– 2 – Colloque
La crise du logement –
I. La crise du logement à travers les âges
Le diagnostic.
La situation en 2010 : crise du logement et crise de l’immobilier
II. Les causes de la crise du logement (p. 4)
Les causes économiques
Les causes socio-politiques
III. Les réponses (p. 5)
Les réponses politiques et urbanistiques et leurs difficultés
Les réponses juridiques et leurs limites
Table ronde (p. 7)
Rapport de synthèse
– 10 – Actualité –
Le PLF pour 2011 / Rencontre / Chiffres / Brèves
– 11 – Interview –
Laurent Escobar (Adéquation) : “Le ministère du logement pourrait annoncer une évolution du PTZ+”.
■ ANALYSÉ ■ > > Le colloque du 1 er octobre 2010 à l’Université de Paris Est Créteil réunissait des enseignants de diverses disciplines, pour tenter de dégager les causes de la crise du logement et d’esquisser des pistes de solu- tions. Intervenants: - Olivier Tournafond (Professeur de droit à Paris Est Créteil), - Laurent Coudroy de Lille (Histoire), - Jean-Claude Driant (Institut d’Urbanisme de Paris), - Isabelle Maleyre (Economie), - Jean-Paul Gourevitch (Communication publique et politique), - Jocelyne Dubois-Maury (Institut d’Urbanisme de Paris), - Pierre Cain (Faculté de droit), - Daniel Tomasin (professeur de droit à Tou- louse), - Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre), - Laurent Cathala (Député maire de Créteil), - Rozen Noguellou (Professeur de droit à Paris Est Créteil), - Bérénice Tournafond (Ykonne). ■ RÉUNIS ■ > > Thierry Repentin (USH), Marc Pigeon (FPC), Pascale Poirot (SNAL) et Dominique Duperret (UMF) étaient réunis le 7octobre à Lyon par le cabinet Adéquation pour débattre des mesures gouvernementales sur le logement neuf. Entretien avec son direc- teur, Laurent Escobar (p.11). ■ CHIFFRÉ ■ > > Avec une offre de prêt avec un taux d’intérêt de 2,90% pour 15 ans, CAFPI atteint un record à la baisse du taux des cré- dits immobiliers (p.12). ■ PROPOSÉ ■ > > Pour faciliter la mobilité des propriétaires, le Centre d’analyse stratégique (CAS) propo- se de remplacer les droits de mutation par une majoration de la taxe foncière (p.12). La crise du logement C’ est sur le thème de la « crise du logement » que l'Université de Paris Est Créteil avait organisé le 1 e r octobre un colloque interdisciplinaire, réunissant des thématiques histo- rique, juridique et économique, sous la présidence d'Olivier Tournafond et de Daniel Tomasin, professeurs de droit res- pectivement à Créteil et à Toulouse. La perspective historique permet d’abord de relativiser la gravité de la crise actuelle du logement. Elle montre ensuite que ce concept de crise recouvrait d'abord une question concernant la qualité du logement avant de viser aujourd'hui celle de quantité de logements. Jean-Claude Driant fait observer par ailleurs que la bataille de la qualité du logement a été réglée. Il ne s’agit pas pour autant de nier la réalité des difficultés que rencontrent les 3,5millions de personnes mal-logées, comme le rappelait Chris- tian Robert pour la Fondation Abbé Pierre. Isabelle Maleyre esti- me que si les prix des logements sont aussi élevés, cela procède d'un choix collectif. Jocelyne Dubois Maury voit dans l’abondante liste des outils mis en place par le législateur pour régler la crise du logement le signe d'une certaine incapacité des pouvoirs publics à la régler. Le député maire de Créteil, Laurent Cathala, estime quant à lui que la crise est de nature politique, propos qu'approuve Chris- tophe Robert pour la Fondation Abbé Pierre. Les positions étaient cependant divergentes sur la capacité des hommes poli- tiques à régler la crise du logement, au-delà d'une abondante production d'outils juridiques. Certains considérent que la situa- tion actuelle et le résultat d’une volonté politique, d’autres que la production des outils juridiques est en réalité destinée à mas- quer une incapacité à régler les problèmes. Olivier Tournafond pour sa part considère qu’il revient aux élus non d’affirmer que l’économique prime le politique, mais au contraire de prendre les décisions nécessaires à la résolution des problèmes rencontrés par les habitants. Ce qui est aussi une manière de réaffirmer la pri- mauté du droit. Daniel Tomasin faisait cependant observer dans son rapport de synthèse que si bien des codes avaient été cités au cours de la journée (Légifrance en présente actuellement plus de soixante), le code civil n’avait pas une fois été mentionné. La question de l'immigration a été abordée de façon très directe et sans polémique. Et plutôt que de se focaliser en permanence sur la question du lien entre immigration et délinquance, Jean- Paul Gourevtich invite à se préoccuper de la question de la corré- lation entre immigration et logement. Une piste sans doute à explorer. ■ BD JURIS h h e e b b d d o o La lettre du droit immobilier pour les professionnels w ww.jurishebdo.fr NUMÉRO Spécial 32 1 9OCTOBRE 2010 ISSN 1622-1419 11 E ANNEE L’ESSENTIEL . . immobilier - 2 - Colloque La crise du logement - I. La crise du logement à travers les âges Le diagnostic. La situation en 2010: crise du logement et crise de l’immobilier II. Les causes de la crise du logement (p.4) Les causes économiques Les causes socio-politiques III. Les réponses (p.5) Les réponses politiques et urbanistiques et leurs difficultés Les réponses juridiques et leurs limites Table ronde (p.7) Rapport de synthèse - 10 - Actualité - Le PLF pour 2011 / Rencontre / Chiffres / Brèves - 11 - Interview - Laurent Escobar (Adéquation): “Le ministère du logement pourrait annoncer une évolution du PTZ+”. S O M M A I R E E D I T O R I A L N u m é r o s p é c i a l : c r i s e d u l o g e m e n t
❑ Olivier Tournafond (professeur de droit à l'Université de Paris Est Créteil) La complexité du sujet impose de rap- procher les disciplines. Les facteurs juridiques, économiques, démo- graphiques sont interdépendants. D'où l'idée d'organiser un colloque pluridisci- plinaire. I La crise du logement à travers les âges ❑ Laurent Coudroy de Lille (Maître de conférence à l'Université de Paris Est Créteil) Les problèmes de logement ont toujours existé, mais lorsque le nombre d'habitants augmente, la production de logements suit généralement plus qu'elle ne précède la croissance démographique. Une crise est par définition un moment passager. Quand on voit la qualité des logements construits en masse, on peut se demander si le plus grave de la crise du logement n'est pas devant nous. La notion même de crise du logement a une histoire. Un travail a été effectué au XIX e pour décrire les conditions de vie des prolé- taires, par les médecins hygiénistes et les premiers urbanistes. Ils ont poussé la porte des taudis, tant dans les villes que dans les campagnes. Cela a donné lieu à une identification des îlots insalubres, aventure importante et longue mais qui a peu touché aux structures régulant le marché (régulation des baux, de la copropriété…). Les marxistes ont renvoyé ce diagnostic au problème plus général de l'organisation de la société capitaliste. C'est avec le patronat paternaliste du XIX e qu'on trouve des solutions pour loger les ouvriers. L'urbaniste espagnol de Barcelone Cer- da (1) a montré qu'il est coûteux d'être pauvre: les habitants pauvres paient leur logement au m 2 plus cher que les riches. Maurice Alvax, en analysant l'urbanisme haussmannien, a montré que ce n'est pas parce qu'on augmente le nombre de logements que cela conduit à une baisse des prix. On observe au contraire que la moderni- sation spectaculaire des logements s'est accompagnée d'une hausse spectaculaire des prix. Selon Christian Topalov, le logement n'est pas un marché comme les autres. Au début du XIX e , Henri Sellier (mort en 1943) a diagnostiqué la crise du loge- ment. Avec la guerre de 1914, et à la suite des démolitions et déplacements de popula- tions qu'elle a engendrés, l'Etat va