Au sommaire :
– 2 – Champ d’application et intervenants – – Qualité de locataire – remise des clefs – réparations locatives – Agent immobilier – Mandat de gestion – élection de domicile – Concubinage – Contribution aux loyer et charges de la vie commune
– Adresse du bailleur – Préjudice du locataire
– Location meublée – Définition
– 4 – Exécution du bail. Loyer –
– Droit commun du bail – Clause d’habitation bourgeoise et domiciliation
– Loyer – Action en révision du loyer- Rappel d’indexation – loi ALUR
– 5 – Congés / Droits de préemption –
– Congé pour reprise – Bailleur personne morale –Offre de
relogement
– Congé pour reprise – Cause légitime de non-habitation
– Congé pour reprise – Durée du bail
– Congé pour motif légitime et sérieux
– Congé pour vente – Travaux réalisés par le bailleur
– Congé pour vente – Pacte de préférence
– Vente « à la découpe » – Logement indécent, non prise en compte
– 7 – Autres modes de fin du bail –
– Résiliation du bail aux torts du bailleur
– Rupture conventionnelle du contrat de travail – Dégradations et pertes
– Résiliation du bail et surendettement
– 9 – Contentieux. Responsabilités –
– Responsabilité du bailleur – Abus de droit du bailleur
– Responsabilité du bailleur – Préjudice moral
– Cautionnement – Nécessité d’un acte unique
– Bail mixte professionnel et habitation – Compétence du tribunal d’instance
– Conflit entre prescriptions spéciales – Non application des règles du code de la consommation
– Ordonnance de référé – Dégradations et pertes
– 11 – Application de la loi Alur –
– Deux décisions de cours d’appel sur l’application de la loi ALUR
– 12 – Rencontre –
Rénovation énergétique des copropriétés : changer d’approche
■ Qualité de locataire – remise d es clefs – réparations locatives Faits. Un bail portant sur un logement est consenti à une locataire, M me X. mais les lieux sont occupés par sa fille M me A. Le bailleur délivre à la mère et à la fille un commandement de payer pour loyers impayés, réparations locatives et dommages-intérêts. Il s’avère aussi que des dégradations ont été apportées aux lieux loués et que M me A. n’habite plus les lieux. Décision. La cour d’appel avait décidé, au vu des pièces invoquées par la mère (tel un titre de pension mentionnant une adresse autre que celle des lieux loués), que celle-ci n’avait plus la quali- té de locataire et que le bail était à sa fille, M me A. La Cour de cassation approuve la cour d‘appel sur la qualité de locataire de M me A. Mais la Cour ayant constaté que M m e A. ne résidait plus dans les lieux loués, et que des dégradations avaient été apportées au bien loué, l’avait condamnée au paie- ment d’une certaine somme au titre des réparations locatives et de dégradation. Sur ce point, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel car cette der- nière aurait dû rechercher « si en quit- tant les lieux définitivement sans en informer le bailleur, ni donner congé et restituer les clefs, M me A. n’avait pas commis une faute engageant sa respon- sabilité à l’égard du bailleur, la cour d’appel n’a pas donné une base légale à sa décision ». Commentaire. Voilà un arrêt intéressant sur plusieurs points dont la transmission du bail. S’agissait-il d’une subrogation par changement de débiteur? Appa- remment non car elle nécessite l’accord du créancier (article1271-2° du code civil). En principe, un bail se termine par un congé en bonne et due forme même s’il existe une procédure pour reprise si le locataire a définitivement quitté les lieux sans adresser de congé. Il y a aussi la transmission du bail au profit de proches quand le nouveau locataire avait résidé avec le locataire. Tel n’était pas le cas en l’espèce. S’agissait-il d’une sous-location régie par l’article 8 de la loi de 1989 ? Mais la mère de M me A. n’habitait plus dans les lieux. La juris- prudence est dure pour le sous-locataire irrégulier. Ainsi en était-il dans une autre affaire récemment jugée où le locataire n’occupait plus effectivement et personnellement le logement et l’avait laissé à la disposition de tiers (Cour de cassation, 14janvier 2016, n°14-23621). Était-on donc alors en présence d’une transmission de bail au regard des dispositions de l’article 14? Mais cela ne semblait pas être le cas. Sans doute alors s’agissait-il alors d‘une cession de bail régie par l’article 8 de la loi de 1989 qui impose l’accord écrit du bailleur. La sanction peut être lourde; c’est ainsi que le 18mars 1994, la cour d’appel de Paris (6 e chambre B) a pro- noncé la résiliation du bail quand le locataire faisait habiter les lieux par son frère. Dans l’espèce qui nous intéresse, le bailleur ne prouvait pas qu’il avait adressé des avis d’échéances ou quit- tances à M me X. après son départ; en revanche, il en avait adressé à la fille M m e A. On peut y voir l’agrément du bailleur à une cession du bail, la solu- tion semblant alors se situer sur le motif d’une renonciation expresse comme l’a fait une cour d’appel dans une espèce où le bailleur avait des relations contractuelles directes avec le cession- naire à qui il demande de régler le loyer (cour d’appel de Paris, 6 e chambre C 11janvier 2005, AJDI 2005, page255). C’est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation se penche sur un tel cas de figure. Mais l’autre moyen qui entraîne la cassation est que la cour d’appel aurait dû, pour la demande de paiement de dommages- intérêts voir si le bailleur n’avait pas commis une faute. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 14janvier 2016, pourvoi n°14-20500). ■ Agent immobilier – Mandat de gestion – élection de domicile Faits. En 2010, un bail en meublé est conclu par une société pour y loger un de ses salariés. Un mandat est conclu avec un agent immobilier concernant la recherche d’un locataire, la visite des lieux, la remise de justificatifs de pro- priété et de documentation nécessaires à la rédaction du contrat de location et de l’état des lieux. Le bail faisait men- tion du nom du bailleur et non de l’agent immobilier en qualité de man- dataire. Puis la société locataire, au bout de quelques mois, adresse à l’agent immobilier un congé par lettre recommandée qui est contesté par le bailleur lequel estime qu’il aurait dû être le destinataire de ce document. Il demande à la société par commande- ment de payer une certaine somme et l’assigne en résiliation du bail. La socié- té locataire pour sa part demande reconventionnellement la restitution du dépôt de garantie. Décision. La cour d’appel rejette les demandes du bailleur ce qui est approuvé par la Cour de cassation. Le bailleur avait fait élection de domicile chez l’agent immobilier et n’avait pas conclu un mandat de gestion avec ce dernier. De plus, le congé étant ambigu, la Cour de cassation considère que la remise des clefs étant effectuée, la cour d’appel a pu en déduire que la respon- sabilité de l’agent immobilier ne pou- vait être engagée de ce chef. Commentaire. La location était meublée et ne concernait pas à l’époque la loi de 1989. Y avait-il eu mandat de gestion entre le bailleur et l’agent immobilier? Selon la Cour de cassation, si le bailleur ne lui avait pas conféré un mandat de gestion, il avait fait élection de domicile chez l’agent. Dans ces conditions, le congé était valable et n’avait pas à être adressé directement au bailleur pour produire ses effets de droit. La jurispru- dence admet que le congé peut être notifié au domicile élu par le bailleur (Cour de cassation 3 e chambre civile, 29octobre 2008, n°07-17911). De plus, la remise des clefs à l’agent immobilier et non au bailleur directement est valable. (Cour de cassation, 3 e chambre civile 31mars 2016, pourvoi n°14-18741). 2 6juin 2017 2 C HAMPD ’ APPLICATIONETINTERVENANTS JURISPRUDENCE I. Champ d’application et intervenants
■ Concubinage – Contribution aux loyer et charges de la vie commune Faits. Un homme et une femme ont conclu un bail d’habitation et se sépa- rent. M.X. assigne M me Y. en paiement de sommes versées au titre de loyers. Ceux-ci représentent 38117euros à payer par chèque à compter de mai2012 en y ajoutant le loyer et les charges du mois à échoir. Décision. M.X. est débouté devant la cour d’appel et la Cour de cassation confirme cette décision aux motifs que M. X. ne démontre pas l’existence d’un accord entre les concubins sur la contri- bution aux charges de la vie commune. Commentaire. Bien que cette décision concerne grandement les concubins et leurs rapports juridiques, elle n’est pas inutile pour les bailleurs. Le code civil décrit le concubinage comme une union de fait caractérisée par une vie commu- ne présentant le caractère de stabilité entre des personnes de sexe différents ou de même sexe qui vivent en couple. L’existence du concubinage est recon- nue par la loi de 1989 en matière d’abandon de domicile ou en matière de décès du locataire ou encore dans la loi de 1948. Cet arrêt doit être retenu en ce qui concerne la conclusion du bail. Effectivement il est recommandé pour des raisons de solvabilité de stipu- ler la solidarité, à charge pour les inté- ressés de prévoir la contribution aux loyers et aux charges de la vie commu- ne. (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 31mars 2016, pourvoi n°15-13584). ■ Adresse du bailleur – Préjudice du locataire Faits. Un bail portant sur un logement est résilié. Le locataire entend obtenir le remboursement du dépôt de