes spéciaux, qui déro- gent au droit commun. Il n'est donc pas possible d'en étendre l'application à des contrats voisins, comme le crédit-bail. La cour d'appel de Paris avait déjà jugé que l'article L 145-41 n'est pas applicable aux contrats de crédit-bail immobilier (5janvier 1996). Elle le confirme dans cette nouvelle décision. De façon plus générale, le crédit-bail immobilier n'étant pas un bail, il ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux (Civ. 3 e , 10juin 1980). En revanche, l'article 1343-5 du code civil, qui permet au juge d'octroyer des délais de paiement, est d'application générale. A retenir: La suspension judiciaire de la clause résolutoire ne s'applique pas pour le crédit-bail. Baux commerciaux ■ Requalification d'un contrat de location-gérance en bail commer- cial. Quel délai pour agir? (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 5juin 2019, n°17/12764) Un fonds de commerce de restaurant avait été donné en gérance libre en 1994, pour un an. Le contrat avait été tacitement renouvelé ; puis en2006 et2009, les parties 1 er juillet 2019 3 JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE C RÉDIT - BAIL JURISPRUDENCE
avaient augmenté la redevance de location et le loyer des baux En 2012, les bailleurs avaient délivré un commandement de payer 47530 € puis signifié au preneur leur v olonté de ne pas renouveler le contrat de location-gérance. Le preneur avait alors demandé en justice la requalification du contrat de location-gérance en bail com- mercial. Le TGI avait jugé la demande en requalification prescrite. La cour d'appel le confirme: « La cour rappelle que la demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux com- merciaux est soumise à la prescription bien- nale de l'article L 145-60 du code de com- merce. Le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs. Le contrat de location-gérance dont la requalification est demandée est le contrat passé le 3octobre 1994 entre M.et M me S. d'une part et M. C. d'autre part. Toutefois, la cour relève que M. C. soutient […] que la requalification en bail commer- cial qu'il sollicite n'est pas soumise à pres- cription biennale au motif que le juge n'est pas tenu par la qualification donnée par les parties et qu'il doit restituer son exacte qua- lification au contrat conclu entre les parties en application de l'article 12 du code de procédure civile; que ce contrat est depuis l'origine un contrat de bail commercial et qu'il doit donc être qualifié de bail com- mercial. […] Il incombe donc à la cour d'examiner préa- lablement à la demande de prescription biennale les clauses de l'acte conclu entre les parties pour apprécier sa qualification par application de l'article 12 du CPC. Aux termes de l'article 12 du CPC, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit don- ner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. » La cour observe que le contrat écarte le régime du bail commercial et comporte les clauses usuelles en matière de location- gérance, elle en déduit: « Il s'ensuit que le fait que le contrat stipule que M. C. règle une redevance et un loyer à M. et M me S., lesquels lui louent le fonds de commerce mais sont également proprié- t aires des murs, n'est pas suffisant pour qua- lifier le contrat de bail commercial. […] Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu de qualifier l'acte de location- gérance en bail commercial par application de l'article 12 du CPC. Il s'ensuit que la demande de requalifica- tion du contrat de location-gérance en bail commercial par application du statut des baux commerciaux est bien soumise à la prescription biennale. » Le contrat datant du 3octobre 1994, la cour confirme que la prescription était acquise le 3octobre 1996. Observations : L'intérêt de cet arrêt est de statuer sur deux fondements textuels pour obtenir une requalification d'un contrat de location-gérance en bail commercial. 1. Le premier est l'article 12 du code de procédure civile. Cet article invite le juge à donner ou restituer aux faits et actes liti- gieux leur exacte qualification sans s'arrê- ter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Dans ce même esprit, il a été jugé que l'action en requalification d'une convention simulée n'est pas soumi- se à la prescription biennale (Paris, 21juin 1994). Cette règle de procédure trouve à s'appliquer dans de très nombreux types de litiges. Par exemple une erreur sur une qualité substantielle requalifiée en vice rédhibitoire (Civ. 1 e , 9novembre 1982). 