trans- gresser le dogme de non-intervention- nisme. Sous l'influence du milieu des Habitations Bon Marché (HBM), on met en place des outils dans une perspective à moyen terme et long terme: moratoire et blocage des loyers. Sellier aborde par ailleurs le sujet au niveau de l'agglomération. Il constate que le déséquilibre change d'échelle et que c'est la métropole qui pose problème: le patronat ne peut plus apporter de solutions comme dans les villes industrielles du Nord ou du Creusot. Le diagnostic change d'échelle car la métropole est un marché en soi. Avant le début du XIX e , il existait des problèmes de logements, ans autorité publique. On rencontrait des problèmes liés à la reconstruction des villes après leur destruction pour raisons de guerre ou de catastrophe naturelle, mais il n'y avait pas d'ambition de régulation glob- ale. Il y avait aussi une prolifération de statuts d'occupation. La notion de logement n'émerge qu'au XX e siècle, au cours des années vingt. Depuis un siècle, on assiste à un « pilotage à vue » de la question du logement dont les politiques se sont emparés. Mais il n'est pas sûr que, lorsqu'on observera notre époque dans vingt ans, la crise du logement y appa- raisse comme particulièrement grave. Il y a une certaine pesanteur sur ce secteur, et c'est en jouant sur des vol- umes marginaux qu'on peut trouver des solutions. Olivier Tournafond: La crise du logement est donc une notion assez moderne. Le diagnostic La situation en 2010: crise du logement et crise de l'immobilier ❑ Jean-Claude Driant (Institut d'Urbanisme de Paris): Il faut mettre les termes en doute! En effet, le terme de crise du logement existe depuis 150 ans, avec une grande constance. Depuis la deuxième guerre mondiale, le terme et toujours constant, mais ses modalités changent. On est passé de la notion de salubrité à celle de quantité de logements. Une question se pose: s'agit-il de crise ou de transformation structurelle? La crise du logement recouvre la notion de crise économique ou de crise immobil- ière. Or la crise du logement intervient à contresens de la crise immobilière. On a pu espérer que la crise immobilière serait plus forte et cela n'a pas été le cas. Est-on aujourd'hui dans une phase de crise du logement? On peut en douter à la lecture de chiffres: Le nombre de m 2 par personne dans un logement était de 22 en 1970, et de 40m 2 en 2006, en raison de la diminution de la taille des ménages et de la crois- sance des maisons individuelles. Le nombre de logement sans confort san- itaire était de 47% en 1970, il était de 1,3% en 2006. C'est dire que la bataille du confort sani- taire est réglée. Globalement, les conditions de logement se sont améliorées. Mais cette amélioration s'est traduite dans le taux d'effort des ménages: il a doublé. La part du revenu des ménages consacrée au logement pour les locataires est ainsi 19octobre 2010 2 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T La crise du logement Colloque organisé par le master droit de la construction de l'Université de Paris Est-Créteil le 1 er octobre 2010 sous la présidence d’Olivier Tournafond et de Daniel Tomasin, professeurs de droit. (1) Ildefons Cerdà (1815-1876)
passée de 9% en 1970 à 18% en 2006. Mais cette hausse est normale: car la valeur de ce qu'on loue a doublé. Il est vrai cependant qu'on ne peut pas choisir d 'avoir un logement moins confortable. Le logement est devenu le premier poste de dépenses des ménages, et il ne cesse de croître. D ans ce cadre, on constate une persis- tance du mal logement. 3,5millions de ménages sont en situation de mal loge- ment. Cela représente donc 5% de la population et c'est un chiffre en augmen- tation. Quelle relation y a-t-il entre la crise du logement et la crise de l'immobilier? La période 1998-2008 a été marquée par une « folie » sur les prix. Les loyers ont augmenté de 50% et les prix ont été multipliés par deux. La rentabilité a donc baissé ce qui provoque une certaine rétractation de l'offre locative. Cette hausse des prix a affecté tout le territoire, ce qui est un phénomène nou- veau et mais qui n'est pas normal car à Maubeuge par exemple, il n'y a pas de demande. On peut trouver une explication de cette situation dans les conditions de crédit: la baisse des taux d'intérêt et l'augmentation de la durée des prêts provoquent une augmentation de la solvabilité des acquéreurs. Dans le même temps, le marché a atteint un niveau de production historique; on a dépassé la barre des 400000 logements par an alors qu'on dispose d'un parc de 30millions de logements. On n'a jamais autant construit… mais peut-être pas au bon endroit. On observe un décrochage total entre l'évolution des prix des logements et celle des prix à la consommation, alors que l'indice des loyers suit une courbe bien plus proche que celle de l'indice des prix. La production a connu une forte hausse entre1948 et1973 puis a baissé. Un nou- veau pic a été constaté avant le récent décrochage. Mais on a davantage construit en Bre- tagne ou en Languedoc-Roussillon: 80 logementspour1000 habitants alors qu'en Ile-de-France, on a construit seule- ment 31 logementspour1000 habitants. Ce sont les promoteurs immobiliers et non le secteur du logement social qui ont assuré l'essentiel de la production. Le premier maître d'ouvrage c'est le partic- ulier qui construit sa maison individuelle. La période d'euphorie a creusé les inégal- ités. En effet, dans la mesure où l'offre est chère, il faut se demander qui a les moyens d'acquérir. Les conditions de c rédit sont certes favorables, mais ce sont principalement ceux qui sont déjà pro- priétaires qui alimentent le système. Comme ils ont bénéficié de conditions favorables de crédit, ils ont réalisé des plus-values, ils revendent et suscitent un nombre important de transactions. Les laissés pour compte sont les locataires. En terme de mobilité résidentielle, le mouvement vers la propriété est resté équivalent mais beaucoup plus sélectif: les locataires à hauts revenus sont partis plus vite vers l'accession à la propriété, alors que les locataires du logement social ne le quittent plus. Cela a pour conséquence de rétracter le volume de l'offre de logements sociaux et de rendre l'accès au logement plus difficile. Le nombre de sans-abris est estimé à en- viron 100000 personnes et celui des mal- logés à 3,5millions. Or, quand la chaîne du logement se brise, cela alimente la clientèle des marchands de sommeil. La faiblesse du taux de rotation des locataires dans le parc HLM est un signe du blocage du marché. Pour un parc de 4millions de logement, le taux de rota- tion était de 12,5% en 1998, il est tombé à 8,5% en 2007. La crise immobilière pourrait-elle limiter la crise du logement? Entre1992 et1998, on a constaté une augmentation du taux de rotation dans le parc social. L'Etat crée le PTZ, les prix sont bas et le taux de rotation augmente. Aujourd'hui en revanche, l'Etat relance la primo-accession, les taux d'intérêt sont bas, mais la crise économique reste forte et les prix n'ont pas baissé. Débat Un participant Qu'attendre des politiques publiques? L'institution du droit au logement oppos- able a favorisé le développement de l'idée que le logement social doit loger en priorité les plus pauvres. Question: Que penser de la vacance dans le parc HLM? Jean-Claude Driant: La vacance est surtout forte dans les secteurs géographiques où il n'y a pas de demande. Elle peut s'expliquer locale- ment par une politique de dé-conven- tionnement de logements sociaux par Icade qui peut conduire à ne pas relouer immédiatement les logements vides. Ce ne sont plus des logements sociaux, mais c ertaines communes les ont rachetés. Quant au parc privé, il n'y a pas d'analyse précise des causes de vacance. En parti- culier, on ne sait pas chiffrer la vacance de rétention, bien qu'elle soit sans doute faible. En revanche, on