garantie et, n’ayant pu obtenir l’adresse du bailleur non mentionnée dans le bail, fait convoquer le mandataire de celui-ci devant la juridiction de proximité pour paiement d’une somme de 164,90euros. Décision. Le juge de proximité recon- naît le préjudice pour le non-respect par l’agent immobilier de l’obligation de mentionner l’adresse du bailleur. Mais elle refuse de satisfaire l’autre demande du locataire en précisant que le demandeur n’apportait pas la preuve des causes réelles et préjudiciables en lien avec cette faute pour une partie de la dette laquelle n’était qu’un préjudice hypothétique qui dépend très précisé- ment de la bonne ou de la mauvaise exécution du contrat. La Cour de cassation casse le jugement sur la base de l’article 1382 du code civil (actuel article1240) en retenant que le préjudice du locataire tenant à l’impos- sibilité dans laquelle il était de solliciter la restitution du dépôt de garantie auprès du bailleur sauf à justifier des retenues le cas échéant opérées, est cer- tain. Commentaire. En application de l’article 3 de la loi de 1989, le contrat de loca- tion comporte (1°) le nom ou la déno- mination du bailleur et son domicile ou son siège social ainsi que le cas échéant, ceux de son mandataire. Cette obliga- tion n’avait pas été respectée en l’espè- ce. Il y avait incontestablement une fau- te de l’agent immobilier. Ce dernier soutenait que le préjudice du locataire était une simple perte de chance. Pour la Cour de cassation, le préjudice est certain et l’article 1382 du Code civil sur la responsabilité extra contractuelle trouve à s’appliquer. Un deuxième moyen entraîne aussi la cassation au visa des articles846 et446-1 du Code de procédure civile, le demandeur ayant le droit de modifier ses demandes ini- tiales par des écritures établies posté- rieurement. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 14mars 2016, n°15-14075). ■ Location meublée - Définition Faits. Un bail en meublé est conclu en 2009. Mais le locataire conteste le carac- tère de meublé et demande à bénéfi- cier d’un bail soumis à la loi de 1989. Décision. La cour d’appel rejette les demandes du locataire en raison du fait que le caractère meublé de la location était attesté par des quittances et par l’intitulé du bail. La Cour de cassation casse cette décision, la cour d’appel ayant dû « rechercher si le logement donné en location était garni de meubles en quantité suffisante pour permettre au locataire de vivre conve- nablement ». Commentaire : Pendant longtemps, la location meublée fut régie par quelques articles du code de construction et de l’habitation complétés par des décisions de jurisprudence sur ce que la location devait comporter comme meubles. La loi ALUR a décidé d’introduire dans la loi de 1989 un titreI er bis régissant de façon spécifique les locations meublées (articles25-3 à 25-11). Le législateur a défini à l’article 25-4 la location meu- blée comme «un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exi- gences de la vie courante ». Et le texte précise que la liste des éléments est fixée par décret: il s’agit du décret n°2015-981 du 31juillet 2015. Dans l’arrêt susvisé, la Cour de cassation casse non au visa de l’article 25-4 mais au visa de l’article 2 de la loi de 1989. Selon nous, il ne faut pas y voir une applica- tion des textes avec les mises en vigueur des lois ALUR et Macron. En droit, il s’agit de la synthétisation de la jurispru- dence. «Il faut que le local soit meublé d’une manière qui permette d’y vivre immédiatement et convenablement » (Locations meublées et locations saison- nières, les Guides du propriétaire, L’in- formation immobilière, 2005). Ce fai- sant, la Cour fait application de la juris- prudence antérieure à la loi ALUR. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 27avril 2017, n°16-12357). 2 6juin 2017 3 C HAMPD ’ APPLICATIONETINTERVENANTS JURISPRUDENCE Indices de loyer ➚ ICC . L’indice du coût de la construction du 1 er trimestre 2017 s’établit à 1650. Il en résulte une hausse de: ➙ + 2,17% en un an, ➙ +0,12% en 3 ans, ➙ +10,22% en 9 ans. ➚ ILAT . L’indice des loyers des acti- vités tertiaires du 1 er trimestre 2017 est de 109,41, soit une hausse de: ➙ +1,12% en un an. ➚ ILC . L’indice des loyers commerciaux du 1 er trimestre 2017 s’établit à 109,46, soit une hausse de: ➙ +0,98% en un an. (Publications Insee du 20 juin 2017). Chiffres
■ Droit commun du bail – Clause d’habitation bourgeoise et domiciliation Faits. Un couple locataire habite un logement soumis à la loi du 1 er sep- tembre 1948. Il domicilie une société commerciale dans les lieux loués. Le bailleur l’assigne en déchéance du droit au maintien dans les lieux pour man- quement à la clause d’habitation bour- geoise. Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi en arrêtant que la clause d’ha- bitation bourgeoise de l’immeuble a été respectée aucune activité n’y ayant été exercée. Il n’y a donc pas de change- ment d’habitation de l’immeuble loué. Commentaire. L’article L. 123-10 du code de commerce règle les conditions permettant la domiciliation d’une entreprise, par une personne physique, dans les lieux loués. Ces personnes, peu- vent, à titre exclusif d’adresse de l’en- treprise, déclarer celle de leur local d’habitation. Et l’alinéa 3 de préciser que cette déclaration n’entraîne ni changement d’affectation ni application du statut des baux commerciaux. Les droits du locataire dans les lieux loués sont limités. En l’espèce, la Cour de cas- sation précise que le locataire n’ac- cueillait dans les lieux loués ni secréta- riat ni clientèle, qu’il n’y avait aucune machine ni activité commerciale et qu’aucun trouble lié à une telle activité n’avait été constaté par les voisins. La cour d‘appel de Paris avait statué en ce sens le 16décembre 2014; de même la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 e chambre, section A, 1 er décembre 2015, (loyers et copropriété 2016, n°31). (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 25février 2016, n°15-13856). ■ Loyer - Action en révision du loyer- Rappel d’indexation – loi ALUR Faits. En janvier1985, entre en vigueur un bail sur un logement. L’agent immo- bilier (une SARL) commet une erreur dans le calcul de l’indexation. En novembre2012, le bien est vendu à une société laquelle assigne le locataire en résiliation du bail et demande le paie- ment d’un arriéré de loyer au titre de la période allant du 18octobre 2012 à juillet2014. Un contentieux s’ensuit et le tribunal d’instance donne raison au locataire. Mais la cour d’appel réforme cette décision. Selon, elle, « si la pres- cription interdit de réclamer des loyers quel qu’en soit le montant au-delà du délai légal, elle ne modifie pas les termes du contrat qui est la loi des par- ties et notamment les effets de la clause d’indexation. Il y a donc lieu de prendre en compte l’indexation du loyer telle qu’elle aurait dû intervenir dès l’entrée en vigueur du bail ». Décision. La Cour de cassation refuse de casser l’arrêt rendu par la cour de Ver- sailles le 10février 2015. Ceci entraîne la confirmation de la dette du locataire pour un montant de plus de 32000euros plus les charges. Commentaire. On sait que la loi ALUR (loi n°2014-366 du 24mars 2014) a, par un article17-1-I inséré dans la loi de 1989, modifié le régime des indexations et oblige le bailleur à demander la révi- sion dans le délai d’un an. En cas de non-respect de ce délai, il est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clau- se pour l’année écoulée. Si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le bail dans la durée d’un an, cette révision prend effet à compter de sa demande. Et l’article 7-1 de la loi de 1989, intro- duit par la loi ALUR pose un délai de prescription triennale pour les actions dérivant d’un contrat de bail lequel est abaissé à un an pour l’action en révision du bail par le bailleur. Il se posait une interrogation non indi- quée expressément dans l’arrêt au sujet de l’applicabilité de l’article 14-1° de la loi ALUR, sur les mesures transitoires, qui s’applique aux contrats en cours pour la date d’entrée en vigueur de cet- te loi, certains articles dont l’article 24 de la loi ne faisant pas partie des dispo- sitions applicables immédiatement. Le motif de l’application de la loi ALUR n’est pas mentionné dans l’arrêt. La Cour de cassation, par un avis émis le 16février 2015 a considéré que « la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés. Ainsi mutatis mutandis, la solution de l’avis est applicable à l’article 7-1 non visé par l’article 14 la loi de 2014. Quant à la loi Macron, du 6août 2015, elle ne s’ap- plique pas à ce contentieux dont la décision judiciaire de fond a été rendue en février2015. À propos de l’article 17- 1 la cour d’appel de Paris (4 e chambre) a rendu le 1 er juillet 2014 une décision qui a arrêté que les effets passés de la loi de 1989 ne peuvent être remis en cause par la loi ALUR. L’article 17-1 de la loi ne peut régir pour les baux en cours que les indexations postérieures au 27mars 2014. Peut-être s’agissait-il d’un contrat tacitement renouvelé. Une première branche du pourvoi du locataire soutenait la violation de l’ar- ticle 17-1 et demandait son application sur le délai d’un an applicable. La Cour rejette ce moyen aux motifs que le loca- taire « ne s’étant pas prévalu dans ses conclusions d’appel de l’application de l’article 17-1 de la loi du 6juillet 1989 introduit par la loi du 24mars 2014 qui nécessite pour la période postérieure à l’entrée en vigueur de cette loi, que soit déterminée la date à laquelle le bailleur a manifesté sa volonté d’appliquer la révision du loyer, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ». Dans les deux dernières branches de son moyen unique, il soutenait que l’action en révision du loyer par le bailleur était prescrite un an après la date convenue par les parties et prétendait qu’il y avait violation de l’article 7-1. Il soutenait aussi que l’affaire était soumise à la prescription quinquennale. Mais la Cour pose le principe que « le délai de pres- cription d’un an applicable à l’action en révision du loyer par le bailleur prévu à l’article 7-1 de la loi du 6juillet 1989, a couru, pour les indexations ayant pris effet antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 24mars 2014, à compter du jour de l’entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale du 2 6juin 2017 4 E XÉCUTIONDUBAIL . L OYER JURISPRUDENCE II. Exécution du bail. Loyer
