Numéro spécial : Jurisprudence copropriété
Au Sommaire :
– I – Fondamentaux – p. 2
– II – Syndic – p. 4
– III – Assemblées générales – p. 7
– IV – Majorités – p. 10
– V – Travaux – p. 11
– VI – Responsabilités – p. 13
– VII – Procédure – p. 14
1-1 Droit de jouissance exclusif sur partie commune Les faits. Des copropriétaires de lots donnant sur un jardin assignent le syndicat des coproprié- taires de la résidence en revendication de l’acquisition par prescription du droit de jouissance exclusif de la partie de ce jardin attenante à leur lot. Le 25février 2016, la cour d’appel de Colmar accueille cette décision au motif que la règle selon laquel- le l'acquéreur ne peut joindre sa posses- sion à celle de son vendeur pour prescrire la propriété d'un bien ne faisant pas partie de la vente n'est pas applicable, dès lors, d'une part, qu'il ne s'agit pas de prescrire sur des biens distincts, mais sur des parties communes dont une quote-part est atta- chée indissociablement aux parties priva- tives de chaque lot, d'autre part, que la cession incluait nécessairement le droit de jouissance sur les jardins attenants aux lots des revendiquants sur lesquels ils disposent d'un accès privatif direct. La décision. La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 2265 du code civil. La jouissance des parties communes attachée à la qualité de copropriétaire est distincte du droit de jouissance exclusif attaché à un lot. Commentaire. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’arrêter qu’un acquéreur ne peut joindre à sa possession celle de son vendeur pour prescrire un bien resté en dehors de la ven- te (Cassation, 3 e civ. 17 avril 1996, pourvoi n°94-15748). Cet arrêt se situait dans le droit fil d’une jurisprudence de 1970 (cas- sation, 3 e civ. 29mai 1970, pourvoi n°69- 11413). Mais l’apport le plus précieux de l’arrêt est la confirmation d’un arrêt de 2007: « un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n’est pas un droit de propriété, ne peut constituer la partie privative d’un lot de copropriété » (Cassa- tion, 3 e civ. 6juin 2007, pourvoi n°06- 13577). C’est ainsi que le titulaire de ce droit réel peut interdire son accès à un autre copropriétaire. Il ne peut être confondu avec le droit de jouissance des parties communes dont disposent tous les copropriétaires. Pour finir, on précisera que «le droit de jouissance privatif sur partie commune est un droit réel et perpétuel qui peut s’acquérir par usucapion » (Cassa- tion, 3 e civ. 24octobre 2007, BC III n°183). (Cour de cassation, 3 e civ., 18janvier 2018, M.et M me X., Z. A. c/M. B. et Madame Stépha- nie A, Pourvoi n°16-16950, publié au bulle- tin). 1-2 Création d’un lot et création d’un syndicat de copropriétaires (non) Les faits. Par acte du 31mai 1983, l'immeuble situé […] , composé de deux lots, a été placé sous le régime de la copropriété; par acte du 30mai 1984, le lot n°2 a été divisé et remplacé par les lots n°3 à12; une assem- blée générale du 21juin 2011 a, en sa résolution n°5, décidé de contester la légalité du modificatif de l'état descriptif de division du 30mai 1984; M.Vidal Y., propriétaire des lots n°3, 8 et9, a assigné le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne, propriétaire du lot n°1, en annulation de la résolution du 21juin 2011; le syndicat des copropriétaires a appelé la société groupe immobilier Euro- pe à l'instance. La décision. Pour accueillir la demande, l'arrêt (cour d’appel de Versailles 13juin 2016) retient que l'existence de "copropriétés verticales autonomes", dont la création ne dépend pas de l'accord de la "copropriété horizon- tale", mais de la seule volonté des proprié- taires concernés, est consacrée par le règle- ment de copropriété du 31mai 1983 et que l'acte du 30mai 1984, qui est un modificatif de l'état descriptif de division, crée une copropriété verticale soumise au statut de la loi du 10juillet 1965, la nais- sance de cette copropriété verticale implique nécessairement la mise en place d'un syndicat des copropriétaires autono- me par rapport au syndicat de la copro- priété horizontale, improprement intitulé "secondaire", alors que sa création ne relè- ve pas des dispositions de l'article 27 de la loi du 10juillet 1965, et que la copropriété ainsi créée n'est pas une copropriété secondaire, mais une copropriété autono- me et distincte. En statuant ainsi, alors que la division d'un lot de copropriété ne peut avoir pour effet de donner naissance à un nouveau syndi- cat des copropriétaires, la cour d'appel a violé l’article 1 er de la loi du 10juillet 1965 Commentaire. L’arrêt ci-dessus commenté est intéressant tant par ses implications juridiques que pratiques. Il est incontestable que de plus en plus de bâtiments sont soumis à des règles de division. De strictes conditions juridiques (dont la lutte contre l’insalubri- té) doivent être réunies. En ce qui concer- ne le droit de la copropriété se pose alors la question de savoir si l’opération relatée ci-dessus donne lieu à une nouvelle copro- priété et donc à un nouveau syndicat de copropriétaires en plus de celui existant. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Versailles pour violation de l’ar- ticle 1 er de la loi de 1965. Certes, l’existence en cette espèce de deux immeubles dis- tincts pouvait mener à la création d’un nouveau syndicat puisque l’ensemble com- porte plusieurs bâtiments. Mais pour la Cour de cassation, il ne faut pas confonde syndicat secondaire et création d’un nou- veau syndicat. Dans ce cas, les coproprié- taires composant l’un ou plusieurs de ces bâtiments peuvent se réunir en assemblée spéciale et décider aux conditions de majo- rité prévus à l’article 25 la constitution d’un syndicat secondaire. Mais les tenants de la création d’un nou- veau syndicat, donc distinct du syndicat principal pourront arriver à leurs fins par une scission de copropriété en application de l’article 28 de la loi de 1965. (Cour de cassation, 3 e civ. 18janvier 2018, M. Vidal X… c/syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil Boulogne, pourvoi n°16-26072, publié au bulletin). 1-3 Etat descriptif de division erro- né – pouvoir du juge Les faits. M me Y., propriétaire du lot n°23, constitué d'une chambre de service située au sixième étage d'un immeuble en copropriété, a assigné en restitution de ce lot M. et M me Z., propriétaires du lot n°29, constitué d'une chambre de service située au même étage. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du […] (le syndicat) est interve- 2 9avril 2019 2 F ONDAMENTAUX JURIS hebdo immobilier ll SECTION 1 SectionI - FONDAMENTAUX
nu à l'instance; M.et M me Z. et le syndicat ont sollicité la rectification d'une erreur matérielle résultant de l'inversion des numéros de ces deux lots sur le plan a nnexé au règlement de copropriété. M me Y est déboutée (Paris, 9décembre 2016), et forme un pourvoi en cassation. La décision. Le pourvoi formé par M m e Y est rejeté. Le juge a le pouvoir de statuer sur une demande de rectification d’erreur maté- rielle affectant un état descriptif de divi- sion. Commentaire. M me Y entendait que le caractère contrac- tuel du plan annexé au règlement de copropriété soit reconnu et qu’en consé- quence la modification soit le fait de l’as- semblée générale des copropriétaires. Pour la cour d’appel «l'état descriptif du divi- sion n'a pas de valeur contractuelle, de sor- te que le juge peut être saisi et statuer sur une demande de rectification d'erreur matérielle affectant un tel état lorsque la rectification est de nature à mettre fin à un litige pendant devant lui ». Et pour la Cour de cassation, il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt que le règlement de copropriété procéderait à un renvoi express au plan qui lui est annexé et qu’il serait certifié exact et sincère par l’auteur de ce règlement. Cet arrêt est donc important et facilitera le contentieux des erreurs matérielles de rédaction. (Cour de cassation, 22mars 2018, 3 e civ., M me Y. c/ le syndicat des copropriétaires et M me Z. pourvoi n°17-14168, publié au bulle- tin). 