– 2 – Baux commerciaux –
Revue de jurisprudence 2009 : analyse d’une quarantaine d’arrêts
– 8 – Jurisprudence récente –
Baux d’habitation et baux commerciaux
Indivision
Société de construction vente
Droit de préemption urbain
Expropriation
SCI : abus de minorité
Construction
Voie de fait
Construction de maison individuelle
Agent immobilier
Pourparlers de vente / Vente
Défiscalisation
– 16 – Actualité –
Réforme de la GRL
■ JUGÉ ■ > > Un abus de minorité est reconnu pour des associés d’une SCI qui refusaient une mise en location du bien détenu par la SCI (p.11). > > Vente d’un terrain pollué: l’obligation d’informer l’acheteur de l’état de pollution (p.13). > > Prix de vente surévalué: une cause illicite liée à des rachats de participation entre socié- tés justifie la résolution de la vente (p.14). > > Erreur de désignation de lots dans la vente d’une chambre de service: quelles consé- quences? (p.15) ■ DÉCRYPTÉS ■ > > C’est près d’une quarantaine d’arrêts rela- tifs aux baux commerciaux , rendus en 2009 par la Cour de cassation qui se trouvent décryptés dans notre chronique (pages2 et suivantes). Ils sont regroupés par thèmes: > > Les fonds de commerce > > Bail commercial et location-gérance > > Bail commercial et bail emphytéotique > > Convention d’occupation précaire > > La vie du bail > > Le loyer > > Sous-location > > Clause résolutoire > > Congé > > Indemnité d’éviction > > Droit d’option > > Cession ■ PROGRAMMÉE ■ > > La réforme de la Garantie des risques locatifs a été annoncée par Benoist Apparu lors d’une communication en conseil des ministres le 23décembre (lire page16). Une sélection de plus de 50 arrêts N ous vous proposons dans ce numéro une sélection de plus de 50 arrêts, en particulier en matière de baux commer- ciaux. Voici trois arrêts qui méritent tout spécialement votre attention; deux émanent de la Cour de cassation, le troisième de la cour d’appel de Paris. Le premier concerne la notion de perte de la chose louée qui, selon l’article 1722 du code civil, entraîne la résiliation de plein droit du bail. Si la disparition de l’immeuble par incendie répond à l’évidence à cette notion, d’autres hypothèses la rejoignent et produisent les mêmes effets. La Cour de cassation l’a ainsi admis pour le cas où le coût des travaux de réparation nécessaires excè- de la valeur de l’immeuble (voir p.8). O n relèvera aussi une très intéressante décision de la Cour de cassation du 16décembre concernant une SCI. L’arrêt valide une décision de cour d’appel qui avait admis qu’un associé pouvait commettre un abus de minorité en refusant de prendre une déci- sion conforme à l’intérêt social (et contraire à son propre intérêt). Cette solution peut contribuer à régler des cas de blocages notamment quand deux associés de SCI disposent du même nombre de voix. Une telle solution ne pourrait-elle pas être trans- posée, mutatis mutandis, aux assemblées de copropriétaires? Le principe de l’abus de minorité a déjà été admis par la cour d’appel de Paris (23 e ch. A, 8avril 1998, Loyers et copr. déc. 1998, n°310) pour des copropriétaires qui empêchent systématique- ment une prise de décisions. O n lira enfin un arrêt de la cour d’appel de Paris du 19novembre dernier qui annule, au motif d’une cause illicite, une promesse de vente portant sur un immeuble à usage de bureaux dans Paris, concluepour100 millions d’euros, somme ramenée à 90millions d’euros. Les parties avaient entendu, par cette transaction, effectuer des rachats de participations entre sociétés, alors que la valeur estimée par expert était plus proche de 50millions. L’arrêt relève que la fixation d’un prix sans rapport avec la valeur réelle du marché, dans un but étranger à la cession commande d’annuler l’acte (lire page14). L’annulation d’une vente pour cause illicite est assez rare pour être signalée. N ous vous adressons tous nos vœux pour cette nouvelle année 2010.! ■ BD JURIS h h e e b b d d o o La lettre du droit immobilier pour les professionnels w ww.jurishebdo.fr NUMÉRO spécial 28 2 9DECEMBRE 2009 ISSN 1622-1419 10 E ANNEE L’ESSENTIEL . . immobilier - 2 - Baux commerciaux - Revue de jurisprudence 2009: analyse d’une quarantaine d’arrêts - 8 - Jurisprudence récente - Baux d’habitation et baux commerciaux Indivision Société de construction vente Droit de préemption urbain Expropriation SCI: abus de minorité Construction Voie de fait Construction de maison individuelle Agent immobilier Pourparlers de vente / Vente Défiscalisation - 16 - Actualité - Réforme de la GRL S O M M A I R E E D I T O R I A L Nous vous souhaitons une excellente année 2010. P rochain numéro le 12janvier. N u m é r o s p é c i a l : j u r i s p ru d e n ce
Le fonds de commerce La Cour de cassation s’est prononcée cette année sur la validité d’un bail unique alors que l’activité est exercée dans des locaux différents (Civ., 3 e , 7 juillet 2009, n° 08- 17 304 ). En l’espèce, plusieurs dizaines de locaux avaient été louées à une banque. Les parties s’étaient opposées sur le mon- tant du loyer renouvelé et le bailleur avait délivré un seul congé pour l’ensemble des agences. Contestant la validité d’un tel congé, le locataire avait porté la question devant la Cour de cassation. Elle répond en ces termes: « Attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu' un fonds de com- merce pouvait être exploité dans plu- sieurs locaux différents, que l'existence d'une clientèle plus spécia- lement attachée à chaque agence locale ne faisait pas obstacle à la reconnaissance d'un fonds de com- merce général lié au nom commercial de la société BanqueC., que le fait que la clientèle diffère selon les agences n'impliquait pas que celle-ci soit une clientèle propre déterminant autant de fonds de commerce différents , la cour d'appel, qui en a déduit qu'il existait un bail unique portant sur l'ensemble des locaux loués, que ce bail liant les parties ne faisait pas obstacle au droit au renouvelle- ment reconnu par le statut des baux com- merciaux (…) a pu valider le congé délivré à la Banque C.; ». Ainsi, un fonds de commerce peut-il être exploité dans différents lieux, le fait que la clientèle diffère selon ces locaux ne suffi- sant pas à conclure qu’il y a autant de fonds de commerce que de locaux. C’est un fonds de commerce global qui est ici consa- cré, lié au nom commercial de la banque. Bail commercial et location- gérance Les deux notions peuvent donner lieu à de sérieux conflits de qualification. Une déci- sion rendue cette année l’illustre particuliè- rement, dans une affaire où des contrats de location-gérance portaient sur un fonds de commerce de débit de boissons-vente de souvenirs implanté sur un site touris- tique (Com., 7 avril 2009, n° 08-10 996 ). Le requérant sollicitait une requalification en bail commercial. Sa demande est rejetée: « Mais attendu, (…) que le local était implanté dans le périmètre du site à un passage obligé des nombreux tou- ristes visitant la grotte qui est située dans un lieu isolé, éloigné de toute zone d'habitation d'une quelconque importance et constaté que seule la renommée du site apportait une clientèle consé- quente au bar-magasin de souvenirs dont les horaires d'ouverture étaient liés à ceux de la grotte et l'activité interrompue lors de sa fermeture annuelle, l'arrêt retient que la société a créé ce fonds de commer- ce dont la clientèle préexistait à la conclu- sion du contrat de location-gérance; qu'ayant ainsi fait ressortir (…) que M. Y. qui n’avait pas de clientèle propre et indépendante de celle de la grotte, ne démontrait pas être le véritable pro- priétaire du fonds de commerce revendiqué , la cour d'appel a légalement justifié sa décision; ». C’est donc, dans ce type de litige, vers la clientèle que le regard des juges se tourne- ra en priorité: le propriétaire de la clientè- le sera celui du fonds de commerce. Lorsque l’exploitant hérite d’un commerce implanté dans une zone touristique déjà développée, il aura quelques difficultés à faire la preuve qu’il bénéficie d’une clien- tèle propre distincte de celle qui préexistait à l’exploitation. Autre apport de la jurisprudence 2009 en matière de location-gérance, un arrêt du 25novembre (Civ., 3 e , 25 nov. 2009, n° 0821 049 ) par lequel la Cour de cassa- tion est venue préciser qu’une autorisa- tion, accordée par le bailleur lors du renouvellement d’un bail commercial, de donner le fonds en location-gérance ne justifiait pas un déplafonnement du loyer pour modification notable des obligations des parties. C’est une interprétation restric- tive de la notion qui est ici retenue par les juges. Mais notons toutefois qu’en l’espèce, le bailleur avait déjà accordé des autorisations ponctuelles à son locataire au cours du bail précédent: ce quoi il ressor- tait que « modification » il n’y avait pas radicalement: “Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que si le bail initial interdisait au preneur de donner son fonds de commerce en location-gérance, la bailleresse avait déro- gé ponctuellement à cette interdiction et indiqué dans le dernier bail qu’elle autorisait le locataire à donner son fonds de commerce en location-gérance, la cour d’appel en a exactement déduit que cette autorisation donnée lors du renouvel- lement du bail expiré n’avait pas entraîné de modification notable des obligations des parties pendant l’exécution du bail à renouveler ». Bail commercial et bail emphy- téotique Un arrêt du 29avril mérite attention (Civ., 3 e , 29 avril 2009, n° 08-10 944 ). M me Y avait donné à bail à la société C.divers terrains pour une période de 40 ans à compter du 1 e r juillet 1958. Par lettre du 1 e r décembre 1997, la société avait sollicité le renouvelle- ment du bail pour une durée de 20 ans. La bailleresse ayant refusé, la société l'avait assignée pour faire qualifier le bail de bail commercial. Cette demande était rejetée par la cour d’appel, laquelle avait retenu que le bail était emphytéotique, et « que s'il est de principe que le preneur jouisse d'un libre droit de cession de ses droits, la disposition du contrat qui semble limiter ce droit par la nécessité d'un accord du bailleur, aussitôt corrigée par celle selon laquelle cette autorisation n'est pas requi- se dès lors que le cessionnaire est un « suc- cesseur dans l'exploitation commerciale », ne permet aucune limitation effective de ce droit ». La cassation est sèche: « En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le bail comportait une clause limitant la ces- sion , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé (article L.451-1 du code rural) ». L’insertion d’une clause restrictive de ces- sion dans un bail, fut-il qualifié d’emphytéote, implique la qualification de bail commercial. A contrario, il faut rappe- ler que le droit de libre cession est l’essence même de l’emphytéose. L’approche de la cour d’appel, qui s’attachait au caractère limité de l’autorisation requise, n’est pas reçue. 29décembre 2009 2 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X Dossier réalisé par Hélène Lécot Chronique de jurisprudence sur les baux commerciaux en 2009 L’année 2009 a été riche de décisions intéressant le droit des baux commerciaux. Nous vous proposons, sous forme d’une rétrospective thématique, de revenir sur quelques-uns des arrêts rendus en la matière par la Cour de la cassation.