délai ne puisse excéder la durée de cinq ans antérieurement applicable ». Pour l’application de cette loi dans le temps, la Cour applique ainsi le deuxième ali- n éa de l’article 2222 du code civil: «En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou, du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puis- se excéder la durée prévue par la loi antérieure ». A insi la prescription ne concerne que la perception des arriérés de loyer résul- tant de l’indexation et non les modali- tés de calcul du loyer révisé. Dans ces conditions, le bailleur était admis à réclamer l’application de la clause de révision du loyer depuis 1985. C’est donc restituer à l’effet de la prescrip- t ion son véritable but et assurer la pri- mauté de l’article 1134 du code civil. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 12mai 2016, n°15-12685). 2 6juin 2017 5 C ONGÉS . D ROITSDEPRÉEMPTION JURISPRUDENCE ■ Congé pour reprise – Bailleur personne morale – Offre de relo- gement Faits. Deux congés pour reprise du loge- ment sont adressés à une locataire par une SCI familiale (société civile consti- tuée exclusivement entre parents et affiliés jusqu’au quatrième degré inclus) au profit d’un de ses membres âgé de 35 ans. Le congé est contesté pour absence d’offre de relogement la loca- taire étant âgée de plus de 70 ans (âge applicable à l’époque et abaissé mainte- nant à 65 ans) et de ressources modestes. Pour la SCI, le bailleur étant une personne morale, l’offre de reloge- ment n’a pas lieu d’être. Elle succombe en appel. Décision. Pour la Cour de cassation l’obligation d’offre de relogement est applicable à la bailleresse personne morale qui entendait faire bénéficier de la reprise un de ses membres. En consé- quence, les congés sont nuls. Commentaire. Cet arrêt est important. Déjà en ce qui concerne le congé pour motif légitime et sérieux, la Cour de cassation avait approuvé que l’Assistan- ce publique pouvait bénéficier de congé pour loger son personnel (Cour de cas- sation 3 e chambre civile, 7février 1996, Loyers et copropriété n°154) et qui a depuis été introduit dans la loi de 1989. En ce qui concerne la matière dont nous traitons, il s’agissait du point de savoir si l’obligation de relogement visée à l’article 15-III-de la loi de 1989 (et pou- vant être paralysée au profit du bailleur âgé et de ressources modestes) était applicable à une personne morale. Cer- tains auteurs estimaient que la reprise pour habiter, sauf le cas des SCI fami- liales, était en principe réservée aux personnes physiques (J. et F. Lafond, Les baux d’habitations). Mais qu’en était-il de l’obligation de reclassement (qui ne semble pas avoir donné lieu à conten- tieux mentionnés par le doit positif) ? On notera que l’article 15-III évoque le bailleur sans plus de précision, ce qui peut englober les SCI familiales. D’ailleurs l’alinéa deux de l’article 13-II dans sa rédaction actuelle précise que les dispositions des articles11 et surtout 15 peuvent être invoquées lorsque le bailleur est une personne morale. Et l’article 13 conforte ceci en disposant que l’article 15 peut être invoqué par les SCI familiales. Il n’y avait donc aucu- ne raison de dispenser de l’obligation de reclassement ce type de société. Il y a incontestablement une unification des régimes conforme au droit comme à l’équité. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 7juillet 2016, n°14-29148). ■ Congé pour reprise - Cause légitime de non-habitation Faits. Un bailleur délivre le 17mars 2006 un congé pour reprise pour la date du 30septembre 2006 au motif de reprise par son fils qui revient des USA le 1 er avril 2006. Les locataires s’étant maintenus dans les lieux loués, un juge- ment en date du 14mars 2007 recon- naît valable le congé ce qui entraîne le départ des locataires le 30juin 2007 près d’un an après la date d’effet du congé. Le bénéficiaire de la reprise de son côté et compte tenu de l’impossibi- lité pour lui et sa famille de rentrer dans les lieux loués loue des apparte- ments puis achète une maison. Il aurait cependant résidé dans les lieux objet du contentieux. Les anciens locataires atta- quent en justice l’ex-bailleur au prétex- te que dernier n’a pas fait habiter les lieux par le bénéficiaire de la reprise. Le 3juillet 2015, la cour d’appel réforme le jugement et considère que le bénéficiai- re de la reprise ne se trouvait pas dans une situation caractéristique de force majeure qui seule aurait permis de ne pas respecter l’obligation de reprise. De plus le bailleur est condamné à 6000euros de dommages et intérêts. Décision. La Cour de cassation casse l’ar- rêt de la cour d’appel au motif que le défaut d’occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise peut être justi- fié par l’existence d’une cause légitime ayant empêché l’occupation prévue. Commentaire. Voilà un arrêt qui consti- tue une confirmation de jurisprudence. La Cour casse l’arrêt au visa de l’article 1147 du code civil. Ce dernier exonère le débiteur si celui-ci justifie notamment que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Or la Cour de cassation relève qu’il y avait bien une cause légitime. Déjà dans un arrêt du 19avril 2000 (loyers et copropriété 2000 commentaire 164), la Cour avait posé ce principe du recours à une cause légitime. De plus ici, la situa- tion avait été créée par le locataire auquel on aurait pu appliquer la maxi- me « Nemo auditur. » Quoi qu’il en soit, voilà une affaire qui a duré une dizaine d‘années. (Cour de cassation 3 e chambre civile, 20octobre 2016, n°15-21525). III. Congés / Droits de préemption
■ Congé pour reprise - Durée du bail Faits. Un bail d’habitation est conclu le 10octobre 2010 mais le 21avril 2012, la bailleresse délivre un congé pour repri- se à effet du 9octobre 2012. Puis elle assigne les locataires pour voir recon- naître la validité du congé. La cour d’appel lui donne raison. Décision. La Cour de cassation, au visa de l’article 10 de la loi de 1989, casse l’arrêt de la cour d’appel. La bailleresse étant une personne physique la durée du bail devait être de trois ans ce qui n’a pas été respecté ici. Commentaire. Les locataires étant un couple marié, la notification pour la cour d’appel eu égard aux circonstances de la cause respectait les conditions de l’article 1751 du Code civil. Ici, le litige se situait surtout au niveau de l’article 10 de la loi de 1989, loi dont la bailleresse avait contesté l’application. Dans ses conclu- sions d’appel, elle avait reconnu que le congé devait produire effet au 10août 2013. Mais seul le congé devait être pris en compte et celui-ci violait le principe fondamental selon lequel le bail conclu par un bailleur personne physique ou une SCI familiale doit être d’une durée au moins égale à trois ans. Si la bailleres- se avait voulu récupérer rapidement son logement, elle aurait dû ne pas contester l’application de la loi de 1989 et se préva- loir des dispositions de l’article 11 de cet- te loi et conclure un bail à durée réduite. (Cour de cassation, 26janvier 2017, n°15- 18096). ■ Congé pour motif légitime et sérieux Faits. Un médecin et son épouse pren- nent à bail un local et il est stipulé que le preneur peut utiliser deux pièces pour exercer sa profession avec obliga- tion d’obtenir les autorisations adminis- tratives nécessaires. Le bailleur délivre congé pour motif légitime et sérieux. Il se prévaut de l’absence d’autorisation pour l’exercice de la profession et de dégradations de la façade de l’im- meuble. Il est aussi reproché à l’épouse d’exercer dans les lieux loués la profes- sion de graphiste. Il était enfin reproché au médecin de déverser ses déchets médicaux dans les poubelles communes. Décision. La cour d‘appel rejette les pré- tentions de la SCI bailleresse. En ce qui concerne l’exercice de la profession de graphiste, la preuve n’était pas rappor- t ée. Quant à l’exercice de la profession de médecin, dès 1996, le preneur avait modifié son adresse professionnelle et ce n’est qu’après, sur mise en demeure de la bailleresse, qu’il n’avait sollicité et obtenu l’autorisation administrative en 2011. La cour arrête que les manque- ments invoqués n’étaient pas de nature à justifier la résiliation du bail. La Cour de cassation confirme la décision, évo- quant l’appréciation souveraine de la cour d’appel. Commentaire. Ce type de congé peut être délivré pour motif légitime et sérieux notamment l’inexécution par le locataire de ses obligations. Cette déci- sion confirme que les juges du fond apprécient souverainement le caractère légitime et sérieux du congé (Cassation, 3 e civ. 7février 1996). Et la cour d’appel de Paris avait précisé que le motif légiti- me et sérieux doit exister au moment de la délivrance du congé (cour d’appel de Paris, 6 e chambre A, 23mars 1994), mais cela n’empêche pas la prise en compte d’éléments postérieurs permet- tant de contrôler le motif légitime et sérieux (Cour d’appel de Paris, 6 e chambre A, 23février 1994). Dans l’es- pèce, le preneur avait régularisé sa situation administrative; quant aux autres motifs, la preuve n’était pas rap- portée et les conditions strictes d’appré- ciation du motif légitime et sérieux n’étaient pas réunies. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 25février 2016; pourvoi n°14-28945). ■ Congé pour vente – Travaux réalisés par le bailleur Faits. En 1982 un bail est conclu entre une commune et un couple. En 2000, les parties concluent un nouveau bail avec loyer majoré en contrepartie de l’exécution de travaux d’amélioration à réaliser par le bailleur ce qui est fait. Par acte du 28octobre 2011, un congé pour vente est délivré pour un prix de 70000euros. Le congé, ainsi que le loyer applicable sont contestés par les locataires qui perdent en appel. Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Selon la cour d’appel, le prix n’était pas excessif. Quant à la majora- tion du loyer, elle était valable en appli- cation de l’article 17e de la loi de 1989. Commentaire. S ’agissant du contrôle du juge, il est décidé qu’il dépend de l’ap- préciation souveraine des juges du fonds. La Cour de cassation établit ce pouvoir du juge dans un arrêt du 19avril 2000 (n°98-18123). Cette appréciation souveraine est rappelée ici. Sous l’empire de l’article 17e de la loi de 1989 tel qu’il était numéroté à l’époque, le bail ou un avenant peut contenir une clause expresse permet- tant la réalisation de travaux d’amélio- ration par le bailleur et fixant alors la majoration de loyer consécutive à la réalisation de ces travaux. Il doit s’agir de travaux d’amélioration puisque le locataire est censé avoir loué un appar- tement en bon état. L’arrêt à cet égard est intéressant car il reprend par le détail les divers travaux d’amélioration tel que par exemple, des travaux de maçonnerie, etc. Ces dispositions ont été reprises par la loi ALUR à l’article 17-1-II de la loi de 1989. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 17novembre 2016, n°15-12367) ■ Congé pour vente – Pacte de préférence Faits. Un bail d’habitation est conclu en 1991. La bailleresse vend des biens en 2008 en stipulant un pacte de préféren- ce au profit d’un tiers sur d’autres biens. Un congé pour vente est délivré et l’offre de vente est acceptée par la locataire qui signe un compromis de vente. Mais lors de la réitération devant le notaire, la vendeuse refuse de signer au motif de l’existence du pacte de pré- férence. L’acquéreur l’assigne en réité- ration de la vente et le bénéficiaire du pacte intervient volontairement pour exercer son pacte. Décision. La cour d’appel déclare parfai- te la vente entre l’ex-bailleresse et l’ex- locataire. La Cour de cassation confirme cette décision: « la réglementation concernant le droit de préemption est d’ordre public et ne peut être tenue en échec par la conclusion d’un pacte de préférence ». Commentaire. Le pacte de préférence est l’acte par lequel un propriétaire pro- 2 6juin 2017 6 C ONGÉS . D ROITSDEPRÉEMPTION JURISPRUDENCE reproduction interdite sans autorisation
met au cocontractant de lui réserver la vente d’un bien s’il se décide à une ces- sion. Qu’en est-il quand il y a aussi un droit de préemption sur le bien concer- n é? La Cour de cassation édicte la prio- rité du droit de préemption; mais le bénéficiaire du pacte soutenait que par acceptation du compromis, l’acquéreur avait renoncé à son droit de préemp- tion. À cet égard, le compromis de ven- te contenait la condition suspensive « que toute personne physique ou morale […] renonce à ce droit « Et l’ac- te contenait aussi une clause explicitant cette situation. Mais les dispositions relatives au droit de préemption et contenues au titre premier de la loi de 1989 sont d’ordre public (article2 de la loi). En ce qui concerne ce caractère d’ordre public, il existe une décision rendue à propos de l’article 25 de la loi du 23décembre 1986 qui a décidé que les dispositions d’ordre public « ne sont pas destinées à assurer la seule protec- tion du preneur » (Cour de cassation, 2juin 1989, n°97-17373, publié au bul- letin). La Cour de cassation, au-delà de la rédaction maladroite du compromis, semble considérer que l’ordre public de la loi de 1989 est un ordre public de direction et non d’un ordre public de protection. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 2 4mars 2016, n°15-14004). ■ Vente « à la découpe » - Loge- ment indécent, non prise en compte Faits. Une indivision décide de vendre en entier un immeuble à usage d’habita- tion. La vente porte notamment sur des chambres de service au 6 e étage. Des locataires estimant qu’ils peuvent bénéfi- cier du droit de préemption dans ce type de vente assignent leur bailleur et la SCI acquéreur. Selon eux, les logements indécents entrent en ligne de compte pour le seuil d’application du droit. Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi et arrête que « seuls doivent être prises en compte pour le calcul du nombre de logements rendant appli- cables les dispositions de l’article 10-1- IA de la loi du 31décembre 1975 les logements susceptibles d’être offerts à la location présentant les caractéris- tiques de décence fixées par décret ». Commentaire. La cour d’appel avait c onsidéré que le nombre de logements n’était pas atteint en raison de ces chambres de services ne répondant pas aux critères de décence et qu’en consé- quence, en l’espèce, le seuil de dix loge- ments n’était pas atteint. Elle avait confirmé la décision des premiers juges. Il n’y avait pas de raison de ne pas faire application du décret n°2002-120 du 30janvier 2002 relatif au logement décent (surface minimales, eau couran- te, chauffage et aération). Or, l’article 1er de ce décret précise que « le loge- ment décent est un logement qui répond aux caractéristiques définies par le présent décret ». C’est donc dans une logique tant préto- rienne que d’uniformisation que la Cour de cassation estime que les logements indécents doivent être écartés du seuil de plus de dix logements, abaissé à plus de cinq logements par la loi ALUR du 24mars 2014. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 11février 2016, n°14-25682 et 15-50079). 2 6juin 2017 7 A UTRESMODESDEFINDUBAIL JURISPRUDENCE IV. Autres modes de fin du bail ■ Résiliation du bail aux torts du bailleur Faits. Un bail d’habitation est conclu avec un couple. Celui-ci ne paie pas les termes de février et mars2011 et quitte les lieux loués les 16 et 17mars 2011 sans avoir délivré de congé au bailleur qu’il avait pourtant prévenu verbale- ment et prétendait avoir eu l’accord du bailleur sur ce point. Un commande- ment de payer visant la clause résolutoi- re est alors notifié par le bailleur. Le 22mars 2011, un huissier de justice pro- cède à une saisie conservatoire et est amené à une ouverture forcée de la porte. Un barillet endommagé est rem- placé et l’huissier tient le nouveau barillet à la disposition des locataires. Ainsi, depuis le 22mars, les locataires ont été privés de l’accès à l’immeuble loué. Décision. Pour la cour d’appel, le bail doit être considéré comme étant résilié à la date du 22mars, les locataires n’ayant plus accès au local loué à cause des travaux réalisés sur la serrure. Et le bailleur avait connaissance du fait que les lieux loués avaient été vidés par les locataires. La Cour de cassation rejette le pourvoi du bailleur et approuve les juges du fond d’avoir arrêté que le bail devait être considéré comme résilié aux torts du bailleur. Commentaire. À l’origine de cette affaire existe un comportement assez répandu chez les locataires qui consiste lors du départ à ne pas payer la dette de loyers pour qu’elle soit compensée avec le dépôt de garantie malgré une clause classique des baux interdisant cette façon de faire. Au demeurant dans cette espè- ce, les choses étaient allées assez loin. Les locataires avaient porté plainte au pénal (pour violation de domicile?) et l’affaire avait été classée sans suite. Pour la Cour de cassation « la cour d’appel, qui a pré- cisé le fondement juridique de la décision et n’était pas tenu de procéder à une recherche relative à la date de la restitu- tion des clefs que ses constatations ren- daient inopérante en a exactement déduit, sans dénaturation que le bail devait être résilié à cette date aux torts du bailleur ». Quoi qu’il en soit, le bail est résilié aux torts du bailleur à la date du 22mars 2011 alors même qu’il n’y avait pas eu de congé. C’est donc la sanc- tion du comportement du bailleur qui est alors privé des loyers pour la durée de deux mois pour que la clause résolutoire joue, ainsi que des indemnités d’occupa- tions pour la période postérieure. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 23juin 2016, n°14-28380).