1-4 Caractère perpétuel d’un droit réel attaché à un lot de coproprié- té conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot Les faits. La SCI L'Aigle blanc (la SCI) a acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont un à usage de piscine, faisant partie d'un immeuble en copropriété; les ven- deurs avaient signé, le 20août 1970, une convention "valant additif" au règlement de copropriété par laquelle ils s'enga- geaient à assumer les frais de fonctionne- ment de la piscine et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, au moins pen- dant la durée des vacances scolaires; un arrêt devenu définitif, déclarant valable cette convention, a condamné la SCI à pro- céder, dans les termes de celle-ci, à l'entre- tien et à l'exploitation de la piscine. La SCI a alors assigné le syndicat des coproprié- taires de l'ensemble immobilier Grand Roc en constatation de l'expiration des effets de cette convention à compter du 20août 2000. La société fait grief à l'arrêt (Chambéry, 21mars 2017), de rejeter cette demande, alors, selon le moyen que les engagements perpétuels sont prohibés, le caractère per- pétuel s'appréciant in concreto, en la per- sonne du débiteur de l'engagement; que si le propriétaire peut consentir, sous réser- ve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spé- ciale de son bien, ce droit ne peut être per- pétuel et s'éteint, s'il n'est pas limité dans le temps par la volonté des parties, dans les conditions prévues par les articles619 et625 du code civil; qu'en retenant que les droits et obligations contenues dans la convention du 20août 1970 n'étaient pas perpétuels, tout en constatant que ceux-ci s'exerceront tant que les copropriétaires n'auront pas modifié le règlement de copropriété et que l'immeuble demeurera soumis au statut de la copropriété, ce dont il résultait que ces droits et obligations avaient une durée indéterminée et présen- taient donc, pour le propriétaire des lots grevés desdites obligations, un caractère perpétuel, la cour d'appel a violé l'article 1210 du code civil, ensemble les articles619 et625 du code civil. La décision. Mais attendu qu'est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété confé- rant le bénéfice d'une jouissance spéciale d'un autre lot; que la cour d'appel a rete- nu que les droits litigieux, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copro- priété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l'usage et l'utilité des autres lots appartenant à d'autres proprié- taires, étaient des droits réels sui generis trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copro- priétaires; qu'il en résulte que ces droits sont perpétuels; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié; Commentaire. Cet arrêt est la conséquence logique de décisions rendues ces dernières années. Par un arrêt de 1992, la Cour de cassation avait arrêté que justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour annuler une déci- s ion d'assemblée générale retirant son droit à un copropriétaire, retient exacte- ment que le droit de jouissance exclusif et privatif sur une fraction de la cour, partie commune, attribué par le règlement de copropriété à certains lots, dont il consti- tuait l'accessoire, avait un caractère réel et perpétuel, que l'usage effectif de ce droit était sans incidence sur sa pérennité et que ce droit ne pouvait être remis en cause sans le consentement de son bénéficiaire (Cassation, 3 e civ., 4mars 1992, pourvoi n°90-13145, publié au bulletin). Depuis un arrêt La Fondation la maison de la poésie, la Cour de cassation a admis qu’un propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien, distinct du droit d’usage et d’habitation (Cassation, 3 e ch. 31octobre 2012, pourvoi n°11-16304, publié au bulletin). Ce droit réel bénéficie d’un caractère per- pétuel en application de l’adage « l’acces- soire suit le principal ». Les praticiens ne peuvent que se féliciter des enseignements de cet arrêt et dont les conséquences sont encore à découvrir par le juge avec le sou- tien de la doctrine. (Cour de cassation, 3 e civ., 7juin 2018, SCI L’Aigle blanc c/ syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier grand roc, pourvoi n°17-17240, publié au bulletin). 1-5 Création d’un syndicat secon- daire – condition de constitution Les faits. La SCI l'Abeille Noire (la SCI), M mes X. et Z. sont propriétaires de lots dans un groupe d'immeubles qui, soumis au statut de la copropriété, est composé de sept bâti- ments (n°1 à7) et d'un garage en sous-sol, dénommé bâtiment garage, accessible par deux rampes véhicules et desservi par un passage piéton pour chacun des bâtiments n°4, 5 et6; ces copropriétaires ont assigné le syndicat principal des copropriétaires les Collines de la Reynerie et le syndicat secon- daire des copropriétaires les Collines de la Reynerie en annulation de la résolution de l'assemblée générale du 21février 2013 décidant de la création d'un syndicat secondaire propre aux bâtiments n°1, 2, 5, 6 et 7; la société Fit Gestion, syndic des 2 9avril 2019 3 F ONDAMENTAUX JURIS hebdo immobilier ll SECTION 1
deux syndicats, est intervenue à l'instance. La SCI et M mes X. et Z. font grief à l'arrêt (Toulouse, 10juillet 2017), de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que la c onstitution d'un syndicat secondaire est subordonnée à la condition de l'existence de bâtiments séparés et distincts; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir elle-même constaté que des sas relient le garage aux bâtiments 4, 5 et 6 et que le bâtiment 4 est accessible par les occupants des bâtiments 5 et 6 par ce garage collec- tif, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient nécessairement de ses constatations, a vio- lé l'article 27 de la loi du 10juillet 1965. La décision. Mais attendu qu'ayant énoncé à bon droit qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 10juillet 1965, la constitution d'un syndi- cat secondaire implique la présence de plu- sieurs bâtiments compris comme des constructions matériellement distinctes et indépendantes les unes des autres pour permettre une gestion particulière sans qu'il en résulte de difficulté pour l'en- semble de la copropriété même si ces constructions sont desservies par des équi- pements ou des aménagements communs et retenu que des sas relient le garage aux bâtiments n°4, 5 et6, que le bâtiment n°4 soit accessible par ce garage aux occupants des bâtiments n°5 et6 et que des locaux techniques du garage desservent la copro- priété n'impliquaient pas que ces bâti- ments perdissent leur caractère distinct, i ndépendant et permettant une gestion autonome, la cour d'appel a pu en déduire que l'immeuble comportait plusieurs bâti- ments permettant la constitution d'un syn- dicat secondaire. Le pourvoi est rejeté. Commentaire. La possibilité de créer un syndicat secon- daire est définie à l’article 27 de la loi de 1965. Le critère fondamental est la plurali- té de bâtiments. Les décisions jurispruden- tielles de conditions de la création sont relativement rares. En 2016, la Cour de cas- sation a arrêté qu’un syndicat secondaire pouvait être créé à la condition que la copropriété soit composée de plusieurs bâtiments indépendants, chacun des bâti- ments composant la copropriété devant comporter un gros œuvre autonome (Cas- sation, 3 e civ., 26mai 2016, pourvois n°15- 14475 et 15-17190, publié au bulletin). Elle a arrêté que l’unicité du gros œuvre d’une résidence empêchait de constater l’existen- ce des parties indépendantes et donc l’exis- tence d’immeubles séparés susceptibles de se constituer en syndicat secondaire (Cassa- tion 3 e civ., 26février 1997, pourvoi n°95- 12709) Dans une espèce où deux immeubles étaient imbriqués et formaient un seul tenant, elle a cassé l’arrêt de la cour d’ap- pel statuant sans rechercher comme il lui était demandé si l’obturation des commu- n ications entre les deux bâtiments ne ren- dait pas obsolète la mention d’une imbri- cation dans le règlement de copropriété (Cassation, 3 e civ., 14janvier 2016, pourvoi n°14-25987). Dans l’arrêt que nous commentons, on peut remarquer que le garage souterrain était accessible par la plupart des bâti- ments. La Cour de cassation dans son arrêt s’étend sur les constructions matérielle- ment distinctes et indépendantes les unes des autres pour permettre une gestion particulière sans qu'il en résulte de difficul- té pour l'ensemble de la copropriété même si ces constructions sont desservies par des équipements ou des aménage- ments communs. Ce faisant, par cette déci- sion, la cour suprême fait évoluer sa juris- prudence et édicte un principe souple qui permettra la constitution de syndicats secondaire dans des constructions présen- tant une configuration introduite par la modernité. (Cour de cassation, 3 e civ., 12décembre 2018, pourvoi n°17-26133, publié au bulletin, SCI l’Abeille noire, M mes X. et Z. c/ syndicat princi- pal des copropriétaires Les Collines de la Rey- nerie et syndicat secondaire des coproprié- taires Les Collines de la Reynerie). 