Convention d’occupation précaire La Cour est venue rappeler l’exigence de « circonstances particulières » justifiant la précarité de la convention (Civ., 3 e , 29 avril 2009, n° 08-13 308 ). En l’espèce, un entre- preneur avait été autorisé à s’installer dans des locaux mis à disposition par un syndic de copropriété dans l’attente de la construction d’un garage, subordonnée à l’accord définitif de créanciers hypothé- caires. Dix-sept ans plus tard, le locataire, sommé de partir, avait saisi les tribunaux pour voir reconnaître l’existence d’un bail commercial. La Cour de cassation rejette le pourvoi: « Mais attendu […] que M.Z. avait dans son courrier du 4février 1988 rappelé, que, faute d'accord des créanciers hypothé- caires à la signature d'un bail, il autorisait pour une courte durée de trois mois, l'occupation des locaux à titre précaire moyennant une redevance et relevé que la précarité du droit concédé résultait des termes de l'acte […] et que le caractère provisoire était corroboré par la disposition du protocole passé entre la commune et M.X. selon laquelle les locaux litigieux étaient mis à sa disposition dans l'attente de la construction d'un nouveau garage, la cour d'appel qui a caractérisé l'existence de circonstances particu- lières, indépendantes de la seule volonté des parties, permettant de retenir la qualification de convention d'occupation précaire, l'existence de la bonne ou de la mauvaise foi étant inopérante , a légalement justifié sa déci- sion ». Les circonstances particulières doivent exis- ter au moment de la signature de la convention, être objectives et vérifiables; la bonne ou mauvaise foi des parties étant à ce titre indifférente. En revanche, ne l’est pas la fraude, ainsi qu’en témoigne un arrêt du 1 er avril (Civ., 3 e , 1 er avril 2009, n° 07-21 833 ). Un bailleur avait tenté d’échapper au statut des baux commer- ciaux en signant 6 conventions successives avec le même preneur, ou un prête-nom. Une clause subordonnait toute cession à l'autorisation du bailleur. La Cour de cassa- tion requalifie les contrats successifs en un bail commercial unique, et répute la clause litigieuse non écrite, évitant ainsi que le bailleur ne puisse tirer profit de la requali- fication. « Mais attendu, d'une part, qu'ayant rete- nu que la convention dite d'occupation précaire en date du 6décembre 2001, qui faisait suite à cinq conventions successives pareillement dénommées et conclues soit avec M.Y. soit avec une personne qui s'est dite prête-nom, était frauduleuse com- me conclue pour faire échec à l 'application du statut légal des baux commerciaux , la cour d'appel en a exac- tement déduit que, la fraude corrompant tout, le bailleur n'était pas recevable à invoquer contre l'occupant une clause de la convention frauduleuse régula- trice du droit de cession protégé par l'article L.145-16 du code de commerce ». La vie du bail ■ Obligation d’exploitation à la charge du preneur À défaut de clause expresse, le bailleur ne peut requérir la résiliation du bail pour défaut d’exploitation. C’est le rappel effec- tué par la Cour de cassation dans un arrêt du 10juin (Civ., 3 e , 10 juin 2009, n° 07- 18 618 ): « Vu l'article 1184 du code civil, ensemble l'article L.145-1 du code de commerce; Attendu que, pour accueillir la demande des bailleurs, l'arrêt retient que l'exploitation du fonds de commerce par son propriétaire dans les lieux loués est non seulement une obligation inhérente à l'économie du bail commercial mais aussi une condition de l'application du statut des baux commerciaux inscrite dans l'article L.145-1 du code de commerce, que le défaut d'exploitation depuis fin 2001 dans les lieux loués par la société H.est amplement démontré et constitue un manquement grave justifiant la résilia- tion du bail aux torts exclusifs du preneur lequel n'a pas repris son activité malgré l'assignation valant mise en demeure; Qu'en statuant ainsi alors que l'obligation d'exploiter est une condi- tion d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués , la cour d'appel a violé les textes susvisés ». Le visa est explicite. En effet, aux termes de l’article L.145-1 du code de commerce, le statut s'applique aux baux d'immeubles ou locaux dans lequel un fonds de commerce est exploité. Rien qui n’impose explicite- ment une exploitation effective du fonds. Certes, celle-ci ressort de l'article L.145-8 du même code, mais seulement au titre des trois dernières années. Dès lors, le bailleur ne pouvait se prévaloir ni d’une obligation légale, ni d’une obligation contractuelle, à défaut de clause spéci- fique, pour revendiquer une résiliation sur ce fondement. Cherchant à combler ce vide, la cour d’appel faisait référence à une « obligation inhérente à l'économie du bail commercial »: il y aurait une obliga- tion « implicite » à exploiter. Il n’en est rien, d’un point de vue juridique, pour la Cour de cassation. À charge donc pour les bailleurs d’insérer dans les contrats une clause prévoyant une obligation d’exploiter de façon continue le fonds dans les lieux loués. ■ Obligation de délivrance à la charge du bailleur Un arrêt doit être souligné, dans lequel la Cour de cassation a jugé l’obligation de délivrer un logement décent applicable à la partie habitée de locaux loués sous bail commercial (Civ., 3 e , 14 octobre 2009, n° 08-10 955 et 08-17 750 ). Le bailleur pro- testait pourtant de ce que le bail avait été stipulé strictement commercial, et non mix- te. Argument inopérant selon la Cour: l’obligation de décence figure certes dans la loi Mermaz, applicable aux baux d’habitation, mais elle figure aussi à l’article 1719 du code civil. « Vu l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code; Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particuliè- re , de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ». L’obligation de décence s’appliquera donc en présence de locaux habités, quelle que soit la qualification du bail. ■ Vices cachés et jouissance pai- sible L’interprétation des clauses de renoncia- tion est stricte. Cette jurisprudence n’a pas été démentie en 2009. Une renonciation à la garantie des vices cachés ne se présume pas et doit être stipulée de façon « expresse et non équivoque » (Civ., 3 e , 7 juillet 2009, n° 08-70 086 ). Une autre obligation du bailleur est de réparer la chose louée pour en assurer la jouissance paisible à son preneur. La res- ponsabilité que le bailleur encourt à ce titre peut aller jusqu’à couvrir un arrêt d’exploitation. Telle est la solution retenue par un arrêt du 18mars (Civ., 3 e , 18 mars 2009, n° 08-11 011 ). En l’espèce, d'importantes infiltrations avaient conduit la locataire à interrompre durablement son exploitation. La cour d’appel avait jugé que les infiltrations étaient le fait d'un vice 29décembre 2009 3 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X
de construction et elle avait donné effet à la clause du bail interdisant au preneur d'exercer contre le bailleur un recours pour vices cachés ou apparents, défauts ou mal- f açons. L’arrêt est cassé: « Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen de la société J.qui faisait valoir que la société B.était, en application des articles1719 et1720 du code civil, tenue d'une obligation de délivrance et de répa- ration de la chose louée afin que le pre- neur puisse en jouir paisiblement pendant la durée du bail, et qu' ayant manqué à ces obligations contractuelles en ne rétablissant pas le clos et le couvert des locaux loués , elle était responsable de l'arrêt de l'exploitation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du CPC ». L’intégrité du clos et du couvert doit donc recevoir toute l’attention du bailleur, le recours à des clauses d’exonération de res- ponsabilité ne constituant pas une protec- tion infaillible. ■ Interprétation des clauses déro- gatoires Un important arrêt du 20janvier est venu statuer sur l’efficacité de la clause de style selon laquelle le preneur prend les lieux « en l’état où il se trouve » (Civ., 3 e , 20 jan - vier 2009, n° 07-20 854 ). En l’espèce, invo- quant des défaillances graves de l'installation électrique, la locataire avait assigné sa bailleresse pour la voir condam- ner à réaliser des travaux. La cour d’appel avait rejeté cette demande, jugeant que «si le bailleur se doit de satisfaire à son obligation de délivrance, il peut se dispen- ser de l'obligation de délivrer des locaux en bon état de réparation par une conven- tion, et que tel est bien le sens de la clause du bail stipulant que le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouve- ront au moment de l'entrée en jouissan- ce ». L’arrêt est cassé: « Vu les articles1719 et1720 du code civil; Qu'en statuant ainsi, alors que la clause selon laquelle le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur de son obliga- tion de délivrance , la cour d'appel a vio- lé les textes susvisés; ». Que retenir d’une telle fermeté? La Cour de cassation reconnaît la validité des clauses aménageant les articles1719 et sui- vants du code civil, mais le filtre est rigou- reux: l’obligation de délivrance est élargie, se fixant aux frontières de l’ordre public, tandis que les clauses contractuelles, elles, sont invalidées dès lors qu’elles sont impré- cises… parce que trop générales. Une même problématique se retrouve à propos des clauses de travaux: trop larges, elles sont circonscrites par les juges (à pro- p os des travaux de mise aux normes impo- sés par l'administration: Cour de cassation, Civ., 3 e , 9 décembre 2008, n° 07-19 838 ). À l’inverse, les juges ne pourront écarter une clause claire et non équivoque (Civ., 3 e , 7 janvier 2009, n° 07-19 112 ): « Qu'en statuant ainsi alors que la clause mettait à la charge du locataire les grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la clause, a violé le texte susvisé ». Le loyer ■ Baux de bureaux Un bail commercial précisait que les locaux étaient « à usage exclusif de bureaux pour l'activité de formation, production et diffu- sion de matériel pédagogique de la société ». La bailleresse ayant assigné son locataire en fixation judiciaire du bail, la cour d’appel avait jugé qu’en raison de cet usage exclusif, le déplafonnement était encouru. La locataire soutenait au contrai- re qu’elle avait commencé une activité de formation, conformément à la clause de destination, et sollicitait le bénéfice du pla- fonnement. Voici comment la Cour de cas- sation tranche le litige (Civ., 3 e , 1 er avril 2009, n° 08-13 130 ): « Mais attendu que le caractère à usage exclusif de bureaux des lieux loués doit s'apprécier à la date de renouvel- lement du bail ; qu'ayant constaté que la clause sur la destination des lieux loués n'était pas ambiguë puisqu'elle visait expressément la nature des locaux, soit des bureaux et les activi- tés de la locataire qui étaient de natu- re intellectuelle et administrative , […] la cour d'appel en a exactement déduit que le loyer du bail renouvelé devait être déplafonné; ». Certes, la clause mentionnait un usage « exclusif de bureaux » tout en listant d’autres activités possibles. La Cour exclut pourtant qu’il y ait eu là une ambiguïté: il faut et il suffit que la nature des lieux soit stipulée au principal. Si d’autres activités sont autorisées, elles devront, pour avoir un effet sur la question du plafonnement, avoir été commencées avant le renouvelle- ment. ■ Fixation Citons tout d’abord une décision qui a jugé notable une diminution de surface (Civ., 3 e , 21 janvier 2009, n° 07-20 839 ): « Attendu qu'ayant souverainement rete- nu que la société D.apportait la preuve q ue la restitution des locaux d'une superficie de 326,75 mètres carrés sur un total de 1597,75 mètres carrés était notable , la cour d'appel, qui en a déduit que les conditions de la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative étaient réunies, a légalement justifié sa décision; À l’inverse, un arrêt du 9juin a refusé de donner effet à la création de nouveaux commerces à proximité du local, faute pour le bailleur de démontrer que la modi- fication a eu une « incidence favorable » sur le commerce (Civ., 3 e 9 juin 2009, n° 08- 14 633 ). Le bailleur ne pourra pas non plus se pré- valoir de travaux réalisés dans le seul but d’adapter les locaux à leur destination contractuelle: des travaux nécessaires ne sauraient constituer des améliorations (Civ., 3 e , 20 janvier 2009, n° 07-20 780 ). Citons enfin, sur ce sujet, un arrêt dans lequel la Cour de cassation se prononce sur la date de prise d’effet du loyer renouvelé, et vient y préciser que l'article L.145-11 du code de commerce, selon lesquelles «le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement», ne vise que la modification du prix du bail sollicitée par le bailleur mais est inappli- cable à une action en fixation du prix entreprise par le preneur (Civ., 3 e , 7 janvier 2009, n° 07-19 464 ). « Qu'en statuant ainsi, alors que les dispo- sitions de l'article L.145-11 du code de commerce ne visant que la modification du prix du bail sollicitée par le bailleur, la cour d'appel, qui a constaté que l'action en fixation du prix du bail renouvelé avait été engagée par les preneurs et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé; ». Le bail renouvelé prendra effet à la date du renouvellement et non à celle de la demande. Sous-location En la matière, un principe simple mais strict a été rappelé en 2009 par la Cour de cassation dans un arrêt du 9juin (Civ., 3 e , 9 juin 2009, n° 08-13 300 ): un locataire ne peut se prévaloir d’une autorisation de sous-louer que s’il peut démontrer qu’elle a date certaine. En l’espèce, une cour d'appel avait fait droit à la demande de nullité du congé des locataires au motif que « si la sous-location n'avait pas été 29décembre 2009 4 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X