■ Rupture conventionnelle du contrat de travail – Dégrada- tions et pertes Faits. Un locataire donne congé et libè- re les lieux. Puis il assigne la bailleresse en remboursement d’un trop-perçu de loyer et en restitution du dépôt de garantie. La bailleresse demande recon- ventionnellement le paiement de répa- rations locatives. Décision. Sur un premier point, le contrat de travail avait été rompu de manière conventionnelle et le locataire estimait pouvoir bénéficier du préavis d’une durée d’un mois. Le tribunal d’instance avait accueilli sur ce point la demande, ce qui est approuvé par la Cour de cassation. Le second moyen avait trait aux réparations locatives dont le paiement était réclamé par la bailleresse. Le tribunal d’instance avait rejeté la demande reconventionnelle après avoir constaté que la bailleresse produisait des factures de travaux effec- tués dans les lieux loués et avait retenu qu’il n’était pas justifié de dégradations par le locataire. Mais la Cour de cassa- tion casse la décision « Qu’en statuant ainsi sans rechercher si le preneur démontrait que les désordres avaient eu lieu par vétusté, par cas de force majeure, par la faute de la bailleresse ou par le fait d’un tiers qu’il n’avait pas introduit dans le logement, le tribunal d’instance n’a pas donné de base légale à sa décision ». Commentaire. En application de l’article 15-I-2° de la loi de 1989, le délai de pré- avis est d’un mois en cas […] de perte d’emploi […]. Il est certain que le légis- l ateur de l’époque avait en vue l’hypo- thèse du licenciement. Mais depuis quelques années a été définie une pro- cédure de rupture conventionnelle des contrats de travail. Ce mode de rupture conventionnelle est régi par les articles L.1237-11 et suivants du Code du travail dont l’alinéa 2 énonce que « la rupture conventionnelle exclusive du licencie- ment ou de la démission ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ». Dans ce cas-là, il est incontes- table qu’il y a perte d’emploi et la Cour de cassation, même si on peut lui repro- cher une interprétation extensive de l’esprit de la loi par rapport à la lettre de l’article, en tire les conséquences et accepte le préavis d’un mois. Le second moyen est relatif aux réparations loca- tives et entraîne cassation pour non-res- pect de l’article 7c de la loi de 1989. La Cour reproduit dans son arrêt les termes de cet article 7c en y ajoutant la vétusté. Le locataire est ainsi présumé responsable de ce genre de réparations, le bailleur devant se contenter de prou- ver que les dégradations ont bien eu lieu pendant l’occupation des lieux par le locataire (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 26novembre 2013, Loyers et copropriété 2014, comm. N° 36). Or, en l’espèce, le tribunal d’instan- ce s’était livré à une inversion de la charge de la preuve. Cette décision de 2 6juin 2017 8 A UTRESMODESDEFINDUBAIL JURISPRUDENCE la Cour de cassation remet donc les pendules à l’heure. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, publié au bulletin, 9juin 2016, n°15- 15175). ■ Résiliation du bail et surendet- tement Faits. Une locataire se voit délivrer un commandement de payer visant la clau- se résolutoire. Cette locataire obtient l’application de la procédure de suren- dettement et bénéficie d’une procédure de rétablissement personnel et clôture sans liquidation judiciaire. Un conten- tieux s’ensuit et la locataire soutient que la clôture pour insuffisance d’actif entraîne l’effacement des dettes non professionnelles antérieures au juge- ment d’ouverture. Décision. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel au motif que « le moyen tiré de l’effacement de la dette locative à l’issue d’une procédure de traitement du surendettement alors que la clause résolutoire était acquise est inopérant ». Commentaire. Voilà une décision bien dure pour la locataire et favorable au bailleur mais qui est juridiquement fon- dée. La locataire dans son pourvoi se prévalait notamment de la violation de l’article L 332-9 du code de la consom- mation, dans la numérotation de l’époque, qui dispose que la clôture entraîne l’effacement des dettes non professionnelles du débiteur. Elle invo- quait aussi la violation de l’article 24 de la loi de 1989 à la fin d’un délai de deux mois duquel est acquise la clause résolutoire. Or, la Cour de cassation a déjà arrêté que la suspension de l’exigi- bilité des dettes après l’expiration du délai de deux mois fixé à l’article 24 ne suspend pas les effets de la clause réso- lutoire (Cour de cassation, 2 e civile 23février 2005). Il y a donc ici confirma- tion d’une jurisprudence, avec de plus la mention que le motif est inopérant. En revanche, si la décision de clôture pour insuffisance d’actif intervient pen- dant le délai de deux mois pour que la clause résolutoire joue, il y a suspension de ses effets. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, publié au bulletin, 18février 2016, pour- voi n°14-17782) NOM : PRÉNOM : FONCTION : SOCIÉTÉ : ADRESSE : TÉL : FAX : MÉL : N ° TVA INTRACOM .: SIGNATURE : O F F R E EX C EP T IO NNEL L E R é s e r v é e a u x n o uv e a u x a b o n n é s 20% de réduction sur l’abonnement JURIS hebdo immobilier B ULLETIND ’ ABONNEMENT « PRIVILÈGE » ❑ OUI , je souhaite bénéficier de l’offre de souscription à JURIShebdo qui m’est réservée soit un an d’abonnement (41 numéros de la lettre + 5 numéros spéciaux consacrés au droit immobilier) au prix de 599 € TTC (soit 586,68 € HT + 2,1% de TVA) au lieu de 779 € TTC, soit 20% de réduction . 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■ Responsabilité du bailleur - Abus de droit du bailleur Faits. Une SCI bailleresse délivre à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire, demande d’expulsion, paiement d’un arriéré de provisions pour charges ainsi que d’une facture d’électricité. La SCI voit ses demandes rejetées par la cour d’appel. Décision. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir selon les motifs de la cause débouté la SCI de ses demandes. Puis elle approuve aussi la cour d’appel d’avoir, par des motifs adoptés, considéré que la bailleresse avait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice et d’avoir engagé sa responsabilité vis-à-vis du locataire. Commentaire. Malgré ce que l’on peut penser, tout droit même discrétionnaire est susceptible d’être exercé avec abus (pour un exemple non propre au droit des baux: 12décembre 1994, 2 e chambre civile, bulletin civ. II 262). Or la décision offre un magnifique exemple de ce que peut être un abus de droit en matière de baux. Selon l’arrêt, «la SCI ne pouvait manifestement croire au suc- cès de sa demande et, par motifs propres, qu’elle avait encaissé tardive- ment les chèques remis par la locataire, qu’elle présentait en cause d’appel les mêmes arguments qu’en première ins- tance sans répondre aux éléments de preuve démontrant que la locataire était à jour de ses charges et que s’agis- sant de la consommation d’électricité, elle produisait la même facture concer- nant l’ensemble du domaine immobilier ». Voilà donc matière à réflexion pour les bailleurs et exemple de ce qu’il ne faut pas faire. À noter pour finir que la SCI a été, aux termes de l’arrêt, condamnée par la Cour de cassation à payer la somme de 3000euros en application de l’article 700 du Code de procédure civil. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 11février 2016, pourvoi n°14-27048). ■ Responsabilité du bailleur - Préjudice moral Faits. Une bailleresse intente une action en résiliation du bail et expulsion, paie- ment de loyers impayés et rembourse- ment de travaux de réparations de dégradation imputés à la locataire. Le tribunal d’instance approuvé par la cour d’appel condamne la bailleresse au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral du loca- taire. Décision. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir souverainement apprécié l’existence, l’ampleur et les modalités de la réparation du préjudice moral résultant du comportement revendicatif de la bailleresse dispropor- tionné aux manquements mineurs de la locataire en situation difficile. Commentaire. Après l’abus de droit, voilà une autre jurisprudence sur la res- ponsabilité du bailleur celle-ci étant admise par le droit positif. La loi de 1989, en son article 4m, répute non écrite toute clause qui interdit au loca- taire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toutes ses responsabilités. De nom- breuses décisions établissent que cette responsabilité existe notamment en cas de violation de l’obligation de délivran- ce. Elle joue par exemple, pour le trouble de jouissance qu’il subit. Elle existe aussi en cas de non-exécution de travaux ayant entraîné un trouble de jouissance (Cour d’appel de Paris, 6 e chambre C 13décembre 2005) ou enco- re pour cessation de la fourniture de chauffage (Cour de cassation, chambre sociale, 6février 1963, Dalloz p.231). Ce qui est intéressant dans cette espèce que nous commentons est qu’elle évoque la possibilité d’agir en justice pour réparation du préjudice moral. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 23juin 2016, pourvoi n°15-13429). ■ Cautionnement – Nécessité d’un acte unique Faits. Le 20 novembre 2002 est conclu un bail soumis à la loi de 1989. Il est garanti par un cautionnement souscrit par la mère du locataire. Suite à des défauts de paiement, le bailleur action- ne la caution qui refuse de payer Il suc- combe en appel. Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi. En l’espèce, le cautionnement résultait de trois actes intitulés « enga- gement de cautionnement ». S’agissant des mentions manuscrites, le premier ne relatait ni le montant du loyer, ni les conditions de sa révision. Le second pré- cisait les conditions de la révision mais ne mentionnait pas le montant du loyer. Le troisième faisait apparaître le montant du loyer mais non les condi- tions de la révision. Le pourvoi est reje- té, aucun de ces actes ne respectant les formalités de l’article 22-1 de la loi de 1989. Commentaire. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! serait- on tenté de s’exclamer à la lecture de cet arrêt. Dans sa rédaction, l’article 22- 1 de la loi de 1989 dispose que l’acte de cautionnement doit comporter la signa- ture et la mention manuscrite du mon- tant du loyer et des conditions de sa révision ainsi que la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation puis enfin la reproduction manuscrite de l’alinéa 4 de l’article. Dans cette espèce, à examiner les faits et en tenant compte des diverses mentions, les conditions exprimées par l’article 22-1 étaient en partie remplies. Mais la Cour de cassation refuse de prendre en compte ce groupe de contrats. L’acte de cautionnement devait être unique et contenir toutes les mentions manus- crites. On sait que dans de nombreux domaines du droit, cette nécessité des mentions manuscrites donne lieu à un abondant contentieux. La loi de 1989 est quelque peu rassurante à cet égard, car les praticiens savent comment rédi- ger les bonnes mentions manuscrites et cet arrêt doit être approuvé. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 7juillet 2016, n°15-18194). 2 6juin 2017 9 C ONTENTIEUX . R ESPONSABILITÉS JURISPRUDENCE V. Contentieux. Responsabilités
■ Bail mixte professionnel et habi- tation – Compétence du tribunal d’instance Faits. Un bail à usage mixte professionnel et habitation est conclu avec un couple. Les locataires estimant préjudiciables des infiltrations d’eaux dans les locaux loués et désireux d’obtenir aussi des quittances de loyer assignent le bailleur. Ces derniers sou- lèvent l’incompétence du tribunal d’instan- ce et estiment que le litige ressort du tribu- nal de grande instance. Décision. Pour la cour d’appel qui motive sa décision en visant les articles R.221-38 et R.211-14 du code de l’organisation judiciai- re, le tribunal de grande instance est la seule juridiction compétente pour connaître des actions portant sur les baux mixte à usage d’habitation et profession- nel. Mais la Cour de cassation au visa de ces deux textes, censure l’arrêt de la cour d’appel. Commentaire. La loi de 1989 régit notam- ment les baux à usage mixte professionnel et habitation. Mais force est de constater qu’aucun texte n’attribue expressément la compétence d’un tribunal pour connaître des litiges se rapportant à ce type de baux. La Cour de cassation vise d’abord l’article R. 211-4 du Code de l’organisation judiciai- re relatif à la compétence exclusive du tri- bunal de grande instance. Il régit en son paragraphe11° les baux professionnels. Il ne cite donc pas les baux à usage mixte. Quant à l’article R. 221-38, il donne com- pétence au tribunal d’instance pour, notamment « les actions dont un contrat de louage d’immeuble à usage d’habita- tion ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’oc- casion ». Ainsi pour la Cour, l’article R.211- 4 est inapplicable à la matière. Quant à l’article R. 221-38, il sert à fonder la compé- tence aux baux mixte puisque le logement en est la cause l’objet ou l’occasion. Au- delà d’une application que l’on ne peut qu’approuver car unifiant les régimes, c’est un peu l’application du principe « l’acces- soire suit le principal ». (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 17novembre 2016, n°15-25265). ■ Conflit entre prescriptions spé- ciales – Non application des règles du code de la consommation Faits. Un bailleur d’un logement social assigne les locataires qui ont libéré les lieux en paiement d’une somme à titre de réparations locatives et d’un solde de loyer. Pour déclarer l’action prescrite, le tribunal d’instance retient non le d élai triennal de l’article 7-1 de la loi de 1989, mais la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la consom- mation dans sa rédaction alors appli- cable. Décision. La Cour de cassation casse le jugement du tribunal d’instance au motif que « le bail d’habitation régit par la loi du 6juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation ». Il convenait alors de faire application de l’article 7-1 de la loi « seul applicable à l’action en recouvre- ment des réparations locatives et des loyers impayés ». Commentaire. Cette décision est impor- tante pour les grands bailleurs et il est à noter que quatre décisions sur le même thème ont été rendues le même jour. En application du code de la consom- mation (article 137-2 devenu l’article L. 218-2), lorsque le créancier est un pro- fessionnel et que son activité est la fourniture de biens et de services, il y a application de ce code et de la prescrip- tion de deux ans. Il résulte de divers textes et jurisprudences que la fournitu- re de biens ou de services concerne le bail et qu’un bailleur social à la qualité de professionnel. Avant la loi ALUR, l’article 2224 du code civil (prescription quinquennale) était écarté au profit de l’article L. 137-2 du code de la consom- mation, texte spécial. Mais avec l’entrée en vigueur de la loi ALUR, l’article 7-1 de la loi de 1989 édicte une prescription triennale pour toutes actions dérivant du contrat de bail (sauf l’action en révi- sion du loyer avec un délai d’un an). Ce régime écarte la prescription de l’article 2224 du code civil. Il y a donc deux pres- criptions spéciales. En droit, on peut penser que, par la rédaction de l’article 7-1 alinéa premier, ce texte établit un régime unitaire de prescription. Dans ces conditions, c’est l’article 7-1 qui s’applique (principe specialia generali- bus derogant). Pour l’application de la loi dans le temps, il est fait application de l’alinéa 1 er de l’article 2222 du code civil. (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 26janvier 2017, n°15-27580. Autres déci- sions même chambre et même jour, n°15- 27688, 15-25791 et 16-10389). ■ Ordonnance de référé - Dégrada- tions et pertes Faits. Une locataire s’étant maintenue dans les lieux loués après un congé, une ordon- nance de référé ordonne son expulsion et fixe le montant de l’indemnité d’occupa- tion. Le bailleur assigne son ancienne loca- taire pour le paiement de l’indemnité sur quelques mois. La juridiction de proximité estime que le bailleur doit faire exécuter la décision de référé et le déboute de ses pré- tentions. De plus, le bailleur voulait le rem- boursement de frais de remise en état du logement occupé pendant onze années par la locataire. La juridiction de proximité avait rejeté cette demande au motif que les énonciations du procès-verbal d’huissier ne justifiaient pas la prise en charge de la rénovation. Décision. Par acceptation de deux moyens, la Cour de cassation casse les décisions de la juridiction de proximité. D’une part, l’or- donnance de référé étant dépourvue d’au- torité de la chose jugée au principal il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement. D’autre part, le juge, comme il lui était demandé, devait rechercher si « les dégradations n’étaient pas imputables à un défaut d’en- tretien ni relever une cause d’exonération de cette obligation ». Commentaire. Sur le premier point, la cas- sation s’imposait de manière évidente. Effectivement, selon l’article 488 du Code de procédure civil, l’ordonnance de référé n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée. En outre, le locataire prend à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’en- semble des réparations locatives sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, cas fortuit ou force majeure. La juridiction de proximité ne pouvait pas, sans le recher- cher comme il lui était demandé, admettre que le procès-verbal suffisait et que la loca- taire avait résidé onze ans dans les lieux loués. Il s’agit sur ce dernier point de l’ap- plication de l’article 7 de la loi de 1989. La Cour de cassation semble ainsi désapprou- ver les décisions selon lesquelles à l’expira- tion de certains délais, il y a vétusté comme par exemple ce juge d’instance qui fixe à cinq ans le délai au-delà duquel il y a vétus- té (tribunal d’instance, Puteaux, 1 er octobre 1980, Revue des loyers 1997, p.186) (Cour de cassation, 3 e chambre civile, 9juin 2016, n°15-14588) 2 6juin 2017 10 C ONTENTIEUX . R ESPONSABILITÉS JURISPRUDENCE