peut estimer qu'il y a une croissance des logements en dou- bles résidences. Question: Le blocage des loyers est-il une solution? Jean-Claude Driant: L'essentiel du parc est détenu par des propriétaires privés et les institutionnels ont vendu l'essentiel de leur patrimoine de logements. Les particuliers font des choix d'arbitrage en considération de leur épargne. Si on bloque les loyers, ils n'investiront plus et cela provoquera une raréfaction de l'offre locative. Isabelle Maleyre: Le blocage des loyers qui a été pratiqué après la première guerre mondiale a donné des résultats à courte vue mais il a provoqué ensuite une crise du logement. Les travaux réalisés dans les pays anglo- saxons ont démontré que le blocage a toujours pour effet de contracter l'offre et d'aggraver la crise. Jean-Claude Driant: Il y a peut-être aussi une piste consistant à développer l'offre de logements à loyers intermédiaires. Mais il faut l'explorer du côté des institutionnels et non du côté des particuliers. Laurent Coudroy de Lille: Le marché est segmenté. L'expérience de blocage des loyers pendant les guerres a montré des effets pervers. Sous Hauss- mann, les immeubles qui sont vendus en entier à des propriétaires sont alors dénommés immeubles de rapport. II Les causes Les causes économiques de la crise du logement ❑ Isabelle Maleyre (Economie, UPEC): Est-ce que l'amélioration des conditions de logements se paie? La réponse est à la fois positive et négative. Une analyse 19octobre 2010 3 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T
peut être faite à partir de l'indice Perval qui mesure l'évolution des prix à qualité constante. Il permet ainsi d'éliminer l'incidence de la hausse de la qualité. Est-il obligatoire de payer la qualité du logement? Non. L'avenir n'est pas inscrit. Si les prix sont aussi élevés, c'est un choix collectif. On évoque la crise du logement depuis la deuxième guerre mondiale, mais elle a changé de nature. Avant les années 1970, il s'agissait d'une crise de quantité. L'ouvrage de Jean-Jacques Granel « l'économie immobilière », qui est la référence en la matière, montre que la crise est un moment conjoncturel situé entre expansion et dépression. Mais s'il y a une persistance du déséquili- bre, il faut en caractériser la nature. ➠ Il peut être dû à une insuffisance de la demande; les promoteurs connaissent alors des difficultés à écouler leurs stocks. Cette situation s'est rencontrée au début des années 1990. La crise est alors une crise de la promotion immobilière. On a constaté le même phénomène en 2009. ➠ Mais le plus souvent, la crise est consti- tuée par une insuffisance de l'offre. La crise que l'on constate actuellement est une crise globale car elle affecte tous les segments du marché. Elle se mani- feste par une hausse des prix, une file d'attente importante pour obtenir un logement social, une baisse de la mobilité et une augmentation de l'insatisfaction des habitants à l'égard de leurs loge- ments. La crise s'inscrit dans un contexte con- joncturel morose. Ce sont d'abord les zones centrales qui sont affectées puis la périphérie. La crise peut aussi s'expliquer par phénomène de mimétisme: les métropoles ayant le regard fixé sur la capitale, elles en adoptent le comporte- ment. La croissance de la mobilité provoque par ailleurs une hausse des prix: lorsqu'un ménage parisien doté d'un capital élevé à investir s'installe à Bordeaux, il contribue à faire monter les prix. De même, on impute aux étrangers la hausse des prix en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. En conclusion, on peut dire que la crise est très territorialisée. « Sous les moyennes, la crise » écrivait Etudes Fon- cières en août2010. Si on centre l'analyse sur l'Ile-de-France, il faut intégrer deux facteurs: la démogra- phie et les revenus. ➠ 1. Pour l'analyse des facteurs démo- g raphiques, il est nécessaire d'avoir une approche en nombre de ménages. On constate en effet en Ile-de-France une augmentation du nombre de familles monoparentales. Dans le cœur de la région se concentrent les ménages d'une ou deux personnes alors que les familles se déplacent vers la périphérie. La population de l'Ile-de-France a crû de +0,9% par an entre1999 et2009 (et davantage en grande couronne), ce qui représente une hausse de 45000 ménages par an. On affirme souvent que la taille des ménages est faible, mais ce n'est vrai que dans le cœur de la région. La taille des ménages est supérieure à ce qu'elle est dans le reste de la France. Ce serait peut-être la conséquence d'un frein à la décohabitation. L'Ile-de-France est marquée par les apports migratoires qui sont plus élevés qu'ailleurs. Or la population immigrée a des revenus plus faibles que la population non immi- grée. Un ménage d'immigrés dispose en moyenne de 2200euros de revenus alors qu'un ménage de non-immigrés a des revenus de 3017euros. Si on le mesure par personne, l'écart est le suivant: le revenu est de 1253euros par personne immigrée et de 1952 euros par personne non-immigrée. Or l'Ile-de-France représente 40% des apports migratoires. La pression de la demande s'exerce donc logiquement sur le logement social. Les demandes insatisfaites de logement social augmentent. Il s'ensuit un déverse- ment des populations vers les espaces franciliens. En résumé, si la croissance démo- graphique n'est pas outrageusement dynamique, elle représente toutefois un facteur de la crise. La croissance des iné- galités de revenus résulte aussi de l'augmentation des ménages à faibles revenus. ➠ 2. Les revenus Le revenu disponible par habitant a aug- menté de 3% par an entre2001 et2007. Il a un peu plus augmenté en province qu'en Ile-de-France. Les dépenses de logement augmentent au même rythme que le revenu. La demande d'espace est fortement élas- tique au revenu. La demande augmente beaucoup plus vite que le revenu. Jean Cavaillès a montré que la demande d'espace prime sur la demande d 'accessibilité (demande de proximité des centres urbains). Pourquoi les promoteurs ont-ils des diffi- cultés à fournir des logements à prix accessibles? Ils rencontrent un problème de coût de construction. Ils n'ont pas pour autant augmenté leur marge. La réponse se trouve donc dans le coût des terrains à bâtir. Les prix des terrains ont augmenté de 75% en région Provence-Alpes-Côte d'Azur alors que les revenus n'ont aug- menté de 25%. Les explications convergent vers la ques- tion des contraintes réglementaires imposées à l'usage des sols. Les causes socio-politiques de la crise du logement ❑ Jean-Paul Gourevitch ( 2) (département communication publique et politique): En matière d'immigration, il faut relever deux évidences. ➠ 1. En France, 7,7millions de personnes (12,7% de la population) sont d'origine étrangère dont les trois-quarts viennent d'Afrique. Ces personnes sont le plus sou- vent en situation de précarité du point de vue du logement. La France compte 31 ou 32millions de logements c'est-à-dire un pour deux habitants. Or 58% des Français sont propriétaires. Mais parmi les étrangers, ce taux est de 35% et il tombe à 7% chez les Africains. Si, dans les régimes autoritaires, la mixité sociale imposée ne pose pas de trouble, dans les pays démocratiques, les villes ont le choix. Elles peuvent promouvoir un métissage social et éviter les ghettos et conserver un volant de personnes sol- vables pour éviter la faillite du système. Les maires font un choix de mixité sociale et les politiques urbaines sont fondées sur ce choix. Mais le métissage social est un échec. Les pouvoirs publics ne parviennent pas à imposer ce métissage. Une communauté aspire à se retrouver ensemble; les 19octobre 2010 4 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T (2) Consultant international sur l'Afrique et les migrations, auteur de « Immigration: ça coûte ou ça rapporte? » et « les Africains de France ».