2. Le second fondement résulte de la légis- lation spécifique aux baux commerciaux: l'article L 145-60 du code de commerce, selon lequel toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre [sur le bail com- mercial] se prescrivent par deux ans. La Cour de cassation avait déjà jugé qu'une demande de requalification d'un contrat de location-gérance en bail commercial est soumise à la prescription biennale (Civ. 3 e , 29 octobre 2008). Elle avait également indiqué que le délai court à compter de la conclusion du contrat, peu important qu'il ait été tacitement reconduit (Cass. Com. 11juin 2013). Sur ces deux points, le pré- sent arrêt confirme les solutions anté- rieures. A retenir: Deux textes: art. 12 du CPC et art. L 145-60 du code de commerce peu- vent servir de fondements à une demande de requalification d'un contrat de location- gérance en bail commercial. Droit de propriété - droit au logement ■ La loi doit veiller à leur équilibre ( Civ. 3 e , 20juin 2019, n°679, FS-P+B+I, non- lieu à renvoi, n°19-40010) Une commune avait sollicité du tribunal d'instance une expulsion pour des per- sonnes entrées par voie de fait et deman- dait la suppression du délai de 2 mois entre le commandement de libérer les lieux et l'expulsion. Le tribunal avait transmis une QPC à la Cour de cassation. La question por- tait sur l'article L 412-1 du code des procé- dures civiles d'exécution (CPCE). Cet article modifié par la loi Elan du 23novembre 2018 impose la suppression du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux pour les personnes entrées par voie de fait. Est-il contraire au droit au logement? La Cour de cassation refuse de transmettre la question au Conseil constitutionnel: « Attendu que celle-ci ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les disposi- tions du second alinéa de l'article L 412-1 du CPCE, dans leur rédaction issue de la loi du 23novembre 2018, qui s'inscrivent dans un dispositif global destiné à protéger les locaux servant à l'habitation et à faciliter le relogement des occupants, tendent à assu- rer la nécessaire conciliation entre le droit de propriété , droit constitutionnel décou- lant des articles2 et17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et la possibilité pour toute personne, décou- lant des exigences constitutionnelles de dignité humaine et de droit à une vie fami- liale normale, de disposer d'un logement décent , objectif à valeur constitutionnelle, qu'il appartient au législateur de mettre en œuvre; D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ». Observations : Le droit de propriété est garanti par la Déclaration des droits de l'homme (art. 1 er et 17) et par la loi (art. 544 du code civil); le droit au logement est également garanti par la loi (art. 1 er de la loi du 31mai 1990) et le Conseil constitu- tionnel en a affirmé le caractère d'objectif de valeur constitutionnelle (19janvier 1995, puis 29juillet 1998). L'apport de l'ap- préciation de la Cour de cassation, dans cette décision du 20juin, est d'affirmer qu'il appartient au législateur d'assurer un équilibre entre ces deux objectifs contra- dictoires. En imposant la suppression du 1 er juillet 2019 4 D ROITDEPROPRIÉTÉ - D ROITAULOGEMENT JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE ❘◗ Priscilla van den Perre , spécialiste de droit fiscal, a été promue associée au sein du cabinet De Par - dieu Brocas Maffei . Acteurs
délai de deux mois entre le commande- ment de quitter les lieux et l'expulsion, pour les personnes entrées par voie de fait, le législateur met en œuvre son pouvoir d 'appréciation de l'équilibre entre ces exi- gences. A retenir: Il appartient au législateur d'as- surer l'équilibre entre droit de propriété et droit au logement, ce qu'il fait en suppri- mant le délai de deux mois entre comman- dement et expulsion pour des personnes entrées par voie de fait. Procédure d'expulsion ■ Délais (CA Paris, Pôle 4, ch. 8, 6juin 2019, n°18/22949) Un bailleur avait engagé une procédure d'expulsion pour impayés à l'encontre de son locataire à Paris (XVI e ). En appel, le loca- taire demandait des délais avant l'expul- sion. La cour rejette la demande. Elle se fonde sur l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution qui permet au juge de l'exécution d'accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciaire- ment. Les délais ne peuvent être inférieurs à 3 mois ni supérieurs à 3 ans (art. L 412-4). « Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparais- sent légitimes. M. G. justifie avoir déposé une demande de logement social […] mais limitée à Paris 16 e , 8 e , 7 e et 15 e arrondissements, ainsi qu'il est précisé en p.5 de cette demande […]. Il ne justifie ni de ses ressources ni de ses charges […] M me H [bailleresse], qui n'est pas un bailleur institutionnel, fait état d'une dette locative […] d'un montant particulièrement élevé de 66985euros […]. Le jugement sera par conséquent également confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de délais ». Observations : L'octroi de délais à un loca- taire dont la résiliation du bail a été pro- noncée et l'expulsion ordonnée impose une appréciation d'espèce. Exemples: un délai d'un an pour un occupant en raison de son état de santé précaire et de son âge (TGI Paris, 18mai 1993), de 