2 9avril 2019 4 S YNDIC JURIS hebdo immobilier ll SECTION 2 SECTION II - SYNDIC 2-1 Intérêt légitime à désistement – annulation du mandat de syndic et procédure en cours Les faits. Par acte du 18août 2008, M.Y., propriétai- re de lots dans un immeuble en coproprié- té, est assigné par le syndicat des copro- priétaires en paiement de charges; le man- dat du syndic ayant été annulé par déci- sion du 11avril 2013, le syndicat des copro- priétaires s'est désisté de son instance; M.Y. s'est opposé au désistement au motif qu'il avait préalablement sollicité l'annula- tion du commandement de payer et de l'assignation qui lui avaient été délivrés M. Y. fait valoir deux moyens. D’une part le syndic ne disposait pas d’un mandat valable pour représenter le syndicat et donc se désister. D’autre part l’annulation du mandat d’un syndic a une portée rétro- active, de sorte que les actes délivrés par ses soins antérieurement au mandat annu- lé ne sont pas valables, peu important que l'annulation ait été prononcée postérieure- ment à la délivrance desdits actes. Le TGI d’Ivry déboute M. X en donnant acte au syndicat secondaire de son désiste- ment. La cour d’appel de Paris confirme (4janvier 2017). La décision. Ayant retenu, nonobstant l'erreur sur la capacité du syndic à représenter le syndicat des copropriétaires lors de l'assignation, laquelle est sans portée, que le syndicat des copropriétaires avait tiré les consé- quences de la décision du 11avril 2013 en se désistant de ses demandes et qu'une autre instance était pendante devant le tri- bunal de grande instance pour obtenir la condamnation de M. Y. au paiement de charges comprenant celles objet de l'ins- tance dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a souverainement déduit que M. Y. ne justifiait pas d'un intérêt légitime à s'oppo- ser au désistement du syndicat des copro- priétaires. Commentaire. On notera que la Cour de cassation ne retient pas l’erreur sur la capacité du syndic à représenter le syndicat des coproprié- taires lors de l’assignation, laquelle est sans portée. En application de l’article 18-II ali-
néa3 de la loi de 1965, le mandat du syn- dic est nul d’effet rétroactif quand le compte bancaire unique n’a pas été ouvert dans les trois mois. Ainsi le syndic par là- m ême ne peut pas agir en justice par exemple pour le recouvrement des charges. En application de l’article 349 du code de procédure civile, le demandeur peut en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. Mais selon l’article 395 du même code « le désistement n’est parfait que par l’accepta- tion du défendeur. Toutefois l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a pré- senté aucune demande au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ». Dans cette affaire le défen- deur avait refusé le désistement et formé une défense au fond. Mais la Cour de cas- sation rajoute un cas de désistement unila- téral qui n’y figurait pas en décidant que M. X. ne justifiait pas d’un intérêt légitime à s’opposer au désistement du syndicat des copropriétaires. Ainsi les juges du fond disposent d’un pou- voir souverain pour apprécier si la non- acceptation du désistement du demandeur est fondée sur un motif légitime. (Cour de cassation, 3 e civ., 1 er février 2018, pourvoi n°17-13980, publié au bulletin). 2-2 Terme du mandat de syndic – délégation de pouvoir Les faits. M. X. et M me Y., propriétaires indivis de plu- sieurs lots de copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires du […] et son syndic, en annulation des décisions n°9 et18 de l'assemblée générale du 6février 2014. Ils sont déboutés par la cour d’appel de Paris (15mars 2017). Les décisions. D’une part pour rejeter la demande en annulation de la décision n°9, relative à la désignation du syndic et à l'approbation de son contrat, la cour d'appel retient que l'assemblée générale a, par cette résolu- tion, renouvelé le mandat de syndic de la société Cabinet Girard jusqu'à l'assemblée générale appelée à approuver le compte de l'exercice arrêté au 31décembre 2013 et que, dès lors qu'il n'a pas été donné pour plus de trois années, puisqu'il pren- dra fin à l'assemblée générale statuant sur l'approbation des comptes de l'exercice 2013, il n'est pas démontré que les disposi- tions des articles28 et29 du décret du 17mars 1967 n'ont pas été respectées; En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette résolution res- pectait l'exigence de la mention, dans le c ontrat de mandat du syndic, de la date calendaire de son échéance, la cour d'ap- pel n'a pas donné de base légale à sa déci- sion. Elle est cassée au visa de l’article 29 du décret du 17mars 1967. D’autre part, pour rejeter la demande en annulation de la décision n°18 donnant mandat au conseil syndical de choisir la société en charge de la réfection de la por- te d'entrée de l'immeuble, la cour d'appel retient que seule la délégation de pouvoir de voter des travaux est soumise à la majo- rité absolue des copropriétaires et que l'as- semblée générale n'a pas décidé de délé- guer ses pouvoirs mais a voté des travaux de réfection pour lesquels elle a seulement donné mandat au conseil syndical d'effec- tuer le choix de l'entreprise dans la limite du budget voté. En statuant ainsi, alors qu'est adoptée à la majorité des voix de tous les coproprié- taires la délégation de pouvoir donnée au conseil syndical de choisir l'entreprise char- gée d'effectuer des travaux, la cour d'ap- pel a violé les articles24 et25 de la loi du 10juillet 1965, ensemble les articles21 et26 du décret du 17mars 1967. Commentaire. En ce qui concerne la désignation du syn- dic et la durée de son mandat, on sait que l’ensemble fait l’objet d’une réglementa- tion contenue aux articles28 (le contrat ne peut excéder trois années) et 29 du décret n°67-223 du 17mars 1967. Ce dernier article dispose notamment: « le contrat de mandat du syndic fixe sa durée et précise ses dates calendaires de prise d’effet et d’échéance (…) ». Dans l’espèce commen- tée, la date de l’échéance ne respectait pas la date calendaire imposée dans le contrat du syndic alors même que la limite trienna- le était respectée. Le premier juge avait, selon la cour d’appel, exactement relevé que dès lors que le mandat du syndic du cabinet Girard n’a pas été donné pour plus de trois années ce qui n’est pas le cas puis- qu’il prendra fin à l’assemblée générale statuant sur l’approbation des comptes de l’exercice 2013, il n’est pas démontré que les dispositions des articles28 et29 ont été respectées. La Cour de cassation censure cette décision. L’arrêt contient aussi une décision intéres- sante en matière de délégation de pou- voirs. En application de l’article 25a) « ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant: a) toute délégation du pou- v oir de prendre l’une des décisions visées à l’article 24 (….). » Dans l’espèce, la résolu- tion n°18 donnait mandat au conseil syn- dical de choisir la société en charge de la réfection de la porte d’entrée de l’im- meuble. Selon la cour d’appel, « le pre- mier juge a exactement relevé d’une part que le vote n’a pas porté sur une déléga- tion de pouvoir mais sur des travaux de réfection de la porte d’entrée; l’assemblée ayant voté ces travaux et ayant seulement donné mandat au conseil syndical d’effec- tuer le choix de l’entreprise dans la limite du budget voté ce qui exclut l’application des dispositions de l’article 25a) de la loi de 1965 ». Et d’ajouter: « seule la délégation du pouvoir de voter des travaux est soumi- se à la majorité absolue des copropriétaires (….) depuis qu’en l’espèce, ce n’est pas le vote des travaux qui a fait l’objet d’une délégation au profit du conseil syndical, mais seulement le choix de l’entreprise pour les réaliser et aucune disposition n’impose la majorité de l’ensemble des copropriétaires pour un tel vote » Ce raisonnement est condamné par la cour suprême: « Est adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires la déléga- tion de pouvoir donnée au conseil syndical de choisir l'entreprise chargée d'effectuer des travaux ». Il s’agit bien d’une déléga- tion de pouvoirs au sens de l’article 25a) de la loi de 1965. (Cour de cassation, 3 e civ., 31mai 2018, M.X. et M me Y. c/syndicat des copropriétaires, socié- té cabinet Girard, pourvoi n°17-18046, publié au bulletin). 2-3 Recours à la procédure de l’ar- ticle 47 (copropriété dépourvue de syndic) et procédure contra- dictoire Les faits. Dans une copropriété, le syndic n’avait pas ouvert dans les trois mois de compte sépa- ré au nom du syndicat sur lequel sont ver- sés sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom et pour le compte du syndi- cat. Un copropriétaire décide de demander aux juges du fonds de désigner un admi- nistrateur provisoire en application non pas de l’article 49 du décret n°67-223 du 17mars 1967 de ce texte sur la carence du syndic mais sur la base de l’article 47, ce 2 9avril 2019 5 S YNDIC JURIS hebdo immobilier ll SECTION 2