Africains subsahariens par exemple n'habitent pas dans les mêmes tours que les Marocains… Dans un certain nombre de villes, la pop- u lation immigrée remplace les habitants d'origine et la répartition est ethnique. À Garges-les-Gonesse, on recense 62 eth- nies, mais qui ne sont pas mélangées. La plupart des élus reconnaissent cette situation. On constate des tensions liées à la cohabitation entre étrangers et autochtones ou entre ethnies. Or le marché du logement n'est pas indéfiniment extensible. Si on avait atteint les objectifs du plan de cohésion sociale, on aurait pu satisfaire les besoins des immigrés implantés dans le pays mais pas ceux des nouveaux arrivants. Or il y a 125000 arrivées nettes par an. Il faut aussi tenir compte d'un solde d'expatriés de 65000 personnes. Mais ceux qui partent disposent d'un revenu moyen de 29000euros et sont propriétaires alors que ceux qui arrivent disposent d'un revenu de 18000euros et sont candidats locataires. De surcroît, si on attribuait tous les logements sociaux aux immigrés, on mécontenterait les autochtones. ➠ 2. les logements ont été conçus pour les ménages de 4 à 5 personnes et non pour des familles comportant de nom- breux enfants. On est alors loin des 40m 2 par personne. Le nombre de familles polygames serait de 3500 ou de 35000, mais au Val-Four- ré, il représente 35% des ménages. On compte 2millions de familles mono- parentales, mais elles représentent 19,5% des familles chez les immigrés alors qu'elles ne représentent que 12,5% chez les non-immigrés. ➠ 3. On observe une dégradation des conditions de vie dans les ensembles dont les halls sont dévolus aux trafics et les caves aux recels. Dans le département de Seine-Saint- Denis, les personnes d'origine étrangère sont plus nombreuses que les personnes autochtones. Dans certaines cités ghettos, il se pratique une petite délinquance et se développe une économie informelle qui génère délinquance et omerta. Il s'y crée un marché de l'insalubrité qui s'accompagne du développement des squats. Résultat: le logement social qui devrait être une étape dans le parcours d'ascension sociale est devenu une assig- nation définitive à résidence, ce que montre la faiblesse du taux de rotation. Certains occupants veulent en partir et n'y parviennent pas. D eux réponses ont été imaginées: ➠ Essayer de transformer le statut des personnes dans leur environnement. ➠ Imposer aux municipalités riches une obligation de construction de logements sociaux pour faire supporter à davantage de communes le poids des logements sociaux. Mais certaines communes ont préféré payer une amende plutôt que de construire. La gauche dénonce ces com- munes, la droite demande un assouplisse- ment de la loi pour que l'accession sociale à la propriété soit incluse dans la notion de logements sociaux. Les libéraux observent que le propriétaire d'un bien n'accepte pas sa dégradation et que les retards de paiement créent des situations ingérables. L'objectif est de faire dis- paraître les logements des quartiers abandonnés et de favoriser l'accession sociale à la propriété. Mais l'accès à la propriété n'est pas toujours un progrès. À Marne-la-Vallée par exemple, certains lotissements sont occupés en grande majorité par des immigrés qui rencon- trent des problèmes d'endettement. La politique libérale a consisté à favoriser la démolition des barres et à inciter les occupants à devenir propriétaires. La politique de rénovation des foyers pour immigrés n'a pas abouti car les migrants en situation irrégulière y bénéficient de la solidarité de leurs compatriotes. Conclusion: les médias se polarisent sur la question de la relation entre immigration et de délinquance mais il faudrait aussi étudier la question de l'adéquation entre population immigrée et logement. III Les réponses Les réponses politiques et urban- istiques et leurs difficultés ❑ Jocelyne Dubois-Maury (Institut d'urbanisme de Paris): Les réponses aux difficultés émanent de plus en plus des collectivités locales mais viennent aussi du législateur (loi DALO par exemple). 1. Le logement dans le droit de l'urbanisme L'urbanisme encadre le droit d'occuper le sol. Mais ce droit a fait l'objet d'une pro- fonde évolution. Il envisage de régir la ville dans sa globalité. La Loi d'orientation pour la ville en 1991 ( LOV) a édicté le principe du droit à la ville et défini les programmes locaux de l'habitat (PLH). En 2000, la loi SRU a fixé des objectifs de mixité sociale, notam- ment par son article55. Cette loi a aussi obligé les SCOT et les PLU à être compati- bles avec le PLH. Les lois Borloo I et II ont mis en place dif- férents mécanismes dont l'ANRU qui a engagé dès 2003 de nombreuses opéra- tions de requalification des quartiers. En 2005, le plan de cohésion sociale a réactivé le rôle des établissements publics fonciers prévus en 1991, mais les EPF locaux n'ont pas réussi à refroidir le marché. Une nouvelle stratégie a été engagée en 2006 avec la loi ENL pour lever les obsta- cles à la mobilisation du foncier. Trois réponses sont proposées: ➠ Mobilisation des terrains publics par délimitation de périmètres d'intérêt général (PIG); ➠ Incitation des communes à favoriser la mise à disposition du foncier par le biais d'une majoration de la taxe foncière sur les terrains constructibles non bâtis, et mise en place de la taxe sur la cession des terrains constructibles non bâtis. Toute- fois, peu de communes ont eu recours à ce mécanisme; ➠ Délimitation de secteurs à COS majorés en cas de construction de plus de 50% de logements sociaux. La loi Boutin de 2009 a fait des élus locaux les acteurs essentiels de la poli- tique du logement, mais l'Etat conserve des prérogatives en cas d'inaction des communes. Les élus peuvent recourir à différents outils: ➠ Imposer une taille minimale pour les logements et fixer des secteurs dans lesquels les programmes doivent avoir une quote-part de logements d'une taille minimale; ➠ Imposer une catégorie de logements dans les zones U ou à urbaniser; ➠ Autoriser des dépassements des règles de densité en faveur des immeubles col- lectifs; ➠ Augmenter les COS pour les logements sociaux. La loi Boutin a aussi lancé un programme 19octobre 2010 5 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T
de requalification des quartiers anciens dégradés. Le but est de permettre la régénération globale de certains quartiers entre2009 et2016. Un décret d 'août 2010 a identifié une liste de 40 quartiers relevant de ce programme. Le législateur de 2009 a réservé à l'Etat des moyens pour se substituer aux com- munes. Il s'agit d'un droit de préemption qui permet de réaliser des logements sociaux dans les communes défaillantes: le droit de préemption est transféré au préfet. La mise en compatibilité des PLU avec les PLH doit être faite en un an. Le préfet peut l'imposer. L'Etat peut aussi intervenir par une opération d'intérêt national (OIN) pour imposer la construction de logements sociaux. La loi Boutin a autorisé des OIN sur des terrains qui n'appartiennent pas à l'Etat. Conclusion: cette production incessante d'outils est le signe d'une incapacité publique à résoudre la crise du logement. On peut se demander si ces textes sont réellement appliqués, voire s'ils sont applicables. 2. La mobilisation du foncier . On considérait le foncier dans les années soixante-dix comme une ressource inépuisable. Puis, avec le développement durable, on a dénoncé une consomma- tion excessive des espaces agricoles. La loi SRU a fixé l'objectif de lutte contre l'étalement urbain et a voulu favoriser le renouvellement urbain. Cela se traduit par la réutilisation de casernes ou de friches industrielles (secteur des Bati- gnolles dans le XVII e arrondissement de Paris par exemple). Mais ces opérations sont insuffisantes en regard de la demande de logements. Il faut donc envisager une consommation des espaces agricoles tout en respectant la loi Grenelle II qui préconise une con- sommation économe de l'espace. Les SCOT, qui couvrent la moitié du terri- toire national, doivent faire une analyse de la consommation de l'espace et arrêter des objectifs chiffrés de consom- mation d'espace. La loi SRU a eu pour effet de repousser la consommation d'espace au-delà de la dis- tance de 15km des agglomérations. Le principe de constructibilité limitée a été étendu au-delà des 15km. Mais cela ne s'appliquera qu'après 2017, les lotisse- ments vont donc continuer à fleurir. Conclusion : en dépit de l'accumulation des textes, la recherche de terrains con- structibles va se poursuivre en raison des besoins. Il faut lutter contre les com- p ortements spéculatifs. On