2 ans pour une mère célibataire avec deux enfants à char- ge, traitée pour une maladie grave, sans travail (CA Paris, 23juillet 1993). Le présent arrêt refuse d'accorder des délais notam- ment en raison de l'importance de la dette e t l'absence de justification des ressources et des charges du locataire. La Cour de cassation a jugé (Civ. 3e, 8novembre 1995) qu'en refusant d'oc- troyer des délais, les juges du fond ne font qu'user de leur pouvoir discrétionnaire qu'ils tiennent des articles L 613-1 et 2 du CCH (art. L 412-1 et suivants du CPCE). Le présent arrêt indique la nécessite de trou- ver un juste équilibre entre le droit de pro- priété et le droit du locataire, en fonction des critères d'appréciation fournis par l'ar- ticle L 412-4 du CPCE. Voisinage ■ Un cèdre aux branches surplom- bantes… (Civ. 3 e , 20juin 2019, F-P+B+I, rejet, pourvoi n°18-12278) Litige de voisinage: un cèdre surplombait un jardin. Les propriétaires du jardin, gênés par le cèdre demandaient un élagage au propriétaire de l'arbre. Mais le juge avait rejeté leur demande et la Cour de cassation confirme sa décision. La particularité de l'af- faire et que les deux terrains étaient séparés par la voie publique. « Mais attendu que les dispositions de l’ar- ticle 673 du code civil, conférant au pro- priétaire du fonds, sur lequel s’étendent les branches d’un arbre implanté sur le fonds de son voisin, le droit imprescriptible de contraindre celui-ci à les couper, ne sont applicables qu’aux fonds contigus ; attendu qu’ayant relevé que la parcelle de M. et M me T. ne jouxtait pas celle de M. D., dont elle était séparée par une voie publique au- dessus de laquelle débordaient quelques branches du cèdre, le tribunal, qui a exacte- ment retenu que ces branches, proches du mur de clôture de M. T., n’avançaient pas, au sens de l’article 673 du code civil, sur la propriété de ce dernier, a, par ces seuls motifs et sans contradiction, légalement justifié sa décision ». Le pourvoi est rejeté. Observations : "Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper", affirme l'article 673. Le même article ajoute que ce droit est imprescriptible. Précédemment saisie d'une demande de QPC sur ce thè- me, la Cour de cassation avait affirmé que ce droit d'obtenir l'élagage des arbres de son voisin ne prive pas le propriétaire de l'arbre de son droit de propriété mais a simplement pour effet d'en restreindre l 'exercice pour assurer des relations de bon voisinage (Civ. 3 e , 3mars 2015). Elle avait par ailleurs jugé que l'article 673 n'est pas applicable aux fonds séparés par un che- min privé dont l'usage commun par les riverains ne saurait être limité à la circula- tion et au passage (Civ. 3 e , 2février 1982). Ce nouvel arrêt est dans le même sens, pour des terrains séparés par une voie publique. A retenir: Le droit d'obtenir l'élagage d'un arbre de son voisin est limité aux fonds contigus. Investissement locatif ■ Violation de l'obligation du pre- neur du bail commercial. Quelles sanctions? (CA Paris, Pôle 2, ch. 2, 20juin 2019, n°17/08656) Des investisseurs avaient acquis en 2004 trois lots de copropriété dans une résidence de tourisme à Montevrain (Seine-et-Marne) et conclu des baux commerciaux pour l'ex- ploitation de la résidence. Les acquéreurs étaient en litige avec leur vendeur au motif que la société locataire ne s'acquittait pas régulièrement des loyers et n'exécutait pas les prestations prévues au bail. Les lots avaient été acquis chacun 234540 € TTC et revendus en 2011, 2013 et 2015 à 180000 € , 187000 € et 105000 € . La cour d'appel fait partiellement droit aux demandes des acquéreurs. Focus sur le motif principal: la location à des fins non conformes aux prévisions du bail initial. L'exploitant avait en partie loué les loge- ments au SAMU social, ce qu'il estimait conforme au contrat. La cour d'appel lui donne tort: « Considérant que la société A. ne peut pas prétendre qu'une exploitation à titre d'hé- bergement d'urgence serait conforme aux baux, alors que l'acte de vente était annexé aux baux et qu'il précise la destination de l'ensemble immobilier: une résidence de tourisme au sens de l'article 1 er II de l'arrêté du 14février 1986 soit un établissement d'hébergement classé […] constitué d'un ensemble homogène de chambres ou d'ap- partements meublés disposés en unités col- lectives ou pavillonnaires offert en location […] à une clientèle touristique […] Que l'allégation d'un prix initial surévalué 1 er juillet 2019 5 V OISINAGE - I NVESTISSEMENT JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE
par le promoteur du fait de l'avantage fiscal attendu par l'acquéreur ne repose sur aucun élément probant et dès lors, en égard au prix des deux premières cessions e t d'un préjudice partiellement en lien avec la destination conventionnelle de l'im- meuble, situé dans un secteur sur-équipé, ainsi qu'il ressort de la note du conseiller en patrimoine de M.et M me C., la perte de chance de M.et M m e C. d'obtenir un meilleur prix doit être évaluée à 60% de la différence entre le prix de la dernière ces- sion et le prix obtenu lors de la cession de 2013, soit 49200 € (soit 82000 x 60%) ». Observations : Voici un nouvel arrêt sta- tuant sur les difficultés rencontrées par les investisseurs en résidence de tourisme, en raison de la saturation du marché. Il résul- te des faits tels que décrits dans la décision que, pour faire face aux difficultés d'occu- pation, l'exploitant avait conclu un accord avec le SAMU social pour y loger des per- sonnes en précarité. Il en résultait un chan- gement du type d'occupants de la résiden- ce. Or ce changement était contraire aux sti- pulations du bail. La cour d'appel retient donc un lien de causalité entre la faute de l'exploitant (preneur du bail commercial) et la baisse de prix qu'avait dû consentir l'investisseur à la revente. La perte de chance est estimée à 60% de la baisse de prix. L'investisseur est donc indemnisé à hauteur de 60% de sa perte. A retenir: L'investisseur contraint à une baisse de prix à la revente peut être indemnisé de la perte subie en cas de fau- te de l'exploitant de la résidence de touris- me. Usage des locaux ■ Infraction aux règles de change- ment d'usage: sursis à statuer (CA Paris, Pôle 1, ch. 2, 6juin 2019, n°18/20579) La mairie de Paris avait engagé une procé- dure contre un couple de propriétaires d'un appartement dans le XVII e arrondissement, au motif qu'ils louaient leur bien pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, sans avoir respecté les règles de changement d'usage des locaux. Mais la cour d'appel indique que la Cour de cassation a rendu le 15novembre 2018 un arrêt dans lequel elle a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne. Les questions portent principalement sur les points suivants: - La directive du 12décembre 2006 s'ap- p lique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et de courte durée, d'un local meu- blé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile. Les questions suivantes sont de consé- quence: - Les règles de l'article L 631-7 du CCH constituent-elles un régime d'autorisation au sens de la directive? - L'objectif de lutte contre la pénurie de logements constitue-t-il une raison impé- rieuse justifiant une mesure nationale d'au- torisation? La cour d'appel en déduit qu'elle ne peut statuer: « Ces questions ont pour objet de per- mettre au juge national d'apprécier la conformité à la directive 2006/123/CE des dispositions du CCH et de leur mise en œuvre par la ville de Paris si la CJUE devait dire pour droit […] que l'activité couverte par ces dispositions relève du champ d'ap- plication de celle-ci ». Si le juge national devait conclure que les articles du CCH sont non conformes à la directive, il devrait écarter l'application de la règle nationale. La cour d'appel conclut: « il y a lieu, par conséquent, pour la cour, de surseoir à sta- tuer jusqu'à l'arrêt rendu par la CJUE sur les questions posées par la Cour de cassation ». Observations : Le législateur français a mis en place un arsenal de mesures pour assu- rer la protection du logement dans les grandes villes (art. L 631-7 et suivants du CCH). Le développement très rapide des locations par sites internet a bouleversé les pratiques et rendu la protection des loge- ments plus ardue. Avec la loi Elan, le légis- lateur a renforcé les mesures de contrôle (art. 145 de la loi du 23novembre 2018) notamment par des mesures pénales en cas d'infraction. Mais la décision de la Cour de cassation de poser une question préju- dicielle à la Cour de justice de l'Union européenne paralyse en pratique la mise en œuvre effective de ces mesures. Il faut donc attendre la décision de la CJUE. A retenir: La question préjudicielle posée par la Cour de cassation empêche le juge de statuer sur les recours de la ville de Paris pour infraction aux règles d'usage des locaux. Vente ■ Condition suspensive. À exécu- t er de bonne foi (CA Paris, Pôle 5, ch. 9, 13juin 2019, n°18/09742) Une promesse de vente avait été conclue portant sur des parts de SCI détenant un hôtel à Paris, pour 2,7millions d'euros. L'ac- te était conclu sous deux conditions suspen- sives : - l'une relative à la production d'un état parasitaire attestant l'absence de termites, - l'autre sur la production d'un audit ne révélant pas d'éléments significatifs défavo- rables influant sur le prix de cession. A l'expiration du délai de la promesse, esti- mant que les conditions suspensives n'étaient pas réalisées, le bénéficiaire refu- sait de signer l'acte définitif. En première instance, le juge avait estimé que les condi- tions n’étaient pas remplies et condamné le vendeur à restituer l'indemnité d'immobili- sation, mais la cour d'appel réforme la déci- sion. 1. Sur la condition suspensive de production d'un état parasitaire