mentionnée, ni dans le bail, ni dans l'acte de vente, les locataires avaient été expres- sément autorisés à sous-louer par une lettre des vendeurs datée de 1990 ». L’arrêt e st censuré: « Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des époux X.faisant valoir que cette autorisation n'avait pas date cer- taine et qu'elle ne pouvait valable- ment leur être opposée , la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences l'article 455 du code de procédure civile; ». Morale: le locataire aura intérêt à faire enregistrer un avenant autorisant la sous-location. Corollaire de cette jurisprudence, la connaissance par le propriétaire du renou- vellement du sous-bail, même établie, ne suffit pas à démontrer qu’il a donné son accord (Civ., 3 e , 28 octobre 2009, n° 08- 18 736 ). Il n’existe pas de droit direct au renouvellement au profit du sous-locatai- re, contrairement à ce qu’avaient retenu les juges d’appel: « Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'acte de renouvellement du bail avait été notifié à la propriétaire conformément aux stipulations du bail principal, ou relever un acte clair et non équivoque établis- sant que cette dernière avait tacite- ment agréé le renouvellement du bail de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Notons enfin que la résiliation du bail aux torts du bailleur, si elle prive le locataire principal des revenus de la sous-location, n’ouvre pas droit à celui-ci d’être indemni- sé de cette perte. C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu en juillet (Civ., 3 e , 8 juillet 2009, n° 08-10 869 ): « Attendu qu'ayant constaté que les locaux loués avaient été pour partie régu- lièrement donnés par la société A.en sous- location à la sociétéM., l'arrêt retient que la résiliation du bail aux torts du bailleur prive la locataire principale des revenus de la sous-location et qu'il convient de réparer cette perte par l'octroi à la société A.d'une somme représentant la valeur du droit au bail de la sous-locataire; Qu'en statuant ainsi, alors que la société A. ne percevait les loyers de la sous- locataire qu'à raison du bail principal, la résiliation de celui-ci entraînant l'extinction du droit de les percevoir (…) ». Clause résolutoire Un cas particulier a été l’objet d’une déci- sion rendue cette année par la Cour de cassation, celle d’une clause résolutoire pour cas d’incendie, prévoyant la résilia- tion de plein droit du bail en cas de des- truction, même partielle, des locaux, par dérogation à l’article 1722 du code civil ( Civ., 3 e , 14 o ctobre 2009, n° 0 8-14 9 26 ) . Le bailleur avait obtenu en appel la résiliation bail, bien qu’il n’eût pas fait délivrer de commandement conformément à l’article L.145-41 du code de commerce. Le locatai- re a formé pourvoi… qui est rejeté: « Mais attendu que la cour d'appel a rete- nu, à bon droit, que les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce concernent exclusivement la résiliation du bail pour manquement à une obligation contractuelle et qu'aucune violation des dispositions du bail n'étant reprochée à la société S., il n'y avait pas lieu à déli- vrance d'un commandement ; Un commandement eut été inutile, la rési- liation étant encourue pour cas fortuit. Les preneurs prendront garde, en présence de telles clauses, à s’assurer contre le risque. Lorsque les conditions de l’acquisition de la clause sont remplies, les juges ne peuvent refuser d’en constater les effets: à défaut, ils encourent la cassation pour dénatura- tion (Civ., 3 e , 29 septembre 2009, n° 08- 14 609 ; 15 septembre 2009, n° 06-11 198 ). Rappelons que les juges peuvent accorder des délais de paiement, et suspendre pour cela l’effet de la clause. L’octroi de tels sur- sis étant devenu la règle, on ne s’étonnera pas d’en retrouver l’illustration dans la jurisprudence de 2009 (Civ., 3 e , 4 mars 2009, n° 08-14 557 ): « Mais attendu qu'ayant constaté qu'à la date du commandement, le locataire res- tait devoir une certaine somme au bailleur (…) la cour d'appel a pu, sans contradic- tion, constater que la clause résolutoire qui était acquise devait voir ses effets suspendus pendant le délai accordé pour apurer sa dette ». Si la dette est éteinte à temps, la clause sera réputée n’avoir jamais joué. Mais la mise en jeu de la clause résolutoire peut aussi intéresser les créanciers (Civ., 3 e , 27 mai 2009, n° 08-12 726 ). L'article 143-2, alinéa2 du code de commerce impose au bailleur qui poursuit la résiliation du bail de notifier sa demande aux créanciers ins- crits. En l’espèce, le créancier n’avait pas choisi la tierce opposition, mais il avait sou- haité relever appel de l'ordonnance du juge de référé constatant l'acquisition de la clause: « Mais attendu que la faculté d'appel n'étant ouverte au créancier inscrit que si celui-ci offre d'exécuter les causes du commandement dans le délai d'un mois de la notification de la demande en résiliation du bail , la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel formé était irrecevable ». Congé Un autre champ de contentieux récurrent en matière de bail commercial concerne le congé, ses délais et ses modalités. A la question du « comment » donner congé, un arrêt est venu rappeler une première règle simple: le congé doit être délivré… au bon destinataire (Civ., 3 e , 28 octobre 2009, n° 08-15 506 ). L’affaire était rare, autant que ses circonstances: bailleur et preneur avaient leur siège social à la même adresse. Le congé, délivré par le preneur, avait été réceptionné par un de ses salariés. Erreur grossière, et conséquen- ce radicale: «la cour d'appel en a déduit à bon droit que le congé était dépourvu d'effet dès lors que la locataire s'était, par l'intermédiaire de son préposé, substituée au destinataire du congé ». Certes, l’article 654 du CPC n’exige pas, pour la significa- tion faite à une personne morale, que l'huissier vérifie la qualité déclarée du des- tinataire. Mais l’admission du pourvoi aurait ouvert la porte à des possibilités de fraude généralisée. Un arrêt de juin aborde plus particulière- ment la question du délai de notification du congé (Civ., 3 e , 23 juin 2009, n° 08- 18 507 ). On sait que l'article 45 de la loi LME du 4août 2008 a modifié les articles L.145-9 et L.145-12 du code de commerce, en substituant à la notion de «terme d'usage» celle de «dernier jour du tri- mestre civil». La doctrine s’est divisée sur le champ d’application de ce nouveau délai, certains prônant une application uni- forme du dernier jour du trimestre civil, d’autres soutenant le respect des prévisions contractuelles, et des incertitudes étaient nées du fait du caractère cumulatif du délai de six mois et du dernier jour du tri- mestre civil. Une réponse ministérielle n°43709 du 5mai 2009 (JOAN Q p.4236) est venue préciser que « le délai de six mois doit, au minimum, toujours être res- pecté. À ce délai minimum de six mois s'ajoute le délai nécessaire pour atteindre la fin du semestre». C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt du 23juin. En l'espèce, la cour d'appel avait retenu, pour un bail commercial conclu au Croisic à effet du 4août 1995, que la date d'usage pour le Croisic étant le 24juin, le congé aurait dû être délivré pour le 24juin 2004. « En statuant ainsi alors que le bail dont la 29décembre 2009 5 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X
durée ne pouvait être inférieure à neuf ans, expirait le 3août 2004 et que le ter- me d'usage ne pouvait être retenu qu'en cas de reconduction tacite du b ail , la cour d'appel a violé les articles L.145-4 et L.145-9 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause ». Rendue en application de l’ancien article L 145-9, la solution serait transposable, selon certains auteurs, au nouvel article. Notons que l’arrêt n’a pas fait l’objet d’une publi- cation au bulletin… La Cour de cassation s’est également pen- chée sur une demande de renouvellement formée par le locataire « aux clauses et conditions du bail antérieur ». Quelle por- tée donner à cette formule? Voici la réponse de la Cour (Civ., 3 e , 24 juin 2009, n° 0813.970 ): « Attendu que la cour d'appel a retenu (…) que si la mention "aux mêmes clauses et conditions du bail antérieur" portée sur la demande de renouvellement du bail formée par la locataire pouvait traduire la volonté de celle-ci de renouveler le bail, cette formule d'usage, qui ne faisait aucu- ne référence expresse au loyer élé- ment essentiel du contrat de bail, ne pouvait suffire à caractériser un enga- gement précis, complet et ferme de la locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler , d'autant que le loyer initial avait été modifié par deux avenants et qu'il avait été augmenté chaque année par le jeu d'une clause d'indexation ». La formule « aux clauses et conditions du bail antérieur » n’exclut donc pas une dis- cussion du loyer, particulièrement lorsque comme l’espèce, il reste incertain en raison des modifications dont il a fait l’objet au cours du bail antérieur. Cette même déci- sion abordait la question de la formation du bail renouvelé: alors qu’il venait d’envoyer une offre de renouvellement avec loyer augmenté, le bailleur, recevant la demande du locataire, s’était ravisé et avait modifié son offre. Le bail s’était-il trouvé ainsi conclu? La Cour de cassation juge que « tant que n'était pas intervenue une fixation conventionnelle ou judiciaire du loyer, le preneur pouvait ne pas accep- ter le renouvellement du bail, peu impor- tant que la société bailleresse se soit ravi- sée entre temps sur son offre originaire de montant de loyer dans la mesure où cette nouvelle position ne correspondait pas à la volonté de deux parties ». Dernier point en matière de congé, le maintien éventuel du locataire dans les lieux. Il est abordé par un arrêt du 27octobre (Civ., 3 e , 27 octobre 2009, n° 08- 17 246 ). Dans cette affaire, les bailleurs avaient consenti un bail dérogatoire à l’échéance duquel ils avaient demandé aux p reneurs de quitter les lieux. Ce que ceux- ci n’avaient pas fait, continuant de régler des « loyers ». Les bailleurs avaient suivi les recommandations avisées de leur conseil: ils avaient accepté les sommes, mais envoyé des quittances pour « indemnités d’occupation ». Une précaution décisive: « Attendu (…) que la mention " loyer " accompagnant le règlement effectué le 19janvier 2006, si elle démontrait la volonté des preneurs de se mainte- nir dans les lieux n'établissait aucune- ment l'acceptation des bailleurs à qui cette situation de fait avait été impo- sée d'autant que, dès le 10février 2006, leur conseil avait fait connaître à la société S.que les sommes par elle réglées ne pou- vaient être acceptées qu'au titre des arrié- rés de loyer ou d'indemnités d'occupation dues à compter du 20janvier 2006 jusqu'à libération effective des lieux et que les quittances comportaient la mention " loyer " jusqu'au 19janvier 2006 et " indemnité d'occupation " postérieure- ment à cette date , la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa déci- sion de ce chef ». Citons enfin un arrêt venu rappeler qu’une mise en demeure imprécise laisse subsister le congé (Civ., 3 e , 28 octobre 2009, n° 07- 18 520, 08-16 135 ). En l’espèce, le bailleur avait fait délivrer un congé sans offre de renouvellement ni paiement d'une indem- nité d'éviction pour motifs graves et légi- times. Mais la mise en demeure ne permet- tait pas au preneur de savoir ce qui lui était reproché. La cour d’appel en avait conclu à son inefficacité et au renouvelle- ment du bail. La décision est cassée: « Vu l'article L.145-17 du code de commer- ce, ensemble l'article L.145 14, alinéa1, du même code; Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence ou l'insuffisance de motivation d'un congé avec refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sans offre d'indemnité d'éviction laisse sub- sister le congé et le droit pour le preneur de prétendre au paiement d'une indemni- té d'éviction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». En somme, un congé pour motif grave insuffisamment motivé produira les mêmes effets qu'un congé avec offre d'indemnité d'éviction. En revanche, une mise en demeure sera inutile pour un congé comportant dénéga- tion du droit au statut et au renouvelle- ment du bail, les locaux loués n'ayant pas été exploités conformément à leur destina- t ion pendant les trois années précédant l’expiration du bail (Civ., 3 e , 17 mars 2009, n° 08-15 692 ). Indemnité d’éviction Au montant principal peuvent d’ajouter des éléments accessoires, au premier rang desquels des frais de déménagement et de réinstallation. Ceux-ci sont source de contentieux, comme en témoigne un arrêt du 4février (Civ., 3 e , 4 février 2009, n° 07- 19 567 ). En l’espèce, le bailleur soutenait que les locaux étant loués à usage unique de bureaux, cela excluait des frais de réaménagement spécifique. L’argument est rejeté: « Mais attendu (…) que le bailleur était tenu de prendre en charge les frais de réinstallation supportés par la locatai- re pour mettre en place dans son nou- veau fonds des aménagements sem- blables à ceux perdus , la cour d'appel qui a souverainement apprécié l'existence de ces frais de réinstallation, a fixé le mon- tant de l'indemnité d'éviction due par la bailleresse ». Les juges du fonds disposent ainsi d’un pouvoir souverain d’appréciation pour la fixation de l’indemnité d’éviction (Civ., 3 e , 7 juillet 2009, n° 08-15 764 ). Droit d’option Les frais mis à la charge du bailleur qui exerce son droit d'option sont uniquement ceux exposés avant l'exercice de ce droit. Cette solution ressort d’une décision ren- due en septembre (Civ., 3 e , 16 septembre 2009, n° 08-15 741 ): « Mais attendu que les frais qui sont mis à la charge du bailleur qui, exer- çant son droit d'option, refuse le renouvellement du bail, sont exclusi- vement les frais exposés avant l'exercice de ce droit , et non ceux d'une nouvelle procédure engagée postérieure- ment pour fixer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation; que la déter- mination du débiteur des frais de l'expertise ordonnée pour fixer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation, relève, après l'exercice du droit d'option, du pouvoir discré- tionnaire du juge ». 29décembre 2009 6 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X