Deux décisions de cours d’appel sur l’application de la loi ALUR 1°) Décision de la cour d’appel de Bastia Faits. En 1965, un bail d’une durée de 25 ans est conclu avec une veuve. Il est renouvelé en 1990 pour une autre période de 25 ans à compter du 15avril 1990 et expire donc le 15avril 2015. Un congé pour vente est déli- vré le 16septembre 2014 à l’effet du 14avril 2015. Un contentieux s’ensuit notamment sur l’application de l’article 15-III de la loi de 1989. Les bailleurs sont plusieurs et âgés de plus de 60 ans. La locataire est âgée de 83 ans et de faibles ressources. Comme tel (plus de 70 ans), elle voudrait une offre de relogement. Mais cet- te mesure est inapplicable quand le bailleur lui-même est âgé de 60 ans. Or, la loi ALUR modifie l’article 15-III. Elle abaisse l’âge de la locataire à 65 ans et rallonge le délai pour le bailleur qui passe à 65 ans. Dans ces condi- tions, un des bailleurs ayant 61 ans, elle avait tout intérêt à demander l’application de l’ar- ticle 15-III dans sa version due à la loi ALUR. Mais elle succombe devant le tribunal d’ins- tance. Décision. La cour d’appel confirme ce juge- ment. « Par ailleurs, ainsi que l’a retenu à juste titre, le premier juge, au vu des disposi- tions de l’article 14 de la loi ALUR du 24mars 2014, il y a lieu en l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 15 de la loi du 6juillet 1989, dans sa version anté- rieure à ladite loi de 2014, de sorte que la condition relative à l’âge du bailleur est de 60 ans et non 65 ans, comme l’a fait valoir à tort, l’appelante ». Le jugement est alors confirmé. Commentaire. Selon l’article 14 alinéa 1er de la loi ALUR entrée en vigueur le 27mars 2014 « les contrats de location en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis aux disposi- tions qui leur étaient applicables. » Un régime spécial rend cependant applicables certaines dispositions de la loi de 1989 selon des dispositions expresses pour cer- tains articles. Mais l’article 15 n’est pas visé. Or, le contrat de location état en cours au 27mars 2014 et n’a expiré que le 14avril 2015. La loi ALUR était donc inapplicable. (Il est à noter qu’une décision dans le même sens a été rendu par la même cour le 9mars 2016, RG n°13/0034). (Cour d’appel de Bastia, chambre civile, 15février 2017, n° de RG: 15/00707). 2°) Décision de la cour de Paris Faits. Par acte sous seing privé en date du 1 er août 2009, un bail portant sur un loge- ment est conclu. Par acte d’huissier en date du 17novembre 2011, la bailleresse délivre un congé pour reprise à effet du 1 er août 2012. La locataire s’étant maintenue dans les lieux, une décision du tribunal d’instance en date du 1 er juillet 2014 constate qu’elle est déchue de tout titre d’occupation sur les lieux loués, fixe une indemnité mensuelle d’occupation et ordonne son expulsion. En septembre et octobre2014, une saisie attri- bution est effectuée par l’ex-bailleresse. L’ex- locataire conteste devant le juge de l’exécu- tion sollicite la mainlevée de la saisie-attribu- tion, demande compensation entre les créances réciproques ce qui est refusé par le juge de l’exécution. Décision. Dans le cadre de ce contentieux, un appel est formé. Le juge décide notam- ment que « l’appelante soutient que faute d’information du bailleur, la revalorisation du loyer principal n’est due qu’à compter de janvier2015, ce que conteste l’intimée qui fait valoir que la revalorisation du loyer étant prévue contractuellement, elle n’avait pas à informer la locataire chaque année. » Il s’agit donc de l’article 17-1 de la loi de juillet1989. Le juge, pour déterminer la date à laquelle il s’applique, arrête que: « En ver- tu de l’article 17-1 de la loi n°89-462 du 6juillet modifiée par la loi 2014 du 24mars 2014, lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties, ou à défaut, au terme de chaque année du contrat. À défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au béné- fice de cette clause pour l’année écoulée. » Et le juge de poursuivre: «En application de l’article 14 de la loi du 24mars 2014, les contrats de location en cours à la date d’en- trée en vigueur de la présente loi demeu- rent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables. Toutefois, pour les contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi et mentionnés au premier ali- néa de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6juillet 1989 tendant à améliorer les rap- ports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23décembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la présente loi: les articles7, 17-1, 20-1, 21 et 2 » de la même loi, dans leur rédaction résultant de la pré- sente loi, sont applicables » « Dans ces conditions, l’article 17-1 introduit dans la loi du 6juillet 1989 par la loi du 24mars 2014 est d’application immédiate aux contrats en cours mais n’a pas d’effet rétroactif ne s’applique en conséquence, que pour la période postérieure au 24mars 2014. » Et le juge de conclure « en l’espèce, il résulte du contrat de bail conclu entre les parties en août2009 que la révision du loyer est pré- vue annuellement et qu’en conséquence jus- qu’au 24mars 2014, (la bailleresse) n’était pas tenue d’informer (la locataire) de la revalorisation du loyer à chaque échéance annuelle. Quant à la période postérieure, il importe de souligner que (la locataire) est depuis 2012 occupante sans titre de sorte qu’il ne lui était pas due l’information béné- ficiant aux locataires. » Commentaire. Voilà une décision surprenan- te. Par l’effet du congé, la locataire avait perdu tout titre d’occupation sur les lieux loués au 1 er août 2012. Selon l’article 15-I dernier alinéa de la loi de 1989, « A l’expira- tion du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation sur les locaux ». Et l’article 10, alinéa2 énonce quant à lui que « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de terme et de délai prévues à l’article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit recon- duit tacitement, soit renouvelé » ce qui signifie a contrario que s’il y a eu congé valable, il n’y a ni tacite reconduction, ni renouvellement. Dans ces conditions le contrat ne relevait pas de la loi ALUR (laquelle s’applique à compter du 27mars 2014 et non le 24 comme mentionné par le juge). Le juge décide quand même de l’ap- pliquer. Mais là où la décision doit être approuvée, du moins dans cette logique d’application de la loi de 1989, c’est qu’il n’y a pas d’effet rétroactif pour la période antérieure à l’ap- plication de la loi ALUR. C’est l’application de l’article 2 du Code civil: « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétro- actif». (Cour d’appel de Paris, pole 4 – chambre 7, 24mars 2016, RG : 15/01632). 2 6juin 2017 11 A PPLICATIONDELALOI A LUR JURISPRUDENCE VI. Application de la loi Alur