texte visant les copropriétés dépourvues de syndic. Il est débouté en appel au motif que cela aurait dû être fait sur la base de l’article 49 ( carence du syndic) (cour d’appel de Paris 26avril 2017) et se tourne vers la Cour de cassation. La décision. La Cour rejette le pourvoi. Lorsque la dési- gnation d'un administrateur provisoire est sollicitée sur le fondement de l'article 47 du décret du 17mars 1967, motif pris de la nullité de plein droit du mandat du syndic, faute d'ouverture d'un compte bancaire séparé au nom du syndicat à l'expiration du délai de trois mois suivant sa désigna- tion, cette nullité doit avoir été constatée préalablement à l'issue d'une procédure contradictoire; la cour d'appel a relevé qu'une procédure contradictoire n'avait pas été mise en œuvre; qu'il en résulte que la requête en désignation d'un admi- nistrateur provisoire devait être rejetée; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié. Commentaire. En application de l’article 47 du décret de 1967 et lorsque la copropriété est dépour- vue de syndic, le président du tribunal de grande instance statuant par ordonnance sur requête, à la demande de tout intéres- sé désigne un administrateur provisoire de la copropriété. La Cour de cassation a admis l’application de ce texte dans un cas de nullité du mandat de syndic dont la nomination avait été annulée par le juge (Cassation, 3 e civ., 3octobre 2001, pourvoi n°00-15622). Dans l’espèce que nous com- mentons, la Cour de cassation décide que le recours à l’article 47 motif pris de la nul- lité de plein droit du contrat de syndic doit avoir été constatée préalablement à l’issue d’une procédure contradictoire et la requête en désignation d’un administra- teur provisoire doit être rejetée. Alors qu’un débat doctrinal s’était instauré sur la nécessité ou non du constat judiciaire de la nullité du mandat de syndic, l’arrêt du 5juillet 2018 impose non seulement le constat judiciaire de cette nullité mais aussi le recours à une procédure contradictoire. Celle-ci permettra alors de voir s’il y a ou non nullité du mandat. L’assemblée générale n’a pu être valable- ment convoquée par le syndic, son mandat étant nul pour défaut d’ouverture de compte séparé dans le délai de trois mois. (Cour de cassation, 3 e civ., 5juillet 2018, M.X. pourvoi n°17-2103, publié au bulletin). 2-4 Nullité du mandat du syndic et procédure contradictoire – Dispen- se d’ouverture de compte Les faits. Deux couples de copropriétaires assignent le syndicat des copropriétaires. Ils font valoir que l’assemblée générale n’a pu être valablement convoquée par le syndic : son mandat étant nul pour défaut d’ouverture du compte séparé dans les trois mois. La décision. Un premier moyen est rejeté. La demande en annulation d'une assemblée générale en raison de la nullité de plein droit du mandat du syndic pour défaut d'ouverture à l'expiration du délai de trois mois suivant sa désignation d'un compte bancaire sépa- ré au nom du syndicat implique qu'il soit statué contradictoirement à l'égard du syn- dic sur le manquement qui lui est repro- ché; qu'ayant relevé que le syndic n'avait pas été attrait à l'instance, la cour d'appel, qui s'est implicitement mais nécessaire- ment fondée sur l'article 14 du code de procédure civile, a exactement retenu que la demande en annulation de l'assemblée générale du 2février 2012 devait être reje- tée. Quant au second moyen, la Cour, au visa de l’article 29-1 alinéa 1 er du décret de 1967, arrête que «La décision, prise en application du septième alinéa de l'article 18 de la loi du 10juillet 1965, par laquelle l'assemblée générale dispense le syndic de l'obligation d'ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat, fixe la durée pour laquelle la dispense est don- née. Pour rejeter la demande en annula- tion de la résolution n°8 de l'assemblée générale du 2février 2012, l'arrêt relève que, par cette résolution, l'assemblée générale des copropriétaires a dispensé le syndic d'ouvrir un compte bancaire ou pos- tal séparé et retient que cette dispense est conforme à l'article 18 de la loi du 10juillet 1965, qui n'exige pas qu'en soit précisée la durée. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ». Commentaire. Dans le cadre de la gestion comptable et financière du syndicat, le syndic est notam- ment chargé d’ouvrir dans l'établissement b ancaire qu'il choisit, un compte séparé au nom du syndicat, sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syn- dicat. (article18-II de la loi de 1965). La sanction au manquement de cette règle est la nullité du contrat de mandat du syn- dic. Cet arrêt se situe dans le droit fil de celui du 5juillet 2018 commentée précé- demment. Il faut qu’il soit statué contradic- toirement à l’égard du syndic sur le man- quement qui lui est reproché. Le syndic doit donc être attrait à l’instance, la déci- sion étant prise en application de l’article 14 du code de procédure civile. Selon ce texte: « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». La Cour de cassation arrête aussi que la décision prise en application de l’alinéa sept de l’article 18 et qui prévoit que « Toutefois, lorsque le syndicat comporte au plus quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, l'assemblée générale peut, à la majorité de l'article 25 et, le cas échéant, de l'article 25-1, dispen- ser le syndic soumis à la loi n°70-9 du 2janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, ou dont l'activité est soumise à une réglementation profession- nelle organisant le maniement des fonds du syndicat, d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat », il est néces- saire dans ce cas de fixer la durée pour laquelle la dispense est prévue. Ceci résulte de l’article 29-1 du décret n°67-223 du 17mars 1967 qui dispose: « La décision, prise en application du septième alinéa de l'article 18 de la loi du 10juillet 1965, par laquelle l'assemblée générale dispense le syndic de l'obligation d'ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syn- dicat fixe la durée pour laquelle la dispen- se est donnée ». Le respect de ces deux règles est impératif pour voir sanctionner le manquement du syndic. (Cour de cassation 3 e civ., 25octobre 2018, M.et M me B. et M me X. c/syndicat des copro- priétaires, pourvoi n°17-20131, publié au bulletin). 2 9avril 2019 6 S YNDIC JURIS hebdo immobilier ll SECTION 2
3-1 Bureau de l’assemblée généra- le: pas plus d’un président de séance Les faits. M me Y. copropriétaire de lots assigne le syn- dicat des copropriétaires de la résidence le Globe en annulation de plusieurs délibéra- tions de l’assemblée des copropriétaires en date du 7février 2012; en appel, elle fait valoir l’annulation de l’assemblée généra- le. Pour rejeter la demande, la cour d’ap- pel de Grenoble (20septembre 2016) retient que la désignation de plusieurs pré- sidents de séance n’est pas interdite. La décision. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel: « l’assemblée générale ne peut désigner qu’un seul président ». Commentaire. Le bureau de l’assemblée générale n’est pas l’armée Mexicaine serait-on tenté de s’exclamer à la lecture de l’arrêt (dans une copropriété comportant, il est vrai, plu- sieurs immeubles). Selon la lecture de l’ar- ticle 15 du décret n°67-223 « Au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne, sous réserve des dispositions de l’article 29-1 de la loi du 10juillet 1965 de et de l'article 50 (alinéa 1 er ) du présent décret, son président et, s'il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs. Le syndic assure le secrétariat de la séance, sauf décision contraire de l'assemblée générale ». Le présent en droit a une valeur impérati- ve et les choses sont claires. Cet article est d’ordre public comme la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de l’énoncer: « le pro- cès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires doit contenir les indications prescrites sur les conditions de vote, sur la désignation du président de séance et du bureau et leurs résultats; que l’inobserva- tion de ces formalités substantielles entraî- ne la nullité de l’assemblée générale » (Cassation 3 e civ. 22septembre 2009). Ainsi il ne peut y avoir qu’un seul président par assemblée. (Cour de cassation 22mars 2018, 3 e civ. M me Y. c/ Syndicat des copropriétaires de la résidence Le Globe, pourvoi n°16-27481, publié au bulletin). 3-2 Annulation d’assemblées géné- rales en cascade Les faits. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1 er février 2017), la SCI Danjou (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires du 15 rue Marmontel (le syndicat) en annula- tion de l'assemblée générale du 30juin 2011 et, subsidiairement, de ses résolutions n°22 et27. En première instance, elle s'est désistée de sa demande principale. Un arrêt du 10décembre 2014 a annulé l'as- semblée générale du 8décembre 2010 ayant désigné le syndic, auteur de la convocation des copropriétaires à celle du 30juin 2011. La décision. Sur le premier moyen, attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en annulation de l'assemblée générale du 30juin 2011. Mais attendu qu'ayant relevé que, la SCI ayant abandon- né en première instance sa demande initia- le en annulation de l'assemblée en son entier, cette demande constituait une pré- tention nouvelle et que rien n'empêchait la SCI, qui avait initié l'instance en annula- tion de l'assemblée du 8décembre 2010, d'invoquer, en première instance, la nullité de l'assemblée fondée sur le défaut de qualité du syndic l'ayant convoquée, la cour d'appel en a exactement déduit que l'arrêt du 10décembre 2014 ne constituait pas un fait nouveau. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé. Mais sur le second moyen : Vu l'article 455 du code de procédure civile. Attendu que l'arrêt rejette la demande en annulation de la résolution n°22 aux motifs qu'elle a été votée aux conditions de majorité pré- vues par la loi; Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI qui sou- tenait que l'annulation de l'assemblée générale du 8décembre 2010 désignant le syndic ayant convoqué l'assemblée entraî- nait celle de cette résolution, la cour d'ap- pel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. En conséquence, la Cour casse et annule mais seulement en ce qu'il déboute la SCI Danjou de sa demande d'annulation de la résolution n°22 de l'assemblée générale du 30juin 2011 du syndicat des coproprié- taires du 15 rue Marmontel, l'arrêt rendu le 1 er février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris. Commentaire. Cet arrêt de pure procédure est typique des situations auxquelles peuvent se trou- ver confrontées les « nullités en cascade » tel que le relate un attendu d’une décision de la Cour de cassation. Le mécanisme des annulations en cascade a pour origine un syndic, auteur d’une convocation rendant passible de nullité les assemblées convo- quées postérieurement. La Cour de cassa- tion a pu juger que « Viole l'article 7 du décret du 17mars 1967, ensemble l'article 42, alinéa2, de la loi du 10juillet 1965, la cour d'appel qui, pour refuser d'annuler une assemblée générale, retient que cette assemblée a été convoquée par le syndic dont la désignation n'était pas annulée au jour de sa convocation, qu'elle a donc pu se tenir régulièrement puisque dans cette hypothèse le syndic tient ses pouvoirs de la loi, alors que par l'effet rétroactif de l'an- nulation d'une assemblée générale anté- rieure qu'elle prononce et qui le désignait, le syndic n'avait plus cette qualité lors de la convocation de l'assemblée générale dont l'annulation était poursuivie » (Cour de cassation 3 e civ, 8juin 2011, pourvoi n°10- 20231, publié au bulletin). C’est ce qui était arrivé à la SCI Danjou. Au niveau du tribunal de grande instance, elle s’était désistée de sa demande principale se limitant à l’annulation des demandes d’annulation des résolutions 22 et 27. Mais la SCI devant la cour demandait au juge la nullité de toute l’assemblée du 30juin 2011 au motif que le syndic n’avait pas pouvoir pour la convoquer, sa désignation par l’assemblée générale du 8décembre 2010 ayant été annulée par arrêt du 10décembre 2014. La SCI soutenait qu’il s’agissait d’un fait nouveau régi par l’ar- ticle 564 du code de procédure civile ayant pour conséquence la recevabilité de sa demande. Selon l’article 564: « À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nou- velles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la surve- nance ou de la révélation d'un fait ». Mais cet argument est rejeté par la cour d’ap- 2 9avril 2019 7 A SSEMBLÉESGÉNÉRALES JURIS hebdo immobilier ll SECTION 3 SECTION III - ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
pel. Elle est approuvée par la Cour de cas- sation: selon elle « Rien n'empêchait la SCI, qui avait initié l'instance en annulation de l'assemblée du 8décembre 2010, d'invo- q uer, en première instance, la nullité de l'assemblée fondée sur le défaut de qualité du syndic l'ayant convoquée, la cour d'ap- pel en a exactement déduit que l'arrêt du 10décembre 2014 ne constituait pas un fait nouveau ». L’arrêt est finalement cassé pour violation de l’article 455 du code de procédure civile. Selon ce dernier « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé ». Or, cela n’était pas le cas en l’espèce « Attendu que l'arrêt rejette la demande en annulation de la résolution n°22 aux motifs qu'elle a été votée aux conditions de majorité prévues par la loi. Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI qui soutenait que l'annulation de l'assemblée générale du 8décembre 2010 désignant le syndic ayant convoqué l'assemblée entraînait celle de cette résolution, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ». Enfin, si l’article 564 du code de procédure civile interdit les prétentions nouvelles, il y a l’article 565 du même code selon lequel: « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ». Tout ceci fait qu’en cas d’annulation du mandat de syndic après jugement en cas d’annulation en cascade d’assemblées générales, il n’est pas possible de fonder une demande nouvelle en annulation de cette assemblée générale mais en revanche, cet article permet de fonder une demande en annulation d’une résolution formulée en 1 ère instance pour d’autres motifs. (Cour de cassation, civ., 25octobre 2018, SCI Danjou c/ syndicat des copropriétaires du 15 rue Marmontel, pourvoi n°17-25812, publié au bulletin). 3-3 Société copropriétaire et convocation à l’assemblée générale Les faits. La Sarl Mivipal assigne le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Charmes en annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 23février 2012. Elle lui reproche d’une part le fait que la convocation avait été adressée à la « Société Mifipal représentée par M. Z. » à u ne adresse postale différente de celle de M. et M me Z. Elle lui reproche aussi que M. Z., titulaire de trois délégations de droit de vote avait par ailleurs voté en tant que représentant de la société Résidences des Charmes. Ses prétentions sont rejetées par la cour d’appel de Dijon le 26janvier 2016. La décision. Pour la Cour de cassation, la mention inexacte du représentant d’une société dans sa convocation à une des assemblées générales des copropriétaires adressée à son siège n’affecte pas sa régularité. S’agis- sant des pouvoirs, la Cour arrête que l’as- semblée s’était régulièrement tenue. Commentaire. En ce qui concerne la matière de la convo- cation des sociétés, il existe l’article 23 de la loi de 1965 mais qui ne concerne que les sociétés d’attribution comme la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de l’arrêter; « viole ce texte une cour d’appel qui applique ces dispositions à l’assemblée générale des copropriétaires d’une société civile immobilière » (Cour de cassation, 3 e civ., 9novembre 2005, pourvoi n°04- 13570, publié au bulletin). Pour l’applica- tion de cet article23, chacun des associés reçoit notification des convocations ainsi que des documents visés au précédent article. En ce qui concerne la société Mivipal, les juges du fond de manière prétorienne décident que la mention inexacte du représentant de la société adressée à son siège n’affecte pas sa régularité. Un deuxième principe est édicté dans cet arrêt au sujet du nombre de trois déléga- tions de vote en plus d’un droit de vote en tant que représentant légal d’une société. On sait que le copropriétaire mandataire ne peut recevoir plus de trois délégations de vote (article22 de la loi de 1965). Or, la Cour de cassation a arrêté que le copro- priétaire qui participe à l’assemblée géné- rale en tant que mandataire commun d’une indivision peut recevoir jusqu’à trois délégations de vote (Cour de cassation, 3 e civ. 1 er juillet 2009, pourvoi n°08-18109, publié au bulletin). Pour les époux com- muns en biens dès lors qu’aucun des copropriétaires n’avait excédé la limite de trois mandats et que le nombre de tan- tièmes représentés par chacun d’eux était dès lors indifférent (Cour de cassation, 3 e civ., 2octobre 2012, pourvoi n°11-20596). Cette jurisprudence on le notera de sur- croît satisfait au principe édicté à l’article 1 153 du code civil entre les différents modes de représentation: la représenta- tion légale, la représentation judiciaire et la représentation conventionnelle. (Cour de cassation, 3 e civ., 23novembre 2017, société Mivipal c/ syndicat des copropriétaires de la résidence des charmes, pourvoi n°16- 20311, publié au bulletin). 