négatif La cour cite la condition relative aux ter- mites: "que le certificat qui sera délivré au plus tard le 31mars 2016 par un organisme agréé à la suite du contrôle sur les termites qui sera effectué à la diligence des cédants ne révèle pas la présence de termites". Un premier rapport avait été fourni le 23mars 2016, mais incomplet, toutes les chambres n'ayant pu être visitées, un deuxième rap- port avait été remis le 2mai, également incomplet, 15 chambres sur 50 n'ayant pu être visitées « La cour relève que s'il est exact que les rapports ne sont pas complets, puisqu'un certain nombre de chambres n'ont pas été visitées, chacun des rapports conclut néan- moins à l'absence d'indice d'infestation de termites. La promesse n'envisage pas l'hy- pothèse où le rapport ne serait pas complet. La société Kbdiag dans son rapport n'émet aucune réserve du fait qu'elle n'a pu voir toutes les chambres et sa conclusion est clai- re dans les deux rapports. Elle ne fait état d'aucune incertitude. La cour considère dès lors que les deux rap- ports, remplissent la condition suspensive relative à la présence de termites contraire- ment à ce que soutient la société Optima Inn selon laquelle le rapport serait incom- plet ou incertain, ce qui n'était pas envisagé dans la promesse. » 1 er juillet 2019 6 U SAGEDESLOCAUX - V ENTE JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE
2. Sur la condition suspensive d'audit « La cour relève que la promesse synallag- matique a été signée le 23mars 2016 et que la société Optima Inn a attendu jus- q u'au 20mai 2016, un vendredi soir pour solliciter par son conseil et non par son comptable comme stipulé dans la promes- se, des documents qui lui étaient néces- saires pour finaliser son audit. Elle a ainsi attendu deux mois pour ce faire alors qu'il ne restait que six jours ouvrables avant la date d'expiration de réalisation de la condi- tion. Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil, applicables à l'espèce, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. La cour considère avec les premiers juges que la société Optima Inn, qui n'a pas mis en mesure les consorts L. d'exécuter leurs obligations nées de la promesse et relatives à la condition suspensive de réalisation d'un audit, n'a pas exécuté la promesse de bonne foi. Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point. » En conséquence, la cour juge que la condi- tion suspensive relative aux termites est remplie et celle relative à l'audit n'a pas été exécutée de bonne foi, la rendant de ce fait réalisée. Elle condamne le bénéficiaire de la pro- messe à payer la somme de 275000 € convenue, puisqu'il choisissait de ne pas acheter. 1 er juillet 2019 7 U RBANISME JURIS hebdo immobilier ll JURISPRUDENCE Observations : La cour procède à une ana- lyse des faits pour juger s'il est possible d'en déduire que les conditions suspen- sives étaient remplies. Concernant l'état p arasitaire, elle fait preuve de souplesse, admettant qu'un rapport incomplet, mais attestant de l'absence de termites, valait réalisation de la condition. Sur l'état parasitaire termites, qui a donné lieu à une série de décisions, signalons par exemple un arrêt qui, en présence d'un état parasitaire négatif annexé à l'acte de vente, ne fait pas obstacle à l'annulation de la vente pour réticence dolosive lorsque les vendeurs ont dissimulé aux acquéreurs que le bien objet de la vente avait été infesté par les termites dix ans auparavant et avait été traité à deux reprises (Civ. 3 e , 14mars 2006). La cour d'appel fait par ailleurs ici applica- tion du principe selon lequel les conven- tions doivent être exécutées de bonne foi. Le contractant qui attend quelques jours avant l'échéance de la condition pour demander à l'autre la communication de documents nécessaires à la réalisation de l'audit prévu dans la condition, n'exécute pas de bonne foi la convention. Il ne peut donc pas se prévaloir de la défaillance de la condition. À rapprocher de l'article 1304-3 nouveau du code civil selon lequel la condition suspensive est réputée accom- plie si celui qui y avait intérêt en a empê- ché l'accomplissement. A retenir: Attendre quelques jours avant l'expiration de la promesse pour deman- der au vendeur des pièces nécessaires à la réalisation d'un audit sur l'immeuble pour se prévaloir ensuite de la défaillance de la condition suspensive relative à cet audit relève de la mauvaise foi. Urbanisme ■ Permis accordé sous réserve de prescription pour règle de salubri- té ou de sécurité (CE, 6 e et 5 e chambres, 26juin 2019, n°412429) Un particulier avait déposé une demande de permis de construire pour une maison et une piscine. Le maire avait rejeté sa deman- de, eu égard aux risques d'incendie. Le demandeur avait exercé un recours, rejeté tant en première instance, qu'en appel et en cassation. Le Conseil d’État se fonde sur l'article R 111- 2 du code de