pourrait par exemple rendre obligatoire la taxe sur les plus-values sur les cessions de terrains devenus constructibles. Les réponses juridiques et leurs limites ❑ Pierre Cain (faculté de droit): Si la crise est une rupture d'équilibre entre la production et la demande, faut-il s'en tenir au logement? Le code de l'urbanisme distingue bureau, logement, hébergement. Mais cette dernière notion recouvre une habitation temporaire. La crise pour les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) qui accueille des jeunes ayant quitté le domicile familial ou des gens à la recherche d'un hôtel, n'est pas la crise des résidences étudi- antes ou celle des résidences pour per- sonnes âgées. Il y a des réponses à la crise dans le droit de l'urbanisme. Mais le rapport Labetoulle du Conseil d'Etat observe qu'on veut tout régler avec le droit de l'urbanisme. On doit aussi tenir compte du CCH et du code de l'action sociale et des familles. Il y a un harcèlement textuel incessant au point que notre propre administration n'arrive pas à suivre. Il y a un effort de l'Etat en vue d'améliorer la situation du logement. Entre 1991 et la loi Grenelle II, on con- state une grande continuité. Mais on doit faire face à un paradoxe: comment me- ner une politique nationale avec un pro- cessus de décentralisation et alors que les maires se font réélire sur des objectifs de ne pas construire? L'Etat a créé des outils pour répondre à l'attitude de certains maires qui ne veu- lent pas construire; c'est le but des opérations d'intérêt national (OIN). Les permis de construire sont alors délivrés par le préfet. Une circulaire a récemment rappelé que l'Etat est le garant des grands équilibres nationaux. Les maires ont la faculté de mener une politique volontariste concer- nant la taille des logements ce qui per- met ainsi d'imposer une typologie des logements. Cela inquiète les promoteurs, mais aussi les organismes HLM qui ont des difficultés avec les familles « lour- des ». Les maires peuvent désormais imposer une quote-part de logements sociaux d ans les programmes de construction, ce qu'ils faisaient antérieurement, mais sans base légale. Pour permettre aux maires d'imposer à des opérateurs privés de réaliser du loge- ment social, il a fallu autoriser la VEFA mais on frôle la notion de détournement de procédure des marchés publics. Les organismes HLM doivent pratiquer la concurrence. La loi du 17février 2009 a tenté de régler le problème. Un organ- isme HLM peut acquérir en VEFA ou en vente d'immeuble à rénover sous condi- tions: si la demande de permis a déjà été déposée et que le programme a été établi par un tiers. En réalité, le promoteur contacte le maire qui lui demande que le pro- gramme soit vendu à tel organisme. Le programme est donc en réalité fait pour lui. Il vaudrait mieux utiliser plusieurs permis de construire sur un terrain ou un permis valant division dont une partie est revendue à l'organisme HLM. Le législateur ayant créé les conventions d'utilité sociale, tous les organismes HLM ont dû signer avec l'Etat et les collectiv- ités territoriales une convention fixant les objectifs à atteindre en matière de poli- tique du logement. Ces CUS doivent être signées avec le préfet d'ici le 31décem- bre 2010. La CUS comporte 9 objectifs. Parmi eux, l'un concerne le développement de l'offre par la production neuve. Pour la première fois depuis l'existence des HLM, on risque d'avoir une cohérence entre l'objectif de l'Etat et celui des organismes HLM, ce qui est très intéressant! En effet, dans certains secteurs, il n'y a pas de crise du logement du point de vue quantitatif. D'ici fin 2010, on saura où les organismes HLM veulent construire et l'Etat pourra donc adapter sa politique. Citons parmi les autres objectifs de la CUS: le développement d'offre d'insertion et d'accueil temporaire (c'est la politique d'hébergement) ou le pro- gramme de réhabilitation des logements. En conséquence, la CUS permet une meilleure adaptation à la territorialisa- tion des besoins. Olivier Tournafond: Ne pouvant régler les causes, l'Etat traite des conséquences de la crise du loge- ment. 19octobre 2010 6 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T
Table ronde présidée par Daniel Tomasin (professeur de droit à Toulouse) ❑ Laurent Cathala (député maire de Créteil): L a crise est politique. Le logement est un droit fondamental mais il relève aussi de la responsabilité des élus locaux. Le budget de l'Etat a certes ses con- traintes, mais il y a aussi une question de vivre ensemble. Il existe des blocages cul- turels: quel regard porte-t-on sur l'habitat social ? Or 70% des salariés ont droit à un logement social, alors qu'on pense souvent que le logement social est réservé aux plus défavorisés. Est-ce qu'on ne considère pas que le logement social suscite la venue d'une population pauvre, migrante, qui va créer des problèmes? Il y a aussi la question du foncier: les espaces se réduisent, ce qui augmente le coût du foncier. Dans certains secteurs, il reste possible de réaliser de l'accession libre mais plus du logement social. Certains dispositifs qui permettaient une mixité ont disparu. Il s'agit par exemple des crédits Palulos. Il est donc moins facile de rénover les logements, ce qui provoque leur paupérisation. Avec la diminution des plafonds de ressources, la loi Boutin va évincer du parc social les familles à revenus moyens, ce qui va provoquer la paupérisation des immeubles. Enfin, la perspective de ponction de 2,5% des loyers sur les organismes HLM va avoir des conséquences défavorables sur la production de logements. Conclusion: la crise du logement com- porte de multiples aspects, mais elle résulte d'un manque de volonté poli- tique. Elle pourrait être réglée par une maîtrise des sols. On peut aussi faire des logements sociaux de qualité. Quant à la vacance locative, elle a plusieurs causes; elle peut résulter d'une incapacité des bailleurs à maintenir les logements sociaux en bon état. Question: Comment répondre à la question du prix du foncier? Laurent Cathala: Lorsqu'un maire a la volonté politique de construire et de créer 50% de logements locatifs sociaux, il peut faire intervenir l'établissement public d'Ile-de-France qui porte le terrain. Cet outil évite le surcoût de portage du terrain. Le coût des normes du développement durable et de l'accessibilité est réel, mais il n'est pas i nsurmontable. Le plus difficile est de faire face aux réactions des populations qui se manifestent lors de la construction de logements sociaux. ❑ Christophe Robert (Délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre): Les prix ont doublé depuis 10 ans et les loyers ont augmenté de 50%. On ne maîtrise rien. Le Robien a eu un effet inflationniste et il a représenté un énorme coût pour les collectivités. Le Scellier a des effets pires encore car il favorise la construction de logements là où il n'existe pas de besoins de loge- ments. Or il ne faut pas oublier le marché. De plus, cette production provoque une concurrence sur le marché du foncier. La crise du logement existe depuis 25 ans, c'est une crise politique. Car on peut construire lorsqu'on le veut, mais où? Et pour qui? Or depuis dix ans, le décalage entre les prix et le pouvoir d'achat s'est accru. La ségrégation territoriale en fonction des populations est de plus en plus grave. Cela représente des dangers pour la société et cela comporte des incidences sur la santé et l'emploi. En dix ans, la crise s'est étendue aux classes moyennes inférieures: il n'est plus possible, même avec un salaire, de se loger en Ile-de-France. Certaines entreprises indiquent qu'elles ne parviennent plus à se développer car il n'est pas possible à leurs salariés de se loger sur les territoires. La fondation Abbé Pierre était favorable à la loi DALO car elle protège les plus faibles. Mais la politique de mise en œuvre de ce droit ne suit pas, même si elle a permis de réactiver certains disposi- tifs. Après la loi Besson, les dispositifs ont per- du de leur efficacité. « Il faut siffler la fin de la récréation pour les spéculateurs ». Benoist Apparu a évo- qué à juste titre l'idée de la régulation des loyers. Il faut: ➠ Produire massivement des logements à prix accessibles là où on en a besoin ➠ Imposer un partage de la plus-value sur les terrains constructibles, ➠ Réguler les loyers; indexer les loyers de relocation sur l'IRL, ➠ Protéger les plus faibles. L'absence de volonté politique est confir- mée par une logique politique; la ponc- t ion du 1% étant achevée, on va désor- mais ponctionner les locataires du loge- ment social et vendre