29décembre 2009 7 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • NOM : PRÉNOM : FONCTION : SOCIÉTÉ : ADRESSE : TÉL : FAX : MÉL : N ° TVA INTRACOM .: SIGNATURE : O F F R E E X C E P T I O N N E L LE R é s e r vé e a u x n o u v e a u x a b o n n é s 20% de réduction sur l’abonnement JURIS h h e e b b d d o o immobilier B ULLETIND ’ ABONNEMENT « PRIVILÈGE » ❑ OUI , je souhaite bénéficier de l’ offre de souscription à JURIShebdo qui m’est réservée soit un an d’abonnement (41 numéros de la lettre + 5 numéros spéciaux consacrés au droit immobilier) au prix de 599 € TTC dont 2,1% de TVA au lieu de 769 € TTC, soit 20% de réduction. 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Ainsi, à condition que l’utilisation du nom ait été expressément autorisée, celui-ci devient-il cessible. ■ Clause de garantie En matière de garantie contractuelle, mieux vaut être explicite: tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 28octobre dernier (Civ., 3 e , 28 octobre. 2009, n° 08-16 826 ). Une société avait cédé son fonds de commerce. La bailleresse avait notifié à la société cédante et à la cessionnaire un commandement de payer des loyers et des charges, puis les avait assi- gnées pour paiement solidaire de l'arriéré de loyers et indemnité d'occupation. Demande accueillie par la cour d’appel… et censurée par la Cour de cassation: « Vu l'article 1134 du code civil; Qu'en statuant ainsi, sans constater que la société B.avait contracté l'obligation de garantir le paiement d'indemnités d'occupation dues par la cessionnaire du fonds de commerce a près la résiliation du bail , la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef». Autrement dit, en l’absence de clause expresse, la garantie donnée par le cédant d'un bail commercial pour le paiement des loyers du bail ne peut être étendue aux indemnités d'occupation dues en raison du cessionnaire qui se maintient dans les lieux après la résiliation du bail. ■ Agrément du bailleur Le bailleur qui émet des conditions inte- nables à la cession engage sa responsabili- té contractuelle (Civ., 3 e , 10 juin 2009, n° 08-14 099 ): « Attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que le bailleur avait refusé de donner son accord à la cession si une som- me de 14000euros ne lui était pas versée pour une remise en état des lieux liée à la présence d'une climatisation alors que cet- te climatisation avait été installée avec son accord exprès, la cour d'appel, a pu dédui- re de ces seules constatations que le cédant n'était en rien responsable de la non-réalisation de la condition sus- pensive liée uniquement aux exi- gences du bailleur ». Le bailleur doit par ailleurs prendre garde à ne pas donner un agrément tacite à la cession. Par un arrêt du 25novembre, la Cour de cassation précise que ne constitue cependant pas un agrément tacite le fait d’adresser des courriers ou quittances à l’attention de l’ancien locataire (Civ., 3 e , 9 j uin 2009, n° 0 8-13 3 89 ) : « Attendu, qu' une acceptation tacite et non équivoque de la cession ne pou- vait être déduite de la perception des loyers payés par le cessionnaire ni des courriers adressés par la bailleresse à la locataire entre2000 et2002 dès lors que ces courriers, commençant par " Monsieur " étaient envoyés non à la sociétéJ., mais à " J.Fleurs ", qui apparaissait être une enseigne (…) ». ■ Annulation de la cession Un bailleur avait été condamné pour dol, faute d’avoir informé le cessionnaire de la non-conformité des lieux. Il revendiquait néanmoins une indemnisation pour l’occupation des lieux. Les juges du fond avaient rejeté cette prétention, sur le fon- dement de l'annulation rétroactive du bail. Il est vrai que le comportement du bailleur incitait peu à la clémence. Néanmoins, la Cour de cassation censure l’arrêt, fondé sur un raisonnement inexact (Civ., 3 e , 24 juin 2009, n° 08-12 251 ): « Vu l'article 1304 du code civil; Attendu que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; Attendu que pour rejeter la demande de la société X.du paiement par la société M.des loyers ou, à titre subsidiaire, d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient que, le bail étant annulé pour défaut de cause en conséquence de l'annulation, par un arrêt antérieur, de l'acte de cession du fonds de commerce, la société X.ne peut prétendre, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation du bail, à l'indemnisation de la jouissance des lieux par la société M.; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société M.avait béné- ficié de la jouissance des locaux , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les consé- quences légales de ses propres constata- tions, a violé le texte susvisé; ». Certes, l’annulation est rétroactive, mais elle emporte aussi l’obligation de remettre les parties en l’état. ● H.L
29décembre 2009 8 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X D D ’ ’ H H A A B B I I T T A A T T I I O O N N - - B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X Bail d’habitation ■ Un bail d’habitation devenu p artiellement affecté à l’usage de salon de coiffure, reste à usage d‘habitation (Cass. Civ. 3 e , 9 déc. 2009, n°1456, FS-P+B, pourvoi n°08-18038 rejet) Une location avait été conclue à usage d’habitation pour une maison en 1991. En cours de bail, le locataire avait demandé une autorisation pour affecter une pièce à usage de salon de coiffure. Cette autorisation lui avait été accordée par le préfet de la Sarthe. En 2006, les bailleurs avaient délivré un congé pour vente. Le locataire avait alors réclamé le bénéfice du statut des baux commer- ciaux, qui lui est refusé, tant en appel qu’en cassation: “Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'ayant pas déduit de la réserve de M me P. [bailleur] dans son autorisation destinée à l'administration une renoncia- tion par M. M. au statut des baux com- merciaux, le moyen manque en fait; Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le bail liant les parties stipulait un usage d’habitation, que l'autorisation accordée par M me P. d'affecter une des pièces de la maison louée à l'exercice d'une activité de coiffure n’avait été donnée que pour requérir l'autorisation administrative nécessaire et sous la réserve exprimée que cet accord ne modifiât pas la nature de la location qui demeurait exclusive- ment à usage d'habitation, et retenu à bon droit que l’autorisation accordée en vertu l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, qui pré- sente un caractère personnel et qui est limitée dans sa durée, ne pouvait modi- fier l’affectation principale et originelle du bâtiment, la cour d’appel en a exacte- ment déduit que l’autorisation donnée par la bailleresse d’exercer une activité professionnelle dans le logement n’avait fait que régulariser une situation admi- nistrative sans modifier les rapports contractuels entre le bailleur et le pre- neur; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé; Par ces motifs; rejette”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Cette décision conforte la volonté contractuelle: dans la mesure où les parties étaient convenues d’une loca- tion à usage d’habitation, l’affectation d’une pièce à usage commercial en cours de bail ne remettait pas en cause l’affectation contractuelle des locaux. Par ailleurs, la solution est en phase avec l ’article L 631-7 du CCH qui vise à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le locataire dans sa résidence princi- pale, mais sans qu’il en résulte la trans- formation du contrat en bail commercial. L’article L 631-7-2 prévoit explicitement que “Le bail d'habitation de cette rési- dence principale n'est pas soumis aux dis- positions du chapitreV du titreIV du livreIer du code de commerce et ne peut être un élément constitutif du fonds de commerce”. La solution conforte donc la position du bailleur, car elle est la garantie que la souplesse qu’il accore n’a pas pour effet de transformer le bail en bail commer- cial. Cela évitera aussi que des bailleurs refusent leur autorisation, de crainte de voir le contrat requalifié en bail commer- cial. En ce sens, c’est l’intérêt des pre- neurs qui souhaitent obtenir une telle autorisation. Baux commerciaux ■ Résiliation du bail par destruc- tion de la chose: destruction totale, ou assimilée (Cass. Civ. 3 e , 9 déc. 2009, n°1455 FS-P+B, cassation partielle, pourvoi n°08- 17483) Lorsque la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit (art. 1722 du code civil). Mais la Cour de cassation admet que cet- te règle s’applique également lorsque la chose louée est devenue impropre à sa destination (Civ. 3 e , 20 janv. 1981). Dans l’arrêt rapporté, la Cour invite à compa- rer la valeur du bien et le coût de sa remise en état. Il s’agissait d’une maison louée par bail commercial et qui présen- tait d’importants désordres: “Vu l’article 1722 du code civil; Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint- Denis, 11avril 2008), que M me G., locatai- re de locaux à usage commercial et d’habitation propriété de M me P., a assi- gné cette dernière aux fins d’obtenir sa condamnation à réaliser des travaux de remise en état et à lui payer des dom- mages-intérêts pour trouble de jouissan- ce; que M me P. a assigné M me G. en résilia- tion de bail pour perte totale de la chose louée; que les instances ont été jointes et que M. P. est intervenu volontairement en qualité de donataire de l’immeuble donné à bail; Attendu que pour rejeter la demande en résiliation de bail présentée par les consorts P., la cour d’appel retient, par m otifs propres et adoptés, que s’il résulte des débats et des éléments produits que la maison occupée par M me G. présente des désordres quant à l’étanchéité de la toiture, l’état de la plomberie, l’installation électrique et la présen- ce de parasites du bois , il n’en ressort pas une destruction totale de la maison toujours utilisée au jour des débats par M me G. tant pour son activité de restaura- tion que pour son habitation et que les bailleurs ne peuvent réclamer la résilia- tion du bail en cas de perte partielle du local loué, seul le locataire disposant de cette possibilité selon l’article 1722 du code civil; Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le coût des travaux de remise en état de l’immeuble loué n’excédait pas sa valeur, emportant ainsi destruction totale de la chose louée , la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; Par ces motifs; casse”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : L’article 1722 du code civil prévoit donc la résiliation du bail en cas de destruction totale de la chose. En l’espèce, les désordres étaient importants puisqu’ils portaient sur la toiture, l’installation électrique, la plomberie et la présence de termites. S’il n’y avait pas, au sens strict, destruction totale, la Cour de cassation invite à faire l’analyse de la situation pour comparer le coût de remi- se en état et la valeur de l’immeuble. Si le coût des travaux dépasse la valeur de l’immeuble, il y a donc lieu de considérer que cela équivaut à la destruction totale. La résiliation du bail est donc de droit. La Cour de cassation avait rendu une décision analogue en 1991 (Civ. 3 e , 12juin 1991, n°90-12140). Un bailleur avait été condamné à mettre les locaux loués en conformité avec les règlements d'hygiène et de sécurité. La cour d'appel avait refu- sé de considérer qu'il pouvait invoquer la résiliation du bail pour perte de la chose louée, mais sa décision avait été cassée. La Cour de cassation avait estimé que la cour d'appel aurait dû «rechercher si le coût de ces travaux, prescrits par l'Administration en application d'une réglementation postérieure à la conclu- sion du bail, n'excédait pas la valeur de la chose louée ». J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