Et si la mauvaise idée était d’avoir fait croire aux copropriétaires qu’ils allaient financer les travaux de rénovation par les économies d’énergie? Voire qu’ils allaient de plus bénéficier d’une plus-value sur leurs bâtiments rénovés? Les copropriétaires sont réticents à engager des travaux. Quelle en est la cause et où en sont les initiatives en cours? Etat des lieux lors d’une rencontre Ajibat le 21juin. Pour inciter aux travaux dans les copro- priétés, la mairie de Paris a engagé 30mil- lions d’euros, via l’Agence parisienne du climat. Florian Vaujany, responsable de l’in- formation conseil à l’APC, explique que l’objectif de la démarche “Eco-rénovons Paris” est d’accompagner 1000 copro- priétés de2016 à2020. L’APC accompagne les copropriétaires tout au long du projet, du bilan de santé de la copropriété jusqu’à l’assistance à maîtrise d’ouvrage en passant par l’ingénierie financière. ■ L’APC vise 1000 copropriétés à rénover Il n’y a pas de critère explicite pour béné- ficier de l’aide de l’APC mais ce sont le plus souvent les immeubles des trente glo- rieuses et les grands ensembles avec chauffage collectif qui entrent dans la démarche, pour des copropriétés de 70 à 80 lots. Jusqu’à présent 1133 copropriétés se sont portées candidates et l’agence a sélectionné 250 lauréats. Exemples de syndicats qui n’ont pas été retenus: l’un avait voté un ravalement sans isolation par l’extérieur, l’autre devait engager un projet plus vaste qui relevait des dispositifs plus spécifiques d’aides aux copropriétés dégradées. Ce sont génralement les conseils syndicaux qui prennent l’initiative de contacter l’APC (inscription se fait sur le site internet https://paris.coachcopro.com). En revanche, les syndics sont difficiles à mobiliser sur cette question. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Selon Florian Vaujany, ils sont surtout préoccupés de rénovation plus globale. Julien Michet, ingénieur-énegéti- cien à Enera-conseil, évoque le turnover des gestionnaires de copropriété et Christophe Berfini, responsable activité copropriété au Crédit Foncier, reconnaît que les syndics ont été bouleversés par la loi Alur ; ils sont actuellement occupés par l’immatriculation des syndicats. Le Crédit Foncier, qui distribue un prêt spé- cifique pour les copropriétés, indique avoir financé pour 30millions d’euros ans à travers 160 dossiers, des copropriétés très diverses, de 2 à 400 copropriétaires. La plus importante a emprunté 4,2millions d’eu- ros. Le Crédit Foncier ajuste le financement aux besoins des copropriétés en associant un éco-PTZ sur une durée assez longue (de 10 à 15 ans) et en proposant un prêt com- plémentaire. Observant que les copropriétaires sont réti- cents à engager des travaux, Émile Hagège (ARC) indique que son association a engagé la rédaction d’un livre blanc pour comprendre leurs motivations. Premier motif de réticence; le changement inces- sant des règles de financement qui fait que le copropriétaire n’est pas sûr qu’entre le vote et la réalisation des travaux, le mode de subvention sera identique. Autres aspects évoqués, le manque de trésorerie, les écarts importants entre les différents devis. Émile Hagège ajoute que les coproprié- taires ont été traumatisés par les travaux sur les ascenseurs et sont devenus très méfiants. De plus, les copropriétaires dont les revenus sont proches du SMIC ne se préoccupent pas de savoir si leur logement est trop émetteur de gaz à effet de serre. ■ Partir de la recherche de confort des habitants Face à ce constat, Julien Michet affirme d’abord que les solutions techniques sont au point. La pratique de l’isolation par l’ex- térieur est pratiquée depuis 30 ans. Il préconise une autre démarche: il faut partir des projets des copropriétaires. Leur préoccupation, c’est le confort (meilleur chauffage de certains lots, meilleure régu- lation pour d’autres…) et la nécessité d’en- tretenir leur bâtiment et non de faire des économies d’énergie. Julien Méchet ajoute que si on aborde la question par la simple volonté de faire des économies d’énergie, il vaut mieux ne pas poursuivre le projet. Il cite l’exemple d’une copropriété d’une centaine de logements dans le XV e arrondissement de Paris construite en 1968 (résidence du Guesclin). Un premier projet de traitement de façade a été écarté, un nouveau projet a été élaboré avec l’APC avec un audit énergétique effectué par Enera-conseil. Le but était de corriger les problèmes techniques du bâtiment en trai- tant les façades, les toitures, les fenêtres et la ventilation en conservant des pavés de verre en façade. Le projet a permis de rem- placer la totalité des façades et de traiter les ponts thermiques. Le projet a permis une économie d’énergie de 60%. Julien Michet ajoute que cette démarche, qui s’adapte aux besoins des habitants, permet d’obtenir une bien plus forte adhé- sion des copropriétaires, parfois un vote unanime. Enera-conseil travaille principalement avec des copropriétés de standing moyen qui ont été correctement entretenues mais qui ont fait peu de travaux. ll reconnaît que pour les bâtiments haussmanniens, il y a moins de solution, puisqu’on ne traite pas la façade. ■ Temps de retour sur investisse- ment? Mauvaise approche Le temps de retour sur investissement n’est pas la bonne manière d’aborder le dossier. Il faut avoir les priorités suivantes:1. entre- tien, 2. amélioration du confort, 3. reval- orisation du bâtiment et 4. économies de charges. Pour la valorisation, il cite d’exemple d’une copropriété à Chelles : une résidence a engagé des travaux et les deux immeubles voisins, au vu des résultats, lui ont emboîté le pas. A la résidence du Guesclin, la réali- sation des travaux a permis une améliora- tion de la valeur de l’immeuble, mais surtout en raison de l’aspect esthétique de la rénovation. Que penser de la valeur verte? Les inter- venants confirment qu’elle n’existe pas en tant que tel, mais qu'un bâtiment qui a de meilleures performances énergétique se vend plus rapidement que les autres. 2 6juin 2017 12 C OPROPRIÉTÉS RENCONTRE JURIShebdo 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart Téléphone: 0146457769 contact@jurishebdo.fr ■ site internet: jurishebdo.fr ■ Directeur de la rédaction: Bertrand Desjuzeur ■ Mél: bertrand.desjuzeur@jurishebdo.fr ■ JURIShebdo est une publication de la Société de Presse du Breil (SPB), SARL de presse au capital de 10000euros constituée en août2002 pour 99 ans. Siège social: 168, avenue Marguerite Renaudin 92140 Clamart ■ RCS Nanterre 443034624000 17 ■ APE 5813Z ■ Actionnaires: Bertrand Desjuzeur, Roseline Maisonnier ■ Numéro de commission paritaire: CPPAP n°0219 I 80129 ■ Dépôt légal: à parution ■ Prix de vente au numéro: 17 € TTC (16,65 € HT) ■ Abonnement pour 1 an (41 nos + 5 nos spéciaux): 779 € TTC (753,19 € HT) ■ Directeur de la publication: Bertrand Desjuzeur ■ Impression: par nos soins ■ Gestion des abonnements: logiciels Libre office - Xoops Rénovation énergétique des copropriétés: changer d’approche Le financement des travaux par les économies de charges n’est pas la bonne manière d’aborder l’objectif de rénovation. Mais une autre approche est possible…
– 2 – Champ d’application et intervenants – – Qualité de locataire – remise des clefs – réparations locatives – Agent immobilier – Mandat de gestion – élection de domicile – Concubinage – Contribution aux loyer et charges de la vie commune
– Adresse du bailleur – Préjudice du locataire
– Location meublée – Définition
– 4 – Exécution du bail. Loyer –
– Droit commun du bail – Clause d’habitation bourgeoise et domiciliation
– Loyer – Action en révision du loyer- Rappel d’indexation – loi ALUR
– 5 – Congés / Droits de préemption –
– Congé pour reprise – Bailleur personne morale –Offre de
relogement
– Congé pour reprise – Cause légitime de non-habitation
– Congé pour reprise – Durée du bail
– Congé pour motif légitime et sérieux
– Congé pour vente – Travaux réalisés par le bailleur
– Congé pour vente – Pacte de préférence
– Vente « à la découpe » – Logement indécent, non prise en compte
– 7 – Autres modes de fin du bail –
– Résiliation du bail aux torts du bailleur
– Rupture conventionnelle du contrat de travail – Dégradations et pertes
– Résiliation du bail et surendettement
– 9 – Contentieux. Responsabilités –
– Responsabilité du bailleur – Abus de droit du bailleur
– Responsabilité du bailleur – Préjudice moral
– Cautionnement – Nécessité d’un acte unique
– Bail mixte professionnel et habitation – Compétence du tribunal d’instance
– Conflit entre prescriptions spéciales – Non application des règles du code de la consommation
– Ordonnance de référé – Dégradations et pertes
– 11 – Application de la loi Alur –
– Deux décisions de cours d’appel sur l’application de la loi ALUR
– 12 – Rencontre –
Rénovation énergétique des copropriétés : changer d’approche