les logements soci- aux pour les réserver aux plus pauvres. ❑ Pierre Cain: La vente des logements sociaux remonte à la loi du 10juillet 1965 (loi du même jour que celle relative à la copropriété), ce n'est donc pas une politique nouvelle. La vente a un double objectif quelles que soient les orientations philosophiques des élus. Le premier est budgétaire. La volon- té de vendre coïncide avec un désen- gagement budgétaire de l'Etat qui incite les organismes à se constituer des fonds propres en vendant des logements. L'autre objectif est de permettre aux locataires de devenir propriétaires. Mais la vente est contrôlée: il revient aux organismes HLM de sélectionner les loge- ments qu'ils souhaitent vendre. Laurent Cathala: Dans un objectif de mixité sociale, nous avons intérêt à maintenir des familles à revenus moyens. On ne vend qu'à l'occupant et à condition qu'il ait déjà au moins cinq ans d'occupation. Si l'acquéreur revend dans les cinq ans, le vendeur initial préempte. On compense par ailleurs la réduction du nombre de logements locatifs par la construction de logements sociaux nouveaux. Christian Robert: Nous dénonçons la volonté de vendre 40000 logements sociaux par an. Ce que nous condamnons, c'est cet objectif chiffré car il faut une analyse territoriale. Certains maires d'Ile-de-France qui dis- posent de 30% de logements sociaux ont pour objectif de passer à 20%. Question: Il faut aussi tenir compte des règles rela- tives à l'expulsion dont les difficultés inci- tent des bailleurs à refuser de louer à des personnes pour raisons ethniques. Daniel Tomasin: C'est un problème permanent. La ten- dance est à l'aggravation de la situation du bailleur privé. Pourtant, beaucoup ont acquis un logement locatif pour com- pléter leur retraite. Or, en cas d'impayé, cela affecte les revenus du bailleur. Le Conseil d'Etat a jugé en juin2010 que 19octobre 2010 7 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T
la procédure d'expulsion n'était pas arrêtée par la demande au titre du DALO. Mais les préfets n'accordent plus l'octroi de la force publique. La commis- s ion DALO peut proposer un logement social mais les préfets mettent du temps à accorder le relogement. Il faut rappeler que la loi de 1989 pose le principe de l'équilibre des rapports locat- ifs. Il faut donc aussi que le bailleur voie son droit reconnu. Christian Robert: La question de la bonne foi ou de la mauvaise foi dans les procédures d'expulsion est importante mais on ne dispose pas de statistiques. Mais les expulsions effectives avec le concours de la force publique sont aussi une réalité. Rappelons qu'il existe aussi un fonds d'indemnisation des bailleurs en cas d'expulsion. La dotation de ce fonds est, il est vrai, passée de 78 à 40millions d'euros. Cela met les préfets en difficulté. Il faut insister sur le fait qu'une bonne prévention des difficultés permet un échelonnement de la dette ou un reloge- ment, ce qui permet de réduire à zéro le nombre d'expulsions. ❑ Rozen Noguellou (professeur de droit à Paris Est): La crise du logement est aussi de nature économique, mais la question est de savoir si les politiques ont les moyens d'agir. Or ce n'est pas sûr. Certes, du point de vue juridique, les outils existent. Ils permettent la maîtrise foncière; les collectivités territoriales peuvent inter- venir, par exemple en utilisant le droit de préemption. La jurisprudence du Conseil d'Etat sur la motivation de la préemption est souple. Les collectivités locales peu- vent donc agir. Mais le problème se déplace alors sur le terrain économique. Un autre problème est celui de la déten- tion du foncier par des personnes privées. La densification est possible et la loi Grenelle II la favorise. On peut densifier la construction; mais à Paris par exemple, construire davantage heurte les sensibil- ités. Le problème est alors de nature poli- tique. Comment produire des logements à prix accessibles? En Ile-de-France, le problème est celui de la cherté des terrains. La ta- xation des terrains devenus constructibles est difficile à mettre en œuvre; Le pro- blème est que le droit pose le principe de la non-indemnisation des servitudes d'urbanisme; si on taxe, il faudra alors indemniser les servitudes d'urbanisme. La loi sur le Grand Paris comporte une taxe sur les cessions de terrains proches d es nouvelles gares du Grand Paris; on peut s'interroger sur la constitutionnalité d'une telle mesure. Le droit de l'urbanisme n'a pas grand- chose à voir avec la crise du logement; le problème est ailleurs. Daniel Tomasin: La FFB agit fermement, elle a par exem- ple sauvé la TVA à 5,5%. Les politiques ont du mal à maîtriser les interventions des professionnels qui développent des produits immobiliers innovants (par exemple dans le domaine des copro- priétés du troisième âge). Ils ont du mal à suivre l'imagination des professionnels! Un travail très important a été accompli dans les préfectures sur la question du DALO, tant de la part des fonctionnaires que des commissions DALO; on ne peut donc pas dire que la France ne fait rien pour le logement social. Laurent Cathala: Les blocages ne sont pas juridiques mais politiques. Il est exact que le bâtiment représente un soutien de l'activité économique mais il faut aussi répondre aux besoins fondamentaux de la popula- tion. La crise sociale provoque aussi des expulsions; les personnes hébergées dans les centres d'hébergement restent beau- coup plus longtemps que par le passé. Rozen Noguellou: Il n'est pas certain que les politiques puis- sent tout faire. On constate par exemple avec l'aide au logement que l'APL a eu pour effet de majorer les loyers des loge- ments étudiants. Le dispositif Scellier a eu le même effet inflationniste sur les loyers; les outils sont donc détournés. La crise est peut-être d'ordre politique mais les politiques ne peuvent pas régler la crise. Olivier Tournafond: Le législateur est doté d'une forte imagi- nation créatrice mais il a par ailleurs abandonné sa souveraineté avec l'Europe et la mondialisation. Si l'Etat affirme que c'est l'économie qui dirige, il n'est pas étonnant que la situa- tion se dégrade. Il y a une incapacité des politiques à gérer les problèmes, et c'est un abandon. Laurent Cathala: La décentralisation a aussi réduit la capacité d'intervention de l'Etat. P ierre Cain: L'Etat peut néanmoins intervenir. Lorsque par exemple le PLH n'est pas appliqué, le préfet peut dresser un constat de carence et récupérer le droit de délivrer les per- mis de construire. En matière d'expulsions, si le préfet estime qu'il y a un risque de trouble à l'ordre public en accordant le concours de la force publique, on retrouve la responsabilité de l'Etat. Même si les préfets disposent d'une enveloppe plus faible pour assurer l'indemnisation des bailleurs, la responsabilité de l'Etat sub- siste. Rappelons aussi que l'article L 641 du CCH permet de réquisitionner des loge- ments; mais il y a une distorsion entre la codification et l'application du droit. Dans « Utopie foncière », Edgar Pisani proposait la création d'une taxe locale d'urbanisation à prélever lors de la ces- sion des terrains à bâtir; mais on peut penser que les vendeurs auraient eu le réflexe de l'ajouter au prix de vente et cette piste a été abandonnée. La loi de 1975 sur le plafond légal de densité avait institué une taxe pour le dépassement du PLD; or la loi SRU a sup- primé le PLD sauf pour les communes qui l'avaient adopté antérieurement. Michel Delebarre a créé un EPF dans le Nord. Cet outil permet de mobiliser des fonds publics par exemple pour acquérir des terrains pollués, les décontaminer et rétablir leur caractère constructible. Laurent Cathala: À propos de l'accueil des gens du voyage, la loi de 2000 a obligé les communes de plus de 1000 habitants à créer des aires de stationnement. Mais dans le départe- ment du Val-de-Marne, on n'en recense qu'une seule et une autre en création. Olivier Tournafond: Rappelons qu'avec la loi sur la vente d'immeuble à rénover, le législateur a voulu trop protéger; il a imposé une garantie extrinsèque coûteuse, qui risque de stériliser le marché ou de susciter la fraude. Isabelle Maleyre: Il faut entendre ce que souhaitent les gens: ils ne veulent pas habiter dans des tours. 19octobre 2010 8 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T