L’arrêt de 2009 confirme donc cette ana- lyse. ■ L’usufruitier a le pouvoir de d onner, seul, congé au preneur (Cass. Civ. 3 e , 9 déc. 2009, n°1499, FS-P+B, cassation partielle, n°08-20512) La propriété d’un immeuble loué par bail commercial était répartie entre un usu- fruitier et deux nus-propriétaires. Dans un contentieux lié au renouvellement de bail, le locataire avait adressé sa deman- de de renouvellement à l’usufruitier, tant en son nom qu’au nom des nus-proprié- taires (dont l’une était alors mineure). Une nue-propriétaire avait ultérieure- ment contesté la validité de la demande, en ce qu’elle ne lui avait pas été adres- sée. L’argument avait été admis par la cour d’appel, mais sa décision est censu- rée: “Vu l’article 595, alinéa 4, du code civil, ensemble l’article L.145-10 du code de commerce; Attendu que pour dire nul et de nul effet, l’acte de refus de renouvellement du bail notifié avec offre d’une indemni- té d’éviction par M me B., usufruitière, l’arrêt retient que cet acte est subséquent à la demande de renouvellement, elle- même nulle et de nul effet; Qu’en statuant ainsi, alors que l’usufruitier d’un immeuble à usage commercial donné à bail a le pouvoir de délivrer seul un congé au preneur et que le refus de renouvellement a les mêmes effets qu’un congé , la cour d’appel a violé les textes susvisés; Par ces motifs […] casse”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Selon l’article L 145-10, la demande de renouvellement doit être adressée au bailleur par acte extrajudi- ciaire. Lorsqu’il y a plusieurs proprié- taires, la demande de renouvellement, adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipula- tions ou notifications contraires, à l’égard de tous. Quant à l’article 595 alinéa4 du code civil, il prévoit que “l’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, don- ner à bail un fonds rural, ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d’accord du nu- propriétaire, l’usufruitier peut être auto- risé par justice à passer seul cet acte”. L’arrêt statue donc sur le pouvoir de l’usufruitier. Il peut seul donner congé ou adresser un refus de renouvellement puisque ce refus a les mêmes effets qu’un congé. Quant à la demande de renouvellement, on peut penser qu’elle était également valable puisque le preneur, en applica- t ion de l’article L 145-10, peut ne l’adresser qu’à un seul des propriétaires, sauf clause contraire. Le bail ne compor- tait pas de telle clause, comme l’indique l’arrêt d’appel. Enfin, à supposer la demande nulle, l’usufruitier pouvait néanmoins refuser le renouvellement, puisqu’il peut donner congé. À À r r e e t t e e n n i i r r : : l’usufruitier peut, seul, donner congé au preneur. ■ Cession de bail: les limites de l’effet de la mauvaise foi (Cass. Civ. 3 e , 9 déc. 2009, n°1438, FS-P+B, cassation, n°04-19923) Un bail commercial avait été conclu en août1999 sur des locaux à usage de res- taurant, bar et brasserie. Mais dès le mois de septembre de la même année, la société locataire était mise en liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateur avait autorisé la cession du fonds à une autre société. Le bailleur (une SCI) avait alors assigné le mandataire liquidateur et la société cessionnaire pour se voir décla- ré inopposable la cession et obtenir la résiliation du bail. La cour d’appel avait refusé la demande du bailleur au motif qu’il était de mau- vaise foi. La cour d’appel avait commencé par relever qu’aucun fonds de commerce n’avait encore été créé, le fonds étant précédemment un fonds d’antiquaire et que le bail n’autorisait la cession qu’à l’acquéreur du fonds, mais elle avait ensuite relevé que le gérant de la SCI connaissait la situation car il était en même temps gérant de fait de la société locataire et qu’il avait acquis les locaux pour installer des cuisines pour le restau- rant voisin dont il était exploitant. La décision est cassée au visa des articles1134 al. 1 et 3 du code civil, ensemble l’article L 145-1 du code de commerce. “Attendu […] qu'en statuant ainsi, alors que si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanc- tionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ni à s'affranchir des dispositions impéra- tives du statut des baux commer- ciaux , la cour d'appel qui a constaté qu'aucun fonds de commerce n'avait été c réé ou exploité dans les locaux, pris à bail par la société La Belle Époque et qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés; Observations: le bailleur ne peut interdi- re la cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce en vertu de l’article L.145-16. Mais le bail peut limiter l’autorisation au seul acquéreur fonds. Dans le cas où il n’y a pas de fonds de commerce, l’article L 145-16 ne s’applique pas (ex. Cass. Civ. 3 e , 21 nov. 1990). Une clause qui interdit la cession retrouve alors son effet. En l’espèce, il n’y avait plus de fonds: d’une part l’antiquaire avait cessé son activité et d’autre part le nouveau fonds n’était pas créé puisque le locataire n’avait utilisé les locaux que comme cuisine pour le restaurant de l’immeuble voisin (en perçant, sans auto- risation, le mur mitoyen). Le bailleur pouvait donc valablement s’opposer à la cession du bail et sa mau- vaise foi ne pouvait suffire à faire obs- tacle à la règle: la Cour de cassation considère que ce serait porter atteinte à la substance des droits des parties et au caractère d’ordre public du statut. À À r r e e t t e e n n i i r r : : la règle qui permet au bailleur de s’opposer à la cession du bail à une personne autre que l’acquéreur du fonds se rattache à l’ordre public du statut des baux commerciaux. Le bailleur, même de mauvaise foi, peut s’en prévaloir. Indivision ■ Le juge des référés ne peut désigner un administrateur provi- soire de l’indivision (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1508, FS-P+B, cassation, n°08-21200) Une personne, nue-propriétaire indivise avait été assignée en paiement de charges de copropriété . Elle avait saisi le juge des référés pour obtenir la nomination d’un administrateur pro- visoire de l’indivision. La décision qui avait rejeté la demande est cassée: Vu l’article 815-6 du code civil, ensemble l’article 620, alinéa 2, du code de procé- dure civile; 29décembre 2009 9 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • B B A A U U X X C C O O M M M M E E R R C C I I A A U U X X - - I I N N D D I I V V I I S S I I O O N N J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
Attendu que le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autori- ser toute mesure urgente que requiert l’intérêt commun; A ttendu pour rejeter la demande de M me M., l’arrêt retient que selon l’article 815-6 du code civil, le président du tribu- nal peut prescrire ou autoriser toutes mesures urgentes que requiert l’intérêt commun; que ce texte prévoit à titre principal la désignation de l’un des indivi- saires comme gérant de l’indivision, de sorte que le recours à un tiers doit rester exceptionnel; Qu’en statuant ainsi, sur le fondement de l’article 815-6 du code civil alors que la juridiction des référés ne peut faire application de ce texte , la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : L’article 620 alinéa2 du code de procédure civile permet à la Cour de cassation de censurer une déci- sion en relevant d’office un motif de pur droit. La décision est donc censurée sur le fondement du pouvoir du juge des réfé- rés. L’article 815-6 du code civil prévoit bien que le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autori- ser toute mesure urgente que requiert l’intérêt commun [de l’indivision]. Mais ce pouvoir n’est donc pas accordé au juge des référés. Il fallait donc pour cela saisir le juge du fond. Société de construction vente ■ A quelle date apprécier la res- ponsabilité des associés? (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1503, FS-P+B, cassation, n°08-19067) Une société (Pertuy Construction) repro- chait à une SCI de construction vente une rupture abusive de pourparlers et un jugement avait reconnu la responsabilité délictuelle de la SCI (pour 38112 € ). La société avait alors assigné un associé (GDP Vendôme) de la SCI de construction vente en paiement de la dette sociale. Mais l’associé initialement porteur de 950 des 1000 parts, avait cédé 949 d’entre elles à son co-associé. Se posait la ques- tion du montant dont était redevable le cédant: “ Vu l’article 1382 du code civil, ensemble l’article L.211-2 du code de la construc- tion et de l’habitation; […] Attendu que pour limiter à 38,11euros la condamnation de la société GDP Vendô- me envers la société Pertuy construction, l’arrêt retient que le tribunal a relevé la faute délictuelle de la SCI ayant consisté à avoir rompu abusivement des pourpar- l ers et qu’il s’ensuit que la créance de la société Pertuy construction est née du jugement du 25octobre 2001 qui l’a fixée et que la société GDP Vendôme n’avait plus alors qu’une part de la SCI; Qu’en statuant ainsi, alors que le cédant de parts sociales d’une société de construction-vente est tenu, en propor- tion de ses droits sociaux, des dettes nées à une époque où il était encore associé et que la créance de réparation naît dès la réalisation du dommage, la cour d’appel a violé les textes susvisés”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : le critère de répartition de la responsabilité entre associés de la société de construction-vente est celui de l’importance de leurs droits sociaux (art. L 212-2 du code de la construction et de l’habitation). Mais quand apprécier cette quote-part? La cour d’appel avait retenu la date du jugement de condamnation aux dom- mages-intérêts. Elle est censurée par la Cour de cassation qui considère au contraire que la créance naît lors de la réalisation du dommage. Le dommage était né lors de la rupture des négociations contractuelles (en 1998) à une date ou les parts n’étaient pas encore vendues. L’associé cédant en était donc responsable à concurrence de la part restante et des parts vendues. Il ne fallait donc pas tenir compte de la date du jugement dont l’objet était de fixer le montant de l’indemnité relative à un dommage antérieur. À À r r e e t t e e n n i i r r : : C’est à la date de la réalisation du dommage qu’il faut apprécier la répartition des responsabilités entre asso- ciés. Droit de préemption urbain ■ Les conditions d’exercice du droit de rétrocession (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1507, FS-P+B, cassation, n°08-19023) Un propriétaire dont le bien avait été préempté par la commune avait assigné la commune en vue d’obtenir sa rétroces- sion, ayant constaté que la commune ne l’avait ni utilisé ni cédé dans le délai légal de 5 ans prévu par l’article L 213-11 du code de l’urbanisme. “Vu l’article L.2241-1 du code général des collectivités territoriales; Attendu que toute cession d’immeuble ou de droits réels immobiliers par une c ommune de plus de deux mille habi- tants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéris- tiques essentielles; Attendu que pour ordonner la rétroces- sion, l’arrêt retient que l’article L.213-11 du code de l’urbanisme ne laisse pas la place à une délibération du conseil muni- cipal et que l’accord officiel du premier magistrat engage la commune; Qu’en statuant ainsi alors que, si le conseil municipal ne peut s’opposer au principe de la rétrocession lorsque les conditions posées par l’article L.213- 11 du code de l’urbanisme sont remplies, il est seul habilité à décider du prix et des caractéristiques essentielles de celle-ci , la cour d’appel a violé le tex- te susvisé; Par ces motifs; casse”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Le droit de rétrocession permet au propriétaire dépossédé de son bien par l’exercice du droit de préemp- tion d’en récupérer la propriété lorsque le bien n‘est pas affecté à l’usage prévu par le titulaire du droit de préemption (même principe que pour l’expropriation). Lorsque les conditions d’exercice du droit de rétrocession sont remplies, le conseil municipal statue sur les conditions de la vente et ses caracté- ristiques essentielles. Ce n’est pas parce qu’il est tenu de vendre que cela le prive de sa compétence pour délibérer. Le mai- re ne peut donc pas de substituer au conseil municipal. Expropriation ■ Indemnisation pour expropria- tion illégale (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1504, FS-P+B, cassation partielle, n°08-14932) Une parcelle avait fait l’objet d’expropriation au profit d’un syndicat des eaux, mais celui-ci n’avait pas pris possession du terrain. L’arrêté portant déclaration d’utilité publique avait été annulé et l’ordonnance d’expropriation annulée en conséquence. Le propriétaire sollicitait une indemnité. La cour d’appel avait refusé mais sa décision est cassée: Vu les articles L.12-5, alinéa 2, et R. 12-5- 4 du code de l'expropriation; 29décembre 2009 10 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • P P R R É É E E M M P P T T I I O O N N - - E E X X P P R R O O P P R R I I A A T T I I O O N N J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