3-4 Validité du contrat de syndic et convocation d’une assemblée générale Les faits. M. et M me Y., copropriétaires, ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Saint-Roch et la société Cabinet Daude, son syndic, en annulation des décisions votées lors de l'assemblée générale du 1 er décembre 2011 et de l'assemblée géné- rale du 25juin 2012. M. et M me Y. font grief à l'arrêt (Aix-en-Pro- vence, 16juin 2016), de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, que l'as- semblée générale des copropriétaires n'est valablement convoquée par le syndic que s'il est régulièrement en exercice lors de la réception par les copropriétaires de leur convocation; qu'en se bornant à retenir qu'il importait peu que le mandat du syn- dic ait expiré lors de la tenue de l'assem- blée générale des copropriétaires pour rejeter la demande de nullité des époux Y. de l'assemblée générale du 1 er décembre 2011 et, consécutivement, du 25juin 2012, sans rechercher, comme il le lui était demandé si, à réception de la convocation le 29octobre 2011 par les copropriétaires, le syndic était toujours en activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 du décret du 17mars 1967. La décision. Le pourvoi est rejeté. Le mandat du syndic doit être en cours au jour de l’envoi des convocations à une assemblée générale de copropriétaires. Dès lors, une cour d’appel n’est pas tenue de rechercher s’il a expiré au jour de la réception de ces convocations ou de la tenue de l’assemblée générale. Commentaire. A l’occasion des opérations de convocation d’une assemblée générale, trois dates se 2 9avril 2019 8 A SSEMBLÉESGÉNÉRALES JURIS hebdo immobilier ll SECTION 3
présentent au praticien: en premier le jour de l’envoi de la convocation; en second le jour de la réception par le copropriétaire et en troisième lieu le jour de la tenue de l ’assemblée générale. Que se passe-t-il si le contrat de mandat du syndic est nul à l’une ou l’autre de ses dates? quelles sont les conséquences eu égard à la validité de l’assemblée? La lecture du 2 e alinéa de l’ar- ticle 7 du décret de 1967 permet d’appor- ter la réponse. Selon ce texte (….) « L’as- semblée est convoquée par le syndic ». Si son mandat a expiré, la convocation est nulle (Cour de cassation, 3 e civ., 7sep- tembre 2011, pourvoi n°10-18312). Dans l’arrêt que nous commentons, la validité du contrat du syndic est appréciée au jour de l’envoi. Dès lors que l’envoi est fait le jour où le mandat du syndic est encore valable, peu importent le jour de réception et celui de tenue de l’assemblée. Dans cet- te espèce, la convocation avait été faite par lettre du 26octobre 2011 pour une assemblée le 1 e r décembre 2011, l’expira- tion du mandat de syndic intervenant le 28octobre 2011. La convocation était donc valable. (Cour de cassation 3 e civ., 19octobre 2017, M.et M me Y. c/ syndicat des copropriétaires de l’immeuble Saint-Roch et la société Dau- de, syndic, pourvoi n ° 16-24646, publié au bulletin). 3-5 Modification de la répartition des charges. Nécessité d’une déci- sion unanime prise en assemblée générale Les faits. M. X., propriétaire de lots dans le bâtiment C d'une copropriété dont le règlement prévoit que les charges spéciales sont réparties entre les propriétaires des lots de chacun des bâtiments, a assigné le syndicat des copropriétaires Le Sud (le syndicat) en répétition d'un indu de charges et en sous- traction de son compte individuel des appels de fonds relatifs à la réfection des escaliers A et B. La décision. Pour rejeter ces demandes, le jugement (tribunal d’instance de Nice en dernier res- sort le 19mai 2016) retient que le syndicat prouve par la production d'attestations de copropriétaires et de divers procès-verbaux d'assemblée générale que des résolutions ont été adoptées par les copropriétaires qui démontrent que les charges spéciales des trois bâtiments ont été réparties en charges générales et que M. X. a acquiescé à cette règle établie depuis de nombreuses années au sein de la copropriété; E n statuant ainsi, alors que la répartition des charges ne peut être modifiée que par une décision d'assemblée générale adop- tée à l'unanimité des voix, le tribunal d'ins- tance a violé l’article 11 alinéa 1er de la loi de 1965. Commentaire. Selon l’article 11 de la loi de 1965, la répar- tition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires. Tou- tefois, lorsque des travaux ou des actes d’acquisition et de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l’assem- blée générale statuant à la même majori- té. Pour que les charges puissent être modi- fiées, il faut donc une décision unanime des copropriétaires recueillie dans une assemblée générale sauf l’exception posée par l’article 11. Les autres procédés ne sont pas admis. C’est ainsi qu’une nouvelle répartition des charges ne peut résulter implicitement de l’approbation des comptes de la copropriété pour certains exercices (Cassation, 3 e civ., 25novembre 2003, pourvoi n°02-14119). Dans une espèce, deux modificatifs au règlement de copropriété avaient été établis par acte notarié. Le juge avait décidé que les deux modificatifs avaient été signés à l’unanimi- té des copropriétaires et n’avaient pas besoin d’être approuvés ou ratifiés par une assemblée générale. Mais la Cour de cassa- tion n’admet pas le procédé et casse l’arrêt de l’affaire (Cassation, 3 e civ., 14juin 2000, pourvoi n°98-20526). Enfin, dans le cadre d’un protocole d’accord, « la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches ou interprétation que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement retenu que la décision de modifier la répartition des charges de copropriété devait être prise en assemblée générale des copropriétaires à l'unanimité des voix, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 11 de la loi du 10juillet 1965 et ne pouvait en aucun cas procéder d'un acte signé par les coproprié- taires et qu'en l'absence d'une telle déci- sion et de toute faute imputable au syndi- cat des copropriétaires, les sommes récla- mées par ce dernier au titre de charges impayées, justifiées par les pièces pro- duites, devaient être allouées et la deman- de de dommages-intérêts rejetée » (cassa- tion 3 e civ., 8avril 2008, pourvoi n°07- 1 4020)., Cet arrêt permet de faire prendre conscience de la nécessité de faire respec- ter une règle de forme imposée alors même qu’une autre semblait satisfaisante. (Cour de cassation, 3 e civ. 14septembre 2017, M.X. c/ Syndicat des copropriétaires Le sud, pourvoi n°16-20751). 3-6 PV d’assemblée et mention des réserves Les faits. M. Y. a assigné le syndicat des coproprié- taires du […] et la société La Gestion tradi- tionnelle, son syndic, en annexion au pro- cès-verbal de l'assemblée générale du 5mars 2015 d'une note qu'il avait adressée au syndic. M. Y. fait grief à l'arrêt (Paris, 4octobre 2016 rendu en référé), de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, que l'ar- ticle 17 du décret du 17mars 1967 dispose qu'il est établi un procès-verbal des déci- sions de chaque assemblée générale des copropriétaires et que ce procès-verbal «mentionne les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou asso- ciés opposants sur la régularité des déci- sions»; que devant la cour d'appel, M.Y. faisait valoir que le syndic refusait obstiné- ment de joindre au procès-verbal de l'as- semblée générale du 5mars 2015 les réserves qu'il avait exprimées, ce refus constituant un trouble manifestement illi- cite; qu'en écartant ce moyen au motif que «M.Y. n'établit pas en quoi l'absence d'annexion de la note jointe à la somma- tion qu'il a fait délivrer au syndic le 26février 2015, faisant état de ses doléances et contestations de l'ordre du jour de l'assemblée, au procès-verbal de cette assemblée serait constitutive d'un trouble manifestement illicite, en l'absence de fondement textuel à cette exigence», alors qu'il existe un fondement textuel à l'obligation invoquée par M. Y., la cour d'appel a violé l'article 809 du code de pro- cédure civile et l'article 17 du décret du 17mars 1967. La décision. Mais attendu que la mention au procès- verbal d'une assemblée générale des réserves formulées par les copropriétaires 2 9avril 2019 9 A SSEMBLÉESGÉNÉRALES JURIS hebdo immobilier ll SECTION 3