Olivier Tournafond: L'Etat ne s'occupe pas de ce qu'il devrait et inversement; la réforme des règles de prescription par exemple comporte des a rticles qui sont rédigés de façon incom- préhensible, qui sont un chèque en blanc fait au juge. Synthèse ❑ Daniel Tomasin (professeur de droit à Toulouse): ➠ Le diagnostic On a eu du mal à définir ce qu'est la crise du logement; nous n'avons pas toujours été très clairs! L'idée de crise évoque celle de change- ment brusque, conjoncturel, comme un AVC pour prendre une image médicale; Cette crise coexiste avec d'autres crises, comme la crise économique. Il y a un problème posé par la difficulté de définir le prix du logement. Est-il obli- gatoire de faire payer la qualité? C'est une vraie question; il n'est pas obliga- toire de faire payer la qualité du loge- ment, mais ce peut être une explication de la crise du logement. Faut-il bloquer les loyers? Sûrement pas. Derrière la crise du logement se profilent la crise économique mais aussi une crise sociologique. Selon Laurent Cathala, la crise est de nature politique, qui s'imprègne des dif- ficultés de la ville pour obtenir un métis- sage et éviter d'avoir des villes dans les villes. Le problème de l'immigré est de s'insérer. Il lui faut une adresse qui ne le stigmatise p as. Il faut être sensible au rapport entre l'immigration et le logement. À propos de la notion de logement; il a été indiqué que la population pauvre n'accède au logement qu'au XIX e avec la Révolution; les hygiénistes se sont demandés comment faire vivre les popu- lations les plus pauvres. Laurent Coudroy de Lille a lancé la réflexion sur la notion de logement. Le logement doit évoluer avec l'évolution des populations. Ainsi le PACS a un suc- cès considérable car il n'y a pas de divorce; il suffit pour y mettre fin, d'une lettre de rupture. Les politiques doivent alors adapter le droit au régime du pacs; il lui a donc fallu modifier la loi de 1989 et la loi de 1965 pour y introduire le partenaire pacsé. L'hébergement relève d'une notion dif- férente: il est offert aux personnes les plus pauvres en situation irrégulière alors qu'ils n'ont pas droit au DALO; Le logement est un concept difficile à maîtriser. Jean-Claude Driant a montré que le loge- ment est en amélioration constante, qu'on n'a jamais autant construit; il a insisté sur la rotation dans le parc. Si on a beaucoup construit, il faut être sensible à la rotation: les locataires du parc public 19octobre 2010 9 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • C C R R I I S S E E D D U U L L O O G G E E M M E E N N T T NOM : PRÉNOM : FONCTION : SOCIÉTÉ : ADRESSE : TÉL : FAX : MÉL : N ° TVA INTRACOM .: SIGNATURE : O F F R E E X C E P T I O N N E L LE R é s e r vé e a u x n o u v e a u x a b o n n é s 20% de réduction sur l’abonnement JURIS h h e e b b d d o o immobilier B ULLETIND ’ ABONNEMENT « PRIVILÈGE » ❑ OUI , je souhaite bénéficier de l’offre de souscription à JURIShebdo qui m’est réservée soit un an d’abonnement (41 numéros de la lettre +5 numéros spéciaux consacrés au droit immobilier) au prix de 599 € TTC dont 2,1% de TVA au lieu de 769 € TTC, soit 20% de réduction . Ci-joint mon chèque de 599 € TTC à l’ordre de JURIShebdo Je recevrai une facture acquittée dès paiement de ma souscription À RETOURNER A JURISHEBDO 168, AVENUE MARGUERITE RENAUDIN, 92140 CLAMART ns 32 UNE PUBLICATION DE LA SOCIETE DE PRESSE DU BREIL, SARL DE PRESSE AU CAPITAL DE 10000EUROS, RCS 443 034 624 00017 NANTERRE ✁ ne le quittant plus, la situation est figée. Le problème est que l'ascenseur social ne fonctionne plus; et en conséquence, il n'y a donc plus de mobilité dans le parc. ➠ Les remèdes L'idée de bloquer les loyers a été écartée; on a constaté le peu d'efficacité des lois françaises. Lorsqu'on constate la liste des textes publiés depuis 1998 et l'intervention du Conseil constitutionnel, on constate une perte d'efficacité des textes. Nous disposons aujourd'hui de plus de 60 codes. Les débats ont évoqué le code de la construction et de l'habitation, le code de l'action sociale, le code de l'urbanisme, mais on n'a pas évoqué le code civil. C'est un paradoxe très fort. Le code civil posait des principes simples de respect de la parole donnée, par exemple; nous en sommes loin. Il y a un véritable enjeu de densification et de la maîtrise foncière. On est étonné de ce que toutes les professions con- tribuent à l'étalement urbain; les grands gagnants sont… les constructeurs d'autos! Le foncier aura-t-il sa revanche? la ville de demain sera peut-être interdite aux voitures. Christian Robert a dit qu'il fallait siffler la fin de la récréation pour les spéculateurs; mais toute activité économique est fondée sur la recherche de spéculation. Il faut aussi relever la sagesse des ban- ques françaises qui n'ont pas attribué des prêts au-delà des critères de revenus; on sait que si on lâche sur ce point et que, comme aux États-Unis, on consent des prêts en fonction de la valeur des biens, toutes les dérives deviennent possibles. Dans certaines régions, comme par exem- ple en Midi-Pyrénées, hors du grand Toulouse, il y a un effondrement des prix qui résulte de la crise du logement dans les grands centres urbains. L'aménagement du territoire a besoin d'un « bon coup de plumeau ». Les sociétés de défiscalisation ont provoqué un effondrement des prix dans certaines villes et les bailleurs ne trouvent plus de locataires dans les centres-villes car les locataires sont partis dans les pro- grammes Robien de la périphérie comme à Cahors, Limoges ou Brive. ●
19octobre 2010 10 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • A A C C T T U U A A L L I I T T É É Rencontre Le cabinet d’avocats d’Alverny Demont & Associés: du droit social au droit immobilier Les avocats du cabinet parisien d’Alverny D emont & Associés privilégient une approche transversale des problèmes. C’est ainsi que, pour l’application au secteur du Grenelle de l’environnement, Nicolas Lerègle, spécialiste des questions immobi- lières, travaille en lien avec Karine Cholus- Dupont, spécialiste du droit du travail. En effet, si les exigences de performance des bâtiments sont aujourd'hui dépourvues de sanction, les règles pourraient évoluer. Or, les performances sont également dépen- dantes du comportement des sociétés uti- lisatrices… et donc de leurs salariés. Faut-il prévoir des sanctions, des incitations au respect des règles d’usage de l’éclairage ou du chauffage des bureaux? Les interac- tions sont manifestes entre le droit immo- bilier au droit social. Le cabinet d’Aleverny Demont & Associés s’intéresse également aux questions de droit des sociétés (Arnaud Demont), de contentieux et arbitrage (Hubert d’Alverny) et de propriété intellectuelle (Emmanuel de Marcellus). Si le cabinet est favorable à la médiation et à une évolution de la profession qui la rapproche des autres professions du droit, il n’a pas un avis très positif sur la création de l’acte d’avocat. Créé depuis 10 ans et regroupant 15 colla- borateurs, le cabinet est le représentant en France du réseau Warwick legal. Indices des loyers ■ ■ ICC : l’indice du coût de la construction du 2 e trimestre 2010 s’établit à 1517. La hausse est de: ➚ ➚ +1,27% en un an ➚ ➚ +5,71% en 3 ans ➚ ➚ et +33,19% en 9 ans (Publication Insee du 8octobre 2010) ■ ■ ILC : l’indice des loyers commer- ciaux pour le 2 e trimestre 2010 est fixé à 101,83, ce qui représente une baisse de: ➴ ➴ -0,22% en un an. (Publication Insee du 8octobre 2010) ■ ■ IRL : l’indice de référence des loyers du 3 e trimestre 2010 s’établit à 118,70. Il est en progression de: ➚ ➚ +1,10% en un an (Publication Insee du 14octobre 2010) Chiffres ◆ Conseil de l’immobilier de l’Etat Henry Buzy-Cazaux, président de l’ESPI, rejoint le Conseil de l ’immobilier de l’Etat en tant que chargé de mission auprès de son président, Yves Deniaud. Le député de l’Orne a succédé à Georges Tron en mars2010 (communiqué du 12octobre 2010). ◆ Ordre des géomètres-experts Hervé Grélard est promu directeur général de l’Ordre des géomètres- experts. L’Ordre qui se transforme en instance de régulation et de management stratégique de la pro- fession reconnaît ainsi le parcours d’Hervé Grélard qui a rejoint l’Ordre en 2007 (communiqué du 12octobre 2010). B B R R È È V V E E S S ❘ ❘ ◗ ◗ Au sein du cabinet de droit des affaires Beylouni, Valot & Vernet, avo- cats, qui vient d’être fondé à Paris, c’est Jean-Marc Valot (ex. Deloitte & Touche et Franklin) qui intervient en droit fiscal (transactions, fiscalité immobilière et contentieux). Acteurs Fiscalité Les articles à suivre dans le PLF - La majoration du taux d’imposition des plus-values immobilières, qui passe de 16 à 17% figure à l’article 3, de même que le relèvement des taux affectant notamment l’imposition des plus-values mobilière (pas- sant de 18 à 19%). - La réduction de 10% des niches fiscales (art. 58). La réduction vise à la fois les taux