Attendu qu'en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité, tout exproprié peut f aire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale, que le juge détermine égale- ment les indemnités à restituer à l'expropriant et statue sur la demande de l'exproprié en réparation du préjudice causé par l'opération irrégulière; Attendu que pour dire que le juge de l'expropriation est incompétent pour sta- tuer sur la demande d'indemnisation des consortsT., l'arrêt retient que l'article R.12-5-4 prévoit certes la possibili- té pour l'exproprié de demander en sus de la restitution, réparation du préjudice, de quelque nature qu'il soit causé par l'expropriation irrégulière, mais que cette faculté ne peut être exercée que dans l'hypothèse d'une prise de possession par l'expropriant et d'un lien avec elle, afin de replacer l'exproprié dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de dépossession, qu'entendre différemment cette disposition conduirait le juge de l'expropriation à se prononcer sur la fau- te de l'autorité administrative se trou- vant à l'origine du manque de base léga- le de l'ordonnance d'expropriation; Qu'en statuant ainsi alors que l'indemnisation du préjudice causé par l'opération irrégulière n'est pas subordonnée à la prise de possession du bien par l'expropriant , la cour d'appel a violé les textes susvisés”. L’arrêt est donc cassé. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Le propriétaire dont le bien a été illégalement exproprié est fon- dé à obtenir une indemnisation. Celle-ci est donc due, indépendamment du point de savoir si l’autorité expropriante a pris possession du bien. On peut toutefois penser que le montant de l’indemnisation sera plus important car le préjudice est plus conséquent si l’expropriant a effectivement pris posses- sion des lieux. SCI ■ Le cas reconnu d’un abus de minorité pour refuser une mise en location (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1502, FS-P+B, cassation partielle) Une société civile immobilière était constituée de trois associés. Un associé détenait 100 parts, une associée, 90 parts et le dernier (père de la précédente) 10 parts. L’immeuble acquis par la SCI avait é té attribué en jouissance à titre gratuit aux deux associés détenant le plus grand nombre de parts, qui s’étaient mariés. Mais l’associée ayant engagé une instan- ce de divorce, l’associé (son mari) récla- mait le vote d’une résolution en assem- blée pour mettre fin à de l’attribution gratuite de l’immeuble et sa mise en location. Il soutenait que l’associée et son père en ayant voté contre cette résolu- tion avaient commis un “abus d’égalité” et réclamait en justice la désignation d’un mandataire ad hoc. La demande est déclarée recevable. La solution est confir- mée en cassation mais censurée à propos du pouvoir confié au mandataire: “ Mais attendu qu'ayant […] relevé qu'à l'assemblée générale du 21juillet 2003 l'ensemble des associés était présent ou représenté et retenu que cette seconde convocation n'aurait été justifiée que si tous les associés n'avaient pas été pré- sents à la première et qu'ainsi une secon- de convocation était inutile puisque la majorité aurait été la même eu égard aux positions exposées par les parties dans la procédure, la cour d'appel […] a pu, sans dénaturation, en déduire que la demande de M. D. et de la SCI était rece- vable; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé; Sur le deuxième moyen: Attendu que les consorts M.font grief à l'arrêt de les dire coupables d'un abus de minorité et de désigner un adminis- trateur ad hoc à l'effet de voter en leurs lieu et place, alors, selon le moyen […]; Mais attendu qu'ayant retenu que le refus de deux des associés de voter en faveur du versement d'un loyer en contrepartie de l'occupation, par un seul des associés, constitue à la fois une atteinte à l'objet social et à l'intérêt général de la société et que le vote de la gestion rémunérée de l'immeuble doit être qualifié d' opération essentielle à la survie financière de la société , la cour d'appel, qui en a déduit qu'en refusant de procéder à un tel vote les consorts M.avaient refusé de voter une opération essentielle à la société, a légalement jus- tifié sa décision de ce chef; Mais sur le troisième moyen: Vu l'article 1853 du code civil; Attendu que l'arrêt retient que la mission de l'administrateur ad hoc doit consister à voter, aux lieu et place des consortsM., en faveur d'une occupation de l'immeuble moyennant le versement d'un loyer et, aux lieu et place de M. D., l'affectation des loyers au rembourse- ment des comptes-courants d'associés au prorata de ceux-ci; Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut fixer le sens du vote du mandataire qu'il désigne , la cour d'appel a violé le texte susvisé”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : cette décision est très inté- ressante car elle admet le principe que les associés peuvent commettre un “abus de minorité” (expression tirée de l’arrêt d’appel) en refusant de prendre une décision, et en portant atteinte à l’intérêt général de la société. Le couple étant séparé, le fait pour l’un d’entre eux de refuser de mettre le bien en location ris- quait de mettre en péril la survie finan- cière de la société. Par ailleurs, il résulte de cet arrêt de la Cour de cassation que le juge ne peut pas se substituer au mandataire dans l’appréciation de la décision à prendre en assemblée. Construction ■ Vices apparents: délai pour agir (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1498, FS-P+B, cassation partielle, n°08-19612) L’acquéreur d’un appartement en l’état futur d’achèvement avait intenté une action contre le promoteur en raison de désordres affectant des carrelages. La cour d’appel les avait déboutés pour une 29décembre 2009 11 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • S S C C I I - - C C O O N N S S T T R R U U C C T T I I O O N N Voie de fait Ne constitue pas une voie de fait la destruction par l’Office national des forêts d’une construction illici- te pour rétablir les lieux dans leur état primitif, s’agissant d’une parcelle clas- sée forêt domaniale sur laquelle une SCI a construit, dès lors que l’ONF a procédé à un procès-verbal d’infraction le 3mai 2004 et qu’elle a été autorisée à rétablir les lieux dans leur état primi- tif par un arrêté préfectoral du 26mai 2004, pris en application de l’article L 173-4 du code forestier. (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1501, FS- P+B, rejet, n° 08-15878). J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
question de délai, mais l’arrêt est cassé: “Vu les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction appli- cable en la cause; A ttendu que le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents; que l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents; Attendu que pour débouter les époux D.de leur demande au titre de la reprise du carrelage, l’arrêt retient que le désordre allégué étant apparent et non réservé dans le délai d’un mois à compter de la livraison, il ne pouvait faire l’objet d’aucune réparation; Qu’en statuant ainsi, alors que l’acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l’expiration du délai d’un mois après la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l’action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l’écoulement de ce délai d’un mois , la cour d’appel a violé les textes susvisés”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Selon cet arrêt de la Cour de cassation, l’acquéreur peut donc agir en garantie des vices apparents pendant le délai d’un an, y compris s’il ne s’est pas manifesté dans le délai d’un mois. La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens (Civ. 3 e , 22mars 2000, Bull. III, n°63). Rappelons que le texte de l’article 1642-1 du code civil a été modifié par la loi du 25mars 2009 qui a complété la référence aux vices de construction apparents par les défauts de conformité apparents. Construction de maison indivi- duelle ■ Le banquier doit-il vérifier que l’assurance dommages-ouvrages est souscrite? (Cass. Civ. 3 e , 16 déc. 2009, n°1506, FS-P+B, cassation, n°08-70143) Un contrat de construction de maison individuelle avait été conclu sous la condition suspensive de l’obtention d’une garantie dommages ouvrages et de la garantie de livraison à prix et délais convenus. Si cette dernière avait été obtenue, la garantie dommages ouvrages n’avait jamais été souscrite. La compagnie d’assurance (AIOI) ayant versé une somme au titre de sa garantie avait a lors engagé une action envers la Caisse d’épargne au motif qu’elle aurait dû sou- mettre son offre de prêt à la condition d’obtention de la garantie dommages ouvrages. Alors que la cour d’appel avait admis ce raisonnement, l’arrêt est cassé: “Vu les articles L.231-2 j), k), L. 231-4 d), e) et L. 231-10 du code de la construction et de l’habitation; Attendu que pour condamner la Caisse d’épargne à payer à la société AIOI la somme de 12195,92euros, l’arrêt retient qu’en l’absence de la référence de la police d’assurances dommages-ouvrage et de l’attestation de garantie de livrai- son, la Caisse d’épargne ne pouvait émettre son offre de prêt , qu’il lui appartenait en effet de s’assurer que les conditions suspensives relatives au contrat d’assurance dommages-ouvrage et à la garantie de livraison étaient levées en demandant la référence du contrat d’assurance et l’attestation de garantie de livraison, ce qu’elle n’a pas fait et ce qui constitue une faute dans sa mission de contrôle qui lui est dévolue par la loi et que cette faute de la banque lors de l’émission de l’offre est susceptible à elle seule d’engager sa responsabilité; Qu’en statuant ainsi, alors que lorsque le contrat de construction de maison indivi- duelle est conclu sous conditions suspen- sives de l’obtention de l’assurance dom- mages-ouvrage et de la garantie de livraison, le banquier n’a pas, lors de l’émission de son offre de prêt, l’obligation de vérifier que ces condi- tions sont réalisées , la cour d’appel a violé les textes susvisés; Par ces motifs; casse”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Cet arrêt pose la question de la responsabilité du banquier face à un emprunteur qui a souscrit un contrat de construction de maison individuelle. Pour la cour d’appel, la banque devait, au titre de sa mission de contrôle, demander les références du contrat d’assurance dommages ouvrages, pour s’assurer qu’il avait été souscrit. Le code de la construction et de l’habitation (article L 231-4) prévoit expressément que le contrat de construc- tion peut être conclu sous la condition de l’obtention de l’assurance de dommages et de la garantie de livraison, ce qui était le cas en l’espèce. Selon la Cour de cassation, le prêteur n’a pas à vérifier que la condition est réali- sée. Agent immobilier ■ Mandat de recherche de finan- cement (CA Paris, 19 nov. 2009, Pôle 4, ch. 1, n°08/19381) À l’occasion de la signature d’une pro- messe de vente portant sur un apparte- ment, l’acquéreur avait confié à l’agence “mandat exprès de solliciter en son nom et pour son compte un ou plusieurs prêts”. L’acquéreur n’ayant pas obtenu de prêt dans le délai convenu, la somme versée entre les mains de l’agent immobi- lier avait été restituée à l’acquéreur. Mais celui-ci estimait que la responsabili- té de l’agence était engagée pour man- quement à son obligation de recherche de financement. La cour d’appel rejette cette demande: “ Considérant que le mandataire n’ayant pas reçu pour mission d’obtenir une offre de prêt ferme et définitive, sa mission était remplie dès qu’un organisme financier, en l’espèce le Crédit fon- cier, avait émis au profit de l’acquéreur une simulation de prêt ; Considérant que les termes du mandat n’interdisaient pas au mandataire de charger un tiers de la mission prévue au mandat; que devant le tribunal, la socié- té Al’immo a justifié avoir confié la demande de financement au courtier Del finances qui a obtenu la simulation du Crédit foncier; Qu’ainsi, la mission de recherche d’un financement a bien été remplie par le mandataire”. L’acquéreur a néanmoins dû verser 7600 € car il n’avait pas justifié dans les délais la non-réalisation de la condition suspensive. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Le mandat de l’agence consistant à solliciter un prêt, il ne pou- vait s’interpréter comme l’obligeant à obtenir une offre de prêt … Pourparlers de vente ■ Un accord du vendeur soumis à condition reste qualifié de simples pourparlers (CA Paris, 19novembre 2009, Pôle 4, chambre 1, n°2008/18531) En réponse à une offre d’achat à un prix 29décembre 2009 12 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C O O N N S S T T R R U U C C T T I I O O N N - - V V E E N N T T E E J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