ou associés opposants sur la régularité des décisions ne concerne que celles émises lors du déroulement de celle-ci; qu'ayant exactement retenu que la demande d'an- n exion au procès-verbal de l'assemblée de la note faisant état des doléances et contestations de l'ordre du jour adressée au syndic le 26février 2015 était dépour- vue de fondement textuel, la cour d'appel a pu écarter l'existence d'un trouble mani- festement illicite. Commentaire. Il peut parfois paraître étrange alors que la loi de 1965 fête ses 54 ans que certains principes doivent faire l’objet de rappels p ubliés au bulletin. En application de l’ar- ticle 17 alinéa3 du décret du 17mars 1967 relatif au procès-verbal de l’assemblée, il est précisé: « Le procès-verbal mentionne les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions ». Il doit être bien entendu que ces réserves sont celles qui ont été soulevées au cours de l’assem- blée et non avant sous forme de notes à joindre au PV. Ce document ne peut faire mention que des réserves formulées lors d e l’assemblée générale et mentionnées à son PV. (Cour de cassation 3 e civ., 23novembre 2017, M.Y. c/ syndicat des copropriétaires et la société La Gestion traditionnelle, syndic, pourvoi n°16-25125, publié au bulletin). 2 9avril 2019 10 M AJORITÉS JURIS hebdo immobilier ll SECTION 4 SECTION IV - MAJORITÉS 4-1 Occupation précaire de parties communes – majorité applicable Les faits. M. X. et la société L'Aigle blanc, proprié- taires de lots à usage de restaurant dans un immeuble placé sous le régime de la copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la déci- sion de l'assemblée générale du 27avril 2013 autorisant l'occupation à titre précai- re des parties communes extérieures par la société Le Rencard, locataire d'un lot à usa- ge de restauration rapide. Les appelants estiment principalement que cette autori- sation relevait de la majorité qualifiée de l’article 26 de la loi de 1965. Ils sont débou- tés par la cour d’appel de Chambéry (3mars 2017). Ils forment un pourvoi. La décision. Mais attendu qu'ayant relevé que l'occu- pation de parties communes, consentie par la résolution attaquée à titre précaire et sur une surface déterminée, était révo- cable et que la terrasse installée par la société Le Rencard était démontable, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, ni de répondre à un moyen inopérant tiré de l'autorité de la chose jugée, a exactement retenu que la décision relevait de la majorité prévue à l'article 24 de la loi du 10juillet 1965. Commentaire. On doit préalablement rappeler que la majorité de l’article 24 alinéa 1 er de la loi de 1965 vise les décisions qui sont prises à la majorité des voix exprimées des copro- priétaires s’il n’en est autrement ordonné par la loi. Il s’agit donc d’une majorité de droit commun. Les copropriétaires de deux lots prétendaient que la décision aurait dû être prise à la majorité de l’article 26b) de la loi (majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix pour les décisions concernant la modi- fication ou éventuellement l’établissement du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance l’usage et l’administration des parties communes). Pour la cour d’appel, il est de jurisprudence constante que l’autorisation d’occupation à titre précaire des parties communes relè- ve de la majorité simple de l’article 24; en l’espèce la résolution d’autorisation précise que la convention d’occupation de parties communes consentie à la société Le Ren- card l’est à titre précaire sur une zone clai- rement délimitée pour une durée d’un an renouvelable sur nouvelle demande d’au- torisation faite à l’assemblée des copro- priétaires. La Cour de cassation approuve cette déci- sion en imposant toutefois l’obligation de respecter trois critères: assiette détermi- née, révocabilité et caractère démontable de l’installation. Ce faisant, la Cour durcit un peu sa jurisprudence puisqu’en 2010 elle arrêtait, dans une affaire d’utilisation partielle de comble à titre précaire: « la cour d’appel en a exactement déduit que l’autorisation délivrée aux époux X. d’utili- ser ce local était un acte de simple adminis- tration qui devait être donné par l’assem- blée générale à la majorité de l’article 24 de la loi du 10octobre 1965 » (Cassation, 3 e civ., 2mars 2010, pourvoi n°09-13090). La décision que nous commentons établit un juste équilibre entre les parties. (Cour de cassation, 3 e civ., 5avril 2018, M.X.. et la société L’Aigle blanc c/ syndicat des copropriétaires, pourvoi n°17-14138, publié au bulletin). 4-2 Travaux et choix de la majorité applicable Les faits. Deux copropriétaires attaquent des résolu- tions d’une assemblée générale et forment une demande de dommages et intérêts à l’encontre du syndicat secondaire et du syndic. Ils font grief à l’arrêt attaquè de rejeter leur demande en annulation de la résolution n°11 relative à l’aménagement du local poubelle de la copropriété qui selon eux aurait dû être voté à la majorité de l’article 25 de la loi de 1965. Ils atta- quent aussi une résolution ayant pour conséquence le remplacement de la moquette par du carrelage laquelle aurait dû elle aussi être voté à la majorité de l’ar- ticle 25. Décisions. En ce qui concerne le 1 er de ces griefs, la Cour de cassation arrête « qu'ayant consta- té que le local à poubelles était régulière- ment dégradé ou souillé et que les travaux votés, consistant à l'aménager et à l'entre- tenir, permettaient d'y remédier en le fer- mant pour limiter son accès aux seuls copropriétaires, la cour d'appel en a exac- tement déduit qu'il s'agissait de travaux d'entretien relevant de la majorité simple des voix exprimées des copropriétaires pré- sents ou représentés, prévue par l'article 24
de la loi du 10juillet 1965 » Le moyen n’est pas fondé. En revanche, elle arrête que « pour rejeter la demande en annula- tion de la résolution n°14, l'arrêt retient, q u'en principe, le remplacement de la moquette par du carrelage relève de tra- vaux soumis à la majorité simple de l'ar- ticle 24; Qu'en statuant ainsi, sans analyser les raisons pour lesquelles ces travaux avaient été décidés ni leurs conséquences pour les copropriétaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa déci- sion » en conséquence elle casse ce passa- ge de l’arrêt (Aix-en-Provence, 22sep- tembre 2016). Commentaire. Cet arrêt est des plus intéressant pour savoir de quelle majorité relèvent des tra- vaux votés par la copropriété. Dépendent de l’article 24-II-a) « les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ». La question qui se pose est celle de savoir comment faire la d istinction avec les travaux comportant transformation addition ou amélioration et votés par l’article 25-n) de la loi. C’est-à- dire la majorité des voix de tous les copro- priétaires. La jurisprudence apporte quelques élé- ments de réponse. Ainsi a-t-elle approuvé une cour d’appel d’avoir considéré que la séparation d’un balcon, l’ouverture d’une porte dans une balustrade du balcon du gardien, la pose d’un téléphone pour le gardien la pose de vasques de fleurs, l’éclairage de la cave du gardien, l’éclaira- ge du local vide-ordures et la fourniture de quatre cendriers, s’analysaient en travaux ou aménagements de minime importance et concernaient l’entretien de l’immeuble et ne sauraient être tenus pour des amélio- rations (Cour de cassation, 3 e civ., 3décembre 1977, pourvoi n°76-12240). On le voit donc: ce sont des travaux qui n ’ont pas une grande ampleur. On peut dire que l’appréciation doit se faire au cas par cas. Cette espèce doit être approuvée. Quant aux travaux de substitution du car- relage à la moquette auxquels est appli- cable, selon la cour d’appel la majorité de l’article 24, la Cour casse cette partie de l’arrêt pour avoir statué sans analyser les raisons pour lesquelles ces travaux avaient été décidés, ni leur conséquence pour les copropriétaires. Une simple description ne suffit pas. Il faut faire preuve de pédago- gie (Cour de cassation, 3 e civ., 18janvier 2018, M.X. et la SCI Rejosc c/ le syndicat principal de la résidence les (…) et la socié- té Cap immo sud son syndic, pourvoi n°16- 27470). 2 9avril 2019 11 T RAVAUX JURIS hebdo immobilier ll SECTION 5 SECTION V - TRAVAUX 5-1 Travaux non autorisés et remise en état des lieux Les faits. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3mai 2016), rendu en référé, les consorts Y., proprié- taires indivis d'un local commercial situé dans un immeuble en copropriété et don- né à bail à une société qui a, par la suite, cédé son fonds de commerce à la société Maison Paris 10, laquelle y exploite une activité de restauration, ont assigné celle-ci en cessation des travaux de remplacement du conduit d'évacuation des fumées et en remise en état des lieux; le syndicat des copropriétaires du [...] est intervenu volontairement à l'instance. L’arrêt de la cour d’appel a ordonné l’arrêt immédiat des travaux entrepris et a condamné les consorts Y. à remettre les lieux en l’état. La décision. La Cour de cassation confirme l’arrêt d’ap- pel: « Justifie légalement sa décision une cour d'appel qui retient que la remise en état des lieux est la seule mesure nécessai- re et proportionnée à la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la pose, sans autorisation préalable de la copropriété, d'un conduit d'évacuation des fumées nécessaire à l'exercice d'une activi- té de restauration, dès lors que la régulari- sation des travaux n'est qu'hypothétique et que tout aménagement envisagé par le restaurateur n'est pas de nature à assurer le respect du règlement de copropriété ». Commentaire. Voilà un arrêt intéressant quand le copro- priétaire ou son locataire exerce dans les lieux concernés une activité de restaura- tion nécessitant généralement la pose d’équipements comme c’était le cas ici. Le règlement de copropriété qui aurait dû être respecté ici avait été violé. Un locatai- re ne peut pas jouir de plus de droits qu’il n’en a et doit recourir à la copropriété réunie en assemblée générale sur convoca- tion du syndic pour la réalisation des tra- vaux lorsque ceux-ci affectent les parties communes de l’immeuble. Dans l’espèce commentée, la pose d’un nouveau conduit imposait le recours à une décision d’assem- blée prise à la majorité de l’article 25b) de la loi de 1965 ce qui n’avait pas été le cas. Tant pis dans ces conditions pour le restau- rateur qui tablait peut-être sur une régula- risation postérieure: la réparation du trouble ainsi causé était sanctionnée par la remise en état des lieux. Ce qui est la posi- tion classique de la jurisprudence (voir cependant arrêt ci-après). Précisons pour conclure que les baux commerciaux contiennent parfois des clauses aména- geant un éventuel droit à faire des travaux et que ceux-ci font toujours référence à la copropriété. Enfin la transformation maté- rielle des lieux et les travaux exécutés par le locataire sans les autorisations néces- saires peuvent aussi constituer un motif grave et légitime de refus de renouvelle- ment du bail sans indemnité (Cassation, ch. Commerciale 7janvier 1963, BC III n°137). (Cour de cassation 3 e ch. civile, 15février 2018, consorts X. c/ Maison Paris 10 et syndi- cat des copropriétaires, pourvoi n°16-17759, publié au bulletin). 5-2 Travaux non autorisés - pas de remise en état Les faits. La SCI Méditerranée Broche d'Or (la SCI), propriétaire de lots dans un immeuble sou- mis au statut de la copropriété, a entrepris des travaux affectant les parties com- munes. Se prévalant de l'absence d'autori- sation de l'assemblée générale, le syndicat des copropriétaires du 4 rue École Centrale
(le syndicat) l'a, après expertise, assignée en remise en état des lieux. La décision. S ur le moyen unique du pourvoi principal, la cour (Montpellier, 3novembre 2015), rejette ce pourvoi attendu, d'une part, que, la SCI soutenant que la remise en état des lieux constituerait une atteinte à la solidité de l'immeuble en diminuant les renforcements actuels au point qu'elle le mettrait en danger, la cour d'appel n'a pas soulevé d'office le moyen tiré de l'impossi- bilité de remettre les lieux en leur situation initiale; Et que d’autre part c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que le risque gra- ve de fragiliser à nouveau la structure de l'immeuble rendait impossible la remise des lieux en leur situation initiale. Commentaire. Sans aller jusqu’à révolutionner la matière, l’arrêt du 8juin 2017 apparaît novateur au regard de la sanction de travaux privatifs non autorisés. L’article 9 de la loi de 1965 permet aux copropriétaires de faire des travaux dans leur lot. Mais ces derniers peuvent dans certains cas être subordon- nés à l’autorisation préalable de l’assem- blée générale. Toutefois en cas de défaut de délivrance de cette autorisation ou de son non-respect, la sanction est l’obligation de remettre les lieux dans leur état d’origi- ne. Comme le fait remarquer une décision de la Cour suprême: « Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les travaux effectués en1973 et1990 par M me B., copropriétaire, aux troisième et quatrième étages de l'immeuble en copro- priété, non conformes aux autorisations données par l'assemblée générale des copropriétaires, avaient entraîné à la fois des aménagements sur des parties com- munes non autorisés et des appropriations illicites de ces parties communes, par la création d'une pièce dans les combles, par- ties communes aux termes du règlement de copropriété et dont l'usage exclusif ne conférait pas la propriété et par le rehaus- sement de la toiture, par la création d'une cage d'escalier ressortant de la couverture, par la prolongation de la terrasse entraî- nant la disparition de la charpente com- mune jusqu'à la façade arrière de l'im- meuble, par l'agrandissement de la pièce sous couverture, par une deuxième surélé- vation de l'ensemble de la couverture, par l'élargissement de fenêtres sur rue, la cour d'appel, qui, sans dénaturation, a ordonné la restitution des parties communes indû- ment annexées et a, aux termes d'une appréciation souveraine du mode et de l 'étendue de la réparation du dommage, condamné M me B. à remettre les parties communes dans leur état d'origine en conformité avec l'état descriptif de division » (cassation, 3 e civ., 6mars 2002, pourvoi n°01-00335). Mais il y a des exceptions qui confirment la règle et quelques décisions rarissimes ont pu écarter cette obligation de la remise en état. Ainsi en est-il d’un arrêt rendu le 22octobre 2015 (cassation, 3 e civ., 22octobre 2015, pourvoi n°14-20427) sur pourvoi de la cour d’appel de Paris (18décembre 2013), qui a refusé la remise en état. Dans l’affaire qui nous préoccupe, les tra- vaux réalisés étaient différents de ce qui était autorisé. L’arrêt citait le rapport d’ex- pert devant la cour d’appel: « cette visite des lieux nous permet d’affirmer que les travaux n’ont entraîné aucun dommage sur la structure de l’immeuble et que par contre la démolition du soubassement pré- sente un réel danger pour la stabilité des murs (…) Qu’en conséquence la cour esti- me qu’il est impossible de remettre les lieux en leur situation initiale sans prendre le risque grave de fragiliser à nouveau la structure de l’immeuble ». Ceci a pour conséquence le rejet du moyen. Peut-on alors voir une exception à la règle de la remise en état. Nous pensons que non: cet arrêt (non publié) est un cas d’es- pèce et non un arrêt de principe. Tout au plus peut-on alors souhaiter pour l’avenir qu’il soit fait application du nouvel article1221 du code civil qui exclut l’exécu- tion en nature d’une obligation contrac- tuelle « si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ». (Cour de cassation 3 e civ., 8juin 2017, SCI Méditerranée Broche d’or c/ syndicat des copropriétaires Ecole centrale, pourvoi n°16- 16677). 5-3 Droit d’accès aux locaux et trouble manifestement illicite Les faits. Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17mai 2016), rendu en référé, que la SCI Bellifontaine, propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copro- priété, et la société Bernard Bruche France, locataire de ces locaux, ont été assignées par le syndicat des copropriétaires pour obtenir l'autorisation d'accéder à leurs l ocaux afin de procéder à un mesurage complet des surfaces. La décision. L’assemblée générale de copropriétaires ayant donné mission à un géomètre de procéder à un mesurage des lots de copro- priété, une cour d'appel a pu retenir que l'ingérence résultant de cette décision et impliquant que le géomètre pénètre dans le domicile de copropriétaires ne portait pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de celui-ci au regard du but légitime poursuivi, visant à s'assurer que la répartition des charges était en adé- quation avec les surfaces respectives des différents lots, et en déduire que le refus de laisser le géomètre accomplir sa mission était constitutif d'un trouble manifeste- ment illicite. Commentaire. Cette décision est une des plus importante car au-delà du droit d’accès à un lot, elle permet de prendre conscience de tout
Au Sommaire :
– I – Fondamentaux – p. 2
– II – Syndic – p. 4
– III – Assemblées générales – p. 7
– IV – Majorités – p. 10
– V – Travaux – p. 11
– VI – Responsabilités – p. 13
– VII – Procédure – p. 14