l'urbanisme, selon lequel le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de pres- criptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité p ublique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres opé- rations. La décision en précise la portée: « En vertu de ces dispositions, lorsqu’un pro- jet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime , sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possibl e, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessi- tant la présentation d’une nouvelle deman- de, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect ». En l'espèce, le Conseil d’État relève que le projet comportait la création d'une aire de manœuvre, que le demandeur avait propo- sé des aménagements supplémentaires pour réduire les risques (réserves d'eau, dis- positif d'arrosage, matériaux réduisant les risques), mais que le projet étant situé au bord d'un plateau dominant un très impor- tant massif forestier, tant en ce qui concer- ne son exposition aux incendies que pour assurer sa défense en cas de sinistre, il pré- sentait des risques particulièrement élevés en terme d'incendie. Considérant que la cour d'appel avait sou- verainement apprécié les faits, sans les dénaturer ni commettre d'erreur de droit, le Conseil d’État rejette le recours. Observations : Le code de l'urbanisme per- met au maire de refuser un permis de construire en cas de risque pour la sécurité ou la salubrité publique (art. R 111-2 du code de l'urbanisme). Mais l'administration peut aussi accorder le permis sous réserve de mettre en œuvre des prescriptions spé- ciales. La validité du refus de permis sup- pose donc qu'il ne soit pas possible de pré- voir des prescriptions spéciales. La validité du refus est appréciée sous le contrôle du juge. A retenir: La validité d'un refus de permis pour risque de sécurité suppose que le mai- re ait constaté l'impossibilité de l'accorder sous réserves de prescriptions spéciales. ● Pour vous abonner à Jurishebdo, avec 20% de réduction pour un premier abonnement, visitez notre site internet jurishebdo.fr ABONNEMENT «PRIVILEGE» 20% de réduction sur l’abonnement JURIS hebdo immobilier
1 er juillet 2019 8 R OBIN R IVATON JURIS hebdo immobilier ll RENCONTRE Premier constat: la métropolisation est inéluctable. Ce phénomène rassemble une concentration des emplois, des perspectives de promotion sociale et de croissance démographique (l’Ile-de- France représente un cinquième de la population mais la moitié de l’excédent démographique). Les métropoles se caractérisent aussi par une différenciation des modes de vie par rapport aux autres territoires. Un exemple: la proportion de personnes ayant un permis de conduire y est en chute libre. Cette évolution a tendance à susciter une fracture avec les autres territoires, non seulement en raison des écarts de richesses, mais aussi des modes de consommation. Robin Rivaton observe que la métropo- lisation est un phénomène mondial et n’est pas lié à la tradition française de jacobinisme. On la constate également en Allemagne où la hausse récente de la population par apport migratoire a suscité une hausse des prix des loge- ments. Métropolisation inéluctable La métropolisation va se poursuivre: contrairement à ce qu’on pensait précé- demment, le développement de l’éco- nomie de la connaissance suscite un besoin croissant de rencontre physique. Plus le numérique prend de l’ampleur, plus on a besoin de se rencontrer. Ce mouvement crée un retour vers le centre. Dans les années soixante ou soixante-dix, on pensait que la mobilité était infinie, d’où le développement du périurbain et de la voiture. Mais Robin Rivaton estime que ce mythe, qui a duré trente ans, a pris fin; et la mobilité et l’étalement urbain sont derrière nous. De fait, on observe que la part de maisons individuelles dans la construc- tion de logements neufs est en baisse. Il résulte de ces tendances que la demande augmente alors que l’offre est contrainte. D’où une hausse des prix. Le mouvement évince les classes populaires et les classes moyennes, comme à Dublin ou à Berlin et provoque des mouvements de contestations. La hausse des prix de l’immobilier ne permet plus l’accès aux métropoles. Le SMIC étant identique dans toutes les régions de France, mais les prix des logements très différents, cela freine la mobilité. Cette exclusion aggrave la fracture politique entre les métropoles et les autres territoires. Ainsi par exemple la lutte contre la pollution en ville, par recours à la voiture électrique, provoque un report de pollution sur des territoires plus éloignés avec mise en service de centrales à charbon en Chine. Repenser la propriété Après le constat, les solutions. “La pro- priété a muté vers la rente” estime Robin Rivaton. L’objectif est donc de lutter contre la rente. Le marché est figé. Actuellement, 2,4% seulement du parc parisien fait l’objet de transactions (36000 ventes environ par an). Cela s’explique par un coût faible du stocka- ge c’est-à-dire de la détention d’un bien. Un certain nombre de logements sont sous-occupés dans l’espace (peu d’occupants en regard de la surface) ou dans le temps (habitants absents une partie de l'année) ou vacants. Or la poursuite de la métropolisation entraîne celle de la stratégie de stockage. Un impôt foncier unique La taxe foncière représente 0,1% de la valeur vénale des biens à Paris, alors qu’elle atteint souvent 1,2% à 1,5% dans de nombreuses villes moyennes. Le taux de propriétaires a baissé depuis 1988 pour toutes les catégories sociales, sauf pour les plus de 65 ans, ce qui sus- cite une inégalité générationnelle. Robin Rivaton en appelle donc à repen- ser la fiscalité immobilière. Il propose de remplacer tous les impôts frappant l’immobilier (taxe d’habitation, taxe foncière, IFI, taxe sur les plus-values et DMTO) pour les remplacer par une taxe unique sur le stock; qui serait fixée à 3 ou 4% de la valeur nette du bien (valeur de marché sous déduction de l’emprunt en cours). Une fois la dette amortie, le propriétaire serait soumis à une forte imposition, ce qui le pousse- rait à reconsidérer la question de l’occu- pation foncière. Cela supprimerait ainsi la vacance. Pour estimer le bien, Robin Rivaton pro- pose de laisser le contribuable fixer lui- même la valeur du bien, mais ce droit serait compensé par un droit de pré- emption de la commune, à ce prix. Ce mécanisme d’autoévaluation est d’ailleurs actuellement en vigueur pour le calcul de l‘IFI. Cette réforme pourrait conduire à une baisse de recettes pour les collectivités de périphérie, il faudrait alors que l’État compense cette perte. Construire davantage L’autre vecteur de solution passe par la construction de logements. La difficulté est que si chacun s’accorde à recon- naître qu’il faut construire davantage, personne ne veut de nouveaux voisins! Robin Rivaton indique que plus on confie la décision de construire à un niveau micro, moins on construit. Il faut donc remonter le niveau de déci- sion, par exemple au niveau de l’inter- communalité. Autre moyen: imposer une hauteur minimale de construction. Haussmann en son temps a fait passer la hauteur de 6 à 7 étages à Paris, mais dans de nom- breuses communes d’Ile-de-France, on construit à R+3 seulement. Une part des immeubles parisiens ne sont pas de qua- lité exceptionnelle et pourraient être détruits afin de construire plus haut. Certaines villes, comme Tokyo, ont réus- si à densifier. S’agissant de la charge foncière, le fon- cier est une ressource importante pour les collectivités publiques, mais la haus- se de son prix provoque l’exclusion d’une partie des acquéreurs de l’acces- sion à la propriété. Robin Rivaton milite donc pour que les collectivités aient les moyens de conserver la maîtrise du fon- cier, notamment avec des baux de longue durée qui facilitent la densité. “La propriété immobilière est bonne, mais il faut chasser la rente” résume Robin Rivaton. A Londres, la politique visant à augmenter le taux de proprié- taires a provoqué une concentration de “Lutter contre la rente” Le directeur général de Real Estech propose des solutions nouvelles en faveur de la ville pour tous, ce qui passe par une nouvelle manière d’aborder la propriété privée. Une rencontre organisée ce 26 juin par Arp-Astrance. Robin Rivaton le 26 juin chez Arp-Astrance
1 er juillet 2019 9 JURIS hebdo immobilier ll reproduction interdite sans autorisation JURISPRUDENCE L OI E NERGIE R ENCONTRE PROJETS ✓ Critère de performance énergétique des logements décents. La notion de logement décent intègre déjà un critère de performance énergétique. Mais le décret d’application de la loi du 17août 2015 de transition énergétique a fixé un cri- tère jugé insuffisamment précis. La commis- sion a modifié le texte pour que le décret définisse le critère de performance énergé- tique par un seuil maximal de consomma- tion d’énergie finale par m 2 et par an. (art. 3 bis). ✓ Location des passoires thermiques Pour les logements privés mis en location à compter de 2021, en cas de travaux, la révi- sion la loi imposerait d’atteindre un niveau de performance énergétique après travaux de 331kWh/m 2 /an. De plus, la contribution pour partage des économies de charges, demandée au locataire, serait interdite si la consommation du logement reste supérieu- re à 331kWh/m 2 /an. Il faudra donc au moins atteindre la classe E du DPE. Le rapport explique que cela per- mettra aux locataires de logements classés F ou G de ne pas subir à la fois des dépenses fortes d’énergie et une hausse de loyer (art. 3 ter). ✓ Séquestrer une part du prix de vente En cas de vente d’un logement F ou G (pas- soire thermique), il serait obligatoire de consigner une partie du prix pour financer des travaux de rénovation énergétique pour atteindre la classe E. La part à consigner