et les plafonds. Un décret en Conseil d’Etat fixera les montants exacts des taux et plafonds. L’entrée en vigueur de la mesure est prévue au 1 er janvier 2011. Les décisions d‘investissement prises jusqu’à la fin 2010 ne sont donc pas affectées. - Suppression du crédit d’impôt pour achat d’une résidence principale (art. 56 II). Sont visées les offres de prêt émises à compter du 1 er janvier 2011 et les offres anté- rieures, si l’acquisition du logement inter- vient après le 30septembre2011. - Réduction des aides à l’investissement dans la production d’énergie photovol- taïque (art. 13). Le taux du crédit d’impôt pour équipement dans l’habitation princi- pale et favorisant les économies d’énergie passerait de 50 à 25% pour les dépenses payées à compter du 29septembre 2010. - Cotisation foncière des entreprises. Pour la taxation des activités de location et sous-location immobilière, la limite d’assujettissement, qui est de 100000 € , doit s’entendre hors taxes et pour appré- cier la limite, il faut annualiser le chiffre d’affaires (art. 59). Cela concerne donc les sociétés qui se sont créées au cours de l’année et pour lesquelles on a pu penser être sous le seuil de 100000 € . - PTZ+: le crédit d’impôt accordé aux banques qui délivre le PTZ est modifié pour la mise en place du PTZ+ à compter du 1 er janvier 2011 (art. 56). - Fin d’exonération de contribution sur les revenus locatifs CRL pour les organismes HLM ou les SEM (art. 99). Toutefois, les loyers des logements attribués à des per- sonnes reconnues prioritaires par la com- mission DALO seraient exonérés de CRL pendant 5 ans. Les recettes perçues des bénéficiaires des aides au logement seraient retenues à hauteur de 90% de leur montant. La mesure s’appliquerait aux loyers perçus à compter du 1 er janvier 2011. A noter aussi: - Le barème de l’impôt sur le revenu figure à l’article2. La tranche maximum de l’IR est portée de 40 à 41% (art. 3). En conséquence, divers seuils sont ajustés. L’abattement applicable pour les succes- sions à compter du 1 er janvier 2011 serait de 159325 € en ligne directe, de 15932 € entre frères et sœurs et de 80724 € en cas de donation entre époux. - Le seuil d’imposition de l’ISF 2011 est fixé à 800000 € . Fraction de valeur nette taxable du patrimoine Tarif en pour- centage ≤ 800000 € 0% >800000 € et ≤ 1310000 € 0,55% >1310000 € et ≤ 2570000 € 0,75% >2570000 € et ≤ 4040000 € 1% >4040000 € et ≤ 7710000 € 1,3% >7710000 € et ≤ 16790000 € 1,65% >16790000 € 1,8% Barème ISF 2011 Fraction de part nette taxable Tarif en pour- centage ≤ 8072 € 5% >8072 € et ≤ 12109 € 10% >12109 € et ≤ 15932 € 15% >15932 € et ≤ 552324 € 20% >552324 € et ≤ 902838 € 30% >902838 € et ≤ 1805677 € 35% >1805677 € 40% Droits de succession 2011 (ligne directe)
19octobre 2010 11 JURIS h h e e b b d d o o immobilier • • L L A A U U R R E E N N T T E E S S C C O O B B A A R R ( ( A A D D É É Q Q U U A A T T I I O O N N ) ) >Quelle est l'activité d'Adéquation? L.E. : “Notre bureau d'étude et de conseil, créé en 1992, développe deux secteurs d'activité. D'une part nous assu- rons la maîtrise d'œuvre d'observatoires professionnels pour suivre l'activité du logement neuf. Nous produisons des sta- tistiques pour la FPC, le SNAL et l’USH. Nous travaillons aussi en lien avec Caron Marketing pour l'Union des Mai- sons Françaises. D'autre part, nous four- nissons des prestations d'études et de conseils pour les promoteurs immobi- liers et les collectivités territoriales par exemple pour l'élaboration de PLH et la programmation de ZAC. Notre siège est à Lyon, et nous avons des représenta- tions à Nice, Montpellier et Nantes. Notre effectif est de 40 personnes.” >Vous avez organisé le 7octobre un débat sur les réformes gouvernemen- tales pour le logement neuf. Commen- çons par le PTZ+. Comment analysez- vous sa réforme? L.E. : “Le PTZ+ est ciblé sur les classes moyennes, c'est-à-dire les ménages dis- posant de1600 à3500 euros de res- sources mensuelles. Leur budget maxi- mum sans aide est compris entre 110000€ et 225000€ en primo-acces- sion. Mais, hors le cas des secteurs relevant de la TVA à 5,5%, ce budget en PTZ+ per- met de financer au maximum un 2-3 pièces en pôle urbain et au plus un 3 pièces pour un secteur péri-urbain. Le PTZ+ a aujourd'hui la même efficaci- té que le PTZ en 2008 sans Pass-Foncier. Comme les prix ont monté, le prêt sera moins efficace.” >Comment réagissent les profession- nels à cette analyse?? L.E. : “Ils s’accordent pour dire que le dispositif peut encore être amélioré en zone A et B, et ont bon espoir que le ministère annonce prochainement une évolution pour le rendre plus intéres- sant. Par ailleurs, constructeurs de maisons individuelles, aménageurs lotisseurs et bailleurs sociaux s’inquiètent du faible impact qu’aura le nouveau dispositif en zone C. Le supplément de solvabilité apporté par le PTZ+ en zone C n'est que de 2000€! (plus précisément entre 1000€ et 9000€ suivant les cas). Cela permet donc seulement à l'acquéreur de payer un peu moins d'intérêt. Alors que dans le passé, le PTZ assurait une resolvabilisa- tion de 15000à 20000 €. Thierry Repentin a fait observer égale- ment que dans certains endroits, en par- courant quelques kilomètres, on passe de la zone B1 à la zone B2 puis à la zone C sans que les prix varient sensiblement. En grande couronne, les prix moyens sont autour de 185000€. Or le budget moyen de la classe moyenne concernée (disposant de ressources mensuelles de 1600€ à 2000 €) n'est que de 160000ou 165000 euros. Le PTZ+ ne parvient pas à resolvabiliser, ce qui risque de pousser plus loin les primo-accédants. Il y a pourtant une réelle volonté poli- tique de lutte contre l'étalement urbain. Le jeu des plafonds peut dans certains cas s’avérer contre-productif. Le monde HLM le constate également et produit 10000 logements par an en accession sociale alors qu'ils en construi- saient antérieurement 14000 logements. Pour l'USH, les pouvoirs publics ont voulu faire du PTZ+ la réponse au slo- gan « une France de propriétaires » mais en rendant le PTZ accessible à tous, ils se sont privés d'un levier important pour la classe moyenne. Il aurait été préférable de le cibler davantage plutôt que de fai- re du saupoudrage.” >Quel impact peut-on attendre de cette réforme sur les volumes de construc- tion?? L.E. : “L'USH anticipe une baisse d'activité. Le secteur de maison indivi- duelle prévoit aussi une diminution des volumes. Quant aux promoteurs, ils esti- ment que leur proportion d'accédants va augmenter en 2011 (à un niveau de 45000 ventes environ), mais ils prévoient une baisse des ventes aux investisseurs en Scellier. En effet, presque tous les pro- moteurs ont fait le choix du BBC dès 2010 et le nombre de ventes devrait être de 70000 cette année. En 2011 la baisse devrait être limitée et compensée par une hausse de l'accession, mais avec la réduction de l'avantage fiscal pour 2012, le volume des ventes devrait baisser en 2012. La réduction des aides à la pierre et la hausse des prélèvements sur le logement social devraient également contribuer à la baisse de la production. Le secteur social devait contribuer à la construction neuve à hauteur d’au moins 100000 logements locatifs en 2010 et 110000 en 2011. Il risque de diminuer à 100000 en 2012. Au total, pour l'année 2012, chaque sec- teur: promotion, maisons individuelles et bailleur social, pourrait avoisiner 100000 logements, soit au total 300000à 330000 mises en chantier… alors que le Gouvernement vise au moins 400000 logements à terme. Ce diagnostic est assez partagé.” >La suppression du crédit d'impôt pour intérêt d'emprunt est saluée par la Laurent Escobar (directeur associé, Adéquation): “Le ministère pourrait annoncer une évolution du PTZ+” Le bureau d'étude lyonnais Adéquation avait organisé ce 7octobre un débat sur les réformes gouverne- mentales pour le logement neuf. Plus de 300 personnes s'étaient rendues à cette manifestation qui réunis- sait à la tribune Thierry Repentin (USH), Marc Pigeon (FPC), Pascale Poirot (SNAL) et Dominique Duperret (UMF). Le directeur associé d'Adéquation nous en livre la synthèse et montre que le choix de Benoist Apparu de tra- vailler en même temps à la réforme des aides au financement et à celle du droit de l'urbanisme suscite l'adhésion des professionnels. C'est un point très positif, même s'il y a bien sûr des divergences sur le détail des réformes. I I N N T T E E R R V V I I E E W W (1) La commission des lois du Sénat a supprimé l'article 83 de la proposition de loi de simplification du droit de Jean-Luc Warsmann, texte qui prévoyait une refonte totale du droit