de 975000 € , un propriétaire avait donné son accord pour vendre par télécopie manuscrite qui indiquait “je suis d’accord pour vendre mon immeuble au prix de 9 75000 € net vendeur, mais à la condi- tion de signer un avant-contrat sous 15 jours”. Il se posait la question de savoir si cette indication valait accord de vente. “Considérant […] que M.A., qui souhai- tait initialement vendre l’immeuble au prix de 1050000 € , n’a accepté de baisser ce prix à la somme de 975000 € qu’à la condition d’obtenir dans un bref délai un accord ferme et définitif des épouxR. Considérant qu’à ce stade de la négocia- tion M.A. ne s’est engagé à aucune obli- gation de sorte que le moyen tiré du caractère prétendument potestatif de la condition au sens des articles1170 et1174 du code civil est inopérant; Considérant, en outre, que la condition n’était pas purement potestative dans la mesure où elle dépendait également de la volonté des candidats acquéreurs; Considérant […] que la conclusion d’un avant-contrat n’a pu intervenir dans les quinze jours, les candidats acquéreurs ayant exigé des conditions qui n’avaient pas été prévues par le vendeur, notam- ment celle selon laquelle ce dernier res- tait “définitivement seul tenu du passif grevant l’immeuble, trouvant son origine avant al vente et lié tant à sa construc- tion, à ses aménagements et affectations qu’à son exploitation” et celle relative à la construction de l’immeuble aux termes de laquelle le vendeur s’engageait à remettre aux acquéreurs le permis de construire, le certificat de conformité, l’autorisation administrative concernant la création de bureaux, le rôle de mise en recouvrement de la redevance de créa- tion des bureaux et le dossier de permis de construire; Considérant qu’à bon droit le tribunal a retenu que l’accord du vendeur ne pou- vait être déduit des projets rédigés par son notaire qui incluaient les conditions exigées par les candidats acquéreurs dès lors qu’il n’était pas établi qu’à un quel- conque moment le vendeur ait ratifié ces différents projets; Considérant qu’en conséquence, le juge- ment entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que la vente n’était pas parfai- te, les parties étant restées au stade de pourparlers qui n’ont pas abouti”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Les parties étaient d’accord sur la chose et le prix. On aurait pu penser que la vente était donc conclue. Mais le vendeur avait posé une condition de délai à son accord. Les acquéreurs ayant exigé des conditions s upplémentaires, le contrat n’avait pu être signé dans le délai exigé du vendeur. La qualification de simples pourparlers excluait donc que l’acquéreur puisse obtenir la vente forcée. Vente ■ Vente d’un terrain pollué: obli- gation d’informer l’acheteur de l’état de pollution (CA Paris, 19 nov. 2009, pôle 4, ch. 1, n°07/22056) Une société avait vendu un terrain indus- triel à usage d’ateliers, bureaux et han- gar à un promoteur qui envisageait d’y construire des logements (promesse le 27juillet 1999 et acte authentique le 26janvier 2001). Lors des travaux de ter- rassement, la pollution du sol avait été mise en évidence (arsenic, cuivre plomb) et un rapport avait relevé qu’elle résul- tait de la présence antérieure d’une imprimerie, qui avait antérieurement occupé le terrain. La pollution était avé- rée sur une profondeur de 10 à 80cm du sol. Mais la cour d’appel écarte l’obligation d’informer par écrit l’acheteur de l’état de pollution, en raison de la date à laquelle la pollution est intervenue: Elle admet toutefois l’application de la garantie des vices cachés et nomme un expert pour calculer la valeur du terrain non pollué afin de déterminer le mon- tant de la restitution partielle de prix à effectuer. “Considérant que l’article L 514-20 du code de l’environnement dans sa rédac- tion applicable aux faits de l’espèce, pré- voit que, lorsqu’une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un ter- rain, le vendeur est tenu d’en informer, par écrit, l’acheteur, qu’il suit de ce texte que le vendeur n’est tenu de déclarer que les activités soumises, au regard de la législation et de la réglementa- tion en vigueur à l’époque de leur exploitation ” La cour, analysant la liste des rubriques soumises à déclaration en conclut que “Il n’est pas établi […] que les activités d’imprimerie exploitées sur le site liti- gieux auraient été soumises à autorisa- tion au regard de la législation et régle- mentation en vigueur à cette date, d‘où il suit qu’il ne peut être reproché à bon droit au vendeur d’avoir manqué à son obligation d’informer par écrit l’acheteur de l‘exploitation sur le terrain objet de la v ente d’une activité classée au sens de l’article L 514-20 précité; Considérant, sur l’application en la cause des dispositions de l’article 1641 du code civil, que le vendeur et tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait été stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie; qu’au cas d’espèce, la clause de non-garantie insérée à l’acte de vente, qui ne concerne que les vices du sol et du sous-sol “à raison de fouilles ou excava- tions” ne peut s’appliquer à la pollution affectant le terrain vendu, étrangère aux fouilles et excavations, en sorte que la société CCEI, qui a vendu un terrain affecté d’un vice caché doit sa garantie à la société Windsor Corbeil 1 à raison de l’existence de ce vice”. La cour en conclut à l’obligation pour le vendeur de restituer une partie du prix dont le montant sera fixé en regard de la valeur du terrain en son état de pollu- tion, mais non en fonction du coût de dépollution du terrain. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Le litige portait donc sur deux points de droit. - Sur l’obligation d’information de l’acheteur résultant de l’article L 514-20 du code de l’environnement . Le texte a été modifié plusieurs fois. Il fait référence non seulement aux installations soumises à autorisation mais à celles soumises à autorisation ou enregistrement. Il com- porte un alinéa complémentaire visant le cas où le vendeur est l’exploitant et qui impose à une information sur l’éventuelle manipulation de substances chimiques ou radioactives. Il résulte de cet arrêt qu’il faut se référer aux installa- tions soumises à autorisation à la date de la vente. En l’espèce, l’activité d’imprimerie ne faisait pas partie de ces installations à la date de la vente. La société d’imprimerie ayant été liquidée en 1974 et le terrain vendu en 1980, l’obligation d’information sur la vente de 1999 n’avait donc pas à comporter de références à une activité non soumise à déclaration en 1974. - Sur l’application de la clause d’exonération des vices cachés : la clause exonérait les vices “à raison des fouilles ou excavations”. La cour d’appel en fait une application très restrictive en consi- 29décembre 2009 13 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • V V E E N N T T E E J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
dérant que la pollution visée par la clau- se était une pollution liée à la réalisation de ces fouilles. Or la pollution était indé- pendante des travaux de fouilles du sol. C ‘est une interprétation qui paraît très favorable à l’acheteur et qui réduit à peu de chose le contenu exact de cette clause puisqu’elle semble écarter une pollution antérieure à la réalisation des travaux de fouilles. ■ Prix de vente surévalué: une cause illicite justifiant l’annulation de la vente (CA Paris, 19 nov. 2009, pôle 4, ch 1, n°09/15723) Un immeuble de bureaux à Paris avait fait l’objet d’une promesse de vente en 2007pour100 millions d’euros. L’acheteur invoquant ensuite avoir été trompé sur l’actionnariat de la société locataire, le prix avait été renégocié à 90millions d’euros en septembre2008. La validité des promesses de vente était contestée devant la cour d’appel: “Considérant que la société Metrovacesa, qui a changé de dirigeants à la fin de l’année 2008 et est sortie du Groupe Sanahuja, soutient que, sous couvert d’un achat immobilier, l’acquisition de l’immeuble de l’avenue de la Grande Armée à un prix largement surévalué était, en réalité, destiné à racheter les participations de la société Sacresa dans le groupe Autofin, ses anciens dirigeants s’étant frauduleusement entendus à cet- te fin avec ceux de la société G2AM lors d’un accord du 29décembre 2005; que le groupe Sanahuja ayant pris le contrôle de la société Metrovacesa S à la fin de l’année 2007, l’immeuble étant alors valorisé, en pleine crise financière et immobilière, au prix de 100000000 € , sans aucun rapport avec sa valeur de marché; […]” La cour d’appel cite une expertise du cabinet Jones Lang Lasalle qui évalue l’immeuble à un montant compris entre 51,3 et 47,6millions d’euros, les difficul- tés de la société locataire devant de sur- croît conduire à une minoration de la valorisation. Considérant que […] la vente de l’immeuble de l’avenue de la Grande Armée par G2AM était destinée à “véhi- culer” sous une forme ostensible une nouvelle répartition de capitaux entre les groupes Sacresa Terrenos, d’une part, Autofin, d’autre part; Considérant que la surévaluation du prix de l’immeuble était d’autant plus excessive que la société Serap, unique locataire de l’immeuble, connais- sait alors d’importantes difficultés, que s on chiffre d’affaires était en baisse constante depuis 2006 […] Considérant que, contrairement à ce que prétend la société G2AM, la situation locative réelle de la société Serap n’était pas indifférente à la valorisation de l’immeuble […]; Considérant que l’ensemble de ces élé- ments démontre que la cession de l’immeuble à un prix convenu de 90000000 € […] sans rapport avec sa valeur de marché , n’était pas causée par une transaction immobilière à l’occasion de laquelle l’obligation de livrer l’immeuble la charge du vendeur aurait trouvé sa contrepartie dans celle de payer le prix à la charge de l’acquéreur, mais que cette cession était destinée, par la stipulation d’un prix arti- ficiellement majoré, à permettre le rachat des participations de la socié- té Sacresa dans le capital d’Autofin par compensation avec le prix de l’immeuble comme le prévoyait l’accord de décembre2005, l’acquisition dudit bien devant permettre au groupe Sana- huja, via la société Sacresa, de financer sa sortie du capital d’Autofin; qu’à cet égard, la rapide valorisation des actions Autofin détenues par Sacresa, passée de 6millions d’euros dans l’accord de décembre2005 à 16millions d’euros au mois d’août 2007, selon la lettre du 7août 2007, d’une part, la revalorisation du prix de l’immeuble de 76millions d’euros à 100000000euros entre2005 et2007, d’autre part, établissent que la vente litigieuse n’avait pour objectif que de concrétiser l’Accord de séparation de février2007 dont la mise en œuvre avait été interrompue par l’Autorité des Mar- chés Financiers, en permettant à la socié- té Sacresa Terrenos de céder à G2AM, par compensation avec partie du prix de ven- te, sa participation de 13% dans Auto- fin, aux dépens de la société Metrovacesa SA; Considérant que cette cause est illicite en ce qu’elle était déterminante de la fixation du prix de l’immeuble dans les conventions critiquées , visant sciemment, de la part des diri- geants de la société Metrovacesa, à favo- riser la société Sacresa au détriment de sa filiale Metrovacesa et faisant ainsi, dans leur intérêt personnel un usage des biens de leur société qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, aboutissant à lui faire payer un prix d’acquisition largement surévalué, atteignant près du double du p rix de l’immeuble sur le marché immobi- lier. La cour écarte les autres arguments ten- dant à valider la vente et conclut que “l’ illicéité de la cause de la vente procède de la fixation d’un prix sans rapport avec la valeur réelle de l’immeuble , dans un but étranger à la cession […] Considérant que l’illicéité de la cause des promesses de vente et de la transaction en litige commande d’annuler ces actes, sans avoir égard aux clauses de renoncia- tion insérées à la transaction qui ne peu- vent avoir d’effet en raison de leur cause viciée, comme nuls et nul effet par appli- cation de la règle de droit précitée”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Les juges redonnent à la convention sa véritable motivation. Ils établissent que la cause de la vente était de mettre en œuvre un accord de sépara- tion entre actionnaires et non de réaliser une transaction immobilière. Ils en déduisent la nullité de la vente. Pour un autre exemple de nullité de ven- te fondée sur l’absence de cause, mais concernant une dissimulation de prix pro- cédant de la volonté concertée des par- ties, voir Civ. 3 e , 25février 2004, (JCP 2004 I 149). ■ Prorogation de délai: proroger le délai de signature n’est pas proroger le délai d’obtention de prêt (CA Paris, 19novembre 2009, Pôle 4, chambre 1, n°08/15947) Cette décision appelle à bien distinguer le délai de réalisation de la vente du délai d’obtention du financement. Dans cette affaire, le propriétaire d’un ensemble immobilier avait consenti un bail commercial à deux sociétés et une promesse de vente à deux personnes, dont l’une était en même temps gérante des deux sociétés locataires. La promesse de vente, conclue par acte authentique du 18juillet 2002, expirait le 30janvier 2003 et prévoyait une condi- tion d’obtention de financement sous forme de crédit-bail, au plus tard le 15 novembre 2002. Les bénéficiaires avaient obtenu à plu- sieurs reprises une prorogation de la pro- messe. Le promettant avait finalement 29décembre 2009 14 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • V V E E N N T T E E J J U U R R I I S S P P R R U U D D E E N N C C E E
29décembre 2009 15 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • V V E E N N T T E E refusé une ultime prorogation et adressé une sommation de réaliser la vente. Les bénéficiaires se sont alors prévalus de la non-réalisation de la condition relative a u financement… mais un peu tard: “Considérant que la promesse prévoyait deux délais: un délai de régularisation de la vente expirant au 30janvier 2003 et un délai d’obtention ou de non-obten- tion du financement expirant au 30novembre 2002 […]; Que le 5mai 2003, en raison du délai d’instruction du permis de construire, les bénéficiaires ont demandé la proroga- tion de “la date de réalisation de la pro- messe” qui a été accordée jusqu’au 31juillet suivant […]; Que, par lettre du 24février 2004, le notaire de la promettante a fait savoir au notaire des bénéficiaires que sa cliente n’entendait plus proroger de nouveau la durée de validité de la promesse et qu’elle était contrainte de délivrer une sommation pour la réalisation au 4mars 2004 […]; Considérant […] que seul le délai de réa- lisation de la vente a été prorogé, les autres engagements stipulés dans l’acte du 18juillet 2002, notamment ceux rela- tifs au délai de réalisation de la condition suspensive de financement, restant inchangés […]; Considérant qu’ainsi, le délai de réalisa- tion de la condition suspensive relative au financement n’a pas été prorogé”. En conséquence, la cour d’appel condam- ne le bénéficiaire de la promesse à verser le montant de l’indemnité d’immobilisation, sans réduction: “Considérant qu’ainsi, par leur négligen- ce, les époux B, qui n’ont pas justifié de l’obtention ou de la non-obtention du financement dans le délai contractuel précité, ont fait défaillir la condition qui est réputée accomplie au sens de l’article 1178 du code civil, de sorte que, confor- mément aux dispositions contractuelles, l’indemnité d’immobilisation est due par les appelants […]; Considérant que la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution; que, s’agissant d’une promesse unilatérale de vente, la stipulation d’une indemnité d’immobilisation, qui n’a pas pour objet de faire assurer par le bénéficiaire l’exécution d’une obligation, ne constitue pas une clause pénale réductible en application de l’article 1152 du code civil; Qu’en conséquence, le jugement entre- pris doit être infirmé en ce qu’il a réduit l’indemnité d’immobilisation et qu’il y a lieu de condamner in solidum les époux B .à payer à la société PGV la somme de 116000 € avec intérêts au taux légal à compter du 6janvier 2006, date de l’assignation valant mise en demeure”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : Le présent arrêt a le méri- te de bien faire la distinction entre le délai de réalisation de la vente, à conclu- re par acte authentique, et le délai d’obtention du prêt (ou de façon plus générale, le délai de réalisation d’une condition suspensive). Lorsque les parties conviennent de la prorogation du délai de réalisation, cela n’entraîne pas auto- matiquement prorogation du délai d’obtention du prêt. Par ailleurs, la cour d’appel de Paris rap- pelle qu’une indemnité d’immobilisation n’est pas une clause pénale et, à ce titre, qu’elle n’est pas susceptible de réduction sur le fondement de l’article 1152 du code civil. ■ Erreur de désignation de lots d’une chambre de services: quelles conséquences? (CA Paris, 19novembre 2009, Pôle 4, chambre 1, n°2008/10564) Une vente portait sur un lot constitué d’un appartement dans le XVIe arrondis- sement de Paris avec une cave et une chambre de service n°6. Or la description de la chambre vendue correspondait en réalité à une autre chambre (n°7). Les acquéreurs (époux S.) en avaient pris pos- session, avaient effectué des travaux et s’en servaient pour y loger un ouvrier tra- vaillant pour leur compte. Le vendeur avait alors vendu la chambre n°6 à un tiers qui l’avait réunie à deux autres lots acquis préalablement et pour qui l’autre chambre ne présentait aucun intérêt car elle ne jouxtait aucune des chambres dont ils étaient déjà propriétaires. Les acquéreurs de la chambre n°6 (époux S.) soutenaient que la clé qui leur avait été remise résultait d’une erreur et ils avaient assigné leur vendeur et les tiers acquéreurs pour obtenir la prise de pos- session de l’autre chambre. Mais leur pré- tention est rejetée: “Sur la propriété de la chambre 6 […] Considérant […] que si l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passé en sa présence dans l’exercice de ses fonctions, la preuve est en revanche admissible par témoignages et présomptions sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’inscription de faux contre les énonciations des par- ties correspondant à des faits que le notaire n’a pas vérifiés personnellement, tel étant le cas de la désignation des lots faisant l’objet de la vente, peu important que les actes argués d’erreur aient été publiés à la conservation des hypo- thèques, ladite publication n’ayant pour effet que de les rendre opposables aux tiers; Considérant que l’acte de vente du 14juin 2000 porte sur les biens consti- tuant le lot numéro5 du règlement de copropriété constitué d’un appartement au 4e étage, de la chambre de service numéro6 au sixième étage et de la cave […] la chambre de service numéro6 étant identifiée sur le plan du 6e étage comme étant de taille moyenne, avec fenêtre et balcon […] cette description de la chambre objet de la vente consti- tuant sans équivoque possible, à celle de la chambre de service n°7 constituant le lot 8 dont les époux S.ont d’ailleurs reçu les clés et pris possession en sep- tembre2004 sans aucune contestation de leur part, dans laquelle ils ont fait effec- tuer des travaux de remise en état et qu’ils ont fait occuper par M.W., un ouvrier travaillant pour leur compte; […] Considérant que la preuve est suffisam- ment rapportée de ce que lors de la ven- te C.S., la volonté des parties portait sur la vente de la chambre de services n°7 constituant le lot n°8 et non sur la vente de la chambre n°6 constituant le lot n°5 ainsi que mentionné par erreur dans l’acte […] Considérant que M.C. n’a manqué ni à son obligation de délivrance, MmeC. ayant remis les clés de la chambre 7 aux époux S.en septembre2004 et l’occupant de la chambre 7 ayant été mis A A G G E E N N D D A A ✦ 19 janvier 2010 (à Paris, II e ). Matinée prospective de l’IEIF: “2010: l’année critique. L’immobilier dans l’économie mon- diale”. A vec les interventions de Jean- Pierre Petit, économiste, Bertrand Jacquillat, professeur à Sciences- Po et Guy Marty, IEIF. IEIF : tél. 01 44 82 63 63.
29décembre 2009 16 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • JURIShebdo 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart Téléphone: 0146457769 Fax: 0146457786 ■ site internet: jurishebdo.fr ■ Directeur de la rédaction: Bertrand Desjuzeur ■ Mél: bertrand.desjuzeur@jurishebdo.fr ■ Secrétariat: Sabine Petit ■ A participé à ce numéro: Hélène Lécot ■ JURIShebdo est une publication de la Société de Presse du Breil (SPB), SARL de presse au capital de 10000euros constituée en août2002 pour 99 ans. Siège social: 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart ■ RCS Nanterre 443034624000 17 ■ APE 5813Z ■ Actionnaires: Bertrand Desjuzeur, Roseline Maisonnier ■ Numéro de commission paritaire: CPPAP n°0214 I 80129 ■ Dépôt légal: à parution ■ Prix de vente au numéro: 17 € TTC (16,65 € HT) ■ Abonnement pour 1 an (41 nos + 5 nos spéciaux): 769 € TTC (753,19 € HT) ■ Directeur de la publication: Bertrand Desjuzeur ■ Impression: Com-Copie Clamart ■ Gestion des abonnements: logiciel Loïc Lavoine F F I I S S C C A A L L I I T T É É en place par eux, ni à son obligation de garantie, notamment d’éviction, M.C. ayant pu vendre aux consorts G.-D. la chambre 6 dont il avait conservé la pro- p riété […] Considérant que […] le tribunal a à juste titre condamné les époux S.à indemniser les consorts G.-D. de leur préjudice au titre de la perte de loyers, lequel consiste en une perte de chance, à hauteur de 5000 € , étant rappelé que les travaux tendant à la réunion des chambres leur appartenant en vue de l’aménagement d’un studio ont été autorisés par l’assemblée du 1 er mars 2005, et de leur préjudice pour procédure abusive à hau- teur de la somme de 4000 € , les époux S.ayant entendu tirer parti d’une erreur pour s’approprier une autre chambre que celle objet de la vente”. O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : La décision permet ainsi de mettre fin à la procédure engagée par les acquéreurs qui voulaient profiter de l’erreur de désignation pour s’approprier une autre chambre de servi- ce que celle qui était mentionnée dans l’acte. Elle fait ainsi prévaloir l’intention initiale des parties sur la rédaction for- melle de l’acte. Défiscalisation ■ Remise en cause de déficits « Malraux »: le préjudice résul- tant du seul paiement de l’impôt n’est pas indemnisable (CE, 9 e et 10 e sous-sections réunies, 16novembre 2009, n°304632) M.A. s’était vu notifier, au titre des années1984 et1985, des impositions supplémentaires à l’IR suite à la remise en cause par l'administration de l'imputation sur son revenu de déficits fonciers réalisés dans le cadre de la Loi Malraux. M.A. avait saisi le tribunal administratif d'une demande de déchar- ge, rejetée devant le Conseil d’Etat en 1996. Par courrier du 28décembre 1999, il avait alors saisi le ministre de l'économie d'une demande de dom- mages et intérêts, se prévalant du préju- dice causé par le refus de l'administration fiscale de lui accorder le bénéfice d’une réponse ministérielle prévoyant des remises gracieuses pour les contribuables ayant engagé un contentieux relatif à la déductibilité des travaux relevant de la Loi Malraux, suite aux aménagements a pportés par la LFR du 29décembre 1994 à ce régime. Le directeur régional des impôts avait rejeté cette demande le 10avril 2000. M.A. avait à nouveau saisi le tribunal, puis la cour d’appel, en vain. « Considérant […] que, par cette réponse ministérielle, l'administration s'est bor- née à mettre en place, compte tenu des assouplissements apportés par l'article 40 de la loi du 29décembre 1994 portant loi de finances rectificative pour 1994 aux règles d'imputation des déficits fonciers sur le revenu global prévu par le 3° du I de l'article 156 du CGI, un régime tran- sactionnel visant exclusivement les contri- buables concernés par un litige en cours, situation dans laquelle M.A n'entrait pas, les juges du fond ont pu […] déduire […] que le requérant ne pouvait être regardé comme invoquant un préjudice distinct de celui relatif au paiement des rappels d'impôt sur le revenu mis à sa charge; que, par suite, et dès lors qu'un contribuable dont la demande en décharge d'une contribution a été reje- tée par le juge de l'impôt n'est pas rece- vable à introduire une demande en répa- ration qui n'invoque pas de préjudice autre que celui résultant du paiement de l'imposition qui était en litige, la CAA de Bordeaux a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que les conclusions indemnitaires de M.À étaient irrece- vables». O O b b s s e e r r v v a a t t i i o o n n s s : La seconde procédure introduite par le requérant ne suffisait pas à conférer un caractère nouveau à sa requête, alors qu’une décision du Conseil d’Etat était déjà intervenue, et que la réponse ministérielle dont il cherchait à se prévaloir était postérieure aux années d’imposition en litige (dans le même sens, CAA Paris, 5mai 2004, n° 99PA03913). D’une conclusion l’autre: le requérant ne pouvait plus arguer d’un traitement fiscal inégalitaire ou d’une erreur de l’administration, mais du seul préjudice résultant du paiement des redressements dus. Un recours tendant à la réparation d’un tel « préjudice » est irrecevable (CE, 30octobre 1996, n°141043). HL. A A C C T T U U A A L L I I T T É É La GRL en conseil des ministres La garantie des risques locatifs a fait l’objet d’une communication de Benoist Apparu lors du conseil des ministres du 23décembre 2009. La GRL a été créée en 2006 en partena- riat avec le 1% Logement (devenu Action Logement). Le communiqué rappelle que l’architecture globale de ce dispositif a été revue au cours de l’année 2009. Le nouveau dispositif doit permettre: - d’empêcher toute discrimination entre locataires, - d’apporter des garanties fortes aux propriétaires, - de réduire le nombre des expul- sions, - d’éviter toute dérive financière. Selon le secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’urbanisme, les socié- tés d’assurance liée à la nouvelle GRL “proposeront un produit unique qui couvrira les propriétaires contre les risques d’impayés de tous les locataires présentant un “taux d’effort” inférieur ou égal à 50%”. Action Logement ou l’Etat, selon les publics, apportera une compensation financière aux assureurs permettant de couvrir la proportion plus élevée de sinistres liée aux défaillances des loca- taires les plus modestes. Il est précisé par ailleurs que le disposi- tif vise à responsabiliser les locataires car en cas d’impayés un traitement social sera mis en place pour les loca- taires de bonne foi par Action Loge- ment. Le locataire aura l’obligation de reprendre le paiement (au moins par- tiel dans un premier temps) des loyers. Si cette obligation n’est pas respectée, une procédure classique de traitement judiciaire des impayés de loyers sera engagée. Il est aussi prévu un dispositif de contrôle pour éviter toute dérive financière, en partenariat avec les assu- reurs. (Communiqué du conseil des ministres du 23décembre 2009)