serait plafonnée à 5% du prix de vente. La somme serait débloquée lorsque l’acquéreur engage des travaux. Ce dispositif serait ins- titué pour 2 ans, à titre expérimental dans les zones tendues (art. 3 quater). ✓ Information du DPE L’article 3 quinquies prévoit d’améliorer l’information du diagnostic de performance énergétique. À la consommation d’énergie primaire, déjà requise, serait ajoutée la consommation d’énergie finale, c’est-à-dire celle consommée par l’utilisateur. ✓ Audit énergétique pour les loge- ments F et G Le DPE est exigé en cas de vente ou de loca- tion d’un logement. La loi prévoit, pour les logements classés F et G, d’exiger une infor- mation plus complète, résultant d’un audit énergétique. L’audit permet de disposer en outre des propositions de travaux adaptées au logement, ainsi que l’estimation des éco- nomies et le coût des travaux, détaillé par action. Cette disposition entrerait en vigueur en 2022, un an après que le DPE aura été rendu opposable. ✓ Annonces immobilières Les annonces, de vente et de location d’un logement, doivent indiquer le classement du DPE. Cette information serait complétée pour y ajouter les dépenses théoriques pour le chauffage, le froid et l’eau chaude sanitai- re (art. 3 septies). ✓ Accès de l’ANAH aux DPE L’Ademe dispose déjà d’un droit de trans- mission des diagnostics de performance énergétique (art. L 134-4-2 du CCH), ce n’est pas le cas de l’ANAH. L’article 3 octies lui ouvrirait ce droit. Le droit d’accès de l’ANAH qui existe déjà dans le cadre de contrôle pour obtenir les données des CAF serait élargi aux DPE et non limité aux cas de contrôle. ✓ Évaluation environnementale Diverses mesures sont prévues pour simpli- fier l’évaluation environnementale. Par exemple l’article 4 bis élargit les critères per- mettant de substituer la procédure d’autori- sation à la procédure d’enregistrement, pour les installations classées pour la protection de l’environnement. ✓ Fraude aux CEE L’article 5 cherche à lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie. Depuis 2015, 400 contrôles ont été lancés et ils ont donné lieu à 52 sanctions. Le rapport de Tracfin indiquait en 2016 une augmenta- tion du nombre de fraudes aux CEE. Projet de loi Energie : vers une exigence de performance minimale des logements vendus Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat est arrivé en séance publique à l’Assem- blée le 26 juin. Voici les articles à suivre, tels qu’ils ont été présentés en commission. la richesse. Mais la propriété est utile en ce qu’elle permet, par l’accession, à la classe moyenne de se constituer un patrimoine. Chacun doit rester libre de s’installer où il le souhaite mais l’immo- bilier a des effets de ségrégation spa- tiale et sociale, il faut que chacun puis- se s’installer dans la zone dense. Limiter le droit de recours Le réglage du droit de recours est un autre outil important: plus il est large (comme à San Francisco) moins la construction est abondante. Un autre moyen de faciliter la construc- tion est donc de lutter contre les recours abusifs. Robin Rivaton estime que ce droit de recours est aujourd’hui trop largement accordé. Les effets négatifs sont trop importants car ils empêchent des ménages de se loger. Il faut donc aller plus loin dans la limita- tion de droits de recours. En Allemagne, la pratique est d’antici- per les recours dans la phase d’instruc- tion des autorisations d’urbanisme pour analyser les critiques dès ce stade, afin d’accorder un permis qui ne comporte pas de risque de recours. D’autres outils juridiques peuvent com- pléter l’arsenal. Les offices fonciers soli- daires peuvent désormais proposer des baux réels solidaires afin que l’acqué- reur ne devienne propriétaire que du bâti, laissant la propriété du terrain à l’OFS, ce qui limite l’effort d’accession. Il faut simplement bien calibrer la durée du
– 2 – Jurisprudence –
Baux d’habitation : Résiliation du bail pour sous-location proscrite
Marchand de sommeil / Charges locatives : sanction du défaut de régularisation ? / Protection des locataires âgés : seuil de ressources ?
Baux conventionnés : Entrée en vigueur de la convention
Crédit-bail : Pas de suspension de la clause résolutoire
Baux commerciaux : Requalification d’un contrat de location-gérance en bail commercial. Quel délai pour agir ?
Droit de propriété – droit au logement : Équilibre
Voisinage : un cèdre aux branches surplombantes
Vente : Condition suspensive : à exécuter de bonne foi
Urbanisme : Permis de construire. Condition du refus
– 8 – Rencontre –
Robin Rivaton “Lutter contre la rente”
– 9 – Projets –
Projet de loi énergie : vers une exigence de performance minimale des logements vendus
– 11 – Rencontre –
“Une vente sans vendeur ? La chambre des notaires du Grand Paris renouvelle son modèle de promesse unilatérale de vente
– 12 – Étude –
Procos propose de changer